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e monitoring anesthé- sique prend une place de plus en plus grande dans l’activité chirurgi- cale du praticien. La surveillance clinique (couleur des muqueuses, temps de recoloration capillaire, etc.), et celle du rythme cardiaque ( via un électrocardiographe) et de la fréquence respiratoire (via un détecteur d’apnée) permettent un contrôle peropératoire correct. Une surveillance de la température (par sonde rectale ou œsophagienne) permet d’améliorer la qualité de l’anes- thésie et du réveil. D’autres paramètres peuvent également être suivis parmi lesquels l’oxymétrie pulsée et surtout, la capnométrie/capnographie. Dans le cadre de l’anesthésie d’animaux à risque anesthé- sique élevé ou en situation d’urgence (syndrome dilata- tion-torsion de l’estomac, déshydratation, etc.), les mesures de la pression artérielle (PA) et de la pression veineuse centrale (PVC) permettent de contrôler l’homéostasie de l’animal, perturbée par les molécules anesthésiques employées et l’affection initiale. ! Détection des hypo et des hypertensions La mesure de la pression artérielle (PA) permet de surveiller l’efficacité de la pompe cardiaque. La techni- que de pose d’un cathéter artériel à l’artère métatarsale dorsale nécessite un peu d’entraînement. Néanmoins, l’obtention d’une PA invasive est plus utile que celle de la PA non invasive car elle permet une surveillance plus fiable et surtout l’obtention d’une courbe de pression continue (voir la FIGURE “Électrocardio- gramme et mesure invasive de la pression artérielle”). Chez un chien anesthésié, la pression artérielle systolique normale est de 100 à 140 mmHg, la diastolique de 40 à 80 et la moyenne de 70 à 90 mmHg. Elles peuvent varier en fonction du protocole anesthésique utilisé. Une pression artérielle moyenne inférieure à 60 mmHg signe une hypotension et compromet la perfusion des organes nobles (cœur, cerveau, reins, etc.). L’hypotension peut être due à une hypovolémie, à une vasodi- latation périphérique, à une dysrythmie (bradycardie, etc.) ou à une contractilité myocar- dique réduite. Elle nécessite un traitement étiologique : augmentation du débit de perfusion ou administration de macromolécules, d’agents sympathomimétiques ou d’anti- arythmiques. La profondeur de l’anesthésie doit être contrôlée et adaptée. Le suivi de la pression artérielle permet également de détecter une hypertension, qui peut être due à une hypervo- lémie, à de l’hypercapnie associée à une hypoventilation marquée (dépression respira- toire) ou, le plus souvent, à une stimulation douloureuse. Elle est alors corrigée de façon spécifique (par exemple administration d’antalgiques opioïdes). ! Réussir la pose du cathéter d’un seul geste L’introduction d’un cathéter dans l’artère métatarsale dorsale (voir la FIGURE “L’artère métatarsale dorsale est le site de pose de cathéter artériel le plus commun chez le chien”) est beaucoup plus délicate que dans une veine. La position anatomique et la rigidité pariétale artérielle obligent en effet à davantage de précision. Il est en outre préférable de réussir la pose d’un seul geste Éclai rer / NOUVEAUTÉS / Techniques L Le Point Vétérinaire / N° 230 / Novembre 2002 / 16 TECHNIQUES DE MONITORING ANESTHÉSIQUE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT Mesures invasives des pressions artérielle et veineuse centrale La surveillance peropératoire des paramètres vitaux permet une meilleure gestion des déséquilibres dus à l’anesthésie et d’assurer des interventions complexes. L’artère métatarsale dorsale est le site de pose de cathéter artériel le plus commun chez le chien Latéral Médial Artère tibiale craniale Artère métatarsale dorsale Le tracé du haut correspond au suivi électrocardiographique et celui du bas à la pression artérielle obtenue par une technique invasive. L’obtention d’une courbe continue permet de repérer immédiatement une compression de l’aorte par le chirurgien (disparition de la courbe du bas) alors même qu’il n’y a aucune répercussion sur l’électrocardiogramme. La détection par mesure oscillométrique est plus tardive. Électrocardiogramme et mesure invasive de la pression artérielle

Cardiologie mesures invasives des pressions artérielle et veineuse centrale

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e monitoring anesthé-sique prend une placede plus en plus grandedans l’activité chirurgi-

cale du praticien. La surveil lance clinique(couleur des muqueuses,t e m p s d e r e c o l o r a t i o ncapillaire, etc.), et celle durythme cardiaque (via unélectrocardiographe) et de lafréquence respiratoire (via undétecteur d’apnée) permettentun contrôle peropératoirecorrect. Une surveillance de latempérature (par sonde rectaleou œsophagienne) permetd’améliorer la qualité de l’anes-thésie et du réveil. D’autresparamètres peuvent égalementêtre suivis parmi lesquelsl’oxymétrie pulsée et surtout,la capnométrie/capnographie. Dans le cadre de l’anesthésied’animaux à risque anesthé-sique élevé ou en situationd’urgence (syndrome dilata-tion-torsion de l’estomac,déshydratation, etc.), lesmesures de la press ionartérielle (PA) et de la pressionveineuse centrale (PVC)permettent de contrôlerl’homéostasie de l’animal,perturbée par les moléculesanesthésiques employées etl’affection initiale.

! Détection des hypo et des hypertensions

La mesure de la pressionartérielle (PA) permet desurveiller l’efficacité de lapompe cardiaque. La techni-que de pose d’un cathéterartériel à l’artère métatarsaledorsale nécessite un peud’entraînement. Néanmoins,l’obtention d’une PA invasiveest plus utile que celle de la PAnon invasive car elle permet

une surveillance plus fiable etsurtout l’obtention d’unecourbe de pression continue(voir la FIGURE “Électrocardio-gramme et mesure invasive dela pression artérielle”). Chez un chien anesthésié, lapression artérielle systoliquen o r m a l e e s t d e 1 0 0 à140 mmHg, la diastolique de40 à 80 et la moyenne de 70 à90 mmHg. Elles peuvent varieren fonction du protocoleanesthésique utilisé.Une pression artérielle moyenneinférieure à 60 mmHg signeune hypotension et comprometla perfusion des organes nobles(cœur, cerveau, reins, etc.).L’hypotension peut être due àune hypovolémie, à une vasodi-latation périphérique, à unedysrythmie (bradycardie, etc.)ou à une contractilité myocar-dique réduite. Elle nécessite untraitement étiologique :augmentation du débit deperfusion ou administration demacromolécules, d’agentssympathomimétiques ou d’anti-arythmiques. La profondeur de

l’anesthésie doit être contrôléeet adaptée.Le su iv i de la pres s ionartérielle permet également dedétecter une hypertension, quipeut être due à une hypervo-lémie, à de l’hypercapnieassociée à une hypoventilationmarquée (dépression respira-toire) ou, le plus souvent, àune stimulation douloureuse.Elle est alors corrigée de façonspécifique (par exempleadministration d’antalgiquesopioïdes).

! Réussir la pose du cathéter d’un seul geste

L’introduction d’un cathéterdans l’artère métatarsaledorsale (voir la FIGURE “L’artèremétatarsale dorsale est le sitede pose de cathéter artériel leplus commun chez le chien”)est beaucoup plus délicate quedans une veine. La positionanatomique et la rigiditépariétale artérielle obligent eneffet à davantage de précision.Il est en outre préférable deréussir la pose d’un seul geste

Éclairer / NOUVEAUTÉS /

Techniques

L

Le Point Vétérinaire / N° 230 / Novembre 2002 / 16

TECHNIQUES DE MONITORING ANESTHÉSIQUE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT

Mesures invasives des pressionsartérielle et veineuse centraleLa surveillance peropératoire des paramètres vitaux permet une meilleure gestiondes déséquilibres dus à l’anesthésie et d’assurer des interventions complexes.

L’artère métatarsaledorsale est le site

de pose de cathéterartériel le plus commun

chez le chienLatéral Médial

Artère tibiale

craniale

Artère métatarsale

dorsale

Le tracé du haut correspond au suivi électrocardiographique et celui du bas à la pression artérielleobtenue par une technique invasive. L’obtention d’une courbe continue permet de repérerimmédiatement une compression de l’aorte par le chirurgien (disparition de la courbe du bas) alors même qu’il n’y a aucune répercussion sur l’électrocardiogramme. La détection par mesure oscillométrique est plus tardive.

Électrocardiogramme et mesure invasive de la pression artérielle

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Retrouvez le tableau“Techniques

de surveillance de l’anesthésie”

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Rubrique formation

car toute artère ponctionnéese contracte et un nouvel essaine peut être tenté qu’après une compression d’environ5 minutes. Chez le chat, le sitede ponction privilégié estl’artère fémorale (attentionaux hématomes chez lesanimaux de petite taille : ilspeuvent être minimisés par untraitement adéquat – poche deglace et anti-inflammatoires –si nécessaire).• La zone de ponction esttondue et désinfectée chirur-gicalement. • L’artère est repérée à l’aided’un ou de deux doigts (de lamain gauche pour un droitier)par palpation des pulsationssanguines. • Le cathéter (de 20 à 24gauges pour un “over-the-needle”) est introduit sous lapeau avec le biseau vers lehaut à l’aide de la main droite,en veillant à rester parallèle àl’artère, puis est dirigé versl’artère. • Lorsque le cathéter touchel’artère, le sang rouge vif perle“en saccades” au bout ducathéter. Celui-ci est alorsencore introduit de quelquesmillimètres afin que tout lebiseau pénètre dans l’artère. Lemoment délicat consiste àintroduire le cathéter de la maingauche sans bouger le mandrintenu par la main droite. Le sangvient alors par jets. Le cathéter est sécurisé(PHOTO 1) et connecté aumatériel de mesure.Si une station de monitoring estdisponible, la mesure esteffectuée à l’aide d’un transduc-teur de pression relié à unoscilloscope. Avec les moniteursmodernes disponibles, letransducteur de pression estrelié au cathéter à l’aide d’uneligne de soluté physiologique(0,9 %) additionné d’héparine(2 UI/ml) sous press ion(300 mmHg). Celle-ci conserve

au transducteur de pression saprécision de mesure de lapression artérielle et évite laformation d’un clou plaquet-taire obturateur, à l’aide d’undébit continu de 3 ml/h. Sinon,la pression peut également êtrelue simplement à l’aide d’unmontage “maison” qui utiliseun manomètre.

! Une gestion rationnellede la fluidothérapie

La pression veineuse centrale( P V C ) c o r r e s p o n d à l apression dans la lumière de laveine cave craniale intratho-racique. La valeur de la PVC est uneb o n n e i n d i c a t i o n d e l acapacité du cœur à pomper leretour veineux. Sa mesure estindispensable pour gérer lafluidothérapie d’animaux dontcette capacité est déficiente :par exemple insuffisantscardiaques ou en état de choc.Chez les carnivores domes-tiques, la valeur de la PVCnormale est de 3 à 10 cmH2O.Une valeur basse traduit unehypovolémie alors qu’unevaleur haute signe une hypervo-lémie (vraie ou par déficiencecardiaque). Une faible variationde la PVC indique une altéra-tion de la fonction cardiovas-culaire qui est alors traitée(optimisation du débit d’anes-thésie et de perfusion, etc.). La mesure de la PVC est unemesure de pression et non devolume : elle n’est donc pasreprésentative de la préchargelors de contraction ventricu-laire réduite (tamponnade,cardiomyopathie hypertro-phique, cardiomyopathierestrictive).

! Quatre types de cathétersjugulaires

Le cathéter est introduit dansla veine cave crâniale via laveine jugulaire externe.La région jugulaire est tondueet préparée de manière chirur-gicale. La pose doit êtreaseptique (port de gantsstériles). Bien que la mise enplace soit possible chez unanimal vigile, il est quelquefoispréférable de tranquilliser cedernier. Quatre types de cathétersjugulaires existent : “over theneedle” (le cathéter entoure unmandrin, type cathéter veineuxpériphérique), “through the

needle” (le cathéter est passé àl’intérieur du trocard), “over thewire” (technique de Sedlingeravec une aiguille dilatatrice :modèle le plus courant enFrance) et “peel-away“ (la gaineest “pelée” en plaçant lecathéter).• Dans la technique de Sedlin-ger, le trocard est introduitdans la veine jugulaire, puis unguide est inséré à travers letrocard qui est alors retiré. • Une aiguille dilatatrice poséesur le guide permet l’élargis-sement de la brèche jugulaireet une entrée du cathéterfacilitée par rapport à d’autrestechniques. • Après élargissement, lecathéter est introduit le longd u g u i d e d a n s l a v e i n ejugulaire, jusqu’à l’oreillettedroite. Le contact avec l’endo-thélium cardiaque droit doitêtre évité car cela sembleprovoquer une ac t i v i t éstimulatrice ectopique. Uncontrôle électrocardiogra-phique et une mesure de lalongueur du cathéter sontnécessaires.• Le cathéter est ensuite suturéà la peau et le site de ponctionest protégé par une compresseimbibée de polyvidone iodéeet une bande de maintien.

! Station de monitoring ou robinet à trois voies

L’embout du cathéter estconnecté à l’appareil de mesurevia un transducteur de pressions’il s’agit d’une station demonitoring. Dans le cascontraire, un robinet à trois

voies est connecté au cathéterjugulaire par un prolongateur,à une poche de perfusion parune tubulure, ainsi qu’à uneautre tubulure, collée à unerègle dont le zéro est au niveaude l’oreillette droite et dontl’extrémité est libre. L’anesthé-siste remplit d’abord le prolon-gateur qui mène au cathéterjugulaire, puis il remplit latubulure “libre” jusqu’à sonextrémité en jouant sur lerobinet à trois voies. Le prolon-ga teur es t a lors mis encommunication avec cettetubulure libre. La pressionveineuse centrale est lue sur larègle (voir la FIGURE “Schémade l’appareillage pour la mesurede pression veineuse centrale”).

L’utilisation conjointe desmesures invasives de PVC etde pression artérielle permetde différencier l ’originehypovolémique ou cardiaqued’une pression artérielle peuélevée. Ces cathéters consti-tuant une porte potentielled’entrée de germes, le risquemajeur lié à leur mise en placeest l’infection. Il est toutefoisfaible si les conditions d’asep-sie sont respectées. ■

Julien Guillaumin6, rue Pierre Curie

94700 Maisons-Alfort

17/ N° 230 / Novembre 2002 / Le Point Vétérinaire

PHOTO 1. Le cathéter artérielest sécurisé et connecté au matériel de mesure.

Clic

hé :

J. G

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Schéma de l’appareillage pour la mesure de pression veineuse centrale

Poche de perfusion :sérum physiologiquehépariné

Tubulure reliéed’un côté au robinet 3 voies et de l’autre au cathétervugulaire

Règle (graduée en cm)

Le “zéro” de la règle

doit être à l’horizontale

avec le cathéterveineux central

Robinet 3 voies