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Le manuel du généraliste allergie

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Allergie alimentaire

E Beaudouin, G Kanny, J Flabbee, DA Moneret-Vautrin

L e diagnostic repose sur une anamnèse précise, une analyse du régime alimentaire, suivies de tests cutanésciblés.

© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : allergie alimentaire, diététique thérapeutique, allergène alimentaire.

■Introduction

L’allergie alimentaire correspond à l’ensemble desmanifestations cliniques liées à une réponseimmunologique vis-à-vis d’un allergène alimentaire.Elle est le plus souvent immunoglobulines(Ig) E-dépendante mais d’autres mécanismesimmunologiques sont possibles. La fréquence del’allergie alimentaire est en augmentation constante.Sa prévalence est aujourd’hui estimée à 3,5 % enFrance. L’allergie alimentaire est l’expression cliniquela plus précoce de la maladie atopique.

■Tableaux cliniques

Les manifestations cliniques de l’allergie alimentairesont variées. Elles peuvent être généralisées (chocanaphylactique) ou avoir pour cible des organescomme la peau (urticaire, dermatite atopique), l’arbrerespiratoire (asthme, rhinite), le tube digestif(régurgitations, vomissements, constipation, diarrhée,malabsorption) ou plusieurs organes simultanément.La dermatite atopique est le symptôme le plus précoced’allergie alimentaire, représentant 80 % des tableauxcliniques entre l’âge de 0 et 1 an, 75 % entre 1 et 3 ans,34 % entre 3 et 6 ans, 16 % entre 6 et 15 ans et 4 %après l’âge de 15 ans. Les tableaux cliniques changentavec l’âge (fig 1). L’asthme est plus fréquent chez lesadolescents et les jeunes adultes. La fréquence du chocanaphylactique augmente avec l’âge. Le chocanaphylactique représente 30 % des symptômesaprès l’âge de 30 ans, alors qu’il est exceptionnel dansla première enfance.

■Facteurs favorisants

ou aggravants

L’allergie alimentaire dépend d’une part del’allergénicité des protéines alimentaires et d’autre partdu passage d’une certaine quantité de moléculesintactes dans la circulation. L’immaturité de lamuqueuse digestive et du système immunitaireintestinal (GALT : gut associated lymphoid tissue) est

postulée chez le nourrisson. La perméabilité intestinaleest accrue par la prise d’alcool ou d’aspirine, lesinfections virales, parasitaires et les lévurosesintestinales. L’effort peut révéler une allergiealimentaire et être à l’origine d’une anaphylaxien’apparaissant que lorsqu’un effort est associé à laprise de l’aliment allergisant.

■Allergènes alimentaires

‚ NatureLes allergènes alimentaires ou trophallergènes sont

en général des glycoprotéines de masse moléculairede 10 à 70 kDa, 10 kDa étant la limite inférieure pourêtre immunogènes (c’est-à-dire induire une réponseimmunitaire) et 70 kDa la limite supérieure pour qu’ilssoient absorbés au niveau digestif. Un aliment contientplusieurs protéines allergéniques. On appelleallergènes majeurs ceux qui sont reconnus par les IgEspécifiques de plus de 50 % des sujets sensibilisés.

‚ FréquenceLes allergènes le plus souvent incriminés

dépendent des habitudes alimentaires du patient : rizau Japon, farine et tomate en Italie, poisson enScandinavie, arachide aux États-Unis, etc.

Les allergènes les plus fréquents chez le nourrissonsont l’œuf (63 %), l’arachide (15 %) et le lait (9 %). Lesallergènes impliqués changent avec l’âge du patient,leur nombre augmente avec la diversificationalimentaire. La prévalence de l’allergie à l’œuf et au laitdiminue avec l’âge, alors que l’allergie à l’arachidesemble persister (fig 2). L’allergie à l’arachide est unphénomène relativement récent et affectant encorepeu l’adulte. La guérison est rare et le risqued’anaphylaxie ou d’asthme aigu grave par allergie àcet aliment est élevé.

Les allergies alimentaires aux allergènes végétaux(fruits et légumes) sont plus fréquentes chez l’adulte(84 % des cas). Leur fréquence augmente avec l’âge,parallèlement à l’acquisition de la sensibilisation auxpollens en raison des phénomènes d’allergie croiséepollens-fruits et légumes (fig 3). Les tendancesmarquantes des 3 dernières années sont laprogression des allergies alimentaires aux fruits etlégumes croisant avec le latex (avocat, kiwi, banane,châtaigne), désormais en deuxième place (14,3 %) etl’inquiétante et récente progression des allergiesalimentaires au sésame qui est un aliment à hautrisque anaphylactique, en sixième place (4,4 %).

‚ Influence des technologiesagroalimentaires sur l’allergénicité

Les technologies agroalimentaires induisent denombreuses modifications de l’allergénicité :

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Dermatite atopiqueChoc anaphylactiqueAsthmeŒdème de Quincke

1 Tableaux cliniques ren-contrés au cours de l’aller-gie alimentaire en fonctionde l’âge. CICBAA, à proposde 703 patients.

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– utilisation croissante de protéines alimentairescomme additifs et auxiliaires de fabrication ;

– modification d’allergénicité liée au chauffage :certains allergènes alimentaires sont thermolabilesc’est-à-dire détruits par la chaleur, d’autresthermostables ; l’allergénicité de certains alimentscomme l’arachide peut être accrue par le chauffage ;

– modification d’allergénicité liée au stockage :l’allergène majeur de la pomme augmente avec sadurée de conservation, de nouvelles protéinesallergéniques apparaissent dans la noix de pécan... ;

– modifications liées à des procédés physicochimi-ques de traitement des protéines : texturisation dusoja, du poisson (surimi)... ;

– apparition d’aliments transgéniques dont lerisque allergique potentiel doit être évalué ;

– introduction de nouvelles protéines dansl’alimentation humaine : aliments exotiques, farine delupin...

‚ Allergènes masquésUn allergène masqué est un allergène inapparent

pour le consommateur. Diverses protéinesalimentaires sont incorporées à faibles doses commeingrédients de produits alimentaires et deviennent desallergènes masqués entraînant un risque d’anaphy-laxie grave et d’accidents récidivants d’allergiesalimentaires malgré les régimes d’éviction. Il peut s’agird’un auxiliaire de fabrication comme l’alpha-amylase,extraite d’Aspergillus orizae, améliorant des farines,

comme le lysozyme du blanc d’œuf utilisé commeagent bactéricide dans la préparation de certainsfromages ou dans certains médicaments... Ce peut êtreun additif alimentaire comme le carmin de cochenille,extrait d’une larve d’insecte, ou encore des ingrédientsdivers en petites quantités : œuf, lait, soja, arachide...

Lorsque ces protéines sont allergéniques, leurprésence devrait être signalée sur l’emballage. Ce n’estpas encore le cas pour les ingrédients car laréglementation actuelle n’impose l’étiquetage que si laquantité d’ingrédients est supérieure à 25 % du produitfini.

‚ Réactivité croiséeLa réactivité croisée correspond à la possibilité

qu’ont les IgE spécifiques d’un allergène de reconnaîtredes allergènes d’autre origine présentant unecommunauté antigénique. Ainsi, il existe denombreuses communautés antigéniques entrecertains fruits et légumes et certains pollens. Desréactivités croisées préférentielles ont été décrites :pollens de bétulacées et drupacées (pommes, noisette,cerise, abricot, pêche...), pollens de composées(armoise en particulier) et ombellifères (céleri, fenouil,carotte, persil, coriandre, tournesol). L’allergie croiséedans une même famille botanique est possible,comme dans le groupe des légumineuses (arachide,petit pois, soja, lentille, pois chiche, lupin...). Ainsi, oninsiste actuellement sur le risque élevé d’allergiecroisée entre l’arachide et la farine de lupin, aliment

récemment introduit dans l’alimentation humaine. Lerôle de protéines ubiquitaires comme les profilines,d’un poids moléculaire de 14 kDa, est avancé.

Il existe également une réactivité croisée entre lelatex responsable d’allergie professionnelle chez lepersonnel soignant et certains fruits (kiwi, avocat,châtaigne, banane...).

D’autres réactivités croisées sont décrites pour lesallergènes animaux : syndrome œuf-oiseau quicorrespond à une sensibilisation aux protéines deplumes d’oiseau associée à une allergie à l’œuf ;syndrome porc-chat qui correspond à unesensibilisation aux allergènes de chat associée à uneallergie alimentaire à la viande de porc. Le rôle de laréactivité croisée entre les albumines animales estavancé.

■Éléments du diagnostic

Le diagnostic nécessite un bilan allergologiquespécialisé. Si l’implication d’un aliment est identifiablepar les patients dans les manifestations aiguës del’allergie alimentaire (syndrome oral, œdème deQuincke, urticaire aigu, choc anaphylactique), elle estsouvent impossible dans le cas de maladie chronique(eczéma, asthme, constipation...) d’autant plus que lesaliments sont consommés de façon répétée oumasquée comme c’est le cas de l’œuf, de l’arachide, dulait, de la farine de blé...

Le diagnostic repose sur une anamnèse précise,une analyse du régime alimentaire, suivies de testscutanés ciblés. Si la sensibilisation est établie par lestests cutanés, les tests de provocation orale permettentde départager ce qui est sensibilisation simple surterrain atopique (pas de manifestation cliniqued’allergie à cet aliment) de ce qui est allergiealimentaire vraie (aliment responsable desmanifestations cliniques). Ces mêmes tests deprovocation orale permettront de suivre dans le tempsl’évolution de l’allergie alimentaire et l’apparition d’unetolérance. Leur réalisation est de l’expertise del’allergologue et ils doivent être réalisés dans unenvironnement médical apte à gérer la réactionanaphylactique.

■Traitement

‚ Bases thérapeutiques

Le traitement de l’allergie alimentaire est fondéquasi exclusivement sur la manipulation raisonnée del’environnement alimentaire. Les régimes d’évictioncorrespondent à une prescription médicale qui ne peuts’établir qu’au terme d’un bilan allergologiquesoigneusement conduit. Ils excluent de façon stricte lesallergènes identifiés. Bien conduits, ils sont trèsefficaces : 83 % des patients présentant une dermatiteatopique associée à une allergie alimentaire sontaméliorés à 2 mois avec 17 % de cas de guérison à 2mois, 33 % à 6 mois et 29 % à 1 an. Ces régimesdoivent éviter l’ingestion d’allergènes masqués et êtreprécisément expliqués. La collaboration d’unediététicienne spécialisée est d’autant plus utile qu’ellepropose des alternatives aux évictions et qu’elle veilleà l’équilibre nutritionnel. Les contraintes de cesrégimes d’éviction sont minimes en regard du bénéficethérapeutique et du confort apporté au patient. Leséchecs de ces régimes d’éviction relèvent de quatre

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2 Évolution de la fré-quence des allergènes enfonction de l’âge.

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Allergènes végétauxAllergènes animaux

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3 Évolution des sensibili-sations aux allergènes ani-maux et végétaux selonl’âge.

2-0040 - Allergie alimentaire

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causes principales : manque de compliance,méconnaissance des allergènes masqués (et c’est làl’intérêt de documents détaillant de façon très explicitetoutes les évictions), polyallergie passée inaperçue,enfin autre facteur environnemental négligé (animaux,acariens, moisissures...). L’allergologue complèteéventuellement le régime par la prescription d’apportsmédicamenteux substitutifs (calcium, fer...), définit lesparamètres de surveillance clinique, fixe la durée durégime avant une prochaine évaluation.

La mise en place de mesures d’éviction doit êtreglobale : il est nécessaire d’éviter le contact avec lesallergènes alimentaires ou présentant une réactivitécroisée apportés par d’autres voies que digestive :médicaments et excipients, cosmétiques (huilesvégétales, protéines d’œuf, de lait...), latex des tétinesou jouets, allergènes aériens présentant une réactivité

croisée avec des allergènes alimentaires (exemple :syndrome œuf-oiseau, porc-chat...).

‚ Régime en pratiquePour suivre et comprendre un régime d’éviction,

aucun document écrit n’est suffisant, la doubleconsultation de la diététicienne et de l’allergologue estnécessaire. Les évictions sont limitées et déterminéespar le bilan allergologique mené à son terme. Il estadapté aux particularités de l’alimentation du patient.Dans certains cas de régimes d’éviction d’unnourrisson allaité, le régime est appliqué à la mèreallaitante. Dans un second temps, en cas de rémissionincomplète de la maladie allergique, l’enquêtealimentaire permet la détection d’allergènes masquésou d’identifier de nouveaux allergènes passésinaperçus lors du premier bilan. Des alternativesnutritionnelles sont proposées ainsi que des recettes

sans allergènes. Les fiches de régime et des « recettessans... » sont régulièrement proposées dans la revueAlim’inter et disponibles sur le site internet :www.cicbaa.com.

La diététique thérapeutique comporte d’autre partdes aspects interventionnels par la mise en place deprotocoles de tolérance orale prescrits parl’allergologue. S’y ajoute l’application de régimesd’éviction visant à la prévention des allergiesalimentaires chez l’enfant à naître, le nouveau-né et lenourrisson à haut risque allergique.

Lors de la mise en place d’un régime d’éviction, ilfaut éviter la consommation excessive d’alimentsriches en histamine ou tyramine, histaminolibérateursqui peuvent exacerber les manifestations d’allergiealimentaire de façon non spécifique. L’équilibrealimentaire doit être réalisé sans excès catégoriel :féculents susceptibles d’entretenir des processus defermentation colique... Il évite les facteurs favorisantl’irritation de la muqueuse digestive : épices, alcool...

Le médecin évitera la prescription de médicamentspouvant favoriser ou aggraver les manifestationscliniques de l’allergie alimentaire : b-bloqueurs,inhibiteurs de l’enzyme de conversion, aspirine et anti-inflammatoires non stéroïdiens.

■Conclusion

La prise en charge optimale allergologique etdiététique des manifestations d’allergie alimentairepermet une maîtrise de cette maladie et ouvre la voieau développement de protocoles interventionnelsvisant la prévention de l’allergie alimentaire etl’induction d’une tolérance orale.

Étienne Beaudouin : Médecin des Hôpitaux.Gisèle Kanny : Médecin des Hôpitaux.

Jenny Flabbee : Généraliste allergologue.Denise-Anne Moneret-Vautrin : Professeur des Universités, chef de service.

Service de médecine interne, immunologie clinique et allergologie, centre hospitalier universitaire,hôpital central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : E Beaudouin, G Kanny, J Flabbee et DA Moneret-Vautrin. Allergie alimentaire.Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0040, 2001, 3 p

R é f é r e n c e s

[1] Kanny G, Moneret-Vautrin DA, Sergeant P, Hatahet R. Diversification del’alimentation de l’enfant. Applications au cas de l’enfant de famille atopique.Méd Nutr1996 ; 32 : 127-131

[2] Moneret-Vautrin DA, Kanny G. Fausses allergies alimentaires.Encycl MédChir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Endocrinologie,10-386-B-10, 1996 : 1-4

[3] Moneret-Vautrin DA, Kanny G, Sergeant P. La diététique thérapeutique desallergies alimentaires.Rev Fr Allergol1999 ; 39 : 325-338

[4] Moneret-Vautrin DA, Kanny G, Thevenin F. A population study of food al-lergy in France: a survey concerning 33 110 individuals.J Allergy Clin Immunol1998 ; 101 (suppl) : S87

[5] Sampson H. Food hypersensitivity-manifestations, diagnosis, and natural his-tory. Food Technol1992 ; 46 : 141-144

Diagnostic différentiel : les fausses allergies alimentairesLes réactions pseudoallergiques ou fausses allergies alimentaires sont définies par lapossibilité pour des substances d’induire des réactions cliniques mimant l’allergie,mais ces réactions ne répondent pas à un mécanisme immunologique. Différentsmécanismes sont possibles :– libération non spécifique de médiateurs comme l’histamine : c’est le cas de laclassique urticaire après ingestion de fraises ;– ingestion d’aliments riches en histamine comme les fromages fermentés, lespoissons, saucissons... ;– trouble du métabolisme de l’histamine : déficit acquis d’activité de la diamineoxydase par interaction avec des xénobiotiques ou des médicaments... ;– synthèse endogène d’histamine liée à un déséquilibre de la flore digestive ;– anomalies neurovégétatives : bronchospasme d’origine vagale induit par lessulfites...

Allergie alimentaire - 2-0040

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Allergologie en pratique

M. Raffard, H. Partouche

L’incidence des maladies allergiques est en constante augmentation. Pour expliquer ce phénomène, ondiscute des modifications du style de vie dans les pays industrialisés, du rôle de l’environnement, del’apparition de nouveaux allergènes et des phénomènes d’allergies croisées. Devant des manifestationscliniques multiples, complexes, parfois trompeuses, certains repères cliniques sont très utiles au médecingénéraliste pour orienter le diagnostic vers une allergie, en particulier une allergie alimentaire.L’identification des allergènes et la décision thérapeutique qui en découle nécessitent une bonnecoordination des soins entre l’allergologue et le médecin généraliste. Ce dernier doit bien connaître lanature du bilan allergologique pour l’expliquer au patient. Il pourra pratiquer ensuite, dans certainessituations précises, l’immunothérapie spécifique selon des règles de bonne pratique. Une placeprépondérante doit être donnée à la gestion par le patient lui-même de son allergie. Cet objectif n’estatteint que si les solutions proposées sont simples et applicables et si les situations de crise ou les échecsont été anticipés.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Allergie ; Atopie ; Rhinite ; Conjonctivite ; Asthme ; Eczéma ; Urticaire ; Anaphylaxie ; Prick-test ;Tests épicutanés ; Immunothérapie spécifique

Plan

¶ Introduction 1

¶ Questions de définition 1Quels sont les différents types d’allergie ? 1

¶ Questions d’épidémiologie 2La prévalence des maladies allergiques a-t-elle réellementaugmenté ? 2Quelles sont les causes de l’augmentation de prévalence del’allergie ? 2

¶ Questions de clinique 3Quels sont les arguments en faveur d’une allergie respiratoire ? 3Sur quels critères cliniques peut-on évoquer une rhinite allergique ? 3Quels sont les éléments en faveur d’une conjonctivite allergique ? 4Quelle est la place de l’allergie dans la maladie asthmatique ? 4Quelles sont les manifestations allergiques cutanées les plusfréquentes ? 4Quand penser à une allergie alimentaire ? 5

¶ Questions de démarches diagnostiques 5Comment peut-on confirmer le diagnostic d’allergie en médecinegénérale ? 5Quand adresser à l’allergologue de ville ? 6Quel est la nature du bilan de l’allergologue ? 6Dans quelles situations le bilan allergologique doit-il être réaliséà l’hôpital ? 7

¶ Questions de prise en charge thérapeutique 7Quels sont les principaux médicaments pour l’allergiedans la trousse d’urgence ? 7Comment envisager la prévention de la maladie allergique ? 7Quelles sont les indications de l’immunothérapie spécifique (ITS) ? 8

Quelles sont les bonnes pratiques de l’immunothérapie injectablepar le médecin traitant ? 8Quel est l’avantage de l’immunothérapie spécifique sublinguale ? 8Quelles sont les nouvelles thérapeutiques ? 8

¶ Conclusion 8

■ IntroductionL’allergie est une cause de plus en plus fréquente de recours

aux soins. Les conséquences des manifestations allergiques entermes de qualité de vie et de coût de santé en font un pro-blème de santé publique. La présentation clinique d’un phéno-mène allergique n’est pas toujours typique. L’hypothèseallergique doit être évoquée devant des situations cliniquesparfois complexes. La confirmation du lien de causalité entre lessymptômes et le ou les allergènes soupçonnés est la règle. C’estla condition initiale d’une prise en charge thérapeutique dequalité qui nécessite, en pratique, une bonne coordination dessoins avec l’allergologue.

■ Questions de définition

Quels sont les différents types d’allergie ?Une nouvelle nomenclature proposée par un groupe interna-

tional d’experts précise, aux vues des données immunologiquesrécentes, les définitions des termes d’hypersensibilité, d’allergieet d’atopie [1]. Les maladies allergiques communes y sontdétaillées : rhinite, conjonctivite, asthme et allergies cutanéesdont la grande variété témoigne de mécanismes pathogéniquesdistincts (Fig. 1).

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1Traité de Médecine Akos

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L’hypersensibilité est un terme général qui correspond àtoutes sortes de réactions inattendues de la peau et desmuqueuses. Les symptômes ou les signes cliniques sont objec-tivement reproductibles, initiés par une exposition à unstimulus défini, à une dose tolérée par des sujets normaux.

L’allergie est une réaction d’hypersensibilité initiée par desmécanismes immunologiques. Elle peut être à médiationhumorale ou cellulaire.

L’atopie est une tendance personnelle ou familiale à produiredes anticorps IgE, en réponse à de faibles doses d’allergènes,généralement des protéines, et à développer des symptômestypiques comme l’asthme, la rhinoconjonctivite ou l’eczéma.

■ Questions d’épidémiologie

La prévalence des maladiesallergiques a-t-elle réellement augmenté ?

Oui. La fréquence de l’asthme de l’enfant progresse, parexemple, de 6 à 10 % par an depuis 1960 [2]. Nous verrons queplusieurs facteurs, souvent intriqués, y contribuent. L’étudeparisienne de Neukirch menée chez des adultes jeunes confirmecette tendance (Tableau 1).

En France, les maladies allergiques se situent au premier rangdes maladies chroniques de l’enfant. Les enquêtes récentesmontrent des taux de prévalence élevés inégalement répartis surle territoire.

Une enquête européenne comprenant 22 pays et 48 centres,portant sur 140 000 individus [3], montre qu’il existe ungradient de prévalence, en Europe, du Nord vers le Sud etd’Ouest en Est. Il en est de même en France, de Paris-Montpellier-Bordeaux à Grenoble-Nancy. Les allergènes identi-fiés par tests cutanés sont par ordre décroissant les acariens, lespollens de graminées, les chats.

L’étude ISAAC (International Study of Asthma and Allergiesin Childhood), menée en trois phases depuis 1991, porte sur les

prévalences chez l’enfant de 6-7 ans et l’adolescent de13-14 ans. La phase I est une enquête par questionnaire enpopulation générale (3 000 enfants par centre) ciblant l’asthme,la rhinite et l’eczéma. La phase II précise les allergies chez lesenfants sélectionnés. La phase III répète la phase I, 3 ans plustard. En France [4] les résultats de la phase I concernent25 000 sujets (Tableau 2).

Quelles sont les causes de l’augmentationde prévalence de l’allergie ?La génétique ne tient-elle pas une place centrale ?

La génétique a effectivement un rôle majeur comme lemontrent les études familiales, qui commencent à permettre delocaliser de nombreux gènes de susceptibilité des allergiesrespiratoires [2]. Le risque pour un enfant de développer unemaladie atopique est de 40 % à 60 % si ses deux parents sontatopiques. Ce risque est compris entre 5 et 10 % si aucun desdeux parents n’est atopique [2].

L’allergie est aussi une maladie de l’environnement. Lathéorie dite « hygiéniste » en est une belle illustration [5]. VonMutius a mis en évidence une différence de prévalence desmaladies allergiques entre les deux Allemagne, peu après laréunification. À l’Ouest, les maladies respiratoires allergiquesprédominent, aux dépens des bronchites chroniques plusprévalentes à l’Est où la pollution est plus forte. De plus, dansles familles nombreuses d’Allemagne de l’Est, le pourcentaged’asthmatiques est inversement proportionnel à la taille de lafratrie : les petits enfants, fréquemment contaminés par lesgrands ont un mode de réponse immunitaire TH1 (lymphocytesT Helper) au détriment d’un mode TH2 (producteur d’IgE)propre aux maladies allergiques.

La vie à la campagne, en présence de différents animauxfamiliers et du bétail, protégerait également les enfants desmaladies allergiques en les exposant aux lipopolysaccharrides(LPS) des germes à Gram négatif des excréments d’animaux, quistimulent le système TH1 [5].

Autres

Lymphocytes T

Hypersensibilitéallergique

Hypersensibiliténon allergique

non immunologique

IgG

Éosinophiles

Parasites

Médicaments

Venins

Asthme

Rhinite

Eczéma

Atopique

non IgE dépendante

Hypersensibilité

IgE dépendante

Non atopique

Figure 1. Nouvelle nomenclature des mala-dies allergiques.

Tableau 1.Prévalence de l’asthme chez les adultes jeunes en population générale(d’après Liard R et al. BEH 1995;45:197-8).

Année Populations,âges moyens

Nombre Prévalencecumulativede l’asthme

Prévalencede la rhiniteallergique

1968 Étudiants, 21 ans 8 140 3,3 % 3,8 %

1982 Étudiants, 21 ans 10 559 5,4 % 10,2 %

1992 Population générale,sous-groupedes 20-24 ans

356 13,9 % 28,5 %

Tableau 2.Résultat de l’étude ISAAC en France [4].

Asthme Chez les enfants de 6-7 ans, la prévalence cumuléeest de 9,3 % à Bordeaux et de 6,7 % à Strasbourg. Pourles adolescents, la prévalence est plus élevée dans le Sudet dans l’Ouest et chez les garçons ; Bordeaux : 15,1 %,Strasbourg : 10,5 %

Rhinite La prévalence des rhinites est plus élevée chezles adolescents que chez les enfants et nettement plusforte dans la région de Montpellier

Eczéma 18 % chez les enfants et 7 à 8,9 % chez les adolescents

2-0093 ¶ Allergologie en pratique

2 Traité de Médecine Akos

Page 7: Le manuel du généraliste   allergie

Quels sont les liens entre allergie et polluants ?

La pollution atmosphérique, en particulier par les voitures àmoteur Diesel, est constituée de fines particules de diamètreinférieur à 10 µm (PM10) qui peuvent initier des réactionsallergiques aux pneumallergènes de l’environnement. Les picsd’ozone (O3) et de dioxyde d’azote (NO2) sont associés auxépisodes d’exacerbation d’asthme. Enfin, les pollens à proximitédes villes sont modifiés par ces polluants et libèrent plusfacilement leurs allergènes.

Toutefois, la pollution intérieure est, en Occident, en progres-sion. Les habitants vivent plutôt dans une atmosphère confinée(température et hygrométrie élevées), favorisant la multiplica-tion des acariens. Les particules d’acariens, mêmes morts, sontsensibilisantes. D’autres polluants domestiques aggravent lesmanifestations respiratoires comme le tabagisme passif, ledégagement de CO2 par les cuisinières à gaz et les feux de boisdans les cheminées à foyer ouvert. Les produits ménagers enspray augmentent la pénétration des fines particules dans lesbronches. Les mousses isolantes et les colles à base de formal-déhyde de certains meubles dégagent des composés organiquesvolatils (COV) irritants pour les bronches.

De nouveaux allergènes apparaissent comme le ficus ; grâce àsa sève en suspension dans l’air des appartements et desbureaux depuis son introduction massive, il se classe au 3e rangdes allergènes domestiques, derrière les acariens et le chat.

Enfin, un nouvel améliorant, identifié sur les étiquettescomme « protéines de blé » (et non farine, ou blé tout court),déclenche des crises d’urticaire et d’anaphylaxie ainsi que desallergies de contact quand il est incorporé aux crèmes de soins.Cette fraction protéique du gluten de blé (ou « isolat de blé »)issue de l’industrie agroalimentaire est destinée à améliorer laconsistance de certaines préparations de charcuterie comme lecassoulet, les escalopes reconstituées de volaille.

Les allergies croisées ont-elles un rôle dans cetteévolution épidémiologique ?

De nouveaux allergènes « croisants » ont provoqué, cesdernières années, l’explosion des allergies alimentaires.

Le bouleau est de plus en plus allergisant, probablement parl’augmentation de l’expression de son allergène majeur (Bet v 1)qui appartient à la famille des « Pathogenesis-Related Proteins ».Cet allergène a une homologie fonctionnelle et une fortehomologie de structure avec celui des fruits de la famille desRosacées (pomme, poire, pêche, nectarine, abricot, cerise,amande), ce qui explique le déclenchement des réactionsallergiques buccales (syndrome de Lessof) après ingestion defruits chez 70 % des allergiques au pollen de bouleau [6].

Depuis les années 1970, de plus en plus d’allergies croiséesentre pollens et aliments végétaux ont été décrites (Tableau 3).

Une vingtaine de familles de protéines allergisantes (sur les7677 familles végétales) sont progressivement répertoriées. Laprofiline est impliquée dans près de 20 % des sensibilisationscroisées entre les pollens de bouleau, d’armoise et la carotte oule céleri. Il s’agit d’une sensibilisation primaire aux pollens etsecondaire aux fruits.

Aux États-Unis l’allergie à l’arachide, véritable problème desanté publique (0,8 à 1,5 % de la population), donne lieu à desallergies croisées à d’autres fruits à coques. Elle est en progres-sion en France où une étude menée sur 4 737 consultantsmontre que la sensibilisation est de 1 à 2,5 %, avec une allergieestimée entre 0,3 et 0,75 % pour la population française [7].

Le latex provoque des réactions anaphylactiques qui peuventsurvenir au décours d’une intervention chirurgicale. Il peut

déclencher des réactions croisées avec toutes sortes de fruits,souvent exotiques, de légumes et d’épices, dont la liste s’allongetous les jours [8].

■ Questions de clinique

Quels sont les arguments en faveurd’une allergie respiratoire ?

L’interrogatoire est un temps essentiel dans la démarchediagnostique en allergologie. Pour identifier le caractère allergi-que d’un symptôme il faut préciser les facteurs suivants.

Facteurs prédisposantsRecherche précise et détaillée d’antécédents personnels et

familiaux de maladies atopiques : eczéma, asthme associé à unerhinoconjonctivite.

Facteurs étiologiquesUnité de temps, unité de lieu, de déclenchement des crises

par des pneumallergènes : acariens de septembre à avril, puispersistance toute l’année ou crises en présence d’animaux, oubien survenant à une époque bien définie : pollens d’arbres auprintemps puis de graminées et plus tard dans l’été d’herbacées.On peut se référer aux calendriers polliniques disponibles surinternet : www.pollens.fr.

Facteurs favorisantsLa pollution atmosphérique, le tabagisme et certains produits

chimiques favorisent les crises qui peuvent aussi survenir danscertaines conditions professionnelles.

Les infections respiratoires bronchiques et sinusiennesaggravent ou entretiennent l’allergie et provoquent des exacer-bations d’asthme.

Le rôle du reflux gastro-œsophagien (RGO) sans symptômesdigestifs évidents est souvent discuté.

Rôle de l’environnementLa concordance entre le début des symptômes et les modifi-

cations de l’environnement peut être une aide importante. C’estsurtout au regard des résultats de l’inventaire allergologique(tests) que l’étude de l’environnement est indispensable : nichesà acariens, literie, logement humide, mal ventilé, inventaire desanimaux.

Sur quels critères cliniques peut-on évoquerune rhinite allergique ?

La rhinite est une maladie fréquente souvent associée à uneconjonctivite et à l’asthme. Cette dernière association estcourante. En effet, la muqueuse est identique et réagit par uneinflammation locale aux mêmes stimuli. Demoly [9] a récem-ment rappelé qu’allergie nasale et asthme sont une mêmemaladie. En effet quatre asthmatiques sur cinq souffrent derhinite et un patient atteint de rhinite sur quatre développe unasthme.

La rhinite allergique est caractérisée par un prurit nasalassocié à un prurit pharyngé et auriculaire, une rhinorrhéeaqueuse, des éternuements et parfois une toux souvent associéeà une irritation conjonctivale.

L’examen clinique est souvent peu contributif car aucun desaspects de la muqueuse elle-même n’est spécifique d’uneétiologie allergique.

Les diagnostics différentiels sont :• la rhinite vasomotrice qui survient plutôt lors des change-

ments de température, n’importe quand dans l’année et enn’importe quel lieu et qui, à la différence de la rhiniteallergique ne s’accompagne pas de prurit pharyngé etconjonctival ;

• pour la polypose nasale c’est l’obstruction qui domineavec anosmie et agueusie. La fibroscopie nasale permet lediagnostic.

Tableau 3.Allergies croisées (d’après Aalberse RC, Akkerdeas JH, van Ree R. Cross-reactivity of IgE antibodies to allergens. Allergy 2001;56:478-90).

Ambrosia / melon 1970 (Glaser)

Pomme / bouleau 1977 (Lahti)

Armoise / céleri 1983 (Kremser)

Latex / banane / avocat 1991 (Vervloet)

Allergologie en pratique ¶ 2-0093

3Traité de Médecine Akos

Page 8: Le manuel du généraliste   allergie

Les autres causes de rhinites chroniques sont plus rares etnécessitent l’avis de l’ORL : médicaments, maladies systémiques,mycoses, rhinites professionnelles, dyskinésie ciliaire, anomaliesanatomiques, etc. Des signes unilatéraux évoquent une causetumorale.

L’association à une sinusite aiguë n’est pas en faveur d’unmécanisme allergique. En revanche « l’allergie fait le lit del’infection ». Certains patients ont des symptômes allergiquesmodérés, compliqués fréquemment de surinfections hivernales.

La sévérité de certaines rhinites allergiques peut entraver laqualité de vie. C’est pourquoi, en parallèle à la classificationGINA de l’asthme (Global INititiative for Asthma www.ginasthma.com), des experts ORL et allergologues européens ontproposé une classification de la rhinite allergique, dans le butde faciliter son diagnostic et de déterminer la stratégiethérapeutique.

L’analyse de la durée et de la gravité des crises distingue quatrepaliers (Tableau 4).

L’intensité des symptômes et les modifications de la qualité devie définissent la gravité des crises (Tableau 5). La rhiniteintermittente, par opposition à la rhinite persistante, évolue parcrise d’une durée inférieure à 4 jours de suite par semaine, ou bienmoins de 4 semaines de suite.

Quels sont les éléments en faveur d’uneconjonctivite allergique ?

La conjonctivite est la manifestation la plus fréquente del’allergie oculaire. La rougeur de la conjonctive, le larmoiement,le chémosis (œdème) et surtout le prurit sont toujours bilaté-raux et surviennent dans les mêmes circonstances : au prin-temps en cas d’allergie pollinique et en association à une rhinitesaisonnière [10].

Les conjonctivites chroniques dues aux acariens peuvent êtreisolées et sont de diagnostic difficile. Il faut différencier un œilsec ou des anomalies de convergence qui entraînent unefatigabilité oculaire, en particulier à l’écran en sachant que laconjonctivite allergique chronique peut entraîner une sécheresseoculaire.

Les autres causes de conjonctivite chronique sont multiples :infections virales, blépharite chronique, rosacée, médicaments,irritations chroniques par la pollution atmosphérique, la fuméede tabac, les particules irritantes (sciures, maquillage ouclimatisation) ou l’abus de collyres contenant du chlorure debenzalkonium. Au cours de la ménopause, une conjonctivitechronique par involution des glandes lacrymales peut êtreobservée. L’avis de l’ophtalmologiste est souvent nécessaire.

Quelle est la place de l’allergiedans la maladie asthmatique ?

Les mécanismes allergiques à IgE jouent un rôle dans 80 %des asthmes infantiles [11] et dans plus de 50 % des asthmes del’adulte. L’asthme est une maladie plurifactorielle et toutes lesétiologies doivent être prises en compte. Chez le nourrisson, desbronchiolites récidivantes à virus respiratoire syncytial sontassociées à un asthme précoce, en cas de terrain familialatopique.

La recherche d’une cause allergique est primordiale chez toutasthmatique car l’éviction de l’allergène, par des mesuresadaptées permet une amélioration des symptômes de la mala-die. Les acariens sont les allergènes les plus fréquemment encause et les plus asthmogènes, loin devant les pollens, mais leuréviction est difficile. Les petits garçons sont les plus vulnérables.Le chat est l’allergène le plus fréquent et le plus sensibilisantparmi les animaux, il peut déclencher des crises graves, et si lecontact persiste l’éviction ultérieure ne permettra pas uneguérison de la maladie asthmatique. Les moisissures sont plusrarement en cause ou le fait de cas particulier : alternaria,moisissure estivale (perannuelle dans le Midi de la France) estfréquemment asthmogène en particulier chez les enfants quisont également très sensibles à une infestation des appartementspar les blattes.

Les asthmes allergiques non IgE dépendants, à IgG (précipiti-nes), avec élévation des éosinophiles sont rares : alvéolites deséleveurs d’oiseaux (déjections) ou à Aspergillus fumigatus. Leterme d’asthme intrinsèque n’est pas recommandé par lanouvelle nomenclature [1] qui propose la classification donnéedans la Figure 2.

Les patients consultent souvent pour les symptômes qui lesgênent le plus, rhinoconjonctivite ou symptômes évocateursd’asthme : toux, dyspnée d’effort, sifflements, oppressionthoracique, réveil nocturne. Un asthme léger peut être passésous silence, c’est pourquoi il faut poser clairement les questionsconcernant les manifestations bronchiques mineures.

L’auscultation est parfois normale, en dehors des crises quiont souvent lieu la nuit. La mesure du souffle grâce au débit-mètre de pointe ou au Pico6® peut mettre en évidence undéficit. Toutefois, il peut exister parfois une discordance entreles signes cliniques et un bon résultat du débit expiratoire depointe ou du VEMS/VEM6 (> 80 %) à cause d’une atteinte isoléedes petites voies aériennes. En cas de déficit, même modeste,l’étude de la réversibilité après un bronchodilatateur s’impose.

Les explorations fonctionnelles respiratoires montrent untrouble ventilatoire obstructif variable, réversible sous l’effet dela thérapeutique et une hyperactivité bronchique avec lamétacholine et/ou l’histamine.

L’association à une rhinite et une conjonctivite signe l’origineallergique.

Quelles sont les manifestations allergiquescutanées les plus fréquentes ?

L’urticaire et l’eczéma, qu’il soit allergique à IgE (atopie) oude contact, sont les manifestations les plus fréquentes, ainsi queles réactions cutanées médicamenteuses dont les mécanismespathogéniques et les présentations cliniques sont très divers -exanthème maculopapuleux symétrique, eczéma, érythèmepigmenté fixe, érythrodermie.

Tableau 4.Classification des rhinites allergiques ARIA (Allergic Rhinitis and its Impacton Asthma) (d’après Bousquet J et al. Allergic rhinitis and its impact onasthma. J Allergy Clin Immunol 2001;108:S147-S334).

1 Intermittente légère

2 Persistante légère

3 Intermittente modérée à sévère

4 Persistante modérée à sévère

Tableau 5.Intensité des symptômes et modifications de la qualité de vie (d’aprèsBousquet J et al. Allergic rhinitis and its impact on asthma. J Allergy ClinImmunol 2001;108:S147-S334).

Rhinites légères Rhinites modérées à sévères(un ou plusieurs items)

Symptômes peu gênants Symptômes gênants

Sommeil normal Sommeil perturbé

Activités sociales et loisirs normaux Activités sociales et loisirs perturbés

Activités scolaires ou professionnel-les normales

Activités scolaires ou professionnel-les perturbées

Asthme non IgE dépendant

Asthme non allergique Asthme allergique

Asthme

Asthme IgE dépendant

Figure 2. Nouvelle classification de l’asthme [1].

2-0093 ¶ Allergologie en pratique

4 Traité de Médecine Akos

Page 9: Le manuel du généraliste   allergie

L’urticaire, éruption de papules blanc rosé, surélevées, trèsprurigineuses, entourées d’érythème, est labile et peut s’associerà un angio-œdème (terme remplaçant celui d’œdème deQuincke). Elle correspond à un groupe hétérogène de patholo-gies qui induisent la libération d’histamine à partir des masto-cytes cutanés. Il faut noter que 15 à 20 % des sujets feront aumoins une fois dans leur vie une crise d’urticaire. Le dermogra-phisme est une forme bénigne d’urticaire.

On distingue urticaire aiguë - crise isolée ou à répétition - quinécessite alors la recherche d’une étiologie, et urticaire chroni-que qui a une durée d’évolution de plus de 6 semaines et dontles mécanismes étiopathogéniques sont complexes. Cettedernière affection est fréquente, le plus souvent bénigne maisinvalidante [12, 13].

L’anaphylaxie [1] est une réaction d’hypersensibilité générali-sée ou systémique sévère menaçant le pronostic vital. Les signescliniques se développent progressivement, par des démangeai-sons des paumes, des plantes ou de la gorge, pour aboutir à uneurticaire généralisée, se compliquant de manifestations polyvis-cérales : rhinoconjonctivite, associée à une dysphagie, unedysphonie ou une dyspnée et parfois un asthme sévère. La criseculmine avec une hypotension jusqu’au choc parfois mortel.L’hypotension et le bronchospasme sévère ne doivent pasnécessairement être présents pour qu’une réaction soit classéecomme anaphylactique.

En dehors du mécanisme à IgE, d’autres mécanismes allergi-ques peuvent intervenir dans l’anaphylaxie, tel le complément,un complexe IgG ou un mécanisme à médiation cellulaire :• anaphylaxie non allergique ;• anaphylaxie allergique non IgE dépendante ;• anaphylaxie allergique IgE dépendante.

Les lésions d’eczéma atopique sont souvent sèches, prurigi-neuses et fixes, la lésion élémentaire est une vésicule. Leurtopographie varie selon l’âge et l’étiologie. Elles prédominentchez le nourrisson, sur les grands plis de flexion et tendent àdisparaître dans l’enfance avec une éventuelle transformationultérieure en asthme [14, 15].

Les lésions d’eczéma de contact sont souvent localisées auxmains ou au visage. L’amélioration pendant les congés apporteun argument décisif en faveur d’une allergie de contact profes-sionnelle. Les diverses lésions prurigineuses et récidivantes duvisage sont plus fréquentes chez les femmes. Il est parfoisdifficile de distinguer une intolérance, d’une irritation ou d’uneallergie de contact aux produits de cosmétologie mais aussi auxproduits ménagers en aérosols. Si la prescription de produits desoins non allergisants, la suppression du maquillage et desparfums ou des aérosols n’améliorent pas la situation, il fautenvisager des tests épicutanés (cf. infra) [16].

Quand penser à une allergie alimentaire ?Le syndrome oral (syndrome de Lessof) est un signe patho-

gnomonique avec prurit buccal et parfois œdème des lèvres aucours de l’ingestion de fruits ou de légumes. Une allergie croiséeavec le pollen de bouleau (rhinite de mars à mai) est possible.

Une urticaire peut survenir dans les minutes qui suivent laprise alimentaire. L’analyse des ingesta alimentaires doit êtretrès méticuleuse, en vérifiant la concordance entre l’alimentsuspecté et le déclenchement de la crise. Il peut être utile defaire un cahier alimentaire où tous les ingrédients sont notés,boissons, friandises comprises, sans oublier les médicaments prisau cours du repas. Plus les réactions sont proches de la prisealimentaire, plus elles sont graves. Elles peuvent faire interrom-pre le repas [12, 13].

Une manifestation anaphylactique d’origine alimentaire peutparfois survenir après un effort, même minime - marche rapide,danse, mais le plus souvent course ou activité sportive - dans lessuites d’une prise alimentaire bien supportée au repos.

Les allergènes alimentaires, les plus fréquents de par le mondeet dont le rôle allergisant a été contrôlé [17] sont, par ordredécroissant : œuf de poule, lait de vache, poissons, crustacés,arachide, soja, noisette. Cet ordre de fréquence varie selonl’âge : chez les petits enfants le lait de vache, l’œuf de poule etl’arachide sont les plus fréquemment en cause tandis que chezles adultes, ce sont les poissons, les fruits et les légumes [7].

Moneret-Vautrin a créé pour la France, un réseau d’allergovi-gilance en allergie alimentaire, pour répertorier les allergiesalimentaires graves et pouvoir informer les autorités sanitaires :107 cas ont été enregistrés en 2002. Une large étude sur44 000 personnes a recensé les allergies alimentaires à l’aided’un questionnaire envoyé à 20 000 foyers. 33 110 réponses ontpermis de dénombrer 20,8 % de symptômes d’allergie ressentiemais le bilan y compris le test de provocation orale en doubleaveugle contre placebo (TPODA) n’en a retenu que 3,24 %(Tableau 6).

Si l’on classe les aliments selon la gravité des réactions(anaphylaxies sévères) [13], le soja, les lentilles et surtoutl’arachide sont en tête avec 20 % des cas, puis les autres fruitsà coque - noix, noisette, amande, pistache, noix de cajou et deMacadamia (14 %) -, les crustacées 10 % (crevettes le plussouvent), enfin les aliments qui ont des réactions croisées avecle latex - avocat, kiwi, banane, poivron, mangue, etc. (7 %). Ilfaut noter que le sarrasin (blé noir des crêpes bretonnes) est àégalité avec le lait de vache et le céleri, juste après le blé et suivide près par les graines de sésame.

■ Questions de démarchesdiagnostiques

Comment peut-on confirmer le diagnosticd’allergie en médecine générale ?

Dans toutes les situations, l’hyperéosinophilie n’est qu’unélément d’orientation. Le dosage d’IgE totales n’est pas recom-mandé en pratique car ce n’est pas un bon indicateur de terrainatopique, hormis chez l’enfant asthmatique de moins de 3 anset dans l’eczéma atopique (Haute autorité de santé [HAS]). Eneffet 20 % de la population a un taux d’IgE totales supérieuraux normes.

Devant une manifestation respiratoire, on peut facilementobtenir la confirmation de son étiologie allergique par le dosaged’IgE spécifiques par multitests, principalement le Phadiatop®

(recommandation de l’Agence nationale d’analyse et d’évalua-tion des soins [ANAES]). Le MAST-CLA® pneumallergènes oumixte (pneumallergènes et trophallergènes), est source d’erreurs,en particulier avec des faux positifs par diffusion de la forteréactivité à un des allergènes du test.

Le dosage des IgE spécifiques ne doit pas être fait en pratiquecourante en première intention. Il doit, selon les recommanda-tions HAS de 2005, être limité aux situations suivantes :• allergies respiratoires, en complément des tests cutanés,

éventuellement avant l’immunothérapie spécifique ;• allergie aux venins d’hyménoptères, en cas d’accident sévère,

après un délai de 1 mois ;• allergies au latex, seulement si la clinique est évocatrice ou en

cas d’allergie alimentaire croisée ;• pour les allergies médicamenteuses - b-lactamines, ammo-

niums quaternaires - pas de dosage en 1re intention ;• pour les allergies alimentaires, pas de dosage isolé à l’aveugle ;• enfin, concernant l’urticaire chronique, la réalisation d’exa-

mens complémentaires est controversée [12].

Tableau 6.Allergie alimentaire (d’après Kanny G et al. Population study of foodallergy in France. J Allergy Clin Immunol 2001;108:133-40).

Symptômes Aliments en cause

Urticaire = 57 % Rosacées (pomme, pêche) = 14 %

Angio-œdème = 26 % Légumes = 9 %

Symptômes digestifs = 22 % Lait = 8 %

Eczéma = 22 % Crustacés = 8 %

Rhinite = 6,5 % Fruits de mer = 7 %

Syndrome oral = 6,5 % Aliments du groupe latex = 5 %

Asthme = 5,7 % Œuf = 4 %

Choc anaphylactique = 2,7 % Noix d’arbres = 3 %

Conjonctivite = 1,4 % Cacahuètes = 1 %

Allergologie en pratique ¶ 2-0093

5Traité de Médecine Akos

Page 10: Le manuel du généraliste   allergie

Quand adresser à l’allergologue de ville ?Le patient allergique entre bien souvent, avec sa maladie,

dans un statut de porteur de maladie ou de symptômes chroni-ques. Cette situation nécessite une prise en charge adaptée aulong cours, des objectifs thérapeutiques partagés et réalisables.La surveillance du traitement et l’éducation thérapeutique dupatient nécessitent une bonne coordination des intervenants :l’allergologue, le médecin généraliste, le médecin du travail, lesspécialistes d’organe.

Les rhinoconjonctivites saisonnières peuvent être contrôléespar un traitement médicamenteux bien conduit (antihistamini-ques, corticoïdes locaux, collyres antiallergiques). Toutefois, encas de rhinite persistante, modérée à sévère avec prise continuede médicaments, un bilan allergologique s’impose. De même,un bilan de 2e ligne est envisagé lorsque la rhinite s’accompa-gne d’un asthme ou lors de la persistance des symptômes, aprèséviction de l’allergène supposé par l’interrogatoire ou par lebilan biologique (Tableau 7).

Chaque patient ayant un asthme, même d’apparition tardive,doit faire l’objet d’un bilan complet, y compris allergologique,pour mettre en place une éventuelle éviction qui diminue laréactivité bronchique.

Devant une urticaire aiguë grave ou récidivante un bilanallergologique est utile, sachant que l’allergène même alimen-taire ne peut pas toujours être identifié. En effet, malgré uneenquête étiologique soigneuse 60 à 80 % des urticaires chroni-ques restent idiopathiques [12].

L’eczéma atopique de l’enfant doit être exploré s’il estpersistant et sévère, selon les conclusions de la conférence deconsensus de 2005 [15].

Quel est la nature du bilande l’allergologue ?

La consultation en allergologie est une consultation longue.Le bilan de l’allergologue débute par une anamnèse trèsdétaillée incluant les bilans et traitements antérieurs. Laréalisation des tests cutanés dépend des signes d’orientation,obtenus par l’interrogatoire et l’examen clinique.

Prick-tests

L’enquête allergologique par prick-tests nécessite quelquesprécautions : arrêt, quelques jours avant, des antihistaminiquesper os (Tableau 8) et de l’application cutanée de corticoïdes surles avant-bras. Les corticoïdes, par voie générale ou inhalés, nesont pas gênants. La lecture est effectuée au bout de 15 à20 minutes et un compte-rendu est remis aussitôt au patient.

Les différents allergènes utilisés pour les prick-tests enpratique courante sont :• pneumallergènes domestiques : pour les symptômes évoluant

pendant toute l’année :C acariens : Dermatophagoides pteronyssinus et farinae ;C blatte germanique ;

C animaux : chat, chien, selon l’interrogatoire : lapin, rat,souris, chinchilla, plumes...

C moisissures : Alternaria, Cladosporium, Aspergillus, Peni-cillium ;

• pollens pour les symptômes du printemps et de l’été, enrapport avec la pollinisation anémophile de la région :C pollen d’arbres : bouleau, frêne, cyprès, olivier, platane ;C pollen de graminées entre avril et juillet selon l’altitude ;C pollen d’armoise au nord de la Loire et de pariétaire dans

le Midi.• trophallergènes (aliments). Les tests sont pratiqués avec les

extraits allergéniques commercialisés - poissons, crevette, œuf,viande et certains fruits à coque - et avec les alimentsapportés par le patient pour les plats suspectés ainsi que fruitset légumes crus dont les allergènes sont fragiles.Chez l’enfant, les prick-tests cutanés permettent un diagnostic

étiologique précoce, dès l’âge de 3 mois [18]. Les tests sont àrépéter, selon la clinique, en cas de négativité (réponse cutanéeplus faible chez le nourrisson) chaque année ou tous les 2 anset jusqu’à 6 ans par crainte d’apparition de nouvelles sensibili-sations. Ils permettent aussi, la mise en place d’une évictionprécise des allergènes, d’un traitement spécifique avec desmédicaments adaptés et éventuellement la mise en route d’uneimmunothérapie spécifique, pour éviter le développementd’autres allergies [18].

Tests de provocation allergénique spécifiquePour confirmer un diagnostic discordant entre l’interroga-

toire, la clinique, la biologie et les résultats des tests cutanés, onpratique des tests de provocation spécifique aux allergènes : testde provocation conjonctivale pour la conjonctivite [10], nasalepour la rhinite et l’asthme.

L’extrait allergénique spécifique suspecté est utilisé pourreproduire la symptomatologie en cause. La prise d’antihistami-niques est suspendue comme pour les prick-tests. Le test sepratique en dehors d’une crise après examen ORL ou ophtalmo-logique soigneux. Une première dose de diluant est déposéesuivie de doses progressivement croissantes d’allergènes aprèscontrôle toutes les 15 à 20 minutes de l’état clinique. Desabaques ont été publiés et les scores cliniques sont totalisés.

Le test de provocation labiale se pratique en cas d’allergiealimentaire en posant sur la face interne de la lèvre l’alimentsuspecté. L’ingestion de l’aliment suspecté ne peut se faire qu’enmilieu hospitalier.

La reproduction des symptômes permet d’affirmer le rôle del’allergène, mais ces tests sont longs et parfois difficiles à mettreen œuvre.

Tests épicutanés [16]

Les tests épicutanés permettent l’identification d’un allergènede contact, en appliquant les produits sur la peau du dos,pendant 48 heures avec une lecture à la 48e et à la 72e heure.Les produits, non toxiques, bien identifiés et à une dilutionadéquate, non irritante, sont maintenus en place à l’aide debandelettes spécifiques. Les produits les plus allergisants faisantpartie de la batterie standard sont toujours testés avec lesproduits personnels, sélectionnés par l’allergologue.

Tableau 7.Recours à l’allergologue.

Avis diagnostique et thérapeutique

Pour affirmer le caractère allergique du problème présenté (rhinite,eczéma...)

Pour identifier l’allergène et/ou les circonstances d’apparitiondes symptômes

Pour proposer un traitement adapté et fixer les objectifs thérapeutiquesen collaboration avec le médecin généraliste

Aide au suivi

Éducation du patient allergique, les mesures d’éviction des allergènes

En cas d’échec d’une éviction bien menée

En cas d’échec des traitements spécifiques bien conduits

En cas de rechute à l’arrêt d’un traitement médicamenteux

En cas de survenue d’un asthme (aggravation de la maladie allergique)

Tableau 8.Méthodologie des prick-tests cutanés.

Arrêt des antihistaminiques

- 5 jours avant pour la plupart des anti-H1

- 15 jours pour le Zaditen®

- 24 heures pour la Polaramine®

Face antérieure de l’avant-bras

Solutions glycérinées d’allergènes standardisés

Témoin négatif et témoin positif

Lancette calibrée

Lecture après 15/20 min

Compte-rendu remis à chaque patient : résultats en mm

2-0093 ¶ Allergologie en pratique

6 Traité de Médecine Akos

Page 11: Le manuel du généraliste   allergie

Dans quelles situations le bilanallergologique doit-il être réaliséà l’hôpital ?En cas d’allergie alimentaire, à plusieurs aliments

Les tests de provocation par voie orale (TPO) sont parfoisrecommandés. Il existe toutefois plus de sensibilisationscutanées que d’allergie vraie. La méthodologie requise, endouble insu, est très lourde. Elle nécessite un service spécialisé,entraîné, doublé d’une réanimation. Plusieurs équipes ontétudié le taux d’IgE spécifiques en parallèle aux réponses parTPO, ces taux déterminent le seuil d’allergie clinique [8].

Réactions allergiques sévères aux hyménoptèresLes patients ayant des réactions allergiques sévères aux

hyménoptères - guêpe, abeille ou frelon - doivent être adressésen milieu hospitalier pour confirmer le diagnostic. Les testsintradermiques déterminent le seuil de réactivité. Le dosage desIgE spécifiques doit avoir lieu au moins 4 semaines aprèsl’accident [19].

Allergie médicamenteuseLes tests cutanés - prick, intradermoréaction (IDR),

épicutanés- ne sont pas indiqués en routine et il n’existe, àl’heure actuelle, pas d’examen biologique validé (le test dedégranulation des basophiles est abandonné). Pour les réactionsIgE dépendantes, les solutions médicamenteuses (antibiotiques,anesthésiques généraux...) peuvent être testées en prick ou enIDR. Ces tests ne sont pas proposés en cas d’anaphylaxie.

Les tests épicutanés, pas toujours positifs, ni dénués de risquede réactivation des symptômes, explorent les réactions allergi-ques tardives, survenant après quelques jours de prise médica-menteuse. En cas de syndrome de Stevens-Johnson et à plusforte raison de syndrome de Lyell, les tests cutanés sontprohibés, car ils peuvent réactiver la maladie.

Concernant les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS),en dehors de l’exploration d’un eczéma de contact, aucun testcutané ne se pratique car la réaction cutanée aux AINS passe parla voie des prostaglandines. Seuls les tests de provocationpeuvent être utiles, si les manifestations ne sont pas tropsévères.

Le bilan d’anaphylaxie survenue au cours d’une anesthésiegénérale doit être réalisé avec les anesthésiques incriminés. Lescurares sont les plus fréquemment en cause, sans oublier lelatex, des antibiotiques et antalgiques divers.

Les bilans demandés 10 à 20 ans après une réaction médica-menteuse qualifiée d’allergique ne sont pas performants. Ilspourraient toutefois permettre d’éliminer un risque de réactionanaphylactique.

■ Questions de prise en chargethérapeutique

Quels sont les principaux médicamentspour l’allergie dans la trousse d’urgence ? [20]

L’adrénaline (épinéphrine) est le seul traitement du chocanaphylactique avant l’hospitalisation.

Pour une diffusion meilleure et plus rapide, l’injection se faitpar voie intramusculaire. Présentation :• Adrénaline Aguettant® et Renaudin® : 0,25 mg/ml, 0,5 mg/

ml, 1 mg/ml.• Seringue préremplie Anahelp® 1 mg/ml (0,25 ml par ailette

cassée).• Stylo Anapen® (0,15 mg/0,3 ml ou 0,3 mg/0,3 ml) (automé-

dication en cas d’anaphylaxie alimentaire et aux hyménoptè-res).Posologie : 0,10 à 0,15 mg chez l’enfant en dessous de 20 kg ;0,25 à 0,30 au-dessus de 20 kg chez les moins de 12 ans et0,25 à 0,50 chez les plus de 12 ans et les adultes.Les corticoïdes dont l’action est lente, sont indispensablespour éviter un choc retardé et en cas de crise d’asthme grave.

Voie orale, ORO soluble ; injectables : intramusculaire,intraveineux.Les autres médicaments utiles sont :

• les bronchodilatateurs : en spray avec aérochambre etBabyhaler® ; injectables (sous-cutanée très lente) Bricanyl®

0,5 mg/ml ;• les antihistaminiques en comprimés et injectables

(Polaramine®).

Comment envisager la préventionde la maladie allergique ?

Comme dans de nombreuses affections chroniques évitables,il est possible d’agir aux trois étapes de la prévention.

Pour un enfant à haut risque allergique (deux parents et/ouses frères ou sœurs allergiques) la prévention primaire com-mence dès la grossesse : pas de tabac qui augmente les IgE. Lebénéfice des évictions alimentaires pendant la grossesse nesemble prouvé que pour l’allergie à l’arachide, en particulier auxÉtats-Unis.

L’allaitement maternel recommandé jusqu’au 6e mois n’a pasde bénéfice certain sur la maladie allergique.

Chez le bébé à haut risque allergique et si l’allaitement estimpossible, il faut proposer des laits à hydrolysats partiels ouextensifs car les grosses molécules du lait de vache sont plusallergisantes. Tous les laits de mammifères sont égalementsensibilisants ainsi que certains laits de soja. Quant aux alimentssolides, il est préférable de les introduire après l’âge de 6 mois,sauf pour les œufs et le poisson qui doivent être donnés aprèsl’âge de 1 an.

La prévention secondaire est centrée sur la diminution de lacharge allergénique de l’environnement. C’est principalementl’éviction des allergènes identifiés, lors de l’enquête allergologi-que, associée à la suppression du tabagisme passif. L’éviction desacariens peut être difficile (cf. infra). L’obtention d’une bonneobservance du régime alimentaire nécessite beaucoup depédagogie, en particulier chez l’enfant. Un protocole d’accueilindividualisé (PAI) est institué pour les enfants scolarisés, devantdisposer d’une trousse d’urgence, qui est remise à l’école.

L’éducation thérapeutique du patient, des objectifs thérapeu-tiques partagés et réalisables et des traitements régulièrementréévalués constituent le trépied d’une prise en charge optimalepour obtenir une meilleure qualité de vie (prévention tertiaire).

Quelles sont les recommandations pour l’évictiondes acariens ?

Pour diminuer la charge allergénique en acariens des literies,il faut modifier leur niche écologique (température et humi-dité) [21]. L’aération tous les jours, de la chambre (si possibleensoleillée) et de la literie, l’aspiration prolongée du matelaschaque semaine, sont essentielles. On dispose désormais dehousses en coton enduit d’une couche de polymères, imper-méable aux débris microscopiques d’acariens mais non à lavapeur d’eau. Elles sont plus avantageuses que les acaricides(benzoate de benzyle) qui pourraient ne pas être dénués, à longterme, de toxicité pour l’homme. Le nettoyage du sol doit êtresoigneux et fréquent, la moquette est à proscrire, car elle est unréservoir d’acariens.

La mise en œuvre de l’éviction des acariens est parfois trèsdifficile. Une équipe de Strasbourg [21] a formé des conseillersmédicaux en environnement intérieur (CMEI) pour rechercherdes niches d’acariens au domicile de certains patients, où ilseffectuent un dosage semi-quantitatif (Acarex-test) puisconseillent des mesures adaptées à l’infestation détectée et auxmoyens socio-économiques de la famille. Ces visites améliorentl’observance des conseils donnés.

Faut-il avoir ou ne pas avoir un chat ?En cas d’allergie à un animal, non seulement le contact direct

est à proscrire mais aussi l’inhalation des poils et squameslaissés par l’animal lors de son passage dans le logement.L’animal ne doit pas avoir accès aux chambres. Il est recom-mandé d’essuyer le chat avec un chiffon très humide, s’il netolère pas une douche par semaine.

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Allergologie en pratique ¶ 2-0093

7Traité de Médecine Akos

Page 12: Le manuel du généraliste   allergie

Certains travaux ont montré que l’exposition massive auxpoils, associée aux endotoxines animales diminue la sensibilisa-tion allergique (théorie hygiéniste) mais une fois les symptômesd’allergie déclarés, les crises surviennent lors d’une expositionultérieure [22].

Quelles sont les indications del’immunothérapie spécifique (ITS) ?

L’immunothérapie spécifique est le seul traitement quimodifie le cours naturel de la maladie.

Plusieurs critères sont nécessaires pour décider de la mise enœuvre d’une ITS [23].

L’identification d’une allergie IgE dépendante vis-à-vis del’allergène : tests cutanés positifs, éventuellement confortés parun dosage des IgE spécifiques mais surtout mise en évidenced’une relation causale entre l’histoire clinique du patient et lesstigmates de la maladie allergique : rhinite et asthme.

L’éviction de l’allergène est insuffisante (acariens) ou irréali-sable (pollens).

La désensibilisation doit être faisable sans astreinte supérieureà la maladie (durée brève de certaines pollinoses).

L’ITS a une efficacité et une sécurité démontrées avec lesallergènes proposés. Par exemple acariens, pollens de graminées,de bouleau et d’ambroisie chez l’asthmatique allergique.

L’allergique doit adhérer au traitement : une bonne obser-vance est indispensable au succès.

Certaines contre-indications sont définitives comme lesmaladies auto-immunes, les déficits immunitaires (sida), lescancers, l’asthme persistant sévère ou instable. La prise deb-bloquants y compris en collyres (aggravation des effetssecondaires) et celle d’inhibiteur de l’enzyme de conversion(IEC) fréquemment générateur d’angio-œdème sont contre-indiquées. La grossesse en cours est une contre-indicationrelative, de même que le jeune âge. Une crise d’asthme, un étatfébrile aigu sont des contre-indications temporaires.

Quelles sont les bonnes pratiquesde l’immunothérapie injectablepar le médecin traitant ?• Avant l’injection :

C examen clinique ;C mesure du débit expiratoire de pointe en cas d’asthme ;C prise de la tension artérielle ;C bilan de tolérance des injections précédentes.

• Pendant l’injection :C injection : face externe deltoïde ;C vérifier l’absence d’injection intraveineuse.

• Après l’injection :C surveillance systématique du patient pendant 30 minutes ;C pas de sport dans les heures qui suivent.Le médecin doit disposer dans son cabinet du matériel

d’urgence.

Quel est l’avantage de l’immunothérapiespécifique sublinguale ?

C’est une voie qui est très bien supportée avec des effetsbuccaux minimes [24]. Les allergènes sont gardés impérativement2 minutes sous la langue. C’est le contact avec les cellulesdendritiques spécifiques de la muqueuse buccale qui induit unetolérance. L’absence d’effets secondaires permet une progressionrapide des doses, en une douzaine de jours, ce qui favorisel’observance. Mais en cas de réaction locale, la poursuite dutraitement se fait à la dose maximale tolérée.

Elle est poursuivie toute l’année pour les acariens, pendant 3à 5 ans en moyenne. Pour les pollens, elle débute 1 à 2 moisavant la saison pollinique et est poursuivie jusqu’à la fin de lasaison, avec renouvellement chaque année pendant 3 à 5 sai-sons. On juge de l’efficacité du traitement à 6 mois pour lesacariens et au terme de 1 à 2 saisons pour les pollens.

Les indications sont les mêmes que pour la voie sous-cutanée. De nombreuses études contrôlées, pour les pollens etles acariens, chez l’adulte et chez l’enfant, ont montré l’effica-cité de l’ITS sublinguale dans la rhinite et l’asthme [24].

Les contre-indications sont les mêmes que pour la voie sous-cutanée avec des contre-indications temporaires liées à deslésions buccales, par risque de passage intravasculaire (plaiebuccale, extraction, soins dentaires, gingivite avec saignements).

Quelles sont les nouvelles thérapeutiques ?

Omalizumab = Xolair®

L’omalizumab [25] (en injection sous-cutanée) est un anticorpsmonoclonal, anti-IgE, humanisé de souris qui se lie aux IgEcirculantes et diminue leur taux, empêchant ainsi l’activationdes mastocytes. Ce traitement est proposé chez les patientsasthmatiques sévères, non stabilisés, dont la dépendance auxIgE a été établie sur des critères probants.

Allergènes recombinants [26]

Issus du génie génétique, les allergènes recombinants sont desmolécules strictement identifiées. Elles apportent une plusgrande spécificité et donc une plus grande efficacité pour l’ITS.L’allergène majeur du pollen de bouleau modifié et renduhypoallergénique est en cours d’évaluation.

■ ConclusionLes connaissances en allergologie évoluent vite. Les moyens

diagnostiques se sont affinés. Les nouveaux traitements visent,principalement, à améliorer la qualité de vie des patients.Toutefois, la gravité de certaines manifestations allergiques liées,en particulier aux médicaments, aux hyménoptères et auxaliments ne permet pas de proposer un suivi ambulatoireexclusivement. C’est grâce à une relation étroite avec l’allergo-logue de proximité et avec les autres professionnels de santéconcernés que le médecin généraliste peut mettre en place uneprise en charge de qualité.

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2-0093 ¶ Allergologie en pratique

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M. Raffard, Allergologue.Centre médical de l’Institut Pasteur, 25-28, rue du Docteur-Roux, 75724 Paris cedex 15.

H. Partouche, Médecin généraliste, Maître de conférences associé ([email protected]).Faculté de médecine Cochin-Port-Royal, Université René Descartes Paris 5.88, avenue Gabriel Péri, 93400 Saint-Ouen, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Raffard M., Partouche H. Allergologie en pratique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de MédecineAkos, 2-0093, 2008.

Disponibles sur www.emc-consulte.com

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Informationau patient

Informationssupplémentaires

Auto-évaluations

Allergologie en pratique ¶ 2-0093

9Traité de Médecine Akos

Page 14: Le manuel du généraliste   allergie

Circonstances permettant

d’évoquer une manifestation

allergique

E Beaudouin, G Kanny, J Flabbee, DA Moneret-Vautrin

L ’ensemble des organes-cibles de la réaction allergique peut être stimulé au cours de la vie par un allergènedonné. Les tableaux cliniques évocateurs d’allergie sont donc multiples.

© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : urticaire, eczéma, dyshidrose, dermatite atopique, rhinite, asthme, conjonctivite.

■Introduction

Les tableaux cliniques de l’allergie sont variés,avec des organes-cibles susceptibles de changer aucours de la vie même pour un allergène donné.L’allergie médicamenteuse, les situations d’urgenceen allergologie ainsi que les allergies alimentairesfont l’objet d’articles particuliers.

Nous envisageons les situations cliniques les pluscourantes où une étiologie allergique doit êtreévoquée.

■Urticaires

L’urticaire est une dermatose faite de papules enrelief ou en « placard », fugace, mobile etprurigineuse. On différencie l’urticaire aiguë del’urticaire chronique dont l’évolution est marquéepar des poussées durant une période de 6 semaines.

‚ Urticaire aiguë

Une urticaire aiguë peut être déclenchée par :– des insectes (hyménoptères, t iques,

moustiques…) ;– des substances médicamenteuses (cf autre

chapitre de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale) ;– des aliments (cf autre chapitre de l’Encyclopédie

Médico-Chirurgicale) ;– des agents infectieux, en l’occurrence viraux

(hépatite virale, mononucléose infectieuse,cytomégalovirus, Coxsackie, virus de l’immunodéfi-cience humaine acquise…).

L’interrogatoire doit être mené en période aiguëde façon :

– à préciser la chronologie des événements ;– à rechercher un contexte infectieux ;– à lister toutes les prises médicamenteuses et

alimentaires, même celles paraissant les plusbanales, dans les minutes ou dans les heures quiprécèdent la survenue de l’urticaire.

L’urticaire aiguë d’origine allergique évolue surquelques heures, alors que l’urticaire d’origineinfectieuse évolue habituellement sur quelquesjours.

Si l’on suspecte fortement une pathologieinfectieuse, les explorations biologiques doiventcomporter une numération-formule sanguine, unerecherche d’un syndrome inflammatoire, un dosagede transaminases et des sérologies virales…

En cas de récidive, le recoupement des différentsinterrogatoires aide l’allergologue dans le bilanvisant à établir un diagnostic étiologique.

Un cas particulier est représenté par l’urticaire decontact ; nous rappelons par exemple la survenuede telles manifestations lors de port de gants encaoutchouc chez une personne sensibilisée au latex.

‚ Urticaire chronique

Il s’agit de manifestations cliniques évoluantdepuis plus de 6 semaines avec des poussées parfoispluriquotidiennes ou, à l’inverse, plus espacées. Ilpeut s’y associer des angioœdèmes (œdèmes deslèvres ou des paupières) qui relèvent d’un mêmemécanisme.

Les étiologies de l’urticaire chronique sontmultiples. Elle est généralement d’originemultifactorielle et relève rarement d’une causeal lergique. En fonct ion des données del’interrogatoire, un bilan complémentaire plus oumoins complexe peut être proposé.

Principales causes de l’urticaire chronique

¶ Facteurs physiquesIls sont multiples : le dermographisme (il se

recherche avec une pointe mousse au niveau dudos ; il apparaît rapidement une réactionérythémateuse au point de friction et peut secompléter par une réaction œdémateuse etprurigineuse) ; l’urticaire retardée à la pression(exceptionnellement liée à l’existence d’agglutininesfroides ou de cryoglobulines) ; l’urticaire au chaud ;l’urticaire au froid ; l’urticaire solaire (apparaît en 5minutes lors d’une exposition solaire et disparaîtensuite, il est à distinguer des lucites et toutparticulièrement de la lucite estivale bénigne) ;l’urticaire aquagénique. L’interrogatoire permet

d’identifier aisément ces agents physiques ; celaévite d’entreprendre des explorations complémen-taires inutiles.

¶ Agents alimentairesSi l’urticaire chronique est rarement due à une

origine alimentaire, elle est souvent en relation avecune fausse allergie alimentaire ; elle est soit liée à unpassage anormal des médiateurs (histamine) à partirde l’alimentation, soit à des phénomènesd’histaminolibération non spécifiques (classiqueurticaire déclenchée par les fraises).

¶ Agents médicamenteux (cf autre chapitrede l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale)Les urticaires médicamenteuses peuvent survenir

à tout âge et peuvent être liées soit à un mécanismeimmunologique (existence d’immunoglobulines IgEspécifiques), soit à un mécanisme pharmacologique(médicament entraînant une histaminolibérationnon spécifique).

¶ Agents microbiens ou mycosiquesUne lévurose intestinale est très souvent observée

au cours des urticaires chroniques. Un foyerinfectieux chronique, et en l’occurrence dentaire, doitêtre systématiquement recherché chez l’adulte.

¶ Agents parasitairesIls doivent être évoqués, en particulier chez des

patients ayant voyagé outre-mer, ou suspectésdevant une élévation des IgE totales ou despolynucléaires éosinophiles.

¶ Perturbations neurovégétativesElles sont fréquemment en cause ; l’effort,

l’émotion sont des facteurs déclenchants del’urticaire cholinergique (aspect punctiforme despapules).

¶ Maladies systémiquesL’urticaire se caractérise par la fixité des plaques,

la discrétion du prurit et l’association avec dessymptômes de la maladie causale (altération del’état général, fièvre, arthralgies…). L’histologie de lalésion cutanée retrouve une vasculari teleucocytoclasique. Ces situations rares serencontrent au cours du lupus érythémateuxdisséminé et autres maladies auto-immunes, decancers…

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Malgré un bilan approfondi et variable selon leséquipes, l’urticaire chronique ne connaît pas, danscertains cas, d’étiologie identifiable ; on parle alorsd’urticaire idiopathique.

■Eczémas

‚ Eczémas de contact

C’est une réaction d’hypersensibilité se traduisantpar un eczéma au niveau de la zone de contact àdes allergènes externes. Dans certains cas, deslésions à distance sont possibles. L’eczéma peutapparaître après ingestion de l’allergène responsablede l’eczéma de contact (nickel, baume du Pérou…).

Causes

Elles sont multiples :– les eczémas de contact dus à la profession ou à

des loisirs (eczéma des mains lié à la manipulationde ciment en rapport avec une hypersensibilité auchrome) ;

– les eczémas de contact dus à des médicaments(l’allergie aux dermocorticoïdes est possible et doitêtre suspectée devant une non-guérison oul’aggravation d’une dermatose habituellementcorticosensible) ;

– les eczémas de contact dus aux cosmétiques(teintures, parfums…) ;

– les eczémas de contact dus aux contactsvestimentaires (boutons de jeans, colorantstextiles…).

L’interrogatoire avant tout bilan allergologiqueoriente la recherche de l’allergène particulier etprécise :

– la topographie de l’eczéma (un eczéma desaisselles permet de suspecter une allergie auxparfums) ;

– la chronologie par rapport à certains contactsparticuliers dans les 24 à 48 heures précédentes ;

– les activités du patient : ménage, loisirs… ;– la profession du patient : les manifestations

d’eczéma apparaissant après un contactprofessionnel et disparaissant lors des périodes decongés doivent faire évoquer une pathologied’origine professionnelle ; une collaboration avec lemédecin du travail est nécessaire.

Le diagnostic principal de l’eczéma de contact estla dermite orthoergique correspondant à des effetsirritatifs de la substance sans intervention dephénomène immunologique.

Deux tableaux particuliers doivent être évoqués :– la dyshidrose, qui se caractérise par une

éruption vésiculeuse très prurigineuse palmoplan-taire et de la face latérale des doigts, reconnaîtdiverses étiologies :

– la dyshidrose secondaire à une candidose, à unfoyer infectieux à distance, à des allergènesexogènes ingérés (nickel, baume du Pérou…) ;

– la dyshidrose primitive évoluant dans uncontexte d’atopie ou une dyshidrose saisonnière oùle rôle de la sudation est discuté ;

– l’eczéma aéroporté est localisé aux partiesdécouvertes (région cervicofaciale, paupières, dosdes mains…) et est grossièrement symétrique ;l’allergène est véhiculé comme un pneumallergène ;les agents étiologiques sont variés comme lamousse de chêne ou frullania (eczéma apparaissant

en forêt ou après manipulation de bois) ou laprimevère... Le diagnostic différentiel est lesphotodermatoses.

‚ Dermatite atopique

La dermatite atopique est une des manifestationscliniques de l’atopie dont elle peut être la premièreexpression. Chez l’enfant plus âgé peuventapparaître une rhinite ou un asthme.

La topographie des lésions d’eczéma varie enfonction de l’âge :

– chez l’enfant de moins de 2 ans, les lésionssiègent principalement au niveau des régionsconvexes : front, genoux, menton, cuisses ;

– chez l’enfant de plus de 2 ans, les zonesatteintes sont les plis : coudes, creux poplités,poignets, chevilles, plis rétroauriculaires) ;

– chez l’adulte, les lésions sont polymorphes :placards eczématiformes, lésions lichénifiées,papules indurées de prurigo, lésions nummulairesavec une topographie symétrique.

L’allergologue réalise un bilan dans différentesdirections en fonction des données anamnestiqueset de l’interrogatoire :

– recherche d’une allergie alimentaire d’autantque le patient est un jeune enfant ;

– recherche d’une sensibi l isat ion auxpneumallergènes qui peuvent être responsables nonseulement de manifestations respiratoires, maisencore des manifestations de dermatite atopique ;

– recherche d’allergie à des réactogèneschimiques ou naturels rencontrés lors de l’eczéma decontact qui entretient et aggrave les lésions de ladermatite atopique ;

– recherche d’autres manifestations de l’atopie.

■Rhinites

Le nez joue le rôle de filtre des muqueusesrespiratoires sous-jacentes. Parmi les particulesinhalées, les allergènes, les micro-organismes, lespolluants peuvent entraîner une inflammationresponsable de rhinites de natures diverses :allergique, vasomotrice, iatrogène ou d’autresétiologies.

Les symptômes majeurs permettant d’évoquerune rhinite associent diversement prurit, troubles del’olfaction, rhinorrhée, éternuements, obstruction.L’importance relative des symptômes oriente versune étiologie particulière : l’obstruction prédominedans les rhinites non allergiques perannuelles ;l’anosmie est rare dans les rhinites allergiques.

Devant une rhinite il apparaît nécessaire de :– rechercher des symptômes d’asthme plus ou

moins patent (toux nocturne en particulier) ;– s’enquérir d’un avis spécialisé en oto-rhino-

laryngologie (ORL) qui programme le cas échéantcertaines explorations paracliniques ; la réalisationd’une endoscopie nasale précise l’état de lamuqueuse nasale (coloration, hypertrophie,présence de polypes…) et l’existence d’anomaliesarchitecturales.

Dans le cas particulier de la rhinite saisonnièrepollinique, l’avis spécialisé ORL n’est pasindispensable.

L’interrogatoire peut orienter vers une rhiniteallergique :

– existence d’un terrain atopique personnel oufamilial ;

– début de la symptomatologie avant 20 ans ;– présence de signes évocateurs : manifestations

oculaires associées (conjonctivite), éternuementsassociés à une rhinorrhée et à un prurit nasal oupharyngé ;

– circonstances de déclenchement :– en milieu professionnel, l’apparition de

symptômes sur le lieu de travail et disparaissant lorsdes périodes de congés oriente vers une pathologied’origine professionnelle ; la rhinite allergiqueprofessionnelle précède le plus souvent l’apparitionde l’asthme dont le pronostic est plus péjoratif ;

– le caractère saisonnier (allergique) ouperannuel (soit allergique ou non allergique).

‚ Rhinites saisonnières

L’attention est attirée par la chronologie desévénements, par le caractère saisonnier dessymptômes identiques, à quelques jours près, d’uneannée sur l’autre. La comparaison avec le calendrierpollinique de la région permet de suspecter le pollenresponsable : de janvier à avril dans le nord et l’estde la France, on suspecte une allergie aux pollens debétulacées, c’est-à-dire bouleau, noisetier, charme ;dans le Midi, ceux des cyprès ; de la fin du printempsà l’été, c’est la grande saison pollinique desgraminées. Un tableau clinique qui traîne doit faireévoquer une allergie à des pollens de naturedifférente (graminées et bétulacées, par exemple).Une symptomatologie de pseudopollinose faitsuspecter une allergie à certaines moisissures(Alternaria ou Stemphilium).

Le diagnostic de rhinite pollinique est aisé et, auvu du bilan allergologique, l’allergologue propose, lecas échéant, une hyposensibilisation spécifique ouimmunothérapie.

‚ Rhinites perannuelles

L’interrogatoire et l’avis spécialisé ORL sont deséléments indispensables. Il convient de distinguer lesrhinites allergiques perannuelles, les rhinitesvasomotrices et le syndrome de rhinite nonallergique à éosinophiles (NARES : non allergic rhinitiseosinophilic syndrome).

Rhinites allergiques perannuelles

Les caractéristiques des rhinites allergiquesperannuelles sont :

– l’existence d’un terrain atopique familial oupersonnel ;

– un début précoce avant 20 ans ;– la recrudescence pendant certaines saisons

(automne chez un sujet allergique aux acariens) ;– l’association à un asthme ;– l’apparition après un contact avec des

animaux ;– une profession exposant à un risque allergique

(boulangerie, par exemple) ;– la positivité d’un test biologique de dépistage

aux pneumallergènes (Phadiatopt, par exemple).

Rhinites vasomotrices

La rhinite vasomotrice est, souvent chez l’adulte,la traduction d’une hyperréactivité de la muqueusenasale, se traduisant par des épisodes d’obstructionalternant avec des épisodes de rhinorrhée.

On évoque une rhinite vasomotrice devant :– un début à la puberté ;– lorsqu’il existe des facteurs de stress ;– quand les symptômes sont dominés par des

éternuements suivis de rhinorrhée ;

2-0020 - Circonstances permettant d’évoquer une manifestation allergique

2

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– quand les symptômes surviennent par accèsdans des circonstances inopinées.

NARES

Il se singularise par :– un tableau clinique particulier avec une gêne

importante et des troubles de l’olfaction fréquents(élément d’orientation) ;

– l’absence de sensibilisation à des pneumaller-gènes et à des allergènes professionnels ;

– l’existence d’une éosinophilie dépassant 20 %dans les sécrétions nasales (élément deconfirmation).

¶ Cas particuliers– La polypose nasosinusienne, dont le diagnostic

est fait à l’endoscopie nasale, est rarementallergique. L’allergologue s’attache toutefois àrechercher une triade de Fernand Widal : asthmenon allergique, intolérance aux anti-inflammatoiresnon stéroïdiens et à l’aspirine, polyposenasosinusienne.

– Les infections rhinosinusiennes doiventrechercher en particulier un terrain atopique carl’allergie fait le lit des infections.

■Asthme

La définition reconnue sur le plan internationalest : « L’asthme est un désordre inflammatoire desvoies aériennes ; cette inflammation est secondaireà un infiltrat inflammatoire polymorphe,comprenant des mastocytes et des éosinophiles. Surun terrain particulier, cette inflammation entraînedes symptômes qui sont en général en rapport avecune obstruction bronchique diffuse et variable,réversible spontanément ou sous l’effet dutraitement ; par ailleurs cette inflammation est lacause d’une hyperréactivité bronchique à denombreux stimuli. »

Les formes cliniques sont très variées :– les formes classiques : la crise typique, l’asthme

d’effort, l’attaque d’asthme, l’asthme instable,l’asthme à dyspnée continue, l’asthme aigu grave ouétat de mal asthmatique ;

– les formes en fonction de l’âge :– chez le nourrisson, c’est un syndrome obstructif

récidivant ou chronique caractérisé par la survenued’au moins trois épisodes de dyspnée sifflante avecou sans intervalle libre entre les épisodes aigus ;

– chez le plus grand enfant, l’asthme doit êtresuspecté devant une toux récidivante, accompagnéeou non de dyspnée ou de sibilances.

Les facteurs étiologiques ou déclenchants del’asthme sont multiples car l’asthme est une maladiemultifactorielle :

– les virus responsables d’aggravation del’hyperréactivité bronchique ;

– l’effort ;– l’exposition aux polluants (tabac et pollution

atmosphérique) ;– l’intolérance à l’aspirine et aux autres

anti-inflammatoires non stéroïdiens, et aux sulfites ;– le reflux gastroœsophagien ;– les facteurs hormonaux (asthme

prémenstruel) ;– le stress ;– les facteurs professionnels ;– l’exposition aux allergènes inhalés.L’allergologue précise tout particulièrement :– les antécédents atopiques personnels ou

familiaux du sujet ;– les circonstances de début et le mode évolutif

des manifestations ;– les conditions de vie du patient : habitat

(tabagisme actif ou passif, type de logement,existence ou non de moquette, présence d’animaux,présence et types de plantes vertes, qualité etancienneté de la literie…), loisirs (équitation…) ; chezl’enfant on n’omet pas de connaître l’environnementà l’école ainsi que chez la nourrice ;

– l ’environnement professionnel : unecollaboration avec le médecin du travail estnécessaire afin de préciser au mieux les produitsutilisés au sein de l’entreprise.

C’est en fonction de toutes ces données quel’allergologue réalise un bilan à la recherche d’unallergène responsable. Dans certains cas, il n’est pasretrouvé de composante allergique, on parle alorsd’asthme intrinsèque (qui est surtout l’apanage del’asthme à début tardif) par opposition à l’asthmeextrinsèque avec facteur allergique.

■Conjonctivites allergiques

La conjonctivite allergique représente le quart desconjonctivites. Elle s’associe, dans la moitié des cas, àune rhinite allergique.

On distingue :– la conjonctivite aiguë qui est due à l’exposition

transitoire à un allergène auquel l’organisme estsensibilisé : allergie aux épithélia de chat, allergie auxpollens… ; le diagnostic différentiel est laconjonctivite virale ou microbienne ;

– la conjonctivite perannuelle ; les allergènesconcernés sont les mêmes pneumallergènes quedans les rhinites perannuelles allergiques, les collyres(principe actif ou les conservateurs comme lebenzalkonium et le thiomersal), les produits dedésinfection des lentilles.

■Conclusion

Une bonne connaissance des maladiesallergiques en permet une meilleure approcheclinique et par conséquent une meilleureidentification des allergènes dont l’éviction est unélément majeur dans le succès thérapeutique.

Étienne Beaudouin : Médecin des Hôpitaux.Gisèle Kanny : Médecin des Hôpitaux.

Jenny Flabbee : Généraliste allergologue.Denise-Anne Moneret-Vautrin : Professeur des Universités, chef de service.

Service de médecine interne, immunologie clinique et allergologie,centre hospitalier universitaire, hôpital central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : E Beaudouin, G Kanny, J Flabbee et DA Moneret-Vautrin.Circonstances permettant d’évoquer une manifestation allergique.

Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0020, 2001, 3 p

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Circonstances permettant d’évoquer une manifestation allergique - 2-0020

3

Page 17: Le manuel du généraliste   allergie

Maladies allergiques et réactions

pseudoallergiques : définitions,

mécanismes, épidémiologie

E Beaudouin, G Kanny, J Flabbee, DA Moneret-Vautrin

L es maladies allergiques sont en constante progression puisqu’elles occupent désormais le quatrième rang parordre de fréquence des maladies répertoriées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). De surcroît,

15 % de la population a eu ou aura une maladie allergique. Elles sont devenues un véritable enjeu de santépublique. Elles concernent tous les âges et touchent tous les organes simultanément ou successivement.© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Maladies allergiques, atopie.

■Définitions

‚ Immunité. Antigènes. Allergènes.Déterminants antigéniques. Haptène

L’immunité désigne l’ensemble des réactionsélaborées par le système immunitaire vis-à-visd’antigènes.

Les antigènes sont des substances étrangères àl’organisme non reconnues comme telles et capablesde susciter une réponse immunitaire humorale(anticorps) ou cellulaire (lymphocytes).

La réaction immunitaire dont le rôle est de protégerl’organisme peut devenir excessive et anormale,entraînant des pathologies. Les maladies allergiquessont des réactions d’hypersensibilité.

Un allergène qui est un sous-groupe d’antigène estcapable de susciter une réaction immunitaire ouallergique ; c’est cette propriété d’induire une réponseimmunitaire qui détermine l’allergénicité ouimmunogénicité d’un allergène. Un antigène estgénéralement une protéine ou une glycoprotéine d’unpoids moléculaire de 15 000 à 40 000 Da.

Une ou plusieurs fractions d’un antigène (quelquesacides animés) sont immunogènes ; ils sont appelésdéterminants antigéniques.

Un haptène est une molécule de petite taille quipeut déclencher une réaction immunitaire à conditionqu’elle se couple à un porteur (protéine le plussouvent). En revanche, lorsque la sensibilisation a eulieu, la réaction allergique ne nécessite pas cecouplage.

‚ Atopie. Maladies allergiquesIl y a souvent confusion entre « allergie » et

« atopie », qui sont volontiers employés l’un pourl’autre.

Atopie

L’atopie, terme qui signifie « bizarre », a été introduitpar Coca et Cooke en 1923. C’est une prédispositiongénétique à présenter certaines maladies dites« maladies atopiques » (dermatite atopique, rhiniteallergique, asthme allergique, allergie alimentaire).

Dans les années 1970, Pepys définit l’atopiecomme étant « l’anormale facilité à synthétiser des

anticorps immunoglobuline E (IgE) spécifiques vis-à-visd’allergènes naturels pénétrés dans l’organisme pardes voies naturelles ».

Cette définition amène à faire quelquescommentaires en reprenant chaque critère.

– « C’est l’anormale facilité... » : cela sous-entend unterrain héréditaire particulier ; les bases génétiques del’atopie reposent sur une transmission polygénique, latransmission autosomique d’un seul gène estactuellement abandonnée. Ainsi, il convientd’envisager la génétique des nombreux intervenantsde la réaction allergique (populations cellulaires,médiateurs chimiques, IgE) qui ont certaines propriétésprogrammées : synthèse des IgE (chromosome 5),présentation des antigènes (chromosome 6), synthèseet fixation des interleukines (IL), substancessynthétisées par les cellules immunitaires(chromosome 12 pour l’interféron gamma,chromosome 16 pour l’IL4), récepteurs cellulaires desIgE (chromosome 11), hyperactivité bronchique(chromosome 4 et 7).

– « à synthétiser des anticorps IgE spécifiques... » :ceci est favorisé par le profil Th2 (lymphocytes Tauxiliaires de type 2) prédominant par rapport au profilTh1 (lymphocytes T auxiliaires de type 1) ; leslymphocytes synthétisent des cytokinines (IL4, IL5,IL13…) qui favorisent la synthèse des IgE spécifiques.

– « vis-à-vis d’allergènes naturels... » : on distingueles pneumallergènes ou allergènes atmosphériques(acariens, épithéliums d’animaux, moisissures,pollens…) et les trophallergènes ou allergènesalimentaires.

– « pénétrés dans l’organisme par des voiesnaturelles. » : l’introduction dans l’organisme del’allergène peut se faire par voie respiratoire, cutanée,muqueuse ou digestive.

Au total, l’atopie est une maladie génétique enrapport avec un déséquilibre immunitaire au profitdes lymphocytes Th2 se traduisant par uneproduction excessive d’IgE spécifiques dirigéescontre des allergènes naturels de l’environnement.

Les premières manifestations de l’atopie peuvents’exprimer par une dermatite atopique. Ultérieure-ment, chez ce même patient plus âgé apparaîtront unerhinite ou un asthme. Le choc anaphylactique estsurtout l’apanage de l’adulte.

De 20 à 30 % de la population présente un terrainatopique (c’est-à-dire possède des IgE spécifiques),mais tous les patients ne souffrent pas pour autant desymptômes cliniques ou de maladies atopiques ; dansce cas, il s’agit d’une sensibilisation latente n’étantrévélée que par des tests cutanés ou biologiques(fig 1).

Environnement

Traitement

Symptômescliniques

Réactions tissulaires(interaction cellules-médiateurs)

Constitution génétique

1 Les maladies allergi-ques : lapointede l’iceberg.

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Maladies allergiques non atopiques

Ce sont les allergies médicamenteuses, l’allergieaux hyménoptères, les eczémas de contact, lesallergies professionnelles… Elles peuvent affecter« n’importe qui » et même en l’absence de terraingénétiquement défini comme l’atopie. En revanche, unsujet atopique peut en être atteint (fig 2). Ellesrépondent à des mécanismes immunologiques variés(cf infra) vis-à-vis de multiples allergènes del’environnement.

■Mécanismes immunologiques

des pathologies

immunoallergologiques

Toutes les réactions immunologiques nécessitentun contact préparant où, l’organisme, entré une

première fois en contact avec l’allergène, induit uneréponse immunologique silencieuse. Lors d’un contactultérieur, dit déclenchant, l’allergène se trouve enprésence d’un organisme sensibilisé ; il induit alors uneréaction immunologique responsable d’unesymptomatologie clinique.

La classification de Gell et Coombs, établie il y a prèsde 40 ans, comporte quatre types d’hypersensibilité ;elle demeure toujours la référence malgré unapprofondissement des connaissances et une réalitéplus complexe (tableau I).

‚ Hypersensibilité de type immédiatou hypersensibilité de type Iou IgE-dépendante

Après une phase silencieuse biologique desensibilisation (c’est-à-dire de synthèse des IgEspécifiques) et lors d’une réexposition à l’allergène, il se

produit une réaction clinique dans les minutes quisuivent ; les allergènes sont reconnus par les IgEspécifiques, elles-mêmes fixées sur les polynucléairesbasophiles et les mastocytes ; la liaison allergène-IgEspécifiques entraîne un signal aboutissant à lalibération par ces cellules de médiateurs dont le plusimportant est l’histamine ; à cette phase immédiatesuccède de façon inconstante une phase tardiveinflammatoire cellulaire (infiltrat de polynucléaireséosinophiles) survenant quelques heures plus tard. Lesallergènes sont très variés : allergènes del’environnement comme les pneumallergènes ou lestrophallergènes, médicaments, venins d’hyménoptè-res… Les manifestations cliniques peuvent être uneurticaire, un choc anaphylactique ou les manifesta-tions cliniques de l’atopie.

‚ Hypersensibilité dite cytotoxiqueou hypersensibilité de type II

L’hypersensibilité de type II concerne la destructiond’une lignée sanguine qui est en relation avec desanticorps IgG ou IgM et une activation du complément.Les déterminants antigéniques sont présents sur lesmembranes cellulaires, ou bien un antigène ou unhaptène circulant (médicament par exemple) se fixesecondairement sur la membrane cellulaire puisl’anticorps et le complément viennent se fixerconjointement.

‚ Hypersensibilité semi-retardéeou hypersensibilité de type III

L’hypersensibilité de type III regroupe despathologies d’organe et des pathologies systémiquesavec des lésions tissulaires en relation avec des dépôtsde complexes immuns comme la maladie sérique(pouvant être actuellement due à certainsmédicaments), les alvéolites extrinsèques (poumonsd’éleveurs d’oiseaux dus à certaines protéinescontenues dans les fientes, poumons de fermier dus àcertaines moisissures…)... La création de telles lésionsnécessite une grande quantité d’anticorps, une grande

Population généraleTerrain atopiqueL'atopieHypersensibilitéIgE-dépendante

N'importe qui : mécanismesimmunologiques variés

Maladies atopiques :– asthme allergique– rhinite allergique– dermatite atopique– allergies alimentaires

Maladies allergiques :– allergies aux hyménoptères– allergies médicamenteuses– allergies professionnelles– eczémas de contact

Environnementnaturel

Allergènes variés

2 Atopie et allergie dansla population générale.

Tableau I. – Classification de Gell et Coombs

Type Dénomination Délai de survenue Effecteurs Mécanisme Principales maladies

1 Hypersensibilité immédiate moins de 30 minutes IgE spécifiques Liaison entre les IgE spéci-fiques et les allergènes

Choc anaphylactique

Mastocytes, polynucléairesbasophiles

Activation des mastocytes etdes polynucléaires basophi-les avec libération des mé-diateurs (histamine, tryp-tase, leucotriènes,prostaglandines...)

Urticaire

Maladies atopiques

II Hypersensibilité par cyto-toxicité

IgG, IgM Réaction antigène-anticorps Cytopénies médicamenteu-ses (anémies, neutropénies,thrombopénies)

Complément Activation du complémentsuivie d’une lyse cellulaire

Anémies hémolytiques auto-immunes

III Hypersensibilité semi-retardée

8 à 16 heures IgG, IgM Formation de complexesimmuns activant le complé-ment et créant des lésionstissulaires

Pneumopathies d’hypersen-sibilité à précipitines

Complément Maladie sériquePolynucléaires neutrophileset leurs médiateurs

Maladies à complexes im-muns circulants : vasculari-tes, glomérulopathies...

IV Hypersensibilité retardée 24 à 48 heures Lymphocytes T Action pro-inflammatoiredes cytokines libérées parles lymphocytes T sensibili-sés

Eczémas de contact

Formation d’un infiltrat àcellules mononucléées puisd’un granulome

Hypersensibilité à la tuber-culine et à d’autres agentsinfectieux

IgE, IgG, IgM : immunoglobulines E, G, M.

2-0010 - Maladies allergiques et réactions pseudoallergiques : définitions, mécanismes, épidémiologie

2

Page 19: Le manuel du généraliste   allergie

quantité d’antigènes et l’intervention du complémentet de cellules comme les plaquettes et lespolynucléaires neutrophiles.

‚ Hypersensibilité retardéeou hypersensibilité de type IV

On note deux phases chronologiques : une phasede sensibilisation silencieuse où les macrophagesprésentent au système immunitaire un allergèneaboutissant à l’expansion clonale de lymphocytes Tspécifiques de l’allergène ; une phase de révélationlors de la réintroduction du même allergène, avecactivation des lymphocytes T spécifiques libérant descytokines elles-même permettant de recruter descellules sur le site de l’inflammation (lymphocytes T,macrophages, mastocytes, polynucléairesneutrophiles…). Les réactions cliniques se produisententre 24 et 48 heures après contact avec l’antigène,c’est pourquoi l’on parle d’hypersensibilité retardée.Cliniquement, l’hypersensibilité retardée correspondaux eczémas de contact à divers produits chimiques(parfums, métaux, caoutchouc…) et à l’hypersensibilitémicrobienne ou mycosique.

■Réactions pseudoallergiques

Ce sont des affections qui miment les maladiesallergiques avec des tableaux cliniques semblables etparfois des agents étiologiques identiques (tableau II).Les cellules et les médiateurs chimiques sont lesmêmes mais leur mise en jeu aboutissant à lalibération ne relève pas d’un mécanisme immunologi-que, c’est-à-dire sans l’intervention d’anticorps IgE oude lymphocytes sensibilisés. On relève trois principaux

mécanismes : libération non immunologiqued’histamine, libération non immunologique d’acidearachidonique, libération non immunologique debradykinine.

‚ Libération non immunologiqued’histamine

L’anormale facilité de la libération d’histamine àpartir des mastocytes et des polynucléaires basophilespar des stimuli non immunologiques représentel’histaminolibération non spécifique. Les facteursexogènes peuvent être des agents physiques (froid,chaleur, pression, effort…) ou des substanceschimiques comme certains aliments (poisson,crustacés, porc et charcuterie, fraise et tomate…) oucomme certains médicaments (produits de contrasteiodés, codéine et morphiniques…). On relève chezcertains sujets une anormale facilité à l’histaminolibé-ration en raison d’un état de stress et perpétuée pardes perturbations du métabolisme de l’histamine(dégradation).

‚ Libération non immunologique d’acidearachidonique

L’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiensagissent en inhibant la voie métabolique desprostaglandines à partir de l’acide arachidonique. Chezles patients intolérants à l’aspirine et aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, les leucotrièneslibérées en grande quantité entraînent l’apparitiond’urticaire, d’œdème de Quincke, de crise d’asthme.On rappellera la triade clinique de Fernand-Widal quiassocie intolérance à l’aspirine et aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, polyposenasosinusienne et asthme.

‚ Libération non immunologiquede bradykinine

Certains chocs en hémodialyse ou chocs depatients traités par inhibiteurs de l’enzyme deconversion qui bloquent la dégradation debradykinine, relèvent de ce mécanisme.

■Épidémiologie

La fréquence des maladies atopiques a doublédepuis une vingtaine d’années. Toutes les étudesépidémiologiques vont en ce sens. Cette augmenta-tion touche tout particulièrement les pays industrialiséset économiquement développés ainsi que les enfants,les adolescents et les adultes jeunes. Ainsi, en France,on estime la prévalence de la dermatite atopique à10 %, celle de l’asthme entre 7 et 9 % pour les enfants,et 10 à 15 % pour les adolescents ; la prévalence de larhinoconjonctivite atteint de 11 à 25 % desadolescents. Dans une étude épidémiologique récentemenée par notre équipe, il apparaît que la fréquencede l’allergie alimentaire atteigne 3,2 % de lapopulation générale. Les raisons de cette fréquenceaccrue des maladies sont multifactorielles et encorepas toutes déterminées et élucidées. Nous retiendronsune pression sans cesse croissante de l’environnementsur l’organisme, étant bien entendu que génétique-ment la population n’a pas évolué en moins d’unegénération : modifications des conditions d’habitatliées à des conditions économiques et socioculturelles,modifications des comportements individuels etcollectifs concernant notre mode de vie et notrealimentation… Il faut également tenir compte d’uneréactivité différente de l’organisme vis-à-visd’allergènes environnementaux.

Tableau II. – Principaux tableaux cliniques orientant vers des réactions immunoallergiques et des réactions pseudoallergiques.

Réactions immunoallergiques Réactions pseudoallergiques

Choc anaphylactique Choc anaphylactoïde

Urticaire Urticaire

Œdème de Quincke Œdème de Quincke

Rash Rash(généralisé> localisé) (visage et décolleté plus évocateurs)

Purpuras Symptômes cutanés ou généraux au soleil, au froid, à la pression, au stress

Dermatite atopique Éruptions eczématiformes

Eczéma de contact Dermite orthoergique

Conjonctivites, kératites, uvéites Conjonctivites, kératites, uvéites virales

Rhinites allergiques Rhinites vasomotrices et rhinite non allergique à éosinophiles (NARES)

Polypose nasosinusienne (rare) Polypose nasosinusienne (fréquente)

Bronchites « asthmatiformes » (spastiques) du jeune enfant Bronchites virales du nourrisson « sans lendemain »

Asthme allergique Asthme dit « intrinsèque »

Maladie cœliaque Syndromes divers de malabsorption

Allergie aux protéines du lait Intolérance au lactose

Maladies allergiques et réactions pseudoallergiques : définitions, mécanismes, épidémiologie - 2-0010

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Étienne Beaudouin : Médecin des Hôpitaux.Gisèle Kanny : Médecin des Hôpitaux.

Jenny Flabbee : Généraliste allergologue.Denise-Anne Moneret-Vautrin : Professeur des Universités, chef de service.

Service de médecine interne - immunologie clinique et allergologie, hôpital Central, 29, avenue de-Lattre-De-Tassigny, C0 n° 34, 54035 Nancy cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : E Beaudouin, G Kanny, J Flabbee et DA Moneret-Vautrin.Maladies allergiques et réactions pseudoallergiques : définitions, mécanismes, épidémiologie.

Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0010, 2001, 4 p

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2-0010 - Maladies allergiques et réactions pseudoallergiques : définitions, mécanismes, épidémiologie

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Page 21: Le manuel du généraliste   allergie

Prévention des maladies atopiques

J Flabbee, G Kanny, E Beaudouin, DA Moneret-Vautrin

L a prévention des maladies allergiques passe par une diminution de la densité allergénique dans tous lesenvironnements du sujet atopique.

© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : prévention, maladies atopiques.

■Introduction

L’augmentation de la prévalence des maladiesallergiques et les difficultés de leur traitement doiventinciter à mettre en place des stratégies préventives.

L’apparition d’une maladie allergique exige unesensibilisation préalable de l’organisme par uneexposition aux allergènes présents dans l’environne-ment aérien, alimentaire mais aussi professionnel,médicamenteux ou cosmétique…

La prévention de l’apparition des maladiesallergiques s’adresse en priorité aux personnes ayantdéjà présenté des manifestations de maladiesatopiques pour éviter l’apparition de nouvellessensibilisations. Elle doit aujourd’hui également avoirpour cible les enfants à risque atopique. En effet, lerisque d’un enfant de présenter une maladie atopiquepeut être estimé à 40 % si un parent est atopique etenviron 60 % si les deux parents ou un parent et unmembre de la fratrie sont atopiques. La préventionpasse par l’identification des sujets à risque d’atopiepar la recherche d’antécédents atopiques personnelset familiaux. Elle vise à diminuer le risque desensibilisation en diminuant l’exposition allergénique.

■Prévention au niveau

des lieux de vie

La prévention au niveau de l’environnementintérieur doit concerner tous les lieux de vie del’atopique : domicile, crèches, habitat de la nourrice,des proches, établissements scolaires, lieux de loisirs,de sport ou de vacances.

‚ Conseils pour l’environnement intérieur

Il faut veiller à assurer une bonne aération des lieuxde vie. En effet, le confinement des habitations pourdes raisons d’économie d’énergie provoque unenrichissement en polluants et en allergènes. Il fautinsister sur la nécessité d’ouvrir les fenêtres etd’installer une ventilation mécanique (VMC).

Certains systèmes de purification d’air, notammentceux avec filtres de particules haute efficacité pour lesparticules aériennes (HEPA) et électroprécipiteurs, sontefficaces sur la réduction de la quantité des allergènes.

L’air conditionné permet une diminution de laquantité des pollens dans l’air à condition que lesystème soit bien entretenu.

L’humidité favorise la prolifération des moisissureset des acariens. Il faut éviter toute stagnation d’eau auniveau des joints ou des huisseries, être attentif auxproblèmes d’infiltration.

Le tabagisme passif favorise l’expression desmaladies atopiques, de l’asthme à l’allergiealimentaire…

‚ Sources d’allergènes

Acariens (tableau I)

Leur quantité est en rapport avec la présence detextiles et le degré d’hygrométrie intérieure, leurcroissance nécessitant une humidité relativesupérieure à 50 % et une température supérieure à25 °C. Sous nos climats, il faut essayer d’obtenir unehumidité de 45 % pour une température de 20 à 22 °Cet d’y associer une ventilation artificielle qui assure lastabilité de l’environnement. L’aspiration de lamoquette réduit de façon importante la quantitéd’acariens. Il faut insister sur la nécessité d’un filtre departicules HEPA pour l’aspirateur. Le shampouinage dela moquette est plus efficace que l’aspiration à sec. Auniveau de la literie, un matelas neuf est en 2 moisinfesté par les acariens. Pour les textiles, le lavage àune température supérieure à 58 °C détruit les acariensainsi que le lavage à l’eau froide. Les houssesantiacariens pour les matelas ont fait leurs preuves. Lesétudes concernant les acaricides donnent des résultatsvariables selon les produits utilisés.

Blattes

Elles sont sources potentielles d’allergies dans lesgrands ensembles urbains et défavorisés.

Animaux

Vivre avec un animal dans son environnementdomestique n’est pas recommandé chez les personnesallergiques. Les compagnons à risque allergique sontle chat, le chien, les oiseaux, mais aussi le lapin nain, lehamster, le chinchilla, la gerbille, le furet… La présenced’un aquarium n’est pas plus sans risques, notammenten raison d’allergie démontrée, notamment à formerespiratoire, à certains aliments pour poissons commeles vers de vase (larves de Chironomus thumi) ; de plus,l’aquarium enrichit l’air en humidité.

Il est souvent plus simple d’éviter d’acquérir unanimal que d’être secondairement obligé de s’endéfaire. Si la séparation est difficile en cas d’allergiediagnostiquée, on peut tenter de diminuer laconcentration allergénique en lavant régulièrementson chat, en aspirant les textiles, en évitant qu’il dormedans la chambre ou sur le lit de l’allergique.

La pratique de l’équitation, en raison del’allergénicité des protéines équines, n’est pasrecommandée.

Moisissures

Elles sont des allergènes fréquents de notreenvironnement domestique. Elles sont responsablesde manifestations respiratoires (rhinite et asthme) etcutanées (eczéma). De plus, elles constituent unexcellent milieu de culture pour les acariens. Leurprésence dans l’habitat est conditionnée par une trop

Tableau I. – Mesures préventives de l’allergie aux acariens.

- Exposition de la chambre à coucher au sud, sud-est- Éviter les chambres en sous-sol (humidité toujours plus importante)- Remplacement de la literie en plumes et en laine par du synthétique, à condition de laver les oreillers, cou-vertures, couette tous les 3 mois- Mise en place d’une housse antiacariens autour du matelas- Suppression du sommier tapissier. L’idéal est un sommier à lattes, sommier à ressorts horizontaux- Remplacement de la moquette par un sol lisse, lavable- Éviter les peluches dans la chambre et les passer en machine à laver tous les 2 à 3mois- Aérer tous les jours et de façon prolongée- Diminuer la température de la chambre à coucher- Compléter éventuellement par un traitement acaricide

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grande humidité relative. Elles se développent auniveau des ponts thermiques par formation decondensation sur les parties froides, condensation quine peut s’éliminer. Il faut éviter la surisolation etfavoriser la ventilation. Un papier peint qui se décollepeut correspondre à une plaque de moisissures. Il fautéviter de faire sécher le linge dans une pièce de vie del’habitation et veiller à une bonne ventilation despièces humides (salle de bain, lingerie).

Certaines plantes vertes comme le ficus, lescaoutchoucs sont allergisantes. De plus, lesmoisissures se développent sur la terre des pots.

‚ PolluantsLa pollution intérieure : un citadin passe 70 à 80 %

de son temps dans des bâtiments et l’exposition à lapollution intérieure est loin d’être négligeable. Lespolluants chimiques sont les composés photo-oxydants (ozone, oxydes d’azote, monoxyde decarbone [CO]), les composés organiques volatils (COV)et la pollution particulaire (dioxyde de soufre [SO2]).

Le NO2 est capable de provoquer des crisesd’asthme, soit par une agression directe des bronchesou bien en augmentant la réponse à un allergène. LesCOV et le formol sont rarement en quantité suffisante.Les endotoxines bactériennes provenant despoussières de maison seraient un facteurd’aggravation de l’asthme.

Les effets sur la santé de la pollution extérieuredépassent largement la responsabilité individuellepour être un problème de santé publique.

■Prévention des maladies

professionnelles allergiques

Il est utile de bien distinguer les métiers exposantaux substances protéiques des professions exposantaux substances chimiques. En effet, seuls les premiersoffrent un risque plus élevé pour les sujets atopiques.Les agents susceptibles d’induire des maladiesprofessionnelles allergiques à forme respiratoire oucutanée sont variés : protéines animales (animaux delaboratoire, allergènes de l’industrie agroalimentaire :porc, œufs…), substances végétales (farines, latex).D’autres risques de sensibilisation peuvent exister surle lieu de travail : ficus ornemental, climatiseurdéfectueux…

Le praticien a un rôle essentiel de conseil dans lechoix de l’orientation professionnelle de l’enfantatopique. La détection de l’atopie chez un enfant ou unadolescent, surtout s’il présente une maladie atopique,amène à proposer une orientation professionnelle,déconseillant les métiers exposant aux substancesprotéiques (tableau II). En revanche, il n’est pasnécessaire d’avoir un terrain atopique pour contracterune sensibilisation aux produits chimiques :« n’importe qui » peut présenter un asthme auxisocyanates ou une dermite de contact au ciment (selsde chrome)…

Il faut s’attacher à expliquer au patient atopique lerisque allergique particulier de certaines professionspour qu’il envisage de s’orienter vers la profession lamoins à risque possible (tableau II). Il faut actuellementinsister sur la nécessité de mettre en place desstratégies de prévention sur le lieu de travail pourréduire au maximum la densité allergénique del’environnement professionnel (hotte aspirante,masque, port de gants sans latex…). Il faut donnertoutes les informations au patient et c’est lui qui décideen dernier recours, d’où l’intérêt d’une prise en chargeprécoce du problème.

■Atopie et loisirs

Il faut savoir aider l’atopique à choisir ses activitésde loisirs sans risquer d’aggraver sa maladie ou decréer de nouvelles sensibilisations. On déconseille lapratique de l’équitation, de la piscine, surtout en casd’infections oto-rhino-laryngologiques récidivantes oude dermatite atopique, alors que la natation doit êtrerecommandée à l’asthmatique.

Il faut être particulièrement vigilant sur les lieux deséjour de vacances qui peuvent être très riches en

acariens et moisissures et être à l’origine de crisesd’asthme aux sports d’hiver ou à la mer !

■Prévention des allergies

alimentaires

L’allergie alimentaire est chronologiquement lapremière manifestation de l’atopie. Sa prévalencecroissante (actuellement 3,5 %) rend nécessaire la miseen œuvre de stratégie de prévention. Ces mesurespréventives sont proposées chez l’enfant à risqueatopique.

La sensibilisation aux allergènes alimentaires inutero a été démontrée et ce dès la 22e semaine degrossesse. Un régime d’éviction est instauré dès lequatrième mois de grossesse, excluant les deuxallergènes principaux de l’enfant : œuf et arachide. Cerégime n’expose pas au risque de carencenutritionnelle. Ce régime est maintenu chez la mèrependant l’allaitement et chez le nourrisson jusqu’à lafin de sa première année de vie. En l’absenced’allaitement, on choisit de préférence un laithypoallergénique chez ces enfants. Pendant toutecette période, on évite les allergènes à haut risqueallergique comme le sésame, les fruits exotiques… Onpréfère les tétines en silicone aux tétines en latex.

La diversification de l’alimentation correspond àl’éducation du système immunitaire digestif pourmettre en place un système de tolérance aux aliments.La diversification doit être prudente et tardive (fig 1). Ilfaut également être vigilant quant aux protéinesalimentaires présentes dans les médicaments ou lescosmétiques comme les huiles végétales, d’arachideou de sésame utilisées comme excipient, le lysozyme,les céréales comme l’avoine... et éviter d’utiliser cesproduits chez les enfants à risque atopique.

Tableau II. – Métiers exposant aux substancesprotéiques (risque accru chez les atopiques).

- Agriculteurs- Arboriculteurs et horticulteurs- Boulangers- Éleveurs ou vendeurs d’animaux, animaliers (la-boratoires de recherche)- Fromagers- Industries agroalimentaires- Industries du caoutchouc (latex), industries texti-les- Industries des produits de nettoyage (enzymes)- Industries pharmaceutiques- Industries de la soie- Pomiculteurs- Professions paramédicales, chirurgicales ou mé-dicales (latex)- Profession exposant au contact des bois exotiques

- Ébénisterie- Fabricants d’instruments de musique- Constructeurs de bateaux

- Meuniers, travailleurs des silos à grains- Menuisiers- Palefreniers- Pharmaciens- Vétérinaires

Lait de femme

0-4 mois

4 mois

5-6 mois

7-12 mois

> 12 mois

Préparationspour nourrissons (1)

Farinessans gluten

Préparationde suite

Gluten

(Eau seule boisson indispensable en dehors du lait)

Légumes (2)

Fruits (3)

ViandesPoissons (4)

Œufs (4)

Produits laitiersautres que le lait

Matières grassesajoutées (5)

Lait de vacheet/ou lait pour enfants

en bas âge

Petites pâtesSemoule

PâtesRiz

1 Diversification de l’ali-mentation chez l’enfantà risque atopique. 1. LaitHA (hypoallergénique) :à utiliser en prévention ; neconvient pas en cas d’aller-gie aux protéines de laitde vache ; 2. légumes :commencer par un seul lé-gume à la fois et éviter lespetits pois ; 3. fruits : com-mencer par un seul fruit(pomme, pêche, poire,abricot, prune), supprimerles fruits exotiques (kiwi,mangue, papaye, fruitsde la passion...), éviterla banane ; 4. œuf et pois-son : l’introduction doitêtre reculée à 1 an ; 5. ma-tières grasses : ne pas uti-liser d’huile d’arachide, nide margarine contenantla mention « graisse végé-tale non précisée ».

2-0070 - Prévention des maladies atopiques

2

Page 23: Le manuel du généraliste   allergie

Bien évidemment, toutes ces recommandationssont associées aux conseils de prévention du risqueallergique de l’habitat.

■Conclusion

Les possibilités actuelles de traitement étiologiquedes maladies atopiques sont réduites. Le traitement

des manifestations est symptomatique et laprévention de nouvelles manifestations passe par lamise en place de stratégies d’éviction. Dans l’état desconnaissances actuelles, la mise en place de stratégiesde prévention secondaire visant à diminuer la densitéallergénique pour réduire le risque de sensibilisation etd’apparition de la maladie apparaît essentielle. Lemédecin généraliste, en prise directe avecl’environnement familier du patient, est un acteurimportant de la maîtrise de l’environnement

allergénique. La mise en place de ces mesures doits’adapter au mieux aux particularités psychologique,professionnelle et surtout financière du patient. L’aidede professionnels tels que la diététicienne spécialiséeen allergie alimentaire ou la technicienne del’environnement apparaît essentiel le pourpersonnaliser au mieux les stratégies d’éviction. Lemédecin entreprend un dialogue au long cours car unpatient est atopique pour toute sa vie et chaque âge ases particularités.

Jenny Flabbee : Généraliste allergologue.Gisèle Kanny : Médecin des Hôpitaux.

Étienne Beaudouin : Médecin des Hôpitaux.Denise-Anne Moneret-Vautrin : Professeur des Universités, chef de service.

Service de médecine interne, immunologie clinique et allergologie, centre hospitalier universitaire, hôpital central,29, avenue du Maréchal-de-Lattre-De-Tassigny, 54035 Nancy cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : J Flabbee, G Kanny, E Beaudouin et DA Moneret-Vautrin. Prévention des maladies atopiques.Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0070, 2001, 3 p

R é f é r e n c e s

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[5] Moneret-Vautrin DA. Guide du praticien en immunoallergologie. Paris :Masson, 1994 : 1-180

[6] Ponvert C, Paupe J, Scheinmann P. L’exposition précoce aux allergènes repré-sente un facteur déterminant du risque de développement ultérieur des maladiesallergiques chez les enfants à risque d’atopie. Hypothèses sur les mécanismessusceptibles d’être en cause.Rev Fr Allergol1996 ; 36 : 701-705

Prévention des maladies atopiques - 2-0070

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Page 24: Le manuel du généraliste   allergie

Réactions d’hypersensibilité

médicamenteuse

G Kanny, E Beaudouin, J Flabbee, DA Moneret-Vautrin

L a prise en charge allergologique des réactions adverses aux médicaments de nature immunoallergique oupseudoallergique a pour but d’élaborer des propositions thérapeutiques ultérieures optimales pour le patient.

Des principes de précaution et prévention simples limitent l’incidence de ces réactions.

Mots-clés : allergie médicamenteuse.

■Introduction

Les réactions adverses aux médicamentsreprésentent une préoccupation courante dumédecin généraliste. Les réactions immunoaller-giques et pseudoallergiques aux médicaments neconstituent qu’une partie des réactions adverses auxmédicaments. L’absence de diagnostic précis lorsd’un état morbide survenant alors que le patientprend un traitement peut conduire ultérieurement àdes restrictions thérapeutiques abusives qui ne sontpas sans risque car elles peuvent être la cause deperte de chance de guérison pour le malade.

■Épidémiologie

L’iatrogénie induite par les médicaments est unproblème majeur de santé publique, tant par sesrépercussions en termes de morbimortalité que decoût. Une étude épidémiologique récente menée parles centres de pharmacovigilance en 1997 estime laprévalence des réactions adverses aux médicamentstoutes causes confondues à 10,3 % chez les maladeshospitalisés. Dans un tiers des cas, il s’agissait d’effetsgraves. Il a été possible d’évaluer que chaque année,environ 1,3 million de patients présentent un effetindésirable médicamenteux au cours d’unehospitalisation. Les réactions adverses auxmédicaments liées à des mécanismes immunoaller-giques ou pseudoallergiques n’en constituent qu’unepartie.

■Classification des réactions

adverses aux médicaments

Les réactions adverses aux médicaments peuventêtre dues au principe actif lui-même, à un de sesmétabolites, ou à un excipient. Les mécanismes desréactions adverses aux médicaments sont classés endeux groupes.

‚ Mécanismes non immunsIls sont multiples et variés :– toxicité, voire phototoxicité ;

– idiosyncrasie (susceptibilité particulière d’unorganisme à un médicament qui produit des effetstoxiques à une dose thérapeutique) ;

– interactions médicamenteuses ;– effets pharmacologiques secondaires ;– accidents liés à la détérioration ou à la

contamination des médicaments ;– cadre particulier de la toxicomanie et de la

pharmacodépendance.Ainsi, ces mécanismes sont incriminés dans les

réactions aux anesthésiques locaux liées à unmécanisme toxique par surdosage accidentel ou àune particulière susceptibilité des récepteursadrénergiques au vasoconstricteur associé.

Certaines réactions médicamenteuses sont liées àdes effets placebo négatifs en relation avec desmécanismes neurovégétatifs par hyperréactivitévagale ou sympathique. Il s’agit de réactions d’ordrepsychologique, et ils peuvent être mis en relationavec une dystonie neurovégétative. Les réactionsliées à une hypervagotonie se caractérisent par unebradycardie, une hypotension, une pâleur, unelipothymie, des sueurs. Les réactions sympaticoto-niques sont marquées par une sensation de malaise,une tachycardie et des palpitations, une pousséetensionnelle, des paresthésies, une polypnéeémotive, une bouche sèche. Ces réactions secaractérisent souvent par la richesse des symptômesneurosensoriels ou fonctionnels, la multiplicité desmédicaments incriminés et une anxiété particulière.

‚ Mécanismes immunologiques

Allergies médicamenteusesLes tableaux cliniques sont variés. Tous les

mécanismes d’hypersensibilité décrits dans laclassification de Gell et Coombs peuvent êtreincriminés. Un même médicament peut donnerdifférentes atteintes par différents mécanismes. Ainsi,la pénicilline, qui peut être responsable de réactionsallergiques immunoglobulines (Ig) E dépendantes(type I de la classification de Gell et Coombs),d’anémie hémolytique (type II), d’une maladiesérique (type III), d’un eczéma de contact chez desinfirmières qui la manipulent (type IV). Il ne faut pasignorer des tableaux complexes inclassablesd’hypersensibilité, avec éruption maculopapuleuse,fièvre, cytolyse hépatique ou éosinophilie... ou dephotoallergie.

Réactions auto-immunes

Elles peuvent être généralisées ou restreintes à unorgane. Ainsi ont été décrits des syndromespseudolupiques avec les bêtabloqueurs, une anémiehémolytique avec la méthyldopa, une hépatiteauto-immune avec anticorps anti-liver-kidney-microsome (LKM) liés à l’acide tiénilique, etc.

Réactions pseudoallergiques

Elles ne répondent pas à un mécanismeimmunologique spécifique. Elles correspondent à lalibération non spécifique de médiateurs ou àl’interférence avec des récepteurs de médiateursimpliqués dans les réactions allergiques.

¶ Libération non spécifique d’histamine

Certains médicaments sont capables d’induireune histaminolibération non spécifique : quinolones,Colimycinet, polymyxine, vancomycine, atracurium(curare), produits de contraste iodés hyperosmo-laires… L’histaminolibération non spécifique mimeune réaction allergique d’hypersensibilité immédiatedépendante des IgE. Elle survient dès la premièreadministration du médicament.

¶ Interférence avec le métabolisme de l’acidearachidonique membranaire : synthèseet libération non spécifique de leucotriènes

Ce mécanisme explique l’intolérance auxanti-inflammatoires et à l’aspirine. L’expression decette intolérance peut être respiratoire (asthme,rhinite) ou cutanée (urticaire, œdème de Quincke).

L’aspirine et les anti-inflammatoires nonstéroïdiens (AINS) inhibent la cyclo-oxygénase, et parconséquent la formation de prostaglandines.Inversement, ils favorisent la production deleucotriènes. Ces leucotriènes sont responsablesd’effets vasculaires et bronchiques pouvant induireune crise d’asthme, de l’urticaire et un œdème deQuincke. C’est ce mécanisme qui est incriminé dansl’intolérance à l’aspirine dans la triade de FernandWidal, associant intolérance à l’aspirine, asthme etpolypose nasosinusienne. Les nouveauxanti-inflammatoires inhibiteurs spécifiques de lafraction COX 2 de la cyclo-oxygénase pourraientdiminuer le risque de ce type d’intolérance.

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¶ Action sur les récepteurs bronchiquesLes bêtabloqueurs, en bloquant les récepteurs

bêta, peuvent démasquer une hyperréactivitébronchique latente. Les sulfites contenus danscertains médicaments peuvent interférer avec lesrécepteurs chol inergiques et induire unbronchospasme chez les asthmatiques.

¶ Interférence avec le métabolisme d’autresmédiateursAinsi, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion

peuvent provoquer une toux quinteuse, unangioœdème. Le rôle de la bradykinine non détruiteest suspecté.

Réaction de type Jarisch-Herxheimer

Un antibiotique induit la lyse des germesconduisant à une réponse immunologique ou nonimmunologique aux substances libérées (antigènesou toxines). Certaines éruptions sous antibiotiquesreconnaissent cette origine. D’autre part, lediagnostic d’allergie médicamenteuse peut êtreporté abusivement chez un patient sousantibiotiques pour une infection virale dont letableau clinique se complète d’une éruption cutanée.

Interférence avec le système immunitaire

Certains médicaments peuvent induire laprolifération de cellules lymphoïdes (pseudolym-phome), d’autres déprimer le système immunitaire.

■Principaux tableaux cliniques

– Chocs anaphylactique et anaphylactoïde.Les chocs anaphylactiques sont dominés par les

chocs en milieu anesthésique. Les médicamentsincriminés par ordre de fréquence sont : lesmyorelaxants (71 %), le latex (10,5 %), lesantibiotiques (7,8 %), les hypnotiques (4 %), lesmacromolécules (2,2 %), les morphiniques (2,9 %).

De nombreux médicaments peuvent êtreresponsables d’accidents anaphylactiques etanaphylactoïdes : antibiotiques (pénicillines),produits de contraste iodés, AINS, etc.

– Maladie sérique.Fréquemment décrite avec l’utilisation des

protéines hétérologues, la maladie sérique peut êtreinduite par certains antibiotiques (céphalosporine depremière génération).

– Atteintes cutanées et muqueuses.Elles sont très variées : urticaire, œdème de

Quincke, érythème morbilliforme, scarlatiniforme,érythème pigmenté fixe, syndrome de Lyell,syndrome de Steven-Johnson, érythèmepolymorphe, eczéma, purpura, etc.

Au niveau des muqueuses, on peut observer destableaux de stomatite ou de conjonctivite.

– Fièvre isolée.La fièvre d’origine médicamenteuse reste un

diagnostic d’élimination.– Manifestations respiratoires.Ce peut être un asthme, une alvéolite allergique,

des infiltrats labiles, etc.– Atteintes hépatiques.Il peut s’agir d’une hépatite cytolytique ou

cholestatique.– Cytopénies médicamenteuses.Toutes les lignées sanguines peuvent être

atteintes : agranulocytose, thrombopénie, anémiehémolytique.

– Atteintes rénales.Différentes atteintes rénales sont observées :

néphrite interstitielle, glomérulonéphrite, syndromenéphrotique, etc.

– Lymphadénopathie bénigne : « pseudolym-phome ».

– Lupus induit.– Manifestations neurologiques.Des tableaux de polyradiculonévrite ou de

méningite peuvent être observés.– Manifestations digestives.Elles sont le plus souvent fonctionnelles.

■Éléments du diagnostic

‚ Prise en charge initialepar le médecin traitant

Arrêt du traitement en cours

Au début de toute suspicion de réactionsd’hypersensibilité à un médicament, il faut cesserimmédiatement la thérapeutique en cours. Il n’estsouvent pas possible au début d’une réactionmédicamenteuse de connaître son évolution et sagravité. Une éruption cutanée peut évoluer vers unsyndrome de Lyell de pronostic sévère ou n’être quela manifestation visible d’une pathologie d’organegrave sous-jacente avec atteinte hépatique, rénale,etc.

Interrogatoire et examen clinique initial

De la qualité de cette étape dépend en grandepartie le succès du bilan diagnostique. L’interroga-toire et l’anamnèse sont essentiels. Le médecins’attache à relever toutes les prises médicamen-teuses et leur chronologie dans les heures précédantl’accident.

La qualité et la précision de l’examen cliniqueinitial et du rapport qui en est fait au médecinallergologue permettent d’orienter au mieux vers lanature de la réaction. L’analyse précise dessymptômes cliniques oriente le diagnosticétiologique : urticaire aiguë de la réaction allergiqueou pseudoallergique par histaminolibération,éruption maculopapuleuse par hypersensibilitéretardée, purpura, flush facial, etc.

Les facteurs de risque associés sont précisés : taresviscérales, maladie virale, antécédents d’allergiesmédicamenteuses multiples, antécédents familiaux.

Bilan biologique de débrouillage

Certains examens biologiques simples sont d’uneaide considérable au diagnostic. La numération-formule sanguine oriente vers une affection virale ouretrouve une hyperéosinophilie fréquente dans lesréactions d’hypersensibilité médicamenteuse. Ons’attache à doser les paramètres biologiquesnécessaires au dépistage d’une atteinte d’organesous-jacente infraclinique : cytolyse hépatique,atteinte rénale, cytopénie.

Le dosage de la tryptase sérique est utile lors d’unaccident anaphylactoïde. Élevé, il signe ladégranulation des mastocytes. Ce dosage estpossible dans le sang prélevé dans les 24 heuressuivant l’accident. Il y a un parallélisme entre les tauxde tryptase et la gravité de l’accident.

Le dosage de l’histamine plasmatique a peud’intérêt du fait de sa demi-vie courte et des

fluctuations importantes de ses taux liées auxconditions de prélèvement et de transport des tubes.

Devant certains tableaux cliniques, la recherchede paramètres d’une auto-immunité éventuelle peutêtre indiquée ; la réalisation d’un prélèvementbiopsique aide au diagnostic.

‚ Information du centrede pharmacovigilance régionale

La déclaration d’une réaction adverse à unmédicament est une obligation légale de toutmédecin. Le centre de pharmacovigilance, outre sonrôle de recueil des effets secondaires auxmédicaments, offre une aide précieuse audiagnostic, en apportant les données bibliogra-phiques et épidémiologiques permettant d’aider leclinicien dans son cheminement diagnostique. Cesinformations permettent de déterminer l’imputabilitéd’un médicament dans une réaction adverse, à lafois sur des critères chronologiques, sémiologiqueset bibliographiques.

‚ Bilan allergologique

Principe (fig 1)

Il faut proposer une consultation allergologiqueaussi proche que possible de l’accident. Les relationschronologiques (début de la prise, durée, arrêt)orientent beaucoup le diagnostic.

Le bilan allergologique répond toujours à lamême logique diagnostique. Pour identifier lemédicament et le mécanisme de l’accident,l’allergologue « lance une fusée ». La base delancement est large, se fondant sur l’interrogatoire,l’anamnèse et l’analyse bibliographique. Le secondétage est celui de l’examen clinique. Le troisièmeétage est celui du bilan biologique de débrouillage

Tests de réintroduction(cas particuliers)

Tests cutanés + biologiques

Effet de l'arrêt du médicament

Bilan biologique de débrouillage

Interrogatoire et anamnèse

Examen clinique

1 Principe du bilan allergologique.

2-0050 - Réactions d’hypersensibilité médicamenteuse

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Page 26: Le manuel du généraliste   allergie

réalisé par le médecin en charge du patient aumoment de l’accident. L’effet des mesures d’évictiondu médicament est un élément essentiel dudiagnostic et constitue le quatrième étage. Lecinquième étage est celui des tests cutanés,éventuellement complétés par des tests biologiques.Le dernier étage est celui de l’indication des tests deréintroduction qui ont pour but d’asseoir l’absencede sensibilité au médicament. Ils n’ont de butdiagnostique que dans l’intolérance aux AINS dontils constituent le seul moyen diagnostique.

Indications

Un bilan allergologique s’impose si la réaction aété grave et/ou si les réactions médicamenteusessont récidivantes et qu’elles conduisent à unesituation de difficulté thérapeutique.

Dans de rares situations, l’allergologue peutréaliser un bilan prédictif d’allergie. C’est le casnotamment de la recherche de sensibilisationantér ieure à la chymopapaïne avantchimionucléolyse.

Le but du bilan allergologique est de préciser lemécanisme pour, dans un second temps, proposerau médecin traitant et au patient une conduitethérapeutique raisonnable. Ainsi, par exemple, lorsd’une réaction survenue lors d’une anesthésie localepour soin dentaire, le médecin allergologue tente dedéterminer si la réaction est liée à une réactionvasovagale, un syndrome d’hyperventilation, uneréaction toxique, une réaction aux conservateurs ouà l’adrénaline, un œdème postchirurgical, uneallergie au latex des gants du chirurgien-dentiste…De la même façon, une éruption urticariennesurvenant sous traitement antibiotique peut certesêtre liée à une allergie à l’antibiotique, maiségalement appartenir au tableau clinique de lamaladie virale évolutive qui a justifié le traitement,correspondre à une lyse microbienne sousantibiothérapie, à une intolérance aux AINS, ouencore à un événement extérieur sans relation.

Modalités

¶ Tests cutanésIls tentent d’identifier le médicament responsable

de l’al lergie en reproduisant la réactionimmunoallergique au niveau de la peau. Selon lemécanisme suspecté, des tests à lecture immédiate(prick-tests, intradermoréactions) ou à lectureretardée sont réalisés (patch-tests, intradermoréac-tions). La spécificité et la sensibilité de ces tests sontvariables selon le médicament testé. Si les testscutanés sont bien standardisés pour certainsmédicaments comme les curares ou les pénicillines,leur valeur diagnostique reste le plus souvent àétablir pour les autres médicaments.

Positifs, ils constituent un élément d’orientationprécieux pour l’immunoallergologue. Toutefois, leurinterprétation est délicate : positifs, ils peuventtémoigner du potentiel histaminolibérateur dumédicament ou d’une sensibil isation IgEdépendante.

Ces tests peuvent être faussement négatifs car lasubstance en cause n’est pas le médicamentlui-même mais un de ses métabolites. Le sujet peutréagir au métabolite mais pas au médicament testé.

¶ Test de réintroductionCes tests ne sont en général pas utilisés dans un

but diagnostique. Ils sont réservés aux médicamentsqui paraissent les moins imputables, dans le but d’enautoriser le réemploi. L’absence d’hypersensibilitédémontrée à un médicament suspect permet deréinstaurer un traitement nécessaire au patient. Enrevanche, le test de réintroduction est le seul moyendiagnostique de l’intolérance aux AINS liée à destroubles du métabolisme de l’acide arachidonique.L’intolérance aux AINS est démontrée par laréalisation de tests de réintroduction de l’aspirine, àdoses croissantes, selon des protocoles bienstandardisés en milieu hospitalier spécialisé.

Conclusions

Le médecin allergologue rédige un compte renduinformatif et délivre une carte d’allergie spécifiant lesmédicaments contre-indiqués et les médicamentsutilisables en substitution. Il dénomme lesmédicaments en cause par leur dénominationcommune internationale (DCI). En effet, toute liste denoms commerciaux devient rapidement désuète etnon exhaustive du fait de la mise sur le marché denouvelles formes pharmaceutiques. Le maladepourrait ainsi être conduit à consommer un nouveaumédicament auquel il est allergique et dont le nomne figure pas sur la liste.

Accoutumance rapide

Le diagnostic d’une allergie ou d’une intoléranceconduit usuellement à une proposition d’évictionultérieure d’une molécule médicamenteuse, parfoisétendue à sa famille, car la proximité de structuremoléculaire laisse craindre des réactions croisées. Ilexiste cependant des cas où l’affection rendindispensable l’utilisation du médicament, comme lavitamine B12 dans l’anémie de Biermer, l’insulinedans le diabète insulinodépendant, les anti-inflammatoires dans certaines pathologiesrhumatismales… C’est dans ces cas quel’accoutumance rapide peut être proposée.

Elle consiste en l’administration à intervallesrapprochés de doses progressivement croissantesjusqu’à l’obtention de la dose thérapeutique dans undélai moyen de quelques heures à 24 heures, soussurveillance médicale stricte, en milieu hospitalier.Les effets de cette accoutumance sont temporaires. Ilne s’agit pas d’une immunothérapie. Dès l’arrêt dutraitement, le sujet revient à son état antérieur desensibilisation.

‚ Écueils à éviter devant une suspiciond’hypersensibilité médicamenteuse

– Poser le diagnostic d’allergie pour touteréaction survenant sous traitement. Il est préférablede décrire précisément la réaction dans le carnet de

santé, en signalant le médicament suspecté et encitant les autres médicaments pris de façonconcomitante.

– Remettre au patient une liste de nomscommerciaux de médicaments : son exhaustivitén’est qu’éphémère.

– Généraliser une réaction à un médicament àceux de toute sa classe pharmacologique. Dans laréaction allergique, c’est la communauté antigéniquequi est responsable des réactions croisées et non lacommunauté pharmacologique. À l’inverse, dans lesréactions d’intolérance, c’est la classe pharmacolo-gique qui est en cause.

■Prévention et prise en charge

ultérieure d’un patient ayant

présenté des réactions

allergiques médicamenteuses

multiples

‚ Conseils au médecin traitant

– Prescrire un minimum d’associationsmédicamenteuses.

– Préférer pour chaque classe pharmacologiqueles médicaments connus comme moins allergisantsque les autres.

– Éviter les médicaments non indispensables.– Éviter les médicaments connus pour aggraver

une réaction allergique : bêtabloqueurs (généraux etlocaux), inhibiteurs de l’enzyme de conversion.

– Inscrire les traitements, leurs dates de début etde fin sur le carnet de santé.

‚ Conseils au patient

– Ne pas faire d’automédication, ne pas prendreun médicament sans avis médical.

– Montrer la carte d’allergie médicamenteuse àtout médecin, dentiste ou pharmacien délivrant ouhonorant une ordonnance.

– En cas de réaction suspecte, arrêter touttraitement et ne le reprendre qu’après avis médicaluniquement.

■Conclusion

Les réactions adverses aux médicaments sontune préoccupation courante du médecin généraliste.Une prise en charge initiale optimale, suivie d’unbilan allergologique soigneusement conduit, permetde maîtriser au mieux la réaction et les prescriptionsthérapeutiques ultérieures. La multiplicité desmécanismes et des médicaments en cause rend lediagnostic d’hypersensibilité médicamenteuseparticulièrement délicat. Des principes de précautionet de prévention simples peuvent limiter leurincidence.

Réactions d’hypersensibilité médicamenteuse - 2-0050

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Page 27: Le manuel du généraliste   allergie

Gisèle Kanny : Médecin des Hôpitaux.Étienne Beaudouin : Médecin des Hôpitaux.Jenny Flabbee : Généraliste allergologue.

Denise-Anne Moneret-Vautrin : Professeur des Universités, chef de service.Service de médecine interne, immunologie clinique et allergologie, centre hospitalier universitaire,

hôpital central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-De-Tassigny, 54035 Nancy cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : G Kanny, E Beaudouin, J Flabbee et DA Moneret-Vautrin. Réactions d’hypersensibilité médicamenteuse.Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0050, 2001, 4 p

R é f é r e n c e s

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2-0050 - Réactions d’hypersensibilité médicamenteuse

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Traitements symptomatiques des

maladies allergiques

J Flabbee, G Kanny, E Beaudouin, DA Moneret-Vautrin

L es maladies allergiques sont traitées idéalement par l’éviction complète de l’allergène responsable. Quandcelle-ci est impossible, plusieurs moyens thérapeutiques permettent de lutter contre les symptômes.

© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : traitement, rhinite, asthme, désensibilisation, immunothérapie spécifique.

■Introduction

Les maladies allergiques sont la conséquence dela rencontre de l’organisme avec un allergène.L’éviction de l’allergène est le traitement idéal del’allergie mais peut être difficile à mettre en œuvre.

Nous disposons de traitements pharmacolo-giques efficaces pour lutter contre les symptômes dela maladie allergique liés à l’inflammation cutanéeou muqueuse induite par la réaction immunoglo-buline E (IgE)-dépendante. Dans certainesindications, comme l’allergie aux pollens ou auxacariens, des possibilités d’immunothérapiespécifique ou de désensibilisation existent, visant àfaire basculer le système immunitaire du patientallergique dans le sens de la tolérance à cesallergènes.

Dans cet exposé, nous n’aborderons pas letraitement des urgences allergiques qui font l’objetd’un chapitre particulier.

■Rhinite allergique

La rhinite allergique est une des pathologiesallergiques chroniques les plus fréquentes. Elle n’estpas considérée comme maladie grave mais a unretentissement important sur la qualité de vie despatients.

Le consensus sur le diagnostic et la thérapeutiquede la rhinite allergique publié en 1994 aborde troisthèmes : l’éviction de l’allergène qui doit être réaliséechaque fois qu’elle est possible, le traitementpharmacologique, l’immunothérapie spécifique.

Les indications des différentes thérapeutiquesdépendent de la durée (saisonnière ou perannuelle)des symptômes et de leur intensité.

‚ Antihistaminiques per os (tableau I)

Ce sont les médicaments de choix dans la rhiniteallergique. Il s’agit des antihistaminiques H1. Ondistingue deux grandes catégories d’anti-H1 : lesclassiques et les produits de nouvelle génération quine passent pas la barrière hémoméningée et sontdonc dépourvus d’effet sédatif.

Ils agissent en bloquant les récepteurs de type H1

de l’histamine et ont également un effet d’inhibitionde la libération d’histamine, d’inhibition de la phasetardive de la réaction allergique par action sur lemétabolisme des leucotriènes et prostaglandines.

Les anti-H1 doivent être arrêtés 7 à 10 jours avantun bilan allergologique, à l’exception de ladexchlorphéniramine (Polaraminet) qui peut êtrearrêtée 24 à 48 heures avant.

Dans la rhinite pollinique, ces médicaments sontplus actifs s’ils sont prescrits préventivement, avant ledébut des symptômes, et poursuivis pendant toute lapériode de pollinisation.

‚ Traitements par voie nasale

Leur but est d’obtenir une action rapide etprolongée sur les symptômes par fixation sur lesrécepteurs grâce à leur caractère lipophile.L’administration locale limite le passage systémique.

Anti-H1

L’azélastine est le premier proposé : elle agit plusrapidement que les corticoïdes mais son efficacité àlong terme n’est pas meilleure.

Cromones

Elles ont une activité stabilisante sur les fibresnerveuses sensitives à l’origine du prurit nasal ; ellessont efficaces sur le prurit, la rhinorrhée, leséternuements mais nécessitent cinq ou six prises parjour.

Corticoïdes

Leur activité anti-inflammatoire puissante etlocalisée produit une vasoconstriction, unediminution de la perméabilité vasculaire et luttecontre l’œdème responsable de l’obstruction nasale.Ils inhibent la réponse inflammatoire quel que soitson agent promoteur : mécanique, allergique,infectieux.

L’effet maximal est souvent obtenu après 15 joursde traitement. Le plus souvent, la posologie est dedeux prises par jour, une prise pour les nouvellesspécialités à base de triamcinolone, mométasone,fluticasone, budésonide.

Les effets secondaires locaux sont des irritations,des éternuements, épistaxis, ulcérations de lamuqueuse nasale lors des traitements au long cours.

■Conjonctivites allergiques

Elles accompagnent très fréquemment les rhinitesallergiques. Comme elles, elles peuvent bénéficierd’un traitement antihistaminique per os et detraitement locaux.

On dispose de collyres antidégranulants(cromoglycate disodique, NAAGA [acideN-acétyl-aspartyl-glutamique]) qui sont surtoutefficaces utilisés préventivement et de collyresantihistaminiques (lévocabastine et azélastine). Leurfaible temps de contact avec la conjonctive impliquedes instillations pluriquotidiennes.

Tableau I. – Antihistaminiques per os.

Concentration plas-matique maximale Durée d’action Particularités

Loratadine 1 h 24 h Une prise par 24 h

Hydroxyzine 2,5 h 36 h Action anticholinergiqueVoie injectable possible

Cétirizine 1 h 24 h Une prise par 24 h

Métiquazine 3 h 18 h Action anticholinergique

Fexofénadine 2,6 h 12-24 h Une prise par 24 h

Mizolastine 1,9 h 24 h Une prise par 24 h

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Les collyres corticoïdes doivent être utilisés defaçon exceptionnelle et ne le sont qu’après avisophtalmologique spécialisé.

■Asthme

Les buts du traitement de l’asthme sont :– obtenir le contrôle des symptômes ;– empêcher les exacerbations ;– maintenir la fonction pulmonaire aussi

normale que possible ;– conserver des niveaux d’activité normaux

(exercice physique y compris) ;– évi ter les effets indési rables des

thérapeutiques ;– empêcher le développement d’une obstruction

bronchique irréversible ;– empêcher la mortalité.On ne revient pas sur l’éviction des agents

déclenchants identifiés. L’institution d’unedésensibilisation, lorsque ces indications sontremplies, fait l’objet d’un chapitre particulier.

‚ Éducation

L’éducation des patients est de premièreimportance. Il faut expliquer que l’asthme est unemaladie inflammatoire chronique qui nécessite unesurveillance et un traitement continus.

« L’asthme est comme le diabète : une maladieque l’on surveille et que l’on traite tous les jours. Lediabétique surveille son sucre, l’asthmatique surveilleson souffle. »

Rien ne se fait sans l’adhésion du patient à ceprincipe. Expliquer et convaincre sont les bases del’observance thérapeutique.

L’asthme est une maladie chronique. Elle va dureret le patient doit apprendre à vivre normalementavec sa maladie.

L’asthme se caractérise par des épisodesd’obstruction bronchique qui se traduisent par unedifficulté à respirer. L’obstruction des bronches peutêtre due soit à la contraction des musclesbronchiques qui réduisent le calibre des « tuyaux »,soit à une inflammation de la muqueuse qui tapisseles bronches. Cette inflammation entraîne unœdème et un épaississement de la muqueuse qui vadiminuer le diamètre intérieur des bronches.

Les crises ne constituent que la partie émergée del’iceberg, l’inflammation bronchique sous-jacente estle substratum de la maladie asthmatique.

‚ Différents stades selon le consensus(tableau II)

Le suivi de la maladie asthmatique nécessite desmesures objectives de la fonction respiratoire.

La spirométrie est nécessaire lors du premier bilanpour évaluer précisément l’importance du syndromeobstructif. La prise en charge de la maladieasthmatique justifie une éducation du patient. Àl’aide d’un débitmètre de pointe, l’asthmatiquemesure son débit expiratoire de pointe (DEP) matinet soir avant la prise de son traitement, et veille ainsià l’équilibre de sa maladie et à la bonne adaptationde son traitement. Les chiffres relevés permettent aupatient de se situer dans les zones de normalité,d’alerte ou de gravité de son asthme : le DEP normalest au-dessus de 80 % de la valeur théorique définieen fonction de l’âge et de la taille ; entre 60 et 80 %,

le patient est en zone d’alerte conduisant à modifierson traitement ; un DEP en dessous de 60 % doitamener le patient à consulter dans les meilleursdélais son médecin traitant.

Le patient doit aussi connaître les signesd’alarme : épisodes de toux ou de dyspnée pendantles activités habituelles, existence de réveilsnocturnes par gêne respiratoire, aggravation d’unedyspnée d’effort, baisse ou instabilité des DEP surplusieurs jours. Si le patient ne sait pas réagir devantces signaux d’alarme, il risque d’arriver au stadegrave qui justifie une médecine d’urgence : chute de50 % du DEP, inefficacité des thérapeutiqueshabituelles, cyanose, dyspnée de repos.

‚ Traitement de l’asthme

L’asthme est une maladie inflammatoirechronique des bronches dont le traitement de fondrepose sur la prescription de bronchodilatateurs etd’anti-inflammatoires dont les principales moléculessont les corticoïdes inhalés. D’autres médicamentssont possibles : les cromones, les théophyllines, lesantileucotriènes. Les indications de ces différentesmolécules sont précisées par le consensus sur lamaladie asthmatique et varient en fonction du stadede cette affection.

Voie d’administration des médicaments

Le traitement par inhalation est préférable à lavoie générale ou orale et permet d’administrer lesproduits directement dans les bronches enminimisant le passage systémique.

Les médicaments peuvent être sous forme despray (inhalateurs doseurs), poudre (inhalateurs àpoudre sèche) ou en solution ou suspension pournébulisation. L’administration sous forme de spraynécessite un apprentissage pour coordonner ladélivrance du produit et l’inhalation. La chambred’inhalation permet d’améliorer la prise desmédicaments en inhalateur doseur en diminuant lavitesse initiale des particules et leur impaction auniveau oropharyngé.

Ces chambres, adaptées à l’enfant, permettentaux plus jeunes asthmatiques de bénéficier destraitements inhalés. Il faut effectuer un lavage

soigneux de la chambre d’inhalation avec undétergent ionique, suivi d’un rinçage soigneux etd’un séchage à l’air ambiant.

Traitements

Nous présentons dans ce chapitre le traitementde fond de la maladie asthmatique (tableau III). Letraitement de la crise d’asthme est, lui, présenté dansle chapitre consacré aux urgences allergiques.

¶ Traitements de fond inhalés

Bêta-2-mimétiquesIls induisent une bronchodilatation.Les bêta-2-mimétiques de durée d’action brève,

salbutamol, terbutaline, fénotérol, pirbutérol, ontpour effet principal de lever le spasme bronchique.Ils augmentent la clairance mucociliaire et diminuentla perméabilité vasculaire pulmonaire et, par ce biais,l’œdème muqueux. Leur durée d’action est limitée :de 4 à 6 heures. L’effet bronchodilatateur estsupérieur pour les formes inhalées par rapport auxformes orales. Leurs effets secondaires sont :tachycardie, tremblements, crampes, nervosité,hyperglycémie, hypokaliémie.

Les bêta-2-mimétiques à longue durée d’action(formotérol, salmétérol) ont une durée d’action pluslongue de plus de 12 heures. Leur indicationprivilégiée est représentée par les exacerbationsnocturnes de l’asthme, les asthmes instables ou ceuxdu petit matin mesurés par le DEP.

La prise de ces traitements précède celle descorticoïdes inhalés car ils en facilitent la pénétrationpar la bronchodilatation qu’ils induisent.

Corticoïdes inhalésCe sont les anti-inflammatoires les plus efficaces

par leur mode d’action : interférence avec lemétabolisme de l’acide arachidonique, synthèse desleucotriènes et prostaglandines, diminution de laperméabilité capillaire, inhibition de la productiondes cytokines et augmentation de la sensibilité desrécepteurs b des muscles lisses des voies aériennes.

Ils sont bien tolérés à dose modérée pendant unelongue période ou à de fortes doses sur de courtespériodes. Certaines études suggèrent que des dosessupérieures à 1 mg par jour de béclométasone

Tableau II. – Score de sévérité de l’asthme selon le consensus international.

Stade 1 : léger intermittent

Symptômes : moins d’une fois par semaineExacerbations brèvesAsthme nocturne : moins de deux fois par moisAbsence de symptôme et fonction respiratoire normale entre les crisesDEP ou VEMS supérieurs à 80 % - variabilité inférieure à 20 %

Stade 2 : léger persistant

Symptômes : plus d’une fois par semaine mais moins d’une fois par jourCrises pouvant retentir sur l’activité et le sommeilSymptômes d’asthme nocturne plus de deux fois par moisDEP ou VEMS supérieurs à 80 % - variabilité 20 à 30 %

Stade 3 : modéré persistant

Symptômes quotidiens : plus d’une fois par jourCrises retentissant sur l’activité et le sommeilSymptômes d’asthme nocturne : plus d’une fois par semaineUtilisation quotidienne de bêta-2-mimétiques inhalés d’action brèveDEP ou VEMS entre 60 et 80 % - variabilité supérieure à 30 %

Stade 4 : sévère persistant

Symptômes permanentsCrises fréquentesSymptômes d’asthme nocturne fréquentsActivités physiques limitées par l’asthmeDEP ou VEMS inférieurs à 60 % - variabilité supérieure à 30 %

DEP : débit expiratoire de pointe ; VEMS : volume expiratoire maximal seconde.

2-0080 - Traitements symptomatiques des maladies allergiques

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dipropionate ou de 800 µg de budésonide peuventprovoquer une augmentation de l’absorptionsystémique de la molécule. Il existe des effetsbiologiques pour des doses moindres chez lesenfants, les femmes ménopausées, chez certainssujets ayant un métabolisme particulier.

Les effets indésirables sont les candidosesoropharyngées, la raucité de la voix, une touxirritative occasionnelle. Il faut conseiller aux patientsde se rincer la bouche après usage.

CromonesLes cromones (cromoglycate, nédocromil)

inhibent la dégranulation des mastocytes. Elles sontproposées en prévention dans l’asthme allergique etl’asthme d’effort. Ces deux produits n’ont quasimentpas d’effets secondaires.

Anticholinergiques inhalés (bromure d’ipratropium)Ils induisent une bronchodilatation en diminuant

le tonus vagal intrinsèque de la musculaturebronchique.

Ils constituent une alternative aux bêta-2-mimétiques ou sont le plus souvent prescrits enassociation.

¶ Traitements per os

ThéophyllineC’est un bronchodilatateur qui, administré sous

forme à libération prolongée, peut être utile dans lecontrôle des asthmes nocturnes. Ses effetsindésirables sont limités par une administration etune surveillance biologique appropriées. Laconcentration sérique à atteindre est en général de 5à 15 µg/mL. Les théophyllines d’action prolongéeont une forme galénique qui permet une libérationtrès progressive ; un taux sérique presque constantsur 12 ou 24 heures est une des formes utiliséesactuellement.

Corticoïdes orauxIls constituent le traitement de l’asthme sévère.Le kétotifène est indiqué dans l’asthme allergique

du jeune enfant. Il existe un risque de somnolence etde prise de poids. C’est un antihistaminique avec unepropriété antidégranulante, stabilisant de

membrane. Son délai d’action est long : plus de1 mois pour obtenir l’effet thérapeutique.

Antileucotriènes (montélukast)Ce sont des antagonistes des récepteurs des

leucotriènes, produits du métabolisme oxydatif deslipides de la membrane cellulaire. Ils diminuentl’inflammation. Ils ont un intérêt particulier dansl’asthme associé à une intolérance à l’aspirine.

Bêta-2-mimétiques à longue durée d’action : OxéoltIls sont actifs par voie orale. Ils trouvent leur

indication dans les asthmes persistants.

Explication du traitement chronique

La thérapeutique est inefficace si le patient n’en apas compris l’intérêt. Trois points apparaissentessentiels :

– l’intérêt des bêtastimulants : « ouvreurs dechemin », ils entraînent une dilatation de la bronchepermettant, dans un second temps, un meilleurpassage des corticoïdes inhalés ; non systématique,leur prescription s’appuie sur la notion de gênerespiratoire et les variations du DEP ;

– le traitement de l’inflammation reposeprincipalement sur les corticoïdes qui permettent unediminution d’épaisseur de la muqueuse et par làmême augmentent le calibre des bronches ;

– la nécessité d’une chambre d’inhalation pourobtenir un effet optimal des aérosols doseurs.

La prescript ion init iale de séances dekinésithérapie respiratoire est d’une aide précieusepour apprendre au patient la pratique de larespiration abdominale. L’apprentissage de lamaîtrise de l’effort est utile pour lui permettre deretrouver une activité sportive souvent abandonnéepar la gêne qu’elle entraîne. La prescription, un quartd’heure avant l’effort, d’un bêta-2-mimétique àcourte durée d’action ou de cromones est utile à laprise en charge de l’asthme d’effort.

Le patient doit être informé de ce qu’il peut faireen cas d’exacerbation sérieuse en attendant l’arrivéedu médecin : la prise de bêtastimulants peut êtrerépétée à raison de deux à quatre bouffées toutes les20 minutes en attendant l’arrivée du médecin, avecpossibilité de quatre à dix bouffées toutes les 20

minutes. En sachant qu’une crise d’asthme, dont lagêne respiratoire est améliorée par les premièresbouffées de bêtastimulants, peut attendre l’arrivéedu médecin dans l’heure. Si les premières boufféesparaissent inefficaces ou si les symptômes de gravitésont présents, le SAMU doit être alerté. Il a étémontré dans les accès d’asthme suraigu qu’un risquede mortalité est net au-delà d’un délai de 20 minutesentre l’appel et l’institution des soins de réanimationrespiratoire.

■Désensibilisation

ou immunothérapie spécifique

L’immunothérapie allergénique est un traitementvisant à réduire l’intensité des symptômes liés àl’exposition à l’allergène chez un sujet sensibilisé parl’administration de doses progressivementcroissantes de l’extrait allergénique correspondant.

Cette technique s’applique au traitement desaffections allergiques respiratoires saisonnières ouperannuelles, qu’il s’agisse de rhinoconjonctivite oud’asthme, et y a fait preuve de son efficacité. Elle s’estpar ailleurs imposée comme le traitement deréférence des allergies aux venins d’hyménoptèresdans leurs formes systémiques.

Le succès de la désensibilisation dépend, pourune grande part, d’une bonne indication qui doittoujours être posée par un allergologue après unbilan précis. Elle s’inscrit dans la prise en chargethérapeutique des pathologies IgE dépendantes.L’allergène est identifié par test cutané, testbiologique, voire test de provocation allergénique.La désensibilisation s’adresse à des allergènes pourlesquels les mesures d’éviction sont difficiles à mettreen œuvre.

Le traitement est réalisé avec des extraitsallergéniques standardisés. Son efficacité est jugéesur l’amélioration de la symptomatologie évaluéepar la pratique des scores cliniques, la diminutiondes besoins médicamenteux. Bien qu’il n’existe pasde consensus publiés concernant la durée optimaled’une immunothérapie spécifique, il est classiqued’envisager un traitement de 3 à 5 ans. L’arrêt d’uneimmunothérapie peut se discuter en cas de non-efficacité après un délai de 6 mois pour lesallergènes perannuels ou de deux saisonspolliniques pour les allergènes saisonniers.

Il existe un consensus sur les bonnes pratiques deréalisation d’une désensibilisation. On relève lesconseils suivants :

– réaliser l’injection par et sous la surveillanceeffective d’un médecin ;

– agiter le flacon, vérifier la date de péremption ;réaliser l’injection par voie sous-cutanée profonde àla face externe du bras ;

– ne pas faire l’injection en cas de maladieintercurrente (fièvre) ;

– prendre un antihistaminique au moins 1 heureavant l’injection ;

– déconseiller la prise d’alcool et un exercicephysique trop intense dans les heures précédant ousuivant l’injection ;

– aspirer systématiquement avant d’injecter pouréviter une injection en intravasculaire ;

– ausculter, prendre la tension artérielle, mesurerle DEP avant et 30 minutes après l’injection ;

Tableau III. – Consensus sur le traitement de l’asthme de l’adulte.

Traitement continu Traitement de la poussée

Stade 1 Aucun b2 inhalés à la demande moins d’une foispar semaineb2 ou cromoglycate avant l’effort

Stade 2 Prise quotidienne b2 inhalés à la demande moins de quatrefois par jourCorticoïdes inhalés 200-500 µg ou cromo-

glycate ou nédocromil ou antileucotriène outhéophyllineSi nécessaire 800 µg de corticoïdes inhalésou b2 à longue durée d’action

Stade 3 Prise quotidienne b2 inhalés à la demande moins de quatrefois par jourCorticoïdes inhalés 800-2 000 µg etb2 à

longue durée d’action (surtout si symptô-mes nocturnes) ou théophylline retard

Stade 4 Prise quotidienne b2 inhalés à la demandeCorticoïdes inhalés 800-2 000 µg etb2 àlongue durée d’action (surtout si symptô-mes nocturnes) ou théophylline retard etcorticoïdes oraux

Si l’asthme n’est pas contrôlé après avoir vérifié que le traitement est bien pris, il faut envisager de monter d’un palier.Si pas de symptôme depuis 1 à 3mois, une réduction du traitement est possible.Dans tous les cas, il faut éviter l’exposition aux allergènes et les facteurs déclenchants.

Traitements symptomatiques des maladies allergiques - 2-0080

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– disposer d’adrénaline injectable, debêta-2-mimétiques en sprays et injectables,d’antihistaminiques et de corticoïdes injectables àproximité.

‚ Incidents et accidents

Toute réaction anormale survenant en cours dedésensibilisation justifie que le médecin généralisteréévalue avec l’allergologue les modalités de ladésensibilisation.

Réactions adverses locales

Érythèmes et œdème prurigineux au pointd’injection : si leur taille est supérieure à 5 ou 6 cm,c’est une indication à ne pas augmenter commeprévu l’injection suivante.

Réactions syndromiques

Réveil ou exacerbation de la pathologie traitée :rhinite, conjonctivite, asthme. Ces réactionsimposent l’adaptation du protocole avecl’allergologue.

Réactions systémiques

Apparition d’une urticaire, d’un angioœdème,d’une hypotension artérielle. Ces réactions justifientla réévaluation du protocole de désensibilisation parl’allergologue.

Choc anaphylactique

Très rare, il est le plus souvent lié au passageintravasculaire de l’allergène.

Accidents mortelsLa fréquence de ces accidents se situe à 1

accident pour 2 à 10 millions d’injections. Ils sont dusaux crises d’asthme aigu débutant dans les 20minutes après l’injection, favorisées par un asthmedéséquilibré, la prise concomitante d’un traitementpar bêtabloqueurs ou inhibiteurs de l’enzyme deconversion, un traitement cosaisonnier, c’est-à-direlorsque l’on n’a pas diminué la dose injectéependant la saison des pollens, une erreur de dose oude flacon. Le généraliste doit être particulièrementvigilant aux prescriptions de bêtabloqueurs sousforme générale ou locale (collyre), d’inhibiteurs del’enzyme de conversion qui peuvent déstabiliser unedésensibilisation jusqu’alors parfaitement tolérée.

‚ Contre-indications de ladésensibilisation

Ce sont un asthme instable et/ou non équilibré,des patients sous bêtabloqueurs ou inhibiteurs del’enzyme de conversion, une affection chroniqueinflammatoire ou néoplasique, des maladiesauto-immunes, des patients peu motivés, unecompliance médiocre car, en cas d’irrégularité desinjections, le risque de réactions secondaires est plusimportant.

‚ Désensibilisation par voie sublinguale

Elle constitue une alternative à la voie injectable.Des études récentes l’ont validée, notamment pourles rhinites polliniques. Elle est intéressante chezl’enfant. Sa tolérance est bonne. Ses contre-indications sont les mêmes que pour la voieinjectable.

Ses effets secondaires sont des céphalées, desgastralgies, un prurit et/ou un œdème des lèvres, desdouleurs abdominales et des troubles du transit,voire des réactions syndromiques le plus souventmodérées.

■Conclusion

L’affection allergique est une affection dont lessymptômes évoluent au cours de la vie. À ce jour,nous ne disposons d’aucun élément prédictif dudevenir d’une maladie allergique chez un individudonné. Le médecin traitant, en prise directe avec lequotidien du patient, doit l’aider à développerprogressivement son autonomie et sa propre priseen charge. Il doit être attentif à l’observancethérapeutique et aux évictions spécifiques, et jugerde la nécessité des adaptations thérapeutiques enfonction de l’évolution.

Jenny Flabbee : Généraliste allergologue.Gisèle Kanny : Médecin des Hôpitaux.

Étienne Beaudouin : Médecin des Hôpitaux.Denise-Anne Moneret-Vautrin : Professeur des Universités, chef de service.

Service de médecine interne, immunologie clinique et allergologie, centre hospitalier universitaire,hôpital central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : J Flabbee, G Kanny, E Beaudouin et DA Moneret-Vautrin.Traitements symptomatiques des maladies allergiques.

Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0080, 2001, 4 p

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Urgences allergiques

G Kanny, E Beaudouin, J Flabbee, DA Moneret-Vautrin

L ’urgence allergique correspond à des manifestations allergiques d’apparition brutale constituant un risquevital à court terme et nécessitant des soins immédiats. Les principales urgences allergiques sont l’œdème

laryngé, l’asthme aigu grave et le choc anaphylactique. Ces accidents graves sont liés à la libération massive demédiateurs provenant des mastocytes et basophiles d’un organisme préalablement sensibilisé à un allergène.© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : allergie, urgence, asthme aigu grave, choc anaphylactique, œdème laryngé.

■Tableaux cliniques

‚ Choc anaphylactique

La fréquence des chocs anaphylactiques a étémultipliée par cinq en 10 ans. Leur prévalence étaitestimée à environ 2/100 000 habitants en 1992.

Forme typique

Il s’agit d’un choc (collapsus vasculaire) à cœurpréservé. Ce choc est hypovolémique avec pressionveineuse centrale basse indiquant l’urgence duremplissage.

Le choc anaphylactique se caractérise par larichesse des signes cliniques. Il survient quelquesminutes à 30 minutes après contact avec l’allergènedéclenchant. Le sujet ressent une bouffée de chaleur,un prurit des paumes et des plantes, du cuir cheveluet rapidement les symptômes suivants apparaissent :

– cutanés : urticaire, œdème de Quincke ou rashécarlate ;

– cardiovasculaires : tachycardie sinusale, chutetensionnelle ;

– respiratoires : soit gêne respiratoire haute parœdème laryngé, soit gêne respiratoire basse parspasme bronchique avec auscultation riche (bruits de« pigeonnier ») liée à l’importante hypersécrétion. Leretentissement sur l’hématose peut être sévère(guetter la cyanose des lèvres), le bronchospasmen’est pas constant (40 % des cas environ) ;

– digestifs : nausées, impression de plénitudegastrique plus que douleurs vraies, diarrhée plustardive (1 à 2 heures après le début du choc) ;

– en accompagnement, signes d’hypersécrétion :larmoiement, transpiration, salivation ethypersécrétion bronchique et gastrique.

Sous traitement, le choc anaphylactique secaractérise par une évolution cyclique sur 2 à 24heures. En l’absence de traitement, le risque létal estestimé à 10 %. D’après les rapports autopsiques de

chocs anaphylactiques aux hyménoptères, laprincipale cause de décès est respiratoire (54 % descas), liée à un œdème laryngé ou à un asthme aigugrave. À distance du choc, en l’absenced’identification de l’allergène responsable, le risquede récidive est grand, estimé à un tiers des cas.

Forme atténuée

Il consiste en une urticaire généralisée avecmalaise, une discrète tachycardie et une discrètechute tensionnelle de deux points pouvant passerinaperçue.

Choc à l’induction anesthésique

Le sujet a déjà perdu conscience sous l’effet del’anesthésique quand survient le choc, d’autant plusbrutalement que les substances ont été injectées parvoie intraveineuse. Le tableau est décapité de toutprodrome et se manifeste par un collapsus nu avecrisque d’arrêt cardiaque secondaire, dans les cas lesplus graves par un arrêt cardiaque immédiat (arrêtcardiaque primitif en relation avec une anaphylaxiecardiaque, le myocarde étant exquisementsensibilisé), ou bien l’attention de l’anesthésiste estalertée par un bronchospasme serré (véritable murbronchique à l’essai d’insufflation).

Choc anaphylactique à l’effort

L’effort est l’élément déclenchant de l’anaphy-laxie. Il peut s’agir d’une allergie alimentaire révéléepar l’effort.

Choc anaphylactique sous bêtabloqueurs

Lorsqu’un patient est sous traitementbêtabloqueur, le choc est souvent très grave, quelque soit l’agent déclenchant. La tachycardie estabsente. Le collapsus est réfractaire aux doseshabituelles d’adrénaline mais peut bénéficier duglucagon.

Anaphylaxie idiopathique

La cause déclenchante du choc anaphylactiquen’est pas identifiée dans 10 % des cas. C’est dire lanécessité d’un bilan allergologique rapidecomportant une anamnèse très précise.

Anaphylaxie cardiaque

Le cœur est l’organe-cible de l’anaphylaxiecardiaque, induisant une libération des médiateurschimiques au niveau du myocarde à partir demastocytes sensibilisés. Les conséquences en sontdes troubles du rythme, la possibilité d’ischémie etune diminution de la force de contractilité.

Mort subite du nourrisson

Le rôle d’une anaphylaxie notamment auxprotéines du lait de vache a été montré dans certainscas de mort subite du nourrisson.

‚ Asthme aigu grave

Une crise d’asthme aiguë grave peut être lepremier événement révélateur d’une maladieasthmatique. Cliniquement il existe une tachypnéeplus souvent qu’une bradypnée, associée à unecyanose entraînant rapidement une fatiguemusculaire. Le malade a du mal à parler du fait de sadyspnée. Il n’y a souvent ni toux ni expectoration.L’auscultation retrouve une diminution du murmurevésiculaire, et dans les cas sévères, l’absence desibilants.

Les signes d’insuffisance cardiaque associéstraduisent la gravité : hypotension artérielle, voirecollapsus, insuffisance cardiaque droite aiguë.

Les signes d’encéphalopathie respiratoire sontparfois au premier plan : somnolence, épuisement,flapping tremor, sueurs, coma.

Au total, les signes d’alarme sont les troubles de laconscience, l’agitation, les sueurs profuses, lacyanose, la respiration paradoxale, le silenceauscultatoire, la bradycardie, le collapsus et lespauses respiratoires.

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‚ Œdème laryngé

Il se présente comme une difficulté subite àrespi rer , accompagnée d’une sensat iond’étouffement. Il s’agit d’une dyspnée inspiratoire. Lepremier signe est une voix rauque ou unedysphonie.

■Allergènes en cause

Les principaux responsables de choc anaphylac-tique sont les médicaments, les aliments et lespiqûres d’hyménoptères.

Les médicaments occupent la première place :anesthésiques et curarisants de synthèse (incidence :1/3 500 anesthésies), antibiotiques, produits deremplissage (gélatine de synthèse, dextrans),protéines médicamenteuses (enzymes, hormones,sérum), latex. Toutes les voies d’administrationpeuvent entraîner un choc : injections intraveineuse,intramusculaire, sous-cutanée, administration orale,rectale, inhalation, application locale, instillationsnasales, oculaires, auriculaires.

La fréquence des aliments dans l’induction dechoc anaphylactique est en nette augmentation : ellecorrespond à 10,2 % des étiologies des chocsanaphylactiques en 1992. Les allergènes le plusfréquemment en cause sont, à cette date, l’œuf, lepoisson, les crustacés, le lait, les fruits présentant uneréactivité croisée avec le latex. À noter que dans34 % des cas il s’agit d’anaphylaxies récidivantes.L’allergie alimentaire est antérieurement connuedans 23,4 % des cas. L’allergène alimentaire estmasqué ou non identifié lors de sa consommationdans 30,8 % des cas.

En ce qui concerne l’allergie aux veninsd’hyménoptères, environ 5 % des sujetsdévelopperaient une sensibilisation et présenteraientun risque de choc. Cette anaphylaxie seraitresponsable de 16 à 38 décès par an en France.

Un crise d’asthme aiguë grave peut survenir aprèsprise-inhalation de la substance allergisante (pollens,squames d’animaux, latex,…), mais aussi àl’ingestion d’aliments comme c’est le cas del’arachide par exemple.

■Facteurs aggravants

L’existence de tares viscérales, notammentcardiaque et coronarienne, d’un asthme sont desfacteurs de risque de gravité. Certains médicaments(bêtabloqueurs, inhibiteurs de l’enzyme deconversion) sont des facteurs aggravants du chocanaphylactique.

■Traitement

‚ Choc anaphylactique

Avant l’arrivée du service d’aide médicaled’urgence (SAMU), le premier geste est d’étendre le

malade tête basse et jambes élevées s’il n’y a pas despasme bronchique, et d’injecter par voieintramusculaire, voire sous-cutanée, de l’adrénaline.

Adrénaline

L’adrénaline est une médication vasoconstrictive,inotrope positive et bronchodilatatrice. Elle s’opposeégalement à la dégranulation des mastocytes et desbasophiles et donc à la libération des médiateurs, àla condition d’une administration très rapide après ledébut de l’accident : c’est souligner le caractèred’urgence de son administration.

Les principaux produits à disposition ce jour sont :– Adrénaline Aguettantt, ampoules à 0,25, 0,5 et

1 mg ;– Anahelpt, seringue à quatre pistons permettant

de délivrer, suivant le nombre d’ailettes cassées,0,25, 0,50, 0,75 et 1 mL ;

– Anakitt 1 mg/mL, seringue prête à l’emploiavec piston à double butée permettant deuxinjections de 0,3 mL chacune.

Ces produits doivent être conservés à l’abri de lalumière et de la chaleur ; ils ont une validité limitée etdoivent donc être renouvelés régulièrement. Laposologie usuelle est de 0,01 mg/kg. Chez l’enfant,elle est de 0,05 à 0,10 mg jusqu’à 2 ans, 0,15 mg de2 à 6 ans, 0,25 mg de 6 à 12 ans, 0,25 à 0,50 mgau-delà de 12 ans.

L’efficacité est jugée sur les chiffres de la pressionartérielle qui doit être prise toutes les 5 minutes. Sil’effet bénéfique sur la tension artérielle n’est pasobtenu, il faut renouveler l’injection 10 à 15 minutesplus tard.

Dans certains cas (sujets sous bêtabloqueurs parexemple), on utilise la dopamine ou le glucagon.

Chez la femme enceinte, on doit préférerl’éphédrine à fortes doses (25 à 50 mg par voieintraveineuse) à l’adrénaline car elle diminue lerisque d’effondrement du débit utéroplacentaire etd’anoxie fœtale par vasoconstriction des vaisseauxutérins.

Remplissage vasculaire

Le second geste est la mise en place d’une voieveineuse qui permette le remplissage vasculaire enutilisant préférentiellement des solutés cristalloïdes(Ringer lactatet). Il existe parfois une diminutionjusqu’à 40 % du volume plasmatique.

Corticoïdes injectables

Les corticoïdes à forte dose sont prescritsparallèlement, en sachant bien que leur délaid’action est de quelques heures. Ils influent sur laphase secondaire du choc anaphylactique. On peutproposer 600 mg d’hémisuccinate d’hydrocortisoneou Solu-Médrolt (80 à 120 mg).

b2-mimétiques

Ils sont indiqués dans le traitement de lacomposante bronchospastique.

Intubation avec oxygénothérapie

Elle est réalisée si l’œdème glottique menace laventilation.

Massage cardiaque et respiration artificielle

Ils sont pratiqués en cas d’arrêt cardiaque.

Antihistaminiques

Ils n’ont pas d’indication dans le traitement duchoc anaphylactique et sont utilisés dans letraitement des réactions urticariennes persistantes.

Dans tous les cas l’hospitalisation s’impose,même si l’évolution initiale du choc a été rapidementfavorable en raison de son caractère cyclique.

‚ Asthme aigu grave

En cas d’appel au domicile pour un asthme aigugrave, il faut d’emblée appeler le SAMU.

En attendant l’arrivée de l’équipe de secoursmédicalisée, il faut :

– administrer une quantité maximale deb2-mimétiques avec une chambre d’inhalation (cinqà 20 bouffées) ou utiliser la voie sous-cutanée(terbutaline) si le malade ne peut prendre untraitement inhalé ;

– poser une voie veineuse et administrer descorticoïdes par voie veineuse (par voie orale si lavoie injectable n’est pas possible) ;

– en cas de signes de gravité, injectiond’adrénaline, massage cardiaque, bouche-à-bouche ;

– dès que possible une oxygénation est mise enplace à 2-3 L/min, même avec une oxygénothérapiede 6 L/min s’il n’existe pas de signes d’hypercapnieou de somnolence.

Une autorisation temporaired’utilisation a été accordée parl’Agence française de sécuritésanitaire des produits de santé(AFSSAPS) le 29 juin 2000 en vue dela mise à disposition précoce enFrance, avant la mise sur le marchédu stylo auto-injecteur à usage uniqueen seringue préremplie d’adrénaline :Anapent.Deux dosages existent : Anapent

0,05 % (0,15 mg/0,3 mL) recommandépour les enfants de moins de 20 kg etAnapent 0,1 % (0,3 mg/0,3 mL)recommandé pour les enfants de plusde 20 kg et pour les adultes.Ce médicament se présente sous formed’un stylo auto-injecteur à usageunique.Les boîtes comportent un ou deuxstylos auto-injecteurs délivrant 0,3 mLd’adrénaline.L’injection se fait par voieintramusculaire (la résorption apparaîtplus rapide que par voiesous-cutanée).Un élément important par rapport auxformes précédentes d’adrénaline estqu’il n’est pas indispensable deconserver l’auto-injecteur auréfrigérateur, la température deconservation ne devant pas dépasser30°C. Ce médicament est actuellementdisponible et distribué par lespharmacies des hôpitaux.

2-0090 - Urgences allergiques

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À l’hôpital, en cas d’échec des traitementsbronchodilatateurs, une intubation avec ventilationassistée peut être nécessaire.

■Prise en charge allergologique

Le médecin généraliste a un rôle clé dansl’enquête diagnostique qui débute au moment del’accident pour tenter d’identifier le « coupable ». Ilfaut connaître toutes les circonstances ayant précédél’accident de quelques minutes à quelques heures.

Si la personne a pris un médicament, ou un repasavant l’accident, il faut :

– conserver la boîte de médicaments ;– noter le menu dans ses moindres détails (y

compris le ou les médicaments pris avant de passerà table, au cours du repas ou après) ; ne pas oublierles boissons ; noter l’adresse de la personne àcontacter si le repas a été pris au restaurant ou dansune cantine ;

– stocker au congélateur ce qui reste desaliments et boissons ;

– garder toutes les étiquettes correspondant auxingrédients des emballages alimentaires ;

– se procurer éventuellement dans le mêmemagasin, et le plus vite possible, un échantillonidentique de l’aliment consommé et le conserver defaçon adéquate ;

– en cas de piqûre, essayer de savoir s’il s’agitd’une guêpe ou d’une abeille.

Dans les heures qui suivent l’accident allergique,le dosage de la tryptase sérique est utile. La présencede ce médiateur signe la dégranulation desmastocytes et est une aide précieuse au diagnosticdifférentiel. Son augmentation est corrélée à lagravité de l’accident.

Une consultation immunoallergologique s’imposedans les plus brefs délais. En effet, il est indispensablede trouver l’agent déclenchant pour éviter larécidive. Après un interrogatoire détaillé, le bilancommence par des tests cutanés qui consistent le

plus souvent en des prick-tests : l’allergène esthabituellement appliqué sur la peau de l’avant-braset on réalise une légère piqûre épidermique indolore.La positivité du test se traduit par l’apparition d’unepapule et d’une rougeur dont l’interprétation obéit àdes critères spécialisés. C’est à la suite de ces testsque d’autres investigations peuvent être décidées,comme les tests de provocation, pour établir lediagnostic définitif et proposer les mesures d’évictionciblées et le traitement adapté.

■Conduites de sécurité :

prévention secondaire

Pour éviter la récidive, il est indispensable derecourir à une série de précautions formalisées parécrit, communiquées au patient et signées parl’immunoallergologue. Tout défaut d’informations etde prise de précautions peut conduire à la récidivede l’accident anaphylactique.

Le médecin allergologue délivre plusieursdocuments.

‚ Carte d’allergie

Elle est conservée avec les papiers d’identité,précise l’accident, dénomme les agents authentifiés,énumère les évictions à respecter, informe dutraitement d’urgence à appliquer.

‚ Rapport

Il s’agit d’un compte-rendu plus détaillé qui relatetous les aspects du bilan immunoallergologique etles conclusions.

‚ Documents annexes

Ils correspondent aux mesures d’éviction (évictionmédicamenteuse, régime d’éviction).

‚ Trousse d’urgence

Si l’accident a été sévère et si le patient risque derentrer en contact, à son insu, avec la substance en

cause, le patient doit avoir en permanence à saportée une trousse d’urgence dont les modalitésd’utilisation lui sont soigneusement expliquées. Latrousse doit contenir :

– une seringue auto-injectable d’adrénaline ;– un corticoïde oral et injectable ;– un b2-mimétique inhalé, voire injectable par

voie sous-cutanée, en cas d’asthme ;– un antihistaminique.Dans tous les cas, l’appel en urgence d’un

médecin est requis dès les premiers signes ; ce peutêtre le médecin traitant ou le SAMU, selon la gravitéde la situation. Le numéro d’urgence est le 15 ou le112 sur un téléphone portable. La trousse est utiliséepar le patient en cas de nécessité en attendantl’arrivée du médecin.

‚ Protocole de soins et d’urgence

Il établit la conduite à tenir par le personnelresponsable de l’établissement en cas d’urgenceallergique à l’école. La mise en place du projetd’accueil individualisé en milieu scolaire estdemandée par les parents au directeur del’établissement scolaire. Le protocole de soins etd’urgence est élaboré par le médecin allergologue etmis en place en collaboration avec le médecinscolaire.

‚ Désensibilisation ou immunothérapie

Elle est proposée en cas de choc anaphylactiquesecondaire à une allergie au venin d’hyménoptères.

■Conclusion

La gravité potentielle et le risque de récidive desurgences allergiques justifient que les stratégiesthérapeutiques et préventives soient optimales. Toutaccident allergique grave doit aujourd’hui bénéficierd’un bilan immunoallergologique précis. Seule laconnaissance de l’allergène responsable permet sareconnaissance ultérieure et la mise en place d’unestratégie préventive ciblée.

Gisèle Kanny : Médecin des Hôpitaux.Étienne Beaudouin : Médecin des Hôpitaux.Jenny Flabbee : Généraliste allergologue.

Denise-Anne Moneret-Vautrin : Professeur des Universités, chef de service.Service de médecine interne, immunologie clinique et allergologie, centre hospitalier universitaire,

hôpital central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : G Kanny, E Beaudouin, J Flabbee et DA Moneret-Vautrin. Urgences allergiques.Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0090, 2001, 3 p

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[1] Ancel-Quilici N, Laxenaire MC, Moneret-Vautrin DA. Accidents anaphylac-tiques.Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris),Urgences,24-110-A-30, 1996 : 1-5

[2] Godard P, Chanez P, Bousquet J, Demoly P, Pujol JL, Michel FB. Asthmolo-gie. Paris : Masson, 1997 : 1-284

[3] Moneret-Vautrin DA. Guide du praticien en immuno-allergologie. Paris : Mas-son, 1994 : 1-180

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