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Regards croisés sur la santé Lettre du Collectif Interassociatif Sur la Santé - n°6 - septembre 2012 où allons-nous? Informatisation des données de santé :

Regards croisés sur la santé, lettre collectif interassociation sur la santé

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septembre 2012

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Page 1: Regards croisés sur la santé, lettre collectif  interassociation sur la santé

Regards croisés sur la santéLettre du Collectif Interassociatif Sur la Santé - n°6 - septembre 2012

où allons-nous?Informatisation des données de santé :

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2 Regards croisés sur la santé 3Regards croisés sur la santé

Entre la première transmission d’un électrocardiogramme par lignetéléphonique, en 1905, et la première opération de « téléchirurgie »entre Strasbourg et New York en 2001, un siècle s’est écoulé. Aveclui sont nés de nouveaux moyens de communiquer, de partager l’in-formation, qui tentent d’abolir les distances et le temps. La médecineet le monde de la santé en général, n’ont pas échappé à cette révo-lution introduite par les nouvelles technologies de l’information et dela communication, d’autant que le système de santé se doit de rele-ver de nouveaux défis : répondre à l’évolution des pathologies et desbesoins de prise en charge des patients, tout en améliorant son effi-cience, notamment en matière de financement.

De la télémédecine du départ, nous sommes passés au concept pluslarge de télésanté, appelée aussi e-santé, qui englobe les activités, lesservices et les systèmes de santé à distance basés sur l’utilisation des

technologies de l’information et de la communication. Actuellement, oncommence même à parler de m-santé, c’est-à-dire de l’utilisation desterminaux mobiles (téléphones, tablettes) dans le domaine de la santé.

Si les TIC en santé ouvrent donc de nouvelles perspectives et susci-tent de nombreux espoirs, elles posent aussi beaucoup de questions.

La première d’entre elles touche évidemment à la protection des liber-tés individuelles et collectives dans le domaine de l’informatique appli-quée à la santé. Les récentes affaires d’utilisation abusive d’informa-tions recueillies sur les réseaux sociaux illustrent parfaitement cettequestion, d’autant plus sensible lorsqu’il s’agit de données person-nelles de santé. De quelles façons garantir la sécurisation et la confi-dentialité de données relatives à la santé des personnes à partir dumoment où elle sont dématérialisées et stockées sur le « Cloud », c’est-à-dire sur des serveurs informatiques gérés par des sociétés privées.

Les technologies de l’information apportent de nouvelles réponses enmatière de diagnostic, de traitement, mais aussi de suivi des patients,alors même que s’accroît la prévalence des pathologies chroniques etque se développent de façon alarmante les déserts médicaux. Porteurd’espoir, le recours à la e-santé fait donc aussi courir le risque d’uneaggravation des inégalités de santé, particulièrement en termes decoût de ces nouvelles technologies pour les patients.

Enfin, la mise en place de dispositifs toujours plus pointus pour le dia-gnostic, mais aussi pour le suivi des malades rend indispensable lacoordination des différents acteurs de santé autour des patients. Entenant compte des difficultés rencontrées dans la mise en place deces outils de coordination, cristallisées notamment autour du dossiermédical personnel, quel bilan, quelles attentes et quelles avancéesréelles pour l’amélioration de la qualité des soins peut-on espérer ?

Le débat est donc ouvert et, fidèle à l’esprit euristique de cette lettred’information où le débat doit permettre à chacun de se forger sonopinion, nous avons interviewé les différents acteurs impliqués dansces enjeux de santé : professionnels de santé, associations d’usa-gers, autorités d’État, industriels et spécialistes…

TÉLÉMÉDECINE VS TÉLÉSANTÉ :QUELLES DIFFÉRENCES !?

La télémédecine constitue un des domaines duconcept plus large de télésanté.

Cette dernière était définie, en 1997 par le groupespécialisé sur la télématique de santé de l’OMS,comme recouvrant « les activités, services et sys-tèmes liés à la santé, pratiqués à distance au moyende technologies de l’information et de la communi-cation, pour des besoins planétaires de promotionde la santé, des soins et du contrôle des épidémies,de la gestion et de la recherche appliquée à lasanté ». On en trouve aussi une définition, en 2009,dans le rapport parlementaire du député PierreLABORDES sur la télésanté, où elle est caractériséecomme « l’utilisation des outils de production, detransmission, de gestion et de partages d’informa-tions numérisées au bénéfice des pratiques tantmédicales que médico-sociales ». Mais il n’existe pasde définition légale de la télésanté.

En revanche, les actes qui entrent dans le cadre dela télémédecine sont, eux, précisément encadrés.L’article 78 de la loi HPST dispose ainsi que « la télé-médecine est une forme de pratique médicale à dis-

tance utilisant les technologies de l’information etde la communication. Elle met en rapport, entre euxou avec un patient, un ou plusieurs professionnelsde santé, parmi lesquels figure nécessairement unprofessionnel médical et, le cas échéant, d’autresprofessionnels apportant leurs soins au patient. Ellepermet d’établir un diagnostic, d’assurer, pour unpatient à risque, un suivi à visée préventive ou unsuivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécia-lisé, de préparer une décision thérapeutique, deprescrire des produits, de prescrire ou de réaliserdes prestations ou des actes, ou d’effectuer une sur-veillance de l’état des patients ». Les actes de télé-médecine entrant dans ce cadre sont au nombre de4 et définis par le décret n°2010-1229 du 19octobre 2010 :

• La téléconsultation, qui a pour objet de permettreà un professionnel médical de donner une consul-tation à distance à un patient. Un professionnel desanté peut être présent auprès du patient et, le caséchéant, assister le professionnel médical au coursde la téléconsultation.

• La téléexpertise, qui a pour objet de permettre à unprofessionnel médical de solliciter à distance l'avisd'un ou de plusieurs professionnels médicaux enraison de leurs formations ou de leurs compé-

tences particulières, sur la base des informationsmédicales liées à la prise en charge d'un patient.

• La télésurveillance médicale, qui a pour objet depermettre à un professionnel médical d'interpréterà distance les données nécessaires au suivi médi-cal d'un patient et, le cas échéant, de prendre desdécisions relatives à la prise en charge de cepatient. L'enregistrement et la transmission desdonnées peuvent être automatisés ou réalisés parle patient lui-même ou par un professionnel desanté.

• La téléassistance médicale, qui a pour objet depermettre à un professionnel médical d'assister àdistance un autre professionnel de santé au coursde la réalisation d'un acte.

On voit que la télémédecine est centrée sur l’utilisa-tion des TIC dans le cadre de pratiques médicalesbien identifiées et délimitées, nécessitant l’interven-tion d’au moins une profession médicale ; la télésan-té fait quant à elle référence à des activités beaucoupplus diversifiées, moins encadrées, notamment entermes d’actes et de prestations mis en œuvre, maisaussi quant aux acteurs potentiellement impliquésdans la réalisation de ces actes et prestations.

ARTICLE INTRODUCTIF

En France et en Europe, les informations médicales personnelles sontconsidérées comme des données sensibles, protégées par un corpusjuridique qui évolue à mesure que grandissent la société numérique, l’exi-gence de transparence qui traverse aussi le domaine de la santé, et lanotion de « secret médical partagé ».Reconnues comme faisant partie intégrante de la personnalité de l’indivi-du par le Groupe européen d’éthique, les données de santé appartiennentà la vie privée, domaine protégé par l’article 9 alinéa 1 du code civil ainsique par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Hommeet des Libertés fondamentales.Par ailleurs, la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichierset à la liberté, très novatrice à son époque, a fortement inspiré une direc-tive européenne du 24 octobre 1995 qui, compte tenu des développe-ments de l’informatique et de l’Internet, a impulsé la loi du 6 août 2004.Cette législation cumulée doit garantir à toute personne un droit d’oppo-sition et de rectification, la protection de sa vie privée face aux traite-ments automatisés de données à caractère personnel et aux traitementsnon automatisés de données à caractère personnel contenues ou appe-lées à figurer dans des fichiers.La CNIL, autorité administrative indépendante, a ainsi la responsabilité derecevoir les déclarations et d’émettre un avis ou de délivrer une autori-sation préalable pour la constitution de fichiers. Elle a en outre une mis-sion d’information du public, un rôle consultatif auprès des gestionnairesde traitements informatiques, une fonction de recueil des réclamationsou des plaintes, ainsi que des pouvoirs d’investigation et de sanction.Le code pénal vient renforcer la protection des données en réprimant unesérie d’atteintes au droit au respect des données à caractère personnel.Cette protection, par les textes, est chaque jour mise à l’épreuve avec lamontée en puissance des technologies de l’information imprègnant aujour-d’hui l’ensemble de la société et marquant l’avènement de l’ère numérique.L’appétence des citoyens pour la portabilité, la dématérialisation et l’ac-cessibilité des informations à caractère personnel présente en effet devrais risques qui se réalisent d’ailleurs régulièrement du fait, notamment,de la difficile reconnaissance du droit à l’oubli sur la toile. Mais la sociéténumérique fascine au moins autant qu’elle inquiète les plus pessimistesen ce qu’elle nous propose de devenir acteur de notre réseau, intégré àun système qui nous reconnait, dans le but d’être entendu, compris etadmis pour ce que nous sommes.Cet idéal, appliqué au domaine de la santé, nous offrirait la possibilité decréer un espace de partage dédié à l’amélioration de la qualité de notreprise en charge, en tant qu’usagers du système de santé.Nous y aspirons tous compte tenu de l’organisation très stratifiée de notresystème de santé car aujourd’hui, l’artisan de la coordination des soins enFrance, c’est le patient lui-même : le parent qui accompagne son enfant decabinet médical en hôpital, ou encore le fils qui transporte sa mère de ser-vice de gérontologie en EHPAD. Et lorsque personne n’est en mesure dejouer ce rôle, la coordination se trouve décapitée et il en découle des

redondances d’examens, des actes inappropriés voire des pertes dechances pour les personnes soignées et une sous-exploitation de l’excel-lent potentiel que présente notre système de prise en charge.Les promoteurs de la e-santé font tous la promesse d’améliorer la vie etles soins des usagers de leurs services. Et parmi les applicatifs existants,retenons que le Dossier Médical Personnel et la télémédecine portent eneux le germe d’une réforme des approches médicales et des relationsentre soignants et soignés, pour une meilleure prise en charge des per-sonnes malades, un partage simplifié de données dans le respect dusecret médical et l’amélioration des conditions de l’accès aux soins.A côté de ces projets soumis à un pilotage national, à des maîtrises d’ou-vrage ramifiées en région et également à une logique d’égalité d’accès auxsoins, d’autres initiatives émergent… avant tout lucratives celles-ci, et dontcertaines peuvent faire craindre la constitution d’un marché animé par desvendeurs d’espérance de vie et de coaching en ligne par exemple.Notre système économique n’empêchera pas les opérateurs de gadgéti-ser la santé, mais notre système de santé a l’obligation sociale de pro-mouvoir l’exploitation optimale des performances informatiques au servi-ce de tous les usagers. Nous voulons, dans ce numéro de Regards croi-sés sur la santé, faire le point sur l’analyse que portent les principauxacteurs de la e-santé quant à ces enjeux essentiels pour l’avenir de notresystème de santé.

Le Collectif Interassociatif Sur la Santé

p3 Article introductifTélémédecine vs Télésanté : quelles différences !?

p4 Développement de la e-santé : un révélateur des enjeuxde santé publique, toujours pas une solution.Interview de de Christian Saout, CISS

p6 Agrément des hébergeurs : une procédure rigoureuse,qui reste déclarative ! Interview de Nathalie Tellier, UNAF

Philippe Burnel, Délégué à la stratégie

des systèmes d’information de santé

p7 Télémédecine, télésanté : fantasmes ou réalités.Interview de René Mazars, AFPric

p8 Que peut, que doit apporter la télédialyseen matière de qualité des soins ?Interview de Jean-Louis Lamorille, FNAIR

p9 Santé et TIC : une réalité encore très théorique qui ne doit pasfaire oublier les fondements de l’assurance maladie.Interview de Karim Felissi, FNATH

p10 Télémédecine en Corse : plus qu’une volonté, une nécessité.Interview de Georgette Siméoni, CISS-Corse

p11 Le DMP: passer du concept à l’usage quotidienchez le médecin traitant et à l’hôpital.Interview de Monique Dintroz, CISS-Franche-Comté

p12 L’informatisation des données de santé au serviceet au bénéfice de la relation soignant soigné.Interview du Dr Jacques Lucas, CNOM

Jeanne Bossi, ASIP Santé

Claude Leicher, MG France

p14 Sans e-sécurité et e-confidentialité, pas d’e-santé.Interview de Isabelle Falque-Pierrotin, CNIL

p15 La généralisation de la télésanté implique une réformede l’organisation et du financement des soins.Interview de David N. Bernstein, Economiste de la santé

p16 La e-santé en question : la révolution informatiqueva venir des patients ! Interview de Bernard d’Oriano, LESISS

Thierry Zylberberg, Orange Healthcare

p18 Eclairage européen : Vers une européanisation de la e-santé ?Interview de David Garwood, EHTEL

SOMMAIRE

Regards croisés sur la santé

EDITO

Page 3: Regards croisés sur la santé, lettre collectif  interassociation sur la santé

5Regards croisés sur la santé

Du point de vue des usagers, l’informatisation des données desanté constitue-t-elle aujourd’hui un atout ou un inconvénient pourla qualité des soins et du système de santé en France ?

Cela devrait incontestablement être un atout. Regardons cela deprès. Les technologies de l’information et de la communication per-mettent à tout moment, au médecin comme au professionnel desanté, d’accéder au meilleur traitement possible d’une affection. Atout moment, n’importe quel acteur de la chaîne de soins peut accé-der aux données de santé d’une personne et lui prodiguer les soinsles mieux adaptés à son état, en vérifiant la compatibilité d’un traite-ment par exemple. Franchement, c’est une garantie de plus grandesécurité des soins. De plus, ces technologies favorisent l’autonomiedu patient qui est ainsi en mesure, s’il le décide, de jouer un rôle actifdans sa santé en s’appropriant les enjeux d’un meilleur suivi pour saqualité de vie et sa survie.

Enfin, l’informatisation des données de santé est un atout pour le sys-tème de santé lui-même. C’est aussi un gain collectif. Il ne faut pasoublier que chaque année, il se produit environ 400 000 événementsindésirables graves dans les hôpitaux, publics et privés : l’étudeENEIS montre que plus de 34 000 journées d’hôpital pourraient êtreéconomisées. Pire encore, déjà en 1998, le nombre moyen annuelde journées d’hospitalisation causées par la iatrogénie médicamen-teuse, à elle seule, était évalué à plus d’1 100 000 journées. Or, l’in-formatisation des données de santé c’est aussi l’amélioration de lapharmacovigilance et donc la réduction de cette iatrogénie médica-menteuse si coûteuse en malheurs humains et en ressources finan-cières.

Autant d’atouts qui, malheureusement, sont différés en raison duretard pris en France par le développement des technologies de l’in-formation et de la communication en santé… notamment en matièred’interopérabilité des systèmes existants ce qui, on le comprend

immédiatement, limite la coordination des soins du fait de l’impossi-bilité même de certains échanges.

Quelle(s) mesure(s) phare(s) le CISS préconise-t-il pour préserverau mieux les libertés individuelles et collectives des usagers dansle cadre du développement de ces technologies de l’information ensanté ?

La question du consentement est au cœur du sujet. Car aujourd’hui,la situation est confuse. En effet, selon l’endroit où l’on se trouve, iln’y a pas de consentement lors du recueil de données de santé infor-matisées (hôpital par exemple), consentement implicite (dossierpharmaceutique), non opposition (pour le partage des données dansune maison de santé). Sans compter toutes les situations où la col-lecte est « sauvage » car personne n’a jamais pensé qu’il violait desrègles de droit en collectant et en échangeant des données de santépersonnelles informatisées à l’insu du patient. Compte tenu desenjeux qui sont ceux du secret médical, la recherche du consente-ment express serait la plus adaptée, et plus commode que le recueilde signature du passé puisqu’elle est dématérialisée.

L’autre sujet, c’est celui de la sécurisation des données collectées.Qui semble parfois être un leurre tant nous sommes régulièrementinformés d’infractions à la sécurité de ces données. Une part desinfractions est volontaire. Ce sont des délits. Et nous aurons du malà nous en prémunir. Au mieux, elles peuvent être sanctionnées. Tropfaiblement, car le droit ne sanctionne guère aujourd’hui cette attein-te aux personnes. D’autres violations du secret sont involontaires.D’autres encore interviennent en toute connaissance de cause.Probablement n’avons-nous pas pris collectivement la mesure del’enjeu que constituent les violations à la sécurité des données infor-matisées de santé. Paradoxalement, du côté de la lutte contre lacybercriminalité, le sujet est sur la table. Preuve que l’on cherche desparades. Mais du côté de l’usage « courant » de la collecte et du trai-tement des données c’est une autre affaire : les précautions d’usagepour la destruction des mémoires d’ordinateurs obsolètes utilisésdans le système de santé ne font même pas l’objet d’une recom-mandation de l’autorité indépendante de référence. Et, nous-mêmes,simples citoyens, n’avons sans doute pas pris la mesure des risquesde capture frauduleuse de données personnelles de santé lors de laconsultation d’un site.

Ce sujet n’est pas traité. Pourtant notre pays a connu des crisesrécurrentes en matière de collecte de données à caractère person-nel. Nous avons oublié que la loi informatique et liberté, datant de1978, qui constitue encore le cadre de la protection des donnéespersonnelles informatisées est issue d’une de ces crises. Le salutviendra peut être de l’Europe puisque Viviane Reding, la Commissaireeuropéenne, a récemment indiqué qu’elle proposerait de nouvellesrègles insistant sur le consentement explicite et l’accès personnelfacilité de chaque citoyen à ses propres données. Ce serait bien le

moins alors que l’on ne cesse de parler d’open data. Mais qui peutaujourd’hui consulter ses données de santé personnelles collectéesà son insu par l’assurance maladie ?

Consentement explicite et accès personnel sont donc les deux règlesincontournables dans ce domaine. Par ailleurs, le droit doit permettrede sanctionner de façon proportionnée les atteintes et de réparerintégralement les dommages aux personnes. En outre, il faut que lesstandards de sécurité sur les outils de collecte se renforcent au fur età mesure que les barrières de protection sont défaites. Nous avonsdes progrès considérables à accomplir pour une plus grande data-vigilance, qui est à construire car elle ne saurait se résumer à la seuleCNIL. Enfin, la France ne peut se passer d’une orientation stratégiqueen matière d’informatisation des données de santé : promise depuiscinq ans, elle est sans cesse remisée. Tout ceci esquisse un corps derègles qui pourrait être partagé par tous les acteurs. Mais comme surle Mediator, on attend la crise… Du côté de l’informatisation « toutbouge », mais du côté de la gestion des risques « rien ne bouge » !

Mais pour garantir ces libertés individuelles et collectives, com-ment assurer l’accessibilité de tous les usagers à ces technolo-gies, tant en ce qui concerne le financement de leur coût que lacapacité cognitive à les utiliser ?

Fracture sociale, fracture sanitaire et fracture numérique. Réparer lesdeux premières s’impose aux pouvoirs publics. Cela ne sera pas faci-le et ce sera sans doute coûteux. Réparer la fracture numérique, cen’est pas si difficile, ni si coûteux. D’ailleurs, Viviane Reding proposede garantir un droit à l’outil numérique. Un peu à l’instar de ceux quithéorisent que le droit d’accès aux flux (eau, électricité, numérique)est un nouveau droit de l’Homme. En pratique, il ne serait pas biendifficile d’ouvrir un droit à consultation de ses données dans les ser-vices publics de proximité : mairie, caisses primaires d’assurancemaladie…

Au delà de la faculté pour tous d’accéder à ses données personnellesde santé informatisées, en tout point du territoire, il subsiste uneseconde difficulté : celle de l’accompagnement des personnesconcernées dans l’usage de ces technologies. Elles apportent unplus, c’est une évidence largement démontrée : la plus grande impli-cation potentielle du patient dans la gestion de sa santé, c’est aussiune meilleure gestion collective de la ressource publique en santé.Mais pour qui ? Pour ceux qui ont déjà largement accès à l’informa-tion probablement. Ces nouvelles technologies vont encore creuserl’écart entre ceux qui ont une faculté d’usage renforcé des res-sources du système de santé et ceux qui ont déjà des difficultés àbénéficier d’une prise en charge « moyenne ». Ce sont ces derniers,parce qu’on ne les a pas soutenus dans le recours aux nouvellestechnologies, qui seront pénalisés. Le programme Sophia de laCNAMTS ne s’adresse qu’à ceux qui ont le téléphone. Les pro-

grammes d’accompagnement de demain ne bénéficieront-ils qu’àceux qui ont accès à l’internet… et qui plus est savent s’en servir.

Point faible du système de santé français, la coordination des soinsa des conséquences sur la qualité des soins et sur l’optimisationde leur coût. A quelles conditions le développement des technolo-gies de l’information et de la communication appliquées à la santéapporte-t-il de réelles perspectives d’amélioration de la coordina-tion des soins ?

Il y a trois conditions. La généralisation de l’accès au numérique entous points du territoire. On pourrait faire une intervention chirurgi-cale avec un chirurgien à Manhattan et un robot dans un bloc opéra-toire à Strasbourg et on ne saurait pas garantir le haut débit partouten France ?

La construction d’un cadre règlementaire facilitateur des échanges dedonnées en santé : c’est la clarification dont j’ai parlé plus haut dansles domaines du consentement et de la transparence.Enfin, il faut impérativement solvabiliser l’implémentation de ceslogiques informatiques dans les territoires ou les domaines où ils sontnécessaires et où ils concourent à l’égalité d’accès aux soins et à l’in-novation : sans quoi les gains dans la coordination des soins se déve-lopperont au profit de ceux qui peuvent se payer une coordination pri-vée de leurs soins. Le marché de l’assurance n’attend que cela.

Pourquoi le CISS a-t-il toujours défendu le dossier médical person-nel (DMP) comme outil central du développement de l’informatisa-tion des données de santé en France ? Son déploiement répond-ilbien à ces 3 enjeux identifiés : protection des libertés individuelleset collectives, accessibilité à tous et meilleure coordination dessoins ?

Parfois, on se le demande ! Il nous a fallu bien du courage tant nousavons été baladés. Décidé en 2004 et promis pour 2007, le DMP n’esttoujours pas là. Tout au plus entre-t-il en phase opérationnelle. Mais lespatients qui en bénéficient n’ont toujours pas accès à leurs données.

Un tel soutien, par sa continuité et son intensité, confine au décou-ragement quand on constate que de nombreux professionnels, dansle monde hospitalier ou en ville, ne sont pas en mesure d’utiliser leDMP parce que leur logiciel habituel n’est pas compatible avec lui, ouparce qu’ils n’y voient pas d’intérêt.

On le voit le succès du DMP repose sur le dialogue avec quatre com-munautés : les médecins, de ville ou d’hôpital ; les patients ; les ges-tionnaires hospitaliers ; et les industriels. Pas sûr, mais alors pas sûrdu tout, que l’on ait fait à l’égard de ces parties prenantes les effortséquitables et nécessaires qu’ils réclament.

LA FRANCE EST EN RETARDDANS LE DÉVELOPPEMENTDES TECHNOLOGIES DE L’IN-FORMATION ET DE LA COM-MUNICATION EN SANTÉ

CONSENTEMENT EXPLICITEET ACCÈS PERSONNELSONT LES DEUX RÈGLESINCONTOURNABLES ENMATIÈRE DE LIBERTÉINDIVIDUELLE ETCOLLECTIVE DES USAGERS

4 Regards croisés sur la santé

Développement de la e-santé :un révélateur des enjeux de santépublique, toujours pas une solution.

INTERVIEW

Christian SAOUT Président du CISS

Page 4: Regards croisés sur la santé, lettre collectif  interassociation sur la santé

INTERVIEW Association membre du CISS : AFPric - Association Française de Polyarthrite

Quel regard portez-vous sur le développe-ment de la télémédecine en France ?

René MAZARS : La télémédecine me sembleêtre avant tout un terme à la mode dans lesecteur de la santé. Une expression quirecouvre diverses pratiques médicales : télé-consultation, téléexpertise, télésurveillanceou encore téléassistance... Bien des technolo-gies, toutes sujettes à de nombreuses expé-riences plus ou moins isolées et qui se pour-suivent depuis plusieurs années, mais avec

peu d’avancées concrètes. Alors, au-delà de l’expression, je m’interrogesurtout sur la réalité de ces pratiques médicales. Pour combien d’usagerseffectivement bénéficiaires et avec quel impact bénéfique réel sur l’orga-nisation du système, la qualité et l’efficience des soins ?Il se dégage une impression de temps perdu à ne pas dépasser le stadedes expériences, dont on est bien en peine d’identifier ce que l’on doiten retenir. A croire que l'expérience se suffirait à elle-même… à moinsque des blocages, notamment de financement, n’obligent à en rester àcette étape intermédiaire ?

Face à ce constat, que retenez-vous de votre participation au comité depilotage sur la télémédecine mis en place par la DGOS ?

R M : Le comité de pilotage sur la télémédecine tente bien, depuis un peuplus d’un an, de recenser et d’analyser toutes ces expériences pour envi-sager leur généralisation, mais il en est encore aux hypothèses. En outre,de mon point de vue, il manque une autorité supérieure, un conseil stra-tégique des systèmes d’information de santé, placé sous la responsabili-té du 1er ministre, qui aurait pleine autorité sur l’encadrement de ce quidoit être fait en matière de numérique en santé.La lourdeur des systèmes en place est certainement une des causes dece retard systématique. Pourtant, le public plébiscite par exemple les pre-mières expériences de suivi thérapeutique développées grâce à la géné-ralisation des smartphones. Or, en l’absence d’encadrement, il est pro-bable que ces expériences soient conduites par des opérateurs quimisent sur un développement prochain d’un marché des TIC en pous-sant à une minimisation des exigences éthiques au regard notamment duconsentement du patient, ou de la législation sur la circulation des don-nées de santé. Dans ce domaine, la collecte organisée de données desanté par des sociétés internationales, sous couvert de tests génétiquesde paternité par exemple, me laisse interrogatif et me fait craindre uneaffaire du type « Mediator » dans le numérique. Les différents incidents,

plus ou moins graves (défaillances techniques, piratage), qui émaillent lesecteur informatique me confortent dans l’idée qu’il faut recourir à dessystèmes fiables, doublés d’unités de secours indépendantes. Le stocka-ge des données de santé en de multiples sites de capacité moyenne,interopérables, me parait offrir une meilleure garantie que le stockageunique chez un même hébergeur.

Les risques que vous voyez dans le développement de la télémédecineet de la télésanté, en dehors d’un encadrement porté par une instancesupérieure forte, ne remettent-ils pas en cause l’intérêt du développe-ment des TIC en santé ?

R M : Non, car l'attente des patients est réelle, particulièrement ceux quisont atteints de maladies chroniques. Ils en espèrent la mise en place d’unparcours de santé enfin adapté, avec des soins coordonnés, personnali-sés et de qualité, inscrits dans une continuité englobant le libéral, l’hospi-talier et le médico social. C’est contre les risques que ces technologiespeuvent engendrer qu’il faut se prémunir, mais cette vigilance ne doit pasnous amener, tout défenseur des droits des usagers que nous sommes, àjeter le bébé avec l’eau du bain. La garantie de la dignité humaine et le res-pect du patient doivent s’adapter à des règles de sécurité précises pouréviter que des données sensibles, qui intéressent fortement de nombreuxopérateurs, ne soient interceptées lors des échanges.Le Dossier Médical Personnel (DMP) est en principe aujourd’hui accessibleà tous, usagers comme professionnels. Il constitue à mes yeux le meilleuroutil pour organiser de façon a priori sécurisée la prise en charge optimiséeque nous attendons, en tout cas davantage que lorsque des dossiers desanté numériques sont proposés par des opérateurs privés à but lucratif.Mais le DMP peine toujours à se déployer, même si la pratique se dévelop-pe à l’hôpital et devrait déborder le cadre actuel, beaucoup trop confiné.Toutefois, il est aussi important de rappeler que la médecine ne doit passe résumer en actes de technologie successifs. Les patients ont besoind’écoute et de confiance que seule une relation humaine de qualité peutleur apporter. La technologie devient indispensable mais pas pour autantsuffisante. Elle ne remplacera jamais le diagnostic établi sur la base d’uneanalyse clinique et d’un entretien personnel que certains professionnels,les yeux rivés sur leur écran, délaissent parfois. La technologie doit venircompléter et faciliter la prise de décision médicale et ne pas chercher àla remplacer.L’objectif, c’est une médecine centrée sur le patient, capable de dépasserson caractère de médecine curative pour organiser une prise en chargeglobale et de qualité afin d’accompagner les malades chroniques et lespersonnes âgées.

INTERVIEW

Agrément des hébergeurs :une procédure rigoureuse, qui reste déclarative !

Association membre du CISS : UNAF - Union Nationale des Associations Familiales

En quoi consiste la mission du « Comitéd’agrément des hébergeurs » auquel vousparticipez en tant que représentante desusagers ?

Nathalie TELLIER : La loi du 4 mars 2002 a fixéle cadre législatif de l’hébergement des don-nées de santé, et la procédure d’agrémentdes hébergeurs a été précisée par un décreten date du 4 janvier 2006. Un « candidathébergeur » doit avoir la capacité d’assurer lasécurité, la protection, la conservation et la

restitution des données de santé à caractère personnel. La CNIL se pro-nonce sur les garanties offertes par le candidat en matière de protectiondes personnes dans le traitement de leurs données de santé. Le comitéd’agrément évalue le dossier de candidature sous ses aspects éthique,déontologique, technique, financier et économique. Il rend un avis moti-vé dans le mois qui suit la décision de la CNIL. Sur la base de ces avis,l’agrément est ensuite délivré par le ministre chargé de la santé pour unedurée de trois ans.Parallèlement à l’avis du ministre, l’ASIP Santé adresse, si nécessaire, unelettre au candidat avec une liste de recommandations validées par leComité d’agrément des hébergeurs de données de santé. Il faut cepen-dant avoir à l’esprit que nous sommes dans le cadre d’une procéduredéclarative. Il est toujours possible à la CNIL et à l’IGAS de faire descontrôles, mais il s’agit de contrôles a postériori.

Quels enjeux de la protection des données de santé individuelles etcollectives sont-ils vus comme prioritaires au sein du CAH ?

N T :Dans le dossier de demande d’agrément, une large partie est consa-crée au respect des droits des personnes et à la sécurité de l’accès auxdonnées de santé.Afin de garantir la confidentialité, l’intégrité et la pérennité des données,le candidat à l’hébergement doit notamment indiquer qui recueille leconsentement du patient et selon quelles modalités ; qui accèdent auxdonnées de santé et de quelle façon ; comment est assurée la traçabilitédes actions effectuées, quels sont les moyens d’identification, d’authen-tification et de contrôle de l’accès aux données.Le respect du droit des personnes est donc tout à fait essentiel. Le CAHet les représentants du CISS en particulier s’attachent à vérifier commentle candidat procède en matière de consentement du patient, qu’il soitdématérialisé ou par écrit, et comment il s’acquitte de son devoir d’infor-mation. Y compris lorsque le recueil du consentement est reportécontractuellement sur le client de l’hébergeur, ce qui est le plus souventle cas. De ce point de vue, compte tenu des liens indirects entre l’héber-

geur et le patient, le CAH a jugé essentiel que le contrat d’hébergementdétaille précisément la répartition des responsabilités entre l’hébergeur etson client notamment pour garantir la protection des données de santé.Le candidat à l’hébergement doit également indiquer comment le patientpeut avoir accès à ses données de santé et à l’historique des accès, ainsique le processus pour rectifier ou demander l’effacement de données leconcernant.Concernant les professionnels de santé, le CAH veille à ce qu’une poli-tique d’habilitation soit mise en place par l’hébergeur pour que seuls lesprofessionnels de santé intervenant dans la prise en charge du patientaient accès aux données de santé le concernant. Cela passe souvent parl’utilisation de leur « CPS » (carte de professionnel de santé), mais àdéfaut un dispositif équivalent agréé par l’ASIP Santé doit être prévu.Enfin, le CAH examine la politique de confidentialité mise en place par lecandidat : il veille notamment à ce qu’un médecin de l’hébergeur soitdésigné, point essentiel puisqu’il est le garant du respect du droit despersonnes et des conditions d’accès aux données de santé ; et plus glo-balement des procédures concernant le personnel et les administrateursdu système. D’un point de vue éthique le CAH écarte les candidats sus-ceptibles de présenter des conflits d’intérêts ou encore d’un point de vueéconomique, les sociétés fragiles au modèle économique incertain dontl’interruption d’activité aurait des conséquences lourdes sur la conserva-tion des données de santé.

Ces enjeux et orientations vous semblent-ils pertinents du point de vuede la défense des droits des usagers ?

N T : On se rend compte que les dossiers présentés montrent une trèsgrande diversité d’activités et de compétences derrière la dénomination« hébergement », selon les prestations de services proposées. Et le CAHveille à ce que les mêmes exigences soient respectées par l’ensemble descandidats. Cette obligation de recevoir un agrément, pour exercer l’acti-vité d’hébergement de données à caractère personnel par des tiers, estindispensable de notre point de vue d’association de patients.L’encadrement du marché de l’hébergement a en effet permis d’élever leniveau général des prestations proposées et d’éviter la pollution du mar-ché par des acteurs n’offrant pas les garanties suffisantes. Cependant,cette procédure d’agrément, bien qu’obligatoire dans les textes, resteune procédure volontaire et déclarative qui ne s’applique que lorsquel’hébergeur consent à déclarer son activité. Or, à côté des hébergeursrespectueux de la procédure, nombre de sociétés exercent au quotidienl’activité d’hébergement sans demander l’agrément. C’est toutes leslimites de cette procédure pourtant très protectrice pour les droits desusagers. La loi ne prévoit pas de sanction pour ceux qui ne se plieraientpas à cette obligation, la législation mériterait d’évoluer sur ce point.

Télémédecine, télésanté : fantasmes ou réalités.

Nathalie TELLIERChargée de mission"assurance maladie"

René MAZARSSecrétaire généralde l'AFPric

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Philippe BurnelDélégué à la stratégiedes systèmes d’information de santé

On porte beaucoup d’attention à la sécurisation du stockage des données de santé via le contrôledes pratiques et outils des hébergeurs mais beaucoup moins à celle des flux de données, parexemple en se penchant sur la question des messageries ou de l’utilisation d’internet pour la cir-culation des informations de santé dans le cadre du DMP. Qu’en pensez-vous ? Quels argumentspourraient rassurer les usagers en la matière ?

La question de la sécurité des systèmes d’information de santé est essentielle pour garantir les droitsdes patients (confidentialité) mais aussi la confiance dans le système, condition essentielle pour que

l’usage des TIC se développe dans le champ de la santé. Il faut également souligner que la sécuritédes systèmes d’information prend une dimension de plus en plus importante en matière de sécuri-té des soins à mesure que l’usage des TIC se développe dans la proximité immédiate des soins.Un cadre législatif et réglementaire important structure déjà le champ de la sécurité des systèmesd’information essentiellement au regard de la protection des données personnelles de santé : loiInformatique et libertés du 6 janvier 1978 modifiée, loi du 4 mars 2002 relative aux droits desmalades et à la qualité du système de santé, loi du 30 janvier 2007 posant le principe d’un identifiantnational de santé, décret du 4 janvier 2006 relatif à l’hébergement des données de santé, décret du15 mai 2007 relatif à la confidentialité des informations médicales conservées sur support informa-tique ou transmises par voie électronique qui crée l’obligation de recourir à une carte de profes-sionnel de santé ou à un dispositif équivalent.Pour compléter ce dispositif, le ministère de la santé a entrepris d’élaborer une politique générale desécurité des systèmes d’information de santé qui édictera des recommandations à l’usage des pro-fessionnels et organisations de santé. Ce travail donnera lieu dans les prochains mois à une concer-tation tant avec les professionnels de santé, que les industriels. Les représentants des patients y

seront bien sûr associés. Certaines des recommandations qui en découleront pourront être rendues oppo-sables par voie législative et/ou réglementaire.C’est au regard de cette architecture initiée par les pouvoirs publics que doivent être appréciées les condi-tions de fonctionnement des systèmes d’information stockant ou véhiculant des données de santé indivi-duelle.Initié et mis en œuvre à l’initiative des pouvoirs publics, le DMP se devait de satisfaire à l’ensemble des obli-gations qui sont posées par les textes. Les accès au DMP sont fondés sur une stricte identification etauthentification tant des patients (par l’usage d’un identifiant, d’un mot de passe permanent et d’un mot depasse à usage unique à chaque connexion) que des professionnels dûment autorisés par le patient (cartesCPS fondées sur l’enregistrement préalable du professionnel de santé par l’Ordre dont il relève ou par l’ARSpour les professions sans Ordre). Les accès y sont traçables et identifiables. L’intégrité des données estassurée ainsi que leur chiffrement. De ce point de vue le DMP est clairement à l’état de l’art en matière desécurité. Le déploiement du DMP permet en outre de mettre fin à la multitude de dossiers patients exis-tants sur le territoire qui obéissaient à des mesures de sécurité et de gestion des droits très hétérogènes,situation dont s’étaient à juste titre émus les représentants des patients.

Dans le même cadre, une messagerie sécurisée réalisée sous la conduite de l’ASIP Santé sera mise en ser-vice à partir du début de l’année 2013. Destinée aux échanges entre professionnels de santé, cette mes-sagerie respectera les mêmes obligations en matière d’identification et d’authentification. A l’inverse, il estclair que l’usage par les professionnels de santé de messageries grand public ne saurait offrir la sécuritéattendue.

Mais la confiance ne dépend pas seulement des mesures de sécurité aussi robustes soient elles. Elle repo-se aussi sur le respect des droits reconnus aux patients. L’information due aux personnes préalablement àleur prise en charge comme au traitement de leurs données est à cet égard essentielle. L’effort des pouvoirspublics doit aujourd’hui se porter sur le respect de ces exigences : droit d’opposition, droit de rectification,droit de suppression ainsi que sur l’harmonisation des modalités de recueil du consentement…

Regards croisés sur la santéRegards croisés sur la santé

Page 5: Regards croisés sur la santé, lettre collectif  interassociation sur la santé

9Regards croisés sur la santé8 Regards croisés sur la santé

INTERVIEW Association membre du CISS : FNAIR - Fédération Nationale d'Aide aux Insuffisants Rénaux INTERVIEW Association membre du CISS : FNATH - Association des accidentés de la vie

Que peut, que doit apporter la télédialyseen matière de qualité des soins ?

En matière de traitement de l’insuffisancerénale, on peut penser que le développe-ment de la télémédecine pourrait s’appuyersur les pratiques d’autonomisation despatients souffrant d’insuffisance rénale,déjà répandues depuis plusieurs années.Dans ce contexte, où en est-on aujourd’huidu développement de la télédialyse ?

Jean-Louis LAMORILLE : Il faut d’abord rappelerqu’à un stade avancé de la maladie, le traite-ment des insuffisants rénaux repose soit sur la

greffe soit sur la dialyse. L’une comme l’autre nécessite des soins et unsuivi extrêmement réguliers.En matière de dialyse, elle peut être réalisée, en fonction de la situationdu patient :• en centre lourd, lorsque la présence d’un néphrologue à chaque séan-ce est requise,• en unité de dialyse médicalisée (UDM), lorsque la consultation hebdo-madaire d’un néphrologue suffit,• ou encore en autodialyse à domicile, la rencontre avec le néphrologuen’étant alors prévue qu’une fois par mois.On voit donc que, dans le cas des dialyses en UDM ou des autodialyses,les nouvelles technologies de l’information et de la communication peu-vent s’appliquer à trois niveaux dans la conduite des traitements :• le dossier du patient informatisé consultable à distance par le néphro-logue ou tout autre praticien avec l’accord du patient,• les données instantanées du générateur de dialyse (paramètres de ladialyse) consultables à distance par le néphrologue en cas de besoin,• la visio-conférence ou télé-consultation par le néphrologue lors d’unproblème ponctuel en cours de séance ou pour le suivi très régulier dupatient.Concrètement, l’expérience la plus ancienne en la matière a été mise enœuvre en Lorraine. Il s’agissait d’abord, avec le programme « ALTIR », dela télétransmission au CHU de Nancy des données du suivi médical pourles patients greffés. Le programme DIATELIC a ensuite, dans cette mêmerégion, permis la transmission informatique des données médicales pourles personnes pratiquant à domicile la dialyse péritonéale. Mais ni l’un nil’autre de ces deux programmes ne propose de téléconsultation. Enrevanche, l’expérience menée au centre hospitalier de Saint Brieuc, enBretagne, en lien avec l’UDM de Lannion qui se trouve à 75 kilomètresde distance, intègre la téléconsultation avec webcam à son projet de télé-dialyse. Ainsi, les patients dialysés à l’UDM de Lannion peuvent bénéfi-cier d’une téléconsultation avec un néphrologue à chaque séance, et encas de problème un recours est prévu dans le cadre d’une conventionavec les services d’urgence.Dans de très nombreuses régions, c’est ce type de projets de télédialyseautour d’une UDM qui se développent aujourd’hui afin de répondre auxdifficultés liées au manque de néphrologues pour permettre le fonction-nement de ces unités de dialyse médicalisée, ou lorsqu’elles se trouventtrop éloignées d’un centre lourd. Mais ils se développeront certainementaussi dans le cadre de l’autodialyse.

Quel bilan feriez-vous des avantages et inconvénients de la télédialyseen termes à la fois de qualité des soins et de qualité de vie pour lesmalades ?

J-L L : La télédialyse présente un avantage évident par rapport au doulou-reux problème des transports médicaux que pose le traitement par dialy-se. Douloureux par rapport à la qualité de vie des patients : le tempsmoyen de transport pour se rendre chez son néphrologue est évalué à20 minutes, ce qui est largement sous-estimé et dont il faut de plus rap-peler qu’il s’agit d’une moyenne, qui plus est à multiplier par 2

(aller/retour) et cela plusieurs fois par semaine pour des malades traitésà vie !! Bref, réduire le temps de transport dans le cadre des dialyses estun gain considérable pour le confort de vie des malades. C’est aussi uneéconomie substantielle pour l’assurance maladie puisqu’il faut savoir queles frais de transport représentent environ 10 % du coût total du traite-ment d’un insuffisant rénal.De plus, la télédialyse apporte une amélioration de la qualité des soinspuisqu’elle rend possible un suivi par un néphrologue plus souple etdonc plus rapproché.Mais ce cercle vertueux d’une meilleure qualité des soins à un moindrecoût, avec une plus grande qualité de vie pour le malade et d’exercice pourle professionnel, n’est pleinement envisageable que si et seulement si latélédialyse ne se traduit pas en parallèle par une réduction des visites envis-à-vis avec le néphrologue qui sont essentielles pour assurer la qualitéde la prise en charge médicale. Or, dans l’expérience à l’UDM de Lannion,on a vu les visites en tête à tête avec le néphrologue passer par déroga-tion de une par semaine à une tous les trois mois. La FNAIR se battra pourque soit mis fin à ce type de pratique, et rappeler que l’impératif de sécu-rité du patient doit être au cœur du développement de la télédialyse.

Pensez-vous que ces technologies de l’information et de la communica-tionappliquéesà lasantésoientcréatricesd’inégalitésd’accèsauxsoins,qu’il s’agisse de leur coût ou de la capacité des malades à les utiliser ?

J-L L : Aujourd’hui, le développement de la télédialyse s’inscrit dans lecadre d’un conventionnement et d’un financement par les AgencesRégionales de Santé, de façon à ce qu’il ne puisse y avoir de discrimina-tion dans l’accès à cette technologie pour cause de moyens financiersinsuffisants de la part des organismes gestionnaires de ces alternatives àla dialyse en centre lourd. Cet accès possible pour tous doit être mainte-nu d’autant plus qu’on voit qu’à terme cette technologie peut-être syno-nyme d’optimisation des dépenses pour la collectivité. Par ailleurs, denombreuses expériences déjà réalisées ont montré que les patients,mêmes âgés, ont toujours su s’approprier l’outil de la télédialyse aprèsformation.

Santé et TIC : une réalité encore très théoriquequi ne doit pas faire oublier les fondementsde l’assurance maladie

Jean-Louis LAMORILLEAdministrateur chargé des ques-tions de qualité des traitementset de leur organisation

L’IMPÉRATIF DE SÉCURITÉDU PATIENT DOIT ÊTRE AU CŒURDU DÉVELOPPEMENT DE LATÉLÉDIALYSE

Existe-t-il aujourd’hui des outils ou servicesde télémédecine qui soient financés parl’Assurance maladie obligatoire ? Dans quelcadre ? Et s’agissant plus largement de télé-santé ?

Karim FELISSI : Indirectement, l’assurancemaladie finance en partie la mise en place deprojets de télémédecine auxquels elle appor-te sa contribution qui est, parfois, une desplus importantes. On peut penser au FIQCSpar exemple, auquel s’est substitué le Fonds

d’intervention régional (FIR) tous deux financés par l’assurance maladie.

Globalement, on identifie deux temps de financements’agissant de latélémédecine. Le premier est lié à l’investissement initial ou ponctuel etle second au financement de l’activité récurrente. Dans les deux cas etces dernières années, on peut regretter une absence d’impulsion poli-tique permettant d’assurer un développement efficient de la télémédeci-ne. On le constate dans le financement de l’investissement initial ouponctuel qui est éclaté à travers des sources multiples (FEDER, FMESPP,MIG, FIQCS, commissariat général à l’investissement, pôles d’excellenceruraux). Bref, il faut être un quasi-ingénieur financier pour se lancer dansun projet de télémédecine et rechercher les financements. Pour lespatients, et concernant donc le financement de l’activité récurrente, onpeut dire que l’attentisme a triomphé. On ne constate en effet rien denouveau depuis le décret du 19 octobre 2010 qui précise que le finan-cement des actes de télémédecine s’inscrit dans le droit commun dufinancement des établissements et professionnels de santé. En effet, surce sujet, on reste, encore et toujours, dans la théorie pure. Certes, laDGOS a publié, fin 2011, une circulaire présentant un guide méthodolo-gique pour l’élaboration du programme régional de télémédecine (PRT)et certaines ARS ont bouclé des appels à projets, mais que de temps deperdu pour les patients et pour la réorganisation de notre système desanté !

Quelle est, d’après vous, la place des complémentaires dans la prise encharge de ces outils et services de télémédecine, notamment face àl’enjeu d’un accès de tous à ces technologies ?

K F : Il ne nous appartient pas d’assigner une place aux complémentaires,d’autant qu’il existe plusieurs familles de complémentaires dont lesvaleurs et les objectifs ne sont pas identiques et, pour certaines, très éloi-gnés de nos positions et revendications.

Et, c’est précisément sur ces deux critères,des valeurs et des objectifsassignés à notre système de santé, que nous envisageons la « place » descomplémentaires. Il faudra donc rester vigilant sur les projets et expéri-mentations identifiés sous l’étiquette « télémédecine » dont certains peu-vent ou pourront présenter un lien très indirect, voire antinomique, avecles buts assignés à notre protection sociale et à notre système de santé.Par ailleurs, on rappellera que le financement des actes de télémédecines’inscrit dans le droit commun du financement des établissements et pro-fessionnels de santé. Or, il n’y a pas lieu d’envisager un autre modèle quecelui qui est le nôtre depuis des décennies et dont nous travaillons à lepérenniser, même si cet objectif n’interdit pas des réformes d’ampleur denotre système de santé.

Pour le dire autrement, la « télémédecine » peut être un levier de réorga-nisation, de progrès, ou encore participer à l’accès aux soins et à la luttecontre les inégalités, mais pas le lieu pour réinterroger notre modèleactuel qui s’appuie d’abord sur l’assurance maladie obligatoire. C’est seu-lement dans ce cadre, avec cette vision, que l’assurance complémentaire

a tout son rôle à jouer dans le développement de la télémédecine et à lacondition que ce soit effectivement de la « télémédecine ».

Comment les associations d’usagers perçoivent-ils la stratégie desfinanceurs des soins en matière de TIC appliquées à la santé ? Y voient-elles avant tout une recherche de retour sur investissement, ou, aucontraire, de plus grande qualité des soins ?

K F :Au sujet de la « stratégie des financeurs », et pour faire une « pirouet-te », les associations d’usagers pourraient reprendre à leur compte lafameuse phrase : « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? ». Pourl’instant, nous sommes plus dans le « politiquement correct » et l’esta-blishment se pâme sur la révolution que les TIC apporteront au patient.Reste que, dans le quotidien du malade, très rares sont les dispositifs quiapportent un surcroit de qualité et d’efficience. Il est donc difficile de faireun « procès d’intention » sur les motivations réelles des financeurs, enco-re faudrait-il que les dispositifs soient généralisés...

Côté établissements de santé, malgré la priorité du plan Hôpital 2012,l’informatisation des hôpitaux français reste encore un enjeu de taillepour les années à venir. Les systèmes d’information contribuent assezpeu à améliorer la qualité de la prise en charge des usagers dans les hôpi-taux. Non seulement parce qu’au sein même d’un établissement, l’infor-mation peine à être partagée entre services, mais aussi parce que les logi-ciels informatiques des hôpitaux sont trop peu souvent compatibles entreeux. Lancé en novembre 2011, le programme « Hôpital numérique », quiprévoit entre autres l’avènement du dossier patient informatisé et inter-opérable, devrait aider à définir un palier de maturité minimum dans tousles hôpitaux français. Notamment en fixant un plan de financement à lahauteur des problèmes d’ingénierie et de la difficulté à standardiser lesréférentiels et processus informatiques.

Côté ville, les médecins libéraux travaillent avec leurs « dossiers patients »,informatisés…ou pas, le paysage reste très « impressionniste ». On peutespérer que la nouvelle convention médicale encourage le plus grandnombre d’entre eux à se convertir aux pratiques de l’informatisation dansla mesure où l’Assurance maladie prévoit des indicateurs de performan-ce en ce sens.

Karim FelissiReprésentant de la FNATHau conseiller de la CNAMTS

DANS LE QUOTIDIEN DU MALADE,TRÈS RARES SONT LES DISPOSI-TIFS QUI APPORTENT UN SUR-CROIT DE QUALITÉ ET D’EFFICIENCE

Page 6: Regards croisés sur la santé, lettre collectif  interassociation sur la santé

1110 Regards croisés sur la santéRegards croisés sur la santé

INTERVIEW CISS régionaux : CISS-Corse INTERVIEW CISS régionaux : CISS-Franche-Comté

Télémédecine en Corse :plus qu’une volonté, une nécessité.

Connaissez-vous des initiatives en télésantéqui soient développées en Corse ?

Georgette SIMEONI : Comme chacun le sait, latélémédecine constitue un facteur clé de laperformance de notre système de santé. Leprogramme de télémédecine est l'un de ceuxdéclinés dans le Plan Régional de Santé (PRS)de Corse, comme dans toutes les régions,même si son élaboration n'est pas encorefinalisée sur l'île.Pour autant, des actions voient déjà le jour en

la matière. Par exemple, une formation pour l’obtention d’un diplôme uni-versitaire en « médecine d'urgence », faisant intervenir la télémédecine,a été mise en place depuis deux ans à la faculté des sciences de Corte.Elle forme des pompiers, des infirmiers et des médecins à cette spéciali-té, notamment dans la prise en charge des AVC. Neurochirurgiens, radio-logues et urgentistes pourront de cette façon travailler conjointement,bien qu’à distance, pour une meilleure prise en charge des patients pré-sentant un AVC et l’application du traitement adéquat. Notamment latrombolyse si nécessaire, en relation avec le service du professeur Marie-Hélène Mahagne du CHU de Nice. Ceci en attendant l'implantationd'UNV (unités neurovasculaires) dans les deux CHR de Bastia etd'Ajaccio.On voit aussi beaucoup d’autres projets de télésanté en gestation enCorse, notamment deux projets pour le développement de la télésur-veillance dans les zones de plaine et de montagne reculées. Le premiernous vient d’Irlande, où il est déjà opérationnel, et consiste en une tablet-te tactile mise en place chez les personnes qui en font la demande (pourun coût d’environ 20 € par mois) : il leur suffit d'appuyer sur la photo dumédecin, d'une personne de la famille, d’une voisine, de l'infirmière oudu docteur. Un gros rectangle rouge « URGENCE » déclenche, lui, l'appeldirectement au 15 ou au 18 et aussitôt la personne vue par la web-camest soutenue en attendant l'arrivée des secours et des proches prévenus.Le deuxième projet, concurrent, serait porté depuis Marseille et gérédepuis une plate-forme privée avec un panel de professionnels de santéopérationnels.Enfin des expériences, comme IDOC MED du Dr Rocchi, sont plus tour-nées vers les professionnels de santé et visent à rendre plus fluide et plusefficace le travail des médecins et des infirmiers.

Dans le contexte de la Corse, la télémédecine vous semble-t-elle pou-voir être envisagée comme une alternative souhaitable pour permettrel’accès aux soins ?

G S : La Corse, éloignée de certaines sources de santé spécialisées et ausein de laquelle de nombreux territoires sont isolés, attend beaucoup dela mise en place de la télémédecine et de ses déclinaisons : téléexpertise,téléimagerie, télésurveillance... Concernant la prise en charge des mala-dies chroniques, la mise en place d'un réseau de télésanté permettraitd'assurer un suivi permanent de ces patients à risque (état de santé, prisede médicaments, bilan médical régulier) et donc de les sécuriser à domi-cile, y compris l'HAD, avec plus d'équipements de surveillance. Au total,la mise en place d'un système efficace de télémédecine, qui se dessine,garantirait le suivi sanitaire des patients à risque mais assurerait aussi lasécurité de toutes les personnes malades et/ou handicapées vivant enzones difficiles d'accès, éloignées des centres de soins.Par exemple, le projet « ETTIC » du docteur Augustin Vallet, deBastelicaccia près d'Ajaccio, porte sur la téléconsultation depuis un cabi-net médical vers une salle équipée dans un village. Il est l'un des premiersprojets qui s’inscrit dans la stratégie régionale de la Corse en matière desystème d'information partagée de santé et qui prend en compte lesobjectifs des institutionnels et collectivités corses sur la question de la

fracture numérique et des difficultés d'accès aux soins. En outre, il s'agi-ra, par la mise en place de services de télémédecine, de favoriser l'ins-tallation de jeunes médecins en milieu rural ou semi-rural grâce à l'amé-lioration attendue des conditions d'exercice de la médecine générale.

Quelles conditions vous semblent devoir être requises pour permettreque ledéveloppementdeces technologiesappliquéesà lasanté répondeaux problèmes des usagers ?

G S : Il est d’abord nécessaire de bien informer les usagers de l’existencede ces technologies, de leur utilité et surtout de savoir les accompagnerdans leur utilisation. Ensuite, le fonctionnement de ces technologiesrequiert, très concrètement, l’existence d’un bon réseau de télétransmis-sion. Or il faut impérativement le renforcer sur l'île.Enfin, la question toujours fondamentale du financement de ces techno-logies n’est pas résolue si l’on veut les voir dépasser le stade de projetsafin qu’elles se généralisent pour, lorsque cela est nécessaire, pouvoirrévolutionner les pratiques médicales.

Corse

Georgette SIMEONIPrésidentedu CISS Corse

Le DMP: passer du concept à l’usage quotidienchez le médecin traitant et à l’hôpital.

Comment le DMP s’est-il développé dansvotre région ?

Monique DINTROZ : En Franche-Comté, l’idéed’utiliser le formidable potentiel des nouvellestechnologies de l’information et de la com-munication est née très tôt, dès 1999. Sousl’impulsion à l’époque de l’ARH, un premierDossier Médical Partagé a été lancé dès2001. L’implication des représentants desusagers a, dès le début, joué un rôle centraldans le développement du projet notamment

avec la participation active de Christian MAGNIN-FEYSOT et de son asso-ciation l’ARUCAH depuis 2002, puis de la FRAS à partir de 2003 et deve-nue le CISS en 2006. Forte de l’expérience de son dossier partagé, notrerégion a été retenue pour faire partie de la phase d’expérimentation miseen place en 2007 par le GIP-DMP, puis du plan de relance en 2009consécutif à la création de l’ASIP Santé. La singularité d’un dossier déve-loppé en relation étroite avec les associations d’usagers, directementaccessible par les patients et pouvant être géré par eux a largementcontribué à la sélection de notre région parmi celles retenues pour êtreprécurseurs. Ainsi, le 22 mars 2011 a été inaugurée la première créationen région d’un DMP, dans sa version nationale, au CHRU de Besançon.En juin 2012 on compte, régionalement, 19 établissements de santé et400 professionnels de santé libéraux qui sont en mesure d’utiliser leDMP, sachant que 14 000 dossiers ont à ce jour été ouverts.

Quel bilan faites-vous quant aux freins et aux moteurs de son dévelop-pement ?

M D :Du point de vue du patient, l’élément moteur initial à la création d’unDMP réside incontestablement dans l’accès direct à ses informations desanté via un dossier centralisé et toujours disponible. En ce qui concer-ne les professionnels de santé, c’est l’intérêt de cet outil par rapport à lacoordination des soins qui semble primer. Mais ce gain en termes dequalité des soins ne semble pas toujours compenser les craintes de cer-tains usagers quant au risque de perte de confidentialité vis-à-vis de leursinformations de santé. L’attitude des professionnels de santé, et dumédecin traitant en particulier, reste donc souvent déterminante pourqu’un usager décide d’ouvrir un DMP. C’est pourquoi l’ARS a maintenantfixé, comme axe de déploiement prioritaire du DMP, l’action de terrainauprès des médecins libéraux, des infirmières libérales et des sages-femmes. En effet, il faut leur démontrer que l’utilisation du DMP ne repré-sente pas pour eux une charge supplémentaire. A cet effet, il est d’abordprimordial de les accompagner au plus vite en cas de difficultés tech-niques… la compatibilité informatique des logiciels de gestion de cabinetutilisés par les professionnels libéraux avec le DMP nécessitant une miseà jour spécifique : un médecin confronté à ces difficultés non résoluespeut se démobiliser pour l’usage du DMP. Il faut aussi valoriser le fait quele DMP, parce qu’il constitue une trace de la pratique de chaque profes-sionnel auprès de chacun de ses patients, oblige à de meilleures pra-tiques en santé dans un souci d’amélioration par l’échange plutôt que lecontrôle.

Quel impact a cet outil sur l’amélioration de la coordination des soins ?

M D : Le DMP est un outil qui permet d’améliorer et de faciliter la prise encharge des patients en fluidifiant et en sécurisant l’échange d’informa-tions médicales entre les professionnels, en ville comme à l’hôpital. Loinde déshumaniser la relation soignant-soigné, le DMP est aussi un supportessentiel pour le patient dans le cadre d'une relation plus participative etéclairée de la démarche de soin.

En pratique, le DMP vient enrichir les outils déjà utilisés par les profes-

sionnels de la région, il représente un espoir considérable face aux diffi-cultés rencontrées pour obtenir des informations sur les patients et com-muniquer avec les autres professionnels. Mais, encore une fois, le DMPne vivra que si l'ensemble des professionnels participe à son déploie-ment, à sa promotion et à son alimentation.

Pour s’imposer dans la pratique quotidienne des professionnels de santé,le DMP doit donc être développé en termes d’usages. L’Agence régiona-le de Santé (ARS) est soutenue dans cette démarche par de nombreusesorganisations, notamment l'Union régionale des Professions de Santé(URPS).

Son coût a-t-il été évalué ? Comment est-il financé pour permettre qu’ilsoit accessible à tous ?

M D : Il n’y a pas eu à ce jour, à ma connaissance, d’évaluation globale enrégion du coût du projet DMP depuis son lancement. Je ne sais pas nonplus si l’on peut établir le coût unitaire moyen du fonctionnement d’unDMP. En tout cas, il me semble qu’avec une infrastructure maintenantexistante et qui fonctionne, il est important de favoriser sa démocratisa-tion la plus large, compte tenu des gains sur la coordination des soins etl’optimisation du suivi des personnes, notamment celles atteintes depathologies chroniques. Plus il y aura de DMP créés et alimentés, plus lecoût unitaire de leur utilisation sera réduit, alors que les avantages quel’on en tirera seront, eux, généralisés. Et, là encore, on en revient auconstat que le succès du déploiement du DMP repose aujourd’hui surson appropriation dans la pratique quotidienne des professionnels desanté. Or il semble qu’ils aient, de leur côté, des revendications sur lefinancement du coût qu’il représente pour eux en matériel et en temps.Quoi qu’il en soit, il n’est pas envisageable pour les usagers de se voir pri-vés de l’intérêt de l’utilisation du DMP par les professionnels de santéqu’ils consultent, alors qu’on sait que le manque de coordination consti-tue le talon d’Achille de notre système de santé.

Franche-Comté

Monique DINTROZPrésidentedu CISS Franche-ComtéLA CORSE, FACE À

L’ÉLOIGNEMENT DE CERTAINESSPÉCIALITÉS MÉDICALES ET ÀL’ISOLEMENT DE NOMBREUXTERRITOIRES, ATTEND BEAU-COUP DE LA MISE EN PLACEDE LA TÉLÉMÉDECINE

L’ATTITUDE DES PROFESSION-NELS DE SANTÉ, ET DU MÉDECINTRAITANT EN PARTICULIER,RESTE SOUVENT DÉTERMINANTEPOUR QU’UN USAGER DÉCIDED’OUVRIR UN DMP

Page 7: Regards croisés sur la santé, lettre collectif  interassociation sur la santé

Jeanne BOSSISecrétaire générale de l'ASIP Santé

Le déploiement du DMP est très attendu par les associationsd’usagers qui y voient un outil précieux pour une meilleurecoordination de leurs soins. Où en est-on ?

En 2010, l’ASIP Santé a construit le système et commencé àrendre compatibles les logiciels de professionnels de santé. En2011, l’Agence a ouvert le service aux patients et initié sondéploiement dans 4 régions pilotes. En 2012, nous soutenons cedéploiement dans 14 régions au total, grâce à des appels à pro-jet et un accompagnement des établissements de soins.

Aujourd’hui, le DMP est opérationnel dans 134 établissements etchez 3 800 professionnels de santé libéraux, environ 170 000DMP ont été créés et ce chiffre augmente de façon exponentielleà raison de 5 000 nouveaux dossiers par semaine en moyenne.Notre objectif est d’atteindre une « masse critique » de DMP suffi-sante car il n’a de sens que s’il permet de partager des données.Un échange qui nécessite que chaque producteur de soins se dotede systèmes informatiques interopérables et coordonnés (établis-sement, médecin libéral, laboratoire d’analyse, cabinet de radiolo-gie…). C’est pourquoi les efforts pour stimuler son déploiementse concentrent pour partie sur les éditeurs de logiciels médicauxqu’utilisent les établissements et les professionnels de santé libé-raux, afin qu’ils puissent alimenter le DMP le plus simplement pos-sible. Un effort particulier est aussi porté sur l’information et la for-mation des médecins susceptibles de l’utiliser.Les patients, premiers bénéficiaires du DMP qui peuvent y accé-der directement via le portail d’accès en ligne, sont aussi des

contributeurs essentiels à son déploiement. Aussi nous tra-vaillons en relation avec les associations, par des réunions régu-lières, pour mieux définir ensemble les besoins des patients et lesinformer des avancées du projet afin de s’appuyer sur leursréseaux comme relai ciblé d’information. De plus, le rôle desassociations pourrait bientôt prendre une autre ampleur, puisquenous travaillons un projet de conventionnement pour proposeraux associations de pouvoir elles-mêmes ouvrir directement desDMP à leurs membres.Enfin, les futures évolutions du DMP le rendront encore plusindispensable pour les patients: standardisation des comptes-rendus de biologie et VSM (volet de synthèse médicale, qui décritl’histoire médicale du patient) sont à l’étude.Notre souhait est que professionnels de santé, éditeurs de logi-ciels et patients fassent, ensemble, que le DMP contribue rapide-ment à assurer une meilleure égalité d’accès de tous aux soins.

Claude LEICHERPrésident de MG France

L’idée d’un DMP sur clé USB réapparait régulièrement. Du pointde vue du CISS, il nous semble qu’un tel outil ne présente pas,loin s’en faut, les mêmes avantages en termes de coordinationdes soins que le DMP en ligne. Qu’en pensez-vous ?

Indépendamment de son support, nous pensons que le DMP nepeut répondre en l’état à son objectif initial d’être un outil decoordination des soins. En effet, à partir du moment où l’on a ins-titué le médecin traitant, à qui a été confiée la mission de la coor-dination dans le cadre du parcours de soins de chaque patient,

mais sans lui donner la responsabilité du DMP… il est illusoired’attendre de ce dernier une véritable plus value coordinatrice. LeDMP reste un dossier patient et ne peut donc constituer enmême temps un outil professionnel efficient. La question du mas-quage est significative de cet état de fait. Il sera difficile de moti-ver les médecins généralistes à s’impliquer dans le DMP s’il n’estpas plus adapté à leur exercice médical, notamment en matièrede coordination, et donc in fine si la responsabilité de celui-ci neleur revient pas.Son support sur clé USB ne résout en rien ces questions de fond,et ajoute de grosses interrogations pratiques en termes de faisa-bilité. D’un point de vue pratique, est-il réaliste d’envisager qu’undossier médical archivant plusieurs années d’informations médi-cales concernant un patient atteint d’une (ou plusieurs) patholo-gie(s) chronique(s) puisse tenir sur une clé USB ? Ensuite, com-ment assurer le cryptage des données tout en permettant qu’ellessoient accessibles par les professionnels de santé mais aussi par

le patient ? Des solutions techniques existent certainement, maiselles seront onéreuses, et complexes au point que nombre depatients risquent de choisir de laisser leurs données accessiblessans cryptage sur leur clé.A notre sens, la clé USB ne peut être qu’un porte documentéventuellement utile au transport des données, comme outilcomplémentaire au DMP en ligne mais pas en tant qu’alternativeà celui-ci. Mieux vaudrait en revanche investir dans le développe-ment, en lien avec le DMP, d’un « volet médical de synthèse » quicontiendrait les informations réellement nécessaires à la coordi-nation et dont la responsabilité pourrait être confiée au médecintraitant.

INTERVIEW CNOM - Conseil National de l'Ordre des Médecins

13Regards croisés sur la santé12 Regards croisés sur la santé

L’informatisation des données de santé au serviceet au bénéfice de la relation soignant soigné.

En l’état actuel, l’informatisation des don-nées de santé constitue-t-elle un atout pourla qualité des soins et du système de santéen France ?

Dr Jacques LUCAS : La question est ambiguë,car c’est un processus encore en développe-ment. L’informatisation des données de santéles rend plus intelligibles et contribue à amé-liorer la qualité du suivi et des soins. Mais elleest encore essentiellement opérée de façonindividuelle ou locale et sans permettre de

réelle communication entre les professionnels de santé. Or, pour l’Ordredes Médecins, l’amélioration de la coordination des soins constitue le fonddu sujet. C’est elle qui élèvera la qualité des soins et donc la performancedu système de santé. J’ajouterais, car j’y tiens beaucoup, que la qualité desprises en charge médico-sociales est aussi une question essentielle. Faceà l’accroissement des pathologies chroniques et de la précarité, la prise encharge des soins doit être associée à la prise en charge médico-sociale,pour améliorer globalement la qualité des soins et du suivi. Dans cedomaine, il doit donc y avoir des possibilités d’échange qui respectentbien sûr les droits des patients, mais plus généralement les droits ducitoyen sur la protection de données qui lui appartiennent.

La responsabilité des différents acteurs de la e-santé est de rendre cettecoordination rapidement effective. C’est d’ailleurs l’objet essentiel desgrands projets nationaux, dont le dossier médical personnel fait partie.

Quelle(s) mesure(s) phare(s) le CNOM préconise-t-il pour préserver aumieux les libertés individuelles et collectives des usagers dans le cadredu développement de ces technologies de l’information en santé ?

Dr J L : La question est juste, mais posée un peu à l’envers. Il n’appartientpas au CNOM, au CISS, à la CNIL, à l’ASIP ou à l’État de dire ce qui estbel et bon pour le citoyen. Nous avons donc appelé à l’organisation d’undébat public, sous la forme d’une conférence de consensus, sur la pro-tection des données personnelles de santé. Depuis une dizaine d’années,les mesures législatives et réglementaires, les circulaires s’accumulentpour constituer un véritable maquis où il est difficile de se retrouver, pourle citoyen comme pour le professionnel. Peut-être est-ce là une traditionfrançaise de légiférer dès qu’un problème se pose, mais souvent dansl’urgence ou dans la réflexion d’un cercle d’initiés. Or, nous pensons quedes règles claires, juridiques et déontologiques, doivent s’appliquer lorsde la collecte, du partage, de l’accès, de l’échange et de l’hébergementdes données personnelles de santé informatisées. Il nous semble néces-saire que ces règles juridiques et déontologiques fassent l’objet d’un

débat public, pour définir concrètement un niveau suffisant de protectiondes données personnelles, mais aussi une possibilité d’accès rapide encas d’urgence médicale. Où placer le curseur entre la protection desdonnées et un accès rapide et bénéfique pour une prise en charge effi-ciente ? La conférence de consensus, à l’issue de laquelle un jury émetdes recommandations, nous semble la meilleure formule pour éclairer leParlement avant qu’il légifère. Tout en tenant compte des directivesémises en la matière par la Commission européenne. Le jury de la confé-rence de consensus doit être le reflet de la société civile, inclure des pro-fessionnels, des représentants des usagers, un regard philosophique etsociologique, et une approche déontologique du sujet par les Ordres desprofessions de santé. Il ne doit pas se figer dans une composition d’ex-perts et d’initiés.

Mais pour garantir ces libertés individuelles et collectives, commentassurer l’accessibilité de tous les usagers à ces technologies, tant ence qui concerne le financement de leur coût que la capacité cognitiveà les utiliser ?

Dr J L :Concernant la capacité cognitive des usagers, les gens sont moinsignorants qu’on veut bien le penser parfois… L’utilisation des technolo-gies n’est pas nécessairement compliquée, en tout cas on peut la rendresimple. L’observation sociale montre que les personnes âgées, et parfoismême d’un grand âge, s’approprient rapidement les outils numériques,quand ils y trouvent un usage bénéfique. L’âge n’est donc pas un critère,pas plus d’ailleurs que le milieu social et culturel. Il ne faut pas non plusviser à ce que tout le monde soit équipé du « nec plus ultra » avant de lan-cer les choses. En revanche, il est essentiel de ne pas créer de fracturenumérique dans l’équité d’accès aux soins. Je préfère parler d’équité plu-tôt que d’égalité, en ce sens qu’il faut qu’en tout point du territoire cha-cun puisse être pris en charge dans des délais raisonnables grâce auxtechnologies de l’information, sans altération de la qualité des soins.L’accessibilité repose en premier lieu sur une logique d’équipement duterritoire. Ce n’est pas seulement un problème sanitaire. De même quel’on a construit des routes et des chemins de fer, l’informatisation de lasanté, le développement de la télémédecine, nécessitent du Très HautDébit, spécialement dans les territoires où l’accès aux soins devient diffi-cile, où certaines spécialités médicales ne sont pas présentes, comme lesterritoires ruraux, les îles, les montagnes, mais aussi certains bassins devie des grandes mégapoles... C’est d’ailleurs dans le même objectif queles praticiens cherchent à se regrouper, non seulement pour soulagerleurs exercices mais plus encore pour élever la disponibilité sanitaire col-lective et le niveau de qualité. Ces regroupements pluri-professionnels,en particulier pour le premier recours, nécessiteront que des moyens

télémédicaux y soient associés pour permettre, par exemple, la transmis-sion non altérable d’un électrocardiogramme, d’une image, d’une don-née, d’une visioconférence le plus rapidement possible. Il faut des auto-routes de l’information en service public… et bien sûr des codes deconduite.

Point faible du système de santé français, la coordination des soins ades conséquences sur la qualité des soins et sur l’optimisation de leurcoût. A quelles conditions le développement des technologies de l’in-formation et de la communication appliquées à la santé apporte-t-il deréelles perspectives d’amélioration de la coordination des soins ?

Dr J L : Les technologies de l’information et de la communication, par lecaractère structuré des informations ainsi que par le partage rapidequ’elles permettent, améliorent la coordination des soins. Les donnéeshébergées dans les bases constituent un dossier médical. Elles doiventdonc être accessibles, ou du moins éditables, pour le patient qui ledemande. Il doit aussi y avoir des règles juridiques et déontologiques per-mettant le partage entre professionnels de santé ou du secteur médico-social, d’où la nécessité du débat public que j’évoquais précédemment.Ces bases de données doivent être paramétrables, afin de préserver laconfidentialité de certaines informations : des données peuvent êtreaccessibles à tous et d’autres seulement à certains professionnels. Danstous les cas, c’est au patient, et à lui seul, de donner les habilitationsd’accès. Le système d’information doit donc permettre ce paramétrage,pour assurer la coordination des soins, mais aussi la protection des don-nées. Il faut également pouvoir tracer les inscriptions, enrichissements etmodifications apportées aux données : quand et par qui ? Pour autant, lesprofessionnels doivent toujours pouvoir s’affranchir des règles si l’effica-cité médicale et l’urgence l’exigent, en assumant alors d’avoir éventuelle-ment à s’en expliquer. Le recours à des audits aléatoires, effectuées parla CNIL, permettraient de contrôler le bon fonctionnement, du point devue éthique et déontologique, des accès aux bases de données.Concernant l’optimisation des coûts, il est clair que la coordination dessoins, à qualité égale, réduira les coûts, et par conséquent dégagera despossibilités financières pour améliorer l’efficience individuelle et collective.À condition que les économies générées soient réemployées sur lemême secteur. Ce sujet ouvre vers des réflexions de nature éthique.

Le développement des technologies de l’information et de la communi-cation en santé est incontestablement lié à leur acceptation par lesmédecins, notamment libéraux. C’est par exemple le cas avec le DMP(dossier médical personnel) dont le déploiement timide serait large-ment facilité par un relai plus systématique de la part des médecins.Quels leviers utiliser pour convaincre les médecins de promouvoirl’utilisation du DMP, tant dans leur exercice médical que vis-à-vis deleurs patients ?

Dr J L : Il y a toujours des résistances au changement et le besoin d’untemps d’adaptation et d’appropriation des nouveaux outils, quel que soitle domaine. Le monde de la santé n’y échappe pas ! Passons sur ladéception et une certaine démobilisation des « médecins pionniers » quiont consacré du temps et de l’énergie à la mise en place d’un DMP pro-mis aux Français pour 2007. Celles-ci sont bien à la mesure de l’intérêtqu’ils y portaient. Depuis 2009, des bases structurelles plus rigoureuses

et plus précises ont été mises en œuvre pour que le DMP se déploie,mais il faut de vraies mesures d’accompagnement au changement, tantvis-à-vis des patients que des médecins et autres professions de santé. Ilfaut d’abord garantir la préservation du secret médical et la sécurité infor-matique, c’est pour cela entre autre que le CNOM est très présent, afinque ces aspects ne servent pas de prétexte aux résistances. Par ailleurs,j’évoquerai deux leviers concrets. En premier lieu, le DMP doit être inté-gré aux logiciels métiers, en ville comme dans les établissements. Il doitêtre facile d’accès et d’usage, non chronophage, comporter une visionsynthétique condensée. Les partenaires conventionnels, pour le secteurlibéral, engageront-ils une réflexion sur le sujet puisque cela contribueraità l’efficience dans la coordination et le parcours de soins ?Deuxièmement, il faudrait une campagne grand public volontariste, entermes très simples, pour informer le citoyen et lui permettre de créerson DMP en amont de tout épisode de soins. Je ne peux m’empêcherd’observer qu’il y a vingt millions de dossiers pharmaceutiques et l’on nevoit pas très bien pour quelles raisons le patient refuserait la création d’unDMP alors qu’il a consenti à l’ouverture d’un DP. J’observe aussi que,dans le secteur libéral, la télétransmission des feuilles de soins électro-nique a rencontré initialement des résistances au changement. La sollici-tation est finalement venue des usagers et les médecins se sont aperçusque cela pouvait faciliter leur travail sur leur poste informatique, leur per-mettait d’être plus rapidement remboursés en cas de tiers payant, eteffectuait automatiquement la gestion de leurs recettes. Il y a donc eu aufinal un retour sur investissement, une stratégie gagnant-gagnant. C’estcelle que je recommanderai pour le déploiement du DMP, en l’orientantplus spécifiquement sur la coordination des soins dans les pathologies aulong cours.

Dr Jacques LUCASVice Président du CNOM

LA CONFÉRENCE DE CONSENSUSNOUS SEMBLE LA MEILLEUREFORMULE POUR PERMETTRE AUPARLEMENT DE LÉGIFÉRER SURLA PROTECTION DES DONNÉESPERSONNELLES DE SANTÉ ET SURLES CONDITIONS DE LEURSCOLLECTES, HÉBERGEMENT,ÉCHANGES ET PARTAGES

Page 8: Regards croisés sur la santé, lettre collectif  interassociation sur la santé

15Regards croisés sur la santé14 Regards croisés sur la santé

INTERVIEW CNIL - Commission nationale de l'informatique et des libertés

Sans e-sécurité et e-confidentialité, pas d’e-santé.

Comment les données informatisées desanté vous semblent-elles aujourd’hui pro-tégées, dans leurs flux et leur archivage, enFrance ?

Isabelle FALQUE-PIERROTIN : Le développe-ment de la e-santé est susceptible de contri-buer à la protection et au progrès de la santépublique. C’est pourquoi la France, comme denombreux pays européens, s’est engagéedans la mise en place de dossiers électro-niques partagés d’envergure nationale et un

projet européen de e-santé est en cours d’expérimentation (epSOS).Le développement accéléré de la numérisation des données de santé estégalement porteur de menaces nouvelles pour leur protection. C’estd’ailleurs un sujet de préoccupation majeur pour l’ensemble des autoritésde protection des données.Les données de santé, parce qu’elles relèvent de l’intimité de la vie pri-vée des personnes, sont des données sensibles. À ce titre, le droit impo-se le respect de règles de protection auxquelles la CNIL veille depuis prèsde trente ans.Le déploiement de solutions de sécurité effectives et de haut niveau estune priorité.La modernisation des systèmes d’information de santé et la mise enplace d’une politique de sécurité accompagnée des moyens matériels ethumains nécessaires sont indispensables afin d’offrir un espace deconfiance aux patients et aux professionnels.C’est pourquoi la CNIL, qui participe à la procédure d’agrément deshébergeurs de données de santé, a décidé d’inscrire la sécurité des don-nées de santé à l’ordre du jour de son programme annuel des contrôles.Le défi est de parvenir au développement de systèmes d’information desanté qui présentent un niveau de sécurité maximal, sans pour autantparalyser la production et la qualité des soins.La CNIL travaille également, en concertation avec les pouvoirs publics etles acteurs concernés, à l’élaboration d’une politique générale de sécuri-té des systèmes d’information de santé (PGSSI-S) qui pourra conduire àun renforcement de la sécurité, ainsi qu’à une modification du cadre juri-dique.La CNIL porte aussi une attention particulière à l’effectivité des droits despatients, laquelle passe par le recueil du consentement explicite et éclai-ré au partage des données qui les concernent et la mise en œuvre d’undroit à l’oubli. Elle veille à ce que l’information délivrée leur permette departiciper activement au dispositif, d’en comprendre le fonctionnementet d’exercer leurs droits. Cela répond, en outre, à une attente de nosconcitoyens qui souhaitent être acteurs de leur santé.La confidentialité et la sécurisation des données sont aussi une affaire decomportement. Il importe donc de former, d’informer et de sensibiliserchacun, au sein de la chaîne de production des soins (patients, directeursd’établissements, professionnels de santé, responsables de la sécuritédes systèmes d’information, hébergeurs, industriels).La CNIL, le CISS et les ordres professionnels ont développé, sur tous lespoints une collaboration constructive et régulière, notamment par la par-ticipation commune au comité d’agrément des hébergeurs (CAH), auComité d’éthique et de déontologie mis en place au sein de l’ASIP Santéet au groupe de travail sur le recueil du consentement dont l’objectif estde produire un guide de bonnes conduites.Notre Commission se félicite de travailler, ainsi, en concertation avec lesreprésentants de patients qui s’imposent comme des acteurs importantsde la société civile pour construire une e-santé responsable et pérenne.

A quels défis, au regard des libertés individuelles et collectives, ledéveloppement des TIC en santé nous confronte-t-il ?

I F-P : La mondialisation adresse à nos sociétés de nouveaux défis. Lesoffres se multiplient en provenance d’opérateurs privés et tous les paysne garantissent pas le même niveau de protection. La révision du cadrejuridique européen sur les données personnelles montre que les ten-sions peuvent être fortes en matière de régulation. La patrimonialisationdes données de santé est un risque contre lequel nos sociétés doivent seprémunir. La multiplication des sites d’information médicale, centresd’appels médicalisés, réseaux sociaux, dispositifs en la possession dupatient qui permettent l’accès à des données de santé… ouvre de nou-veaux champs de réflexion. Il en va de même du développement de dis-positifs de surveillance électronique des personnes vulnérables quinécessite un débat de société.

Il faut que les autorités de protection des données s’appuient sur de nou-veaux outils de régulation, complémentaires des outils classiques. LaCNIL développe, ainsi, son pouvoir de labellisation, rédige des guides debonnes pratiques, effectue des analyses de risques inhérents aux nou-velles technologies et communique sur la manière de s’en prémunir,développe le « Privacy by Design », en aidant les industriels à intégrer laprotection des données aux produits qu’ils conçoivent, réfléchit à desmodes d’exercice des droits des patients où les associations pourraientprendre une part active.

La CNIL souhaite développer sa collaboration avec les représentants despatients dont l’implication est indispensable. Ainsi nous pourrons tra-vailler, chacun dans nos missions respectives, au développementconcerté de systèmes d’information de santé respectueux des principesde la loi « informatique et liberté » et des attentes légitimes des citoyens.

Isabelle FALQUE-PIERROTINPrésidente de la CNIL

LE DÉFI EST DE DÉVELOPPERDES SYSTÈMES D’INFORMATIONDE SANTÉ AVEC UN NIVEAU DESÉCURITÉ MAXIMAL, SANS POURAUTANT PARALYSER LA PRODUC-TION ET LA QUALITÉ DES SOINS.

INTERVIEW Économiste de la santé

La généralisation de la télésanté implique une réformede l’organisation et du financement des soins.

Quel mode de financement des outils et ser-vices mettant en œuvre des technologies del’information et de la communication appli-quées à la santé existe-t-il aujourd’hui enFrance ?

David N. BERNSTEIN : Je vais m’en tenir au sujetde la télémédecine, en particulier la télésur-veillance, car on peut mobiliser un certainnombre de réflexions structurantes autour dece thème. Deux années après la sortie dudécret télémédecine, aucune négociation à

large échelle n’a eu lieu entre les industriels et les payeurs du système(Assurance Maladie, Etat, complémentaires). Ainsi, c’est un secteur entierde l’économie qui demeure dans l’incertitude quant à son financementpérenne. La raison est simple : les payeurs craignent qu’inscrire des tarifsde télémédecine au côté des tarifs actuels conduise à une inflation desdépenses, une crainte probablement fondée d’ailleurs. D’un autre côté,tous admettent que la télémédecine peut constituer une réponse auxdéfis actuels de la démographie médicale, du décloisonnementville/hôpital, de la prévention des hospitalisations etc. Il faudra donc tôtou tard s’atteler à ce problème…

La situation est-elle différente par rapport à ce qui passe dans d’autrespays de l’OCDE ?

D N. B : Concernant les autres pays autour de nous, il ne faut pas exagé-rer leur avancée en matière d’adoption de ces technologies, même si elleest indéniable, car, comme nous, beaucoup en sont encore au stade del’expérimentation et du tâtonnement. Cependant, on observe dans cer-taines situations le passage d’un financement expérimental et ad hoc,souvent des fonds publics dans le cadre du soutien à la R&D des « indus-tries d’avenir », à un financement pérenne officiellement intégré au sys-tème de santé, notamment par l’introduction de nouvelles lignes dans lesnomenclatures des actes et prestations des pays. Tel est le cas aux Etats-Unis où Medicare a intégré une large palette de prestations de téléméde-cine dans sa nomenclature (consultation, psychothérapie, gestion depharmacologie…) pour certaines zones rurales prédéfinies. Chaqueannée, Medicare étend le champ de la télémédecine à de nouveauxdomaines cliniques : éducation thérapeutique des malades chroniques,suivi post-hospitalier, suivi diététique… On trouve des logiques similairesau Canada : dans les Etats du Saskatchewan et de l’Ontario, des rému-nérations additionnelles pour les téléconsultations sont versées auxstructures habilitées. La téléexpertise est également prise en comptedans la nomenclature puisque les études de cas par téléphone entre pro-fessionnels de santé sont rémunérées entre 18 et 48 dollars canadiens.Enfin, le cas d’un appel téléphonique d’un pharmacien vers un médecinpour le renouvellement d’une ordonnance d’un patient y est égalementconsidéré. Plus près de nous, le Danemark vient d’inclure dans sa tarifi-cation à l’activité des hôpitaux un certain nombre d’actes de télésur-veillance : suivi après la pose d’un stimulateur cardiaque, suivi de la fonc-tion pulmonaire…

Quels acteurs pourraient s’intéresser au financement de ces outils etservices : assurance maladie obligatoire, complémentaires, autres ?Avec quelle stratégie de « retour sur investissement » ?

D N. B : Vous posez là la question centrale. Abstraitement et de manièregénérale, tout le monde pourrait être potentiellement intéressé à financerces outils. Mais concrètement et dans l’état actuel des choses… person-ne ! Je m’explique : on s’est trop longtemps focalisé sur l’analyse médico-économique de ces technologies, abstraction faite des incitationsconcrètes des acteurs concernés. En d’autres termes, c’est bien joli de

prouver qu’un dispositif de télésurveillance cardiaque permet de réduireles hospitalisations, mais une fois qu’on a dit ça, on n’a pas résolu le pro-blème de qui paie et avec quel argent. Par exemple, si un assureur com-plémentaire investit dans un dispositif de télésurveillance ou une plate-forme de téléconsultation qui réduit effectivement le recours aux hospi-talisations, comment faire pour le récompenser des gains auxquels il aurafinancièrement contribué ? Une des raisons pour lesquelles ces disposi-tifs sont donc si difficiles à adopter est qu’ils nécessitent des change-ments structurels importants de l’organisation et du financement dessoins, pour créer un environnement économique favorable tout en enmaîtrisant la dépense. Par exemple, modifier les modes de rémunérationdes professionnels de santé, décloisonner réellement les budgetsville/hôpital/médico-social… Les évolutions dans les systèmes de santéétrangers sont particulièrement riches d’enseignements sur ces aspects.Ainsi, aux Etats-Unis la récente réforme Obama a introduit la notion d’ac-countable care organization, ce sont de nouveaux groupes de soins mul-tidisciplinaires qui sont incités à réduire les hospitalisations évitables parle partage des économies ainsi générées avec leur payeur Medicare. Defacto, cela les encourage à financer eux-mêmes des dispositifs de télé-surveillance des malades chroniques. Du côté des établissements hospi-taliers, les incitations sont également fortes puisqu’ils sont désormaisfinancièrement pénalisés par Medicare lorsque des patients sont réhos-pitalisés sous 30 jours dans certaines situations. Suite à ces nouvellesdispositions, on a vu des hôpitaux investir de façon significative dans lesnouvelles technologies permettant de mieux suivre les patients en situa-tion post-hospitalière. En Angleterre, il est envisagé d’introduire dans ledispositif de paiement à la performance des médecins généralistes unindicateur sur les hospitalisations évitables, ce qui les inciterait à investirdans des dispositifs de télésurveillance. Je pourrais multiplier lesexemples, mais grosso modo l’objectif est le même dans tous les pays :comment mieux coordonner la prise en charge des patients par deséquipes de soins multiples, afin d’en améliorer la qualité tout en maîtri-sant les coûts ? Or, les pays qui se sont réellement donné les moyens derépondre à ces défis par des réformes de fonds de l’organisation et dufinancement des soins sont également ceux où les technologies inno-vantes de type télésurveillance sont les plus intégrées dans leur systèmede santé.

David N. BERNSTEINEconomiste de la santé,consultant indépendant

CONCERNANT LA TÉLÉ-MÉDECINE, AUCUNE NÉGOCIA-TION À LARGE ÉCHELLE N’A EULIEU ENTRE LES INDUSTRIELSET LES PAYEURS DU SYSTÈME

Page 9: Regards croisés sur la santé, lettre collectif  interassociation sur la santé

16 Regards croisés sur la santé 17Regards croisés sur la santé

INTERVIEW LESISS - Les Entreprises des Systèmes d’Information Sanitaires et Sociaux

La e-santé en question :la révolution informatique va venir des patients !

Tout d’abord, pouvez-vous rapidement nousprésenter la fédération que vous présidez ?

Bernard D’ORIANO : Très succinctement,LESISS est une jeune et tonique organisationqui dans le domaine de la santé réunit lesprincipaux prestataires de notre pays spéciali-sés dans les technologies de communicationdans le domaine institutionnel : systèmesd’information hospitaliers, pour la médecinede ville ainsi que pour les secteurs médico-social et de l’aide à l’autonomie. Outre ce sec-

teur très administré, un nombre croissant de nos adhérents couvre ladimension du bien vivre grâce aux services proposés au consommateurpour entretenir son capital santé. A ce sujet, de nombreux indicateursmontrent que ces besoins, qui ne sont plus circonscrits à la maladie etdans lesquels la personne devient le premier acteur de sa santé, sontappelés à connaître un très fort développement mondial.

Comment les industriels perçoivent-ils les atouts et les freins au déve-loppement des technologies de l’information et la communicationdans le système de santé français aujourd’hui ?

B D’O : La situation française est aujourd’hui paradoxale. Terre d’excellen-ce médicale et de savoir-faire technologique, le pays s‘enfonce au fil desannées plus profondément dans le classement international en matièrede services de communication au consommateur de santé. Nosmeilleurs ingénieurs et entrepreneurs n’hésitent donc plus à s’expatrier,et il devient plus facile de rencontrer des entrepreneurs français àWashington ou à Palo Alto qu’à Lyon ou Paris. De plus, en dépit dessommes investies, les projets institutionnels (DMP, Hôpital 2012 puisNumérique, programmes Télémédecine et Télésanté) ne sont pas au ren-dez-vous. Les raisons du retard français relèvent principalement de deuxobstacles majeurs.

D’abord, la difficulté de l’Etat à afficher une stratégie claire sur ses projetset donc à mobiliser les ressources appropriées, tout en cherchant àimposer un maquis réglementaire inapplicable entretenu par une gou-vernance protéiforme. Cette situation ne semble pas spécifique à laFrance puisque un officiel américain confiait récemment à propos de lamessagerie instantanée Twitter : "si ce projet avait été porté par l’Etat, ilaurait fallu plus de 20 ans à l’administration américaine pour seulementen livrer le cahier des charges."

Ensuite, les réticences au changement des acteurs concernés restenttrès fortes. A titre d’exemple, dans le domaine de la mobilité en santé,une récente enquête internationale1 montre qu’une majorité de profes-sionnels de santé, préoccupés par le changement dans l’équilibre despouvoirs, s'inquiète de la "trop grande indépendance" que ce service

donnera aux patients. En revanche, et cette analyse est conforme à lavolonté d’émancipation du citoyen, la même étude conclut que "Lespatients semblent plus pressés d'adopter la m-Santé (NDLR : mobilité ensanté) que les professionnels du secteur".

Justement, en prévision de ce « patient empowerment » à la française,quelle approche avez-vous des enjeux de préservation des libertésindividuelles et collectives des usagers de ces technologies de l’infor-mation en santé ?

B D’O : Ces enjeux, notamment en termes d’utilisation des données desanté, sont bien sûr fondamentaux pour instaurer l’indispensable espacede confiance et développer les services au citoyen pour soutenir uneplus grande indépendance dans la gestion de son capital "bien-vivre". Lapuissance publique a naturellement un rôle à jouer dans la préservationde l’intérêt des administrés. Malheureusement, le tropisme naturel deses technostructures va fréquemment vers la complexification des règleset des pratiques. Cette attitude oublie un principe fondamental : la soli-dité de la chaîne de la confiance est à la hauteur de son maillon le plusfaible, qui est souvent le facteur humain. Conséquence ? Cette lourdeurde l’arsenal réglementaire et des choix spécifiques au monde de la santéconduisent à l’impasse en matière de souplesse et d’ergonomie. Or, cesqualités sont indispensables pour que professionnels de santé et patientss’approprient les projets institutionnels. Dans cet ordre d’idées, lescélèbres aventures du "masquage", puis du "masquage du masquage"des données de santé ont conduit les professionnels de santé à une pos-ture de résistance à l’utilisation des outils de la connaissance. Cette réti-cence se comprend aisément puisqu’une partie des informations, pou-vant être tronquée, peut nuire à la pertinence du diagnostic et du traite-

ment et engager leur responsabilité en cas d’incident ou d’accident. Cettecomplexification se révèle contreproductive et nuit à l’objectif prioritairedu service au citoyen en matière de santé : diminuer le risque de pertede chances pour sa santé et son bien-vivre.

Mais pour garantir ces libertés individuelles et collectives, du point devue des industriels, comment assurer l’accessibilité de tous les usa-gers à ces technologies, tant en ce qui concerne le financement de leurcoût que la capacité cognitive à les utiliser ?

B D’O : Tout d’abord un rappel. Sauf pour les rares pays dont les excédentsbudgétaires leur permettent de financer la recherche fondamentale, ledomaine des technologies d’information n’échappe pas aux lois fonda-mentales de l‘économie. Comme dans bien d’autres domaines, si cestechnologies ne répondent pas à un usage attendu, elles ne rencontrentpas leur public. Dans ces conditions, espérer imposer, même à l’aide desubventions, des produits et services qui ne répondent pas aux attentesdes utilisateurs, conduit inéluctablement à un état végétatif des projets,puis à leur euthanasie dès que la source des subventions se tarit. Acontrario, des produits et services élaborés en co-conception, avec desingénieurs à l’écoute des utilisateurs, peuvent conduire à des succès pla-nétaires. De nombreux exemples dans le monde le démontrent chaqueannée, dont pour l’heure notre pays reste encore à l’écart. En revanche,la bonne nouvelle c’est que les capacités d’innovation de nos entreprises,en particulier de nos PME, sont intactes. Elles peuvent donc répondreaux attentes des utilisateurs pour autant qu’ils participent aux réflexions.En d’autres termes, nous croyons plus, pour le succès des projets d’e-santé, au dynamisme des acteurs de la société civile qu’au grand soir desprojets administrés. Concernant les besoins de financement, leur évolu-tion sera telle dans les prochains mois et années qu’il serait bien préten-tieux d’en donner le détail. Tout au plus peut-on estimer qu’ils serontrépartis autour de trois grands axes : la solidarité, qui ne peut plus toutcouvrir, les acteurs économiques privés, et les utilisateurs des outils debien-vivre eux-mêmes, si l’offre proposée répond à leur demande.

Point faible du système de santé français, la coordination des soins ades conséquences sur la qualité des soins et sur l’optimisation de leurcoût. A quelles conditions le développement des technologies de l’in-formation apporte-t-il de réelles perspectives d’amélioration de lacoordination des soins ?

B D’O : A ce sujet il faut tordre le cou à une idée reçue : les technologiesles plus modernes ne peuvent rien pour les organisations obsolètes. Notreactuel système de santé se trouve dans une impasse, il devient urgent dele réformer. L’impulsion politique pour mettre en œuvre les réformessemble en voie d’amélioration, que l’aiguillon de la crise, désormais sousle sévère regard croisé des instances communautaires et des agences denotation, devrait stimuler. Un exemple vient d’être donné par un sondagecroisé en juillet auprès de médecins et de patients au sujet de la pertinen-ce des actes médicaux2. Dans les deux cas, c’est près du tiers de ces actesque les sondés estiment injustifiés. Ce sont, sur ce seul poste, des milliardsd’euros d’économies à réaliser chaque année, dont une faible partie per-mettrait de financer des services de bien-vivre, conduisant à une meilleuresanté. Bref, à un cercle vertueux. Qu’attend-on !?

Quel encadrement des TIC en santé vous semblerait adapté et oppor-tun pour éviter le risque d’un scandale « ordinator » qui pourrait ébran-ler la confiance des usagers vis-à-vis de ces technologies, comme ça aété le cas pour le médicament avec le « Mediator » ?

B D’O : Au laxisme bon enfant avant que cette affaire n’éclate, a succédéun délire sécuritaire qui touche désormais les outils de communicationen santé. Les lois, les décrets, les arrêtés et les circulaires fusent, au sujetdesquels nous éprouvons une diplomatique perplexité. Nous croyons eneffet plus à la concertation des acteurs, dont naturellement les citoyenseux-mêmes, pour aider la puissance publique à élaborer un cadre adap-té et réaliste, qu’à ses seules technostructures. D’ailleurs et comme l’amaintes fois rappelé le Président du CISS, l’arsenal juridique contre leprévenu "ordinator" existe, il suffit simplement de l’appliquer. En outre,au risque de paraître insister, le principal scandale en France concerne lerisque de perte de chances du citoyen en l’absence de services de com-munication adaptés.

Au final, quelles recommandations formulez-vous ?

B D’O :Si nous voulons que les nouveaux services pour la santé et le bien-vivre deviennent une réalité au service des Français, il faut sans doutecommencer par changer de logiciel de pensée. Arrêtons de voir la pro-blématique par le prisme du village gaulois et par ses divisions. D'unepart, les technologies et systèmes d'information de santé sont néces-saires à la santé des Français et indispensables à la santé de la Francegrâce aux emplois qu'ils vont créer et aux retombées économiques pourla balance commerciale du pays.

D'autre part, ne restons plus passivement dans une posture d’attente desdécisions que d’autres prennent pour nous. Les divisions ne profitentqu'à ceux qui les soutiennent, la santé et le progrès appartiennent à tous.

Soyons plus actifs, travaillons ensemble pour être plus efficaces pourtous. Bref, comme disent les commentateurs de l’art footballistique, pre-nons notre avenir en mains !

1 Emerging mHealth : paths for growth – Enquête Price WaterHouse Coopers2www.annuaire-secu.com/html/news509.html#16

Bernard D’ORIANOPrésident LESISS

LE RETARD FRANÇAIS RÉSULTEDE LA DIFFICULTÉ DE L’ETAT ÀADOPTER UNE STRATÉGIE CLAIREET DES RÉTICENCES AU CHANGE-MENT DES ACTEURS CONCERNÉS

LE PRINCIPAL SCANDALE ENFRANCE CONCERNE LE RISQUE DEPERTE DE CHANCES DU CITOYENEN L’ABSENCE DE SERVICES DECOMMUNICATION ADAPTÉS

Thierry ZylberbergDirecteur général de Orange HealthCare

Sécurisation des données de santé : un modèle français ?

Récemment, un article du journal le Monde interrogeait la capacité des entreprises privées à sedoter de règles éthiques sur l’utilisation des informations personnelles collectées sur le web.Qu’en pensez-vous, concernant en particulier l’informatisation des données de santé et la protec-tion des libertés individuelles et collectives ?

Il y a maintenant cinq ans, Orange a créé une division santé spécialisée dans le développement deproduits et services adaptés au monde de la santé. En tant qu’opérateur télécom, ce que nous fai-sons le mieux, c’est transporter et héberger de l’information. Nous sommes donc un peu naturelle-ment au cœur de l’écosystème de la santé numérique. Dans ce cadre, nous avons développé uneactivité d’hébergement des données de santé, conforme à l’agrément du gouvernement français.C’est d’ailleurs quelque chose de très important, car la santé ne pourra passer dans l’ère numériquesans gagner la confiance du citoyen, indispensable au déclenchement de cette transformation. Nousavons toujours été de fervents partisans d’une réglementation très forte en ce domaine et donc toutà fait heureux que l’ASIP instaure une certification des hébergeurs de données de santé, sur des cri-tères très sélectifs qui restreignent le nombre d’hébergeurs et augmentent le pouvoir de contrôle del’État. À tel point que nous militons à l’échelle européenne pour une adoption du système français.Les hébergeurs agréés en France sont au nombre d’une dizaine. C’est d’ailleurs l’un de nos concur-rents, le groupe ATOS, qui héberge aujourd’hui le DMP et le dossier pharmaceutique. C’est un domai-ne vers lequel un certain nombre de groupes se sont portés, sachant qu’il y a aussi des groupements

publics, en l’occurrence des hôpitaux que le législateur a considéré sécurisés par nature. Dans la réalité, jepense que les niveaux de sécurité des hôpitaux sont hétérogènes et un certain nombre de nos concurrentsconsidèrent que ce n’est pas le rôle des hôpitaux de faire de l’informatique.Pour obtenir l’agrément « hébergeur de données de santé », nous avons déposé un dossier de 1 700 pages.Le niveau de sécurité demandé est très élevé et entre autres choses, il faut fournir une liste nominative ettraçable des gens qui ont accès aux données de santé. Il y a d’ailleurs un médecin référent, sans lequel nousne pouvons pas accéder aux données. Il y a bien évidemment un cryptage des données, mais le plus impor-tant dans l’homologation, c’est la description du système, avec des questions de sécurité physique (où estlocalisé le système et comment y accède-t-on ?) ainsi que des questions de sécurité logique (comment sefait l’accès électronique et comment le système est-il protégé ?). Pour vous donner un autre exemple, l’unede nos applications consiste à faire de l’imagerie médicale hébergée dans ce que nous appelons le Cloud,c’est-à-dire sur nos serveurs sécurisés auxquels un médecin peut accéder à distance avec sa carte profes-sionnelle et avec les codes d’accès que lui donne un patient pour déverrouiller son dossier. Concernant l’ac-cès à l’information, le système français est bien fait, puisque les professionnels de santé ont une carte à

puce qui autorise une authentification forte. Certaines entreprises, comme Google ou Microsoft, ont pro-posé des dossiers patients grand public sur lesquels la protection était moins forte, mais tous ces projetsont maintenant été arrêtés. À l’échelle européenne, c’est assez hétérogène, et les arbitrages ont lieu payspar pays, mais tous se sont dotés d’une réglementation. Les États-Unis ont un système différent, même sion va probablement assister à une convergence progressive vers des normes internationales. Quoi qu’il ensoit nous sommes un partenaire technologique des acteurs du monde de la santé, mais pas un acteur finalde la télémédecine.

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19Regards croisés sur la santé18 Regards croisés sur la santé

INTERVIEW Eclairage européen : EHTEL - European Health Telematics Association

Quels sont les enjeux du développement destechnologies de l’information dans le sec-teur de la santé au niveau européen? Quelest le rôle de l’Union européenne dans cedomaine ?

David Garwood : Les soins de santé sontaujourd’hui l’objet de beaucoup d’enjeux et illeur faut évoluer vers plus de pérennité. Nousvivons en effet plus vieux, et les traitements,les médicaments et la technologie deviennentde plus en plus chers. La façon dont nous uti-

lisons les systèmes d’information est centrale. Ils ne peuvent plus êtrepensés pour soutenir un modèle de soins traditionnel, mais doivent per-mettre, par de nouveaux procédés et moyens plus intelligents, de gérerles affections de longue durée et les maladies chroniques.Il y a une reconnaissance de plus en plus forte au sein de la CommissionEuropéenne du rôle de la e-santé pour répondre aux demandes crois-santes, dans un contexte de ressources limitées, sachant qu’on entendpar là non seulement la technologie mais aussi la transformation radicaledans la dispensation des soins qui l’utilisent. A mon avis, le financements’éloignera des stratégies européennes et nationales pour se porter deplus en plus vers des initiatives régionales qui semblent mieux fonction-ner car plus proches des vraies parties prenantes et plus flexibles et inno-vantes dans leur approche.La mobilité constitue un autre challenge. Les citoyens traversent les fron-tières nationales bien plus fréquemment. Cela a de multiples implicationstechniques pour les systèmes d’information en termes d’interopérabilitéet d’accessibilité de l’information à distance.

En tant qu’association représentant les usagers du système de santé,nous sommes très sensibles à la préservation des libertés indivi-duelles et collectives dans le développement de ces technologies del’information en santé. Comment cet enjeu est-il perçu par les diffé-rents acteurs du secteur au niveau européen ?

D G : Il n’y a pas d’organisation européenne spécialisée sur cette question.Cependant, la situation évolue. Quand j’ai commencé à m’intéresser à lae-santé, les patients et leurs préoccupations n’étaient tout simplementpas entendues, alors qu’aujourd’hui ils sont au centre de tout bien que,dans certains cas, les mots ne correspondent pas vraiment aux actes !EHTEL a été l’une des premières organisations à aborder cette questionà travers sa charte du patient. Aujourd’hui, des projets financés par laCommission, notamment « SUSTAINS » et « PALANTE », s’intéressent auxquestions liées à l’accès des patients à leur dossier médical et je veille àce que soient pris en compte la dignité et le respect des patients.L’initiative sur la gouvernance de la e-santé s’intéresse aux questions deconfiance et d’acceptabilité associées aux systèmes de santé en se cen-trant sur le patient. Les propositions de réforme, pour la directive sur laprotection des données, définissent le consentement explicite commeposition par défaut dans l’utilisation des données personnelles. EHTEL aaussi été impliqué dans le projet « ETHICAL », lancé par la Commissioneuropéenne, sur les questions de la collecte, du stockage et de l’utilisa-tion des données biomédicales et biométriques.

Je crois que l’on peut dire qu’il y a eu un tournant significatif. Mais nousne pouvons pas être trop confiants. L’utilisation des données médicales àdes fins de recherche est un domaine où les questions de vie privée ontdes implications sur la dignité et le respect. Les lobbies de recherchesont puissants et leurs arguments plausibles pour obtenir un accès sansentraves aux dossiers médicaux « anonymisés ». Une des interrogationsrepose à mon sens sur la crainte que plus ces données sont dématériali-sées, moins elles sont respectées. En consultation chez le médecin, il y aune relation de respect mutuel. Mais dès que nos données sont stockéessur un serveur à distance, nous devenons des dossiers dont s’occupequelqu’un qui ne nous a jamais rencontrés. Est-ce que cela fait de notreinformation une denrée vendable ? Je suis heureux de partager mes don-nées pour l’intérêt général, mais j’aimerais d’abord donner ma permis-sion. C’est sans doute peu pratique, mais indispensable.Enfin, je souhaiterais que le domaine du monitoring à distance soit plusréfléchi. Si l’utilisation des caméras CCTV peut permettre des économieset offrir une sécurité pour les personnes âgées ainsi que les personnesen situation de handicap, il est vital que le patient ou le citoyen garde lecontrôle et puisse l’éteindre à tout moment pour son intimité.

Y a-t-il un consensus au niveau européen pour que soit partout assuréel’accessibilité à tous aux technologies, tant en ce qui concerne lefinancement de leur coût que la capacité cognitive à les utiliser ?

D G : A mon avis, non. Nous constatons une fracture numérique.Cependant, les autorités de santé nationales auront à s’interroger sur laviabilité du système de soins actuel, notamment en termes de coûts. Lessolutions innovantes de e-santé ont le potentiel de répondre à ces pro-blématiques, mais elles nécessitent un investissement important entermes d’infrastructures, d’équipement, de formation et de soutien. Siune analyse coûts/bénéfices montre un retour positif, c’est un investis-sement valable.Tout le monde tend à penser aux technologies nouvelles et chères, maisbeaucoup d’entre nous sommes déjà en possession de technologiesflexibles, puissantes, et faciles d’utilisation. Or aujourd’hui, je peux parexemple réserver un billet d’avion sur mon téléphone portable, mais je nepeux pas prendre un rendez-vous pour voir mon médecin généraliste ourenouveler une ordonnance.

Manager senior au ministère britannique de la santé, David Garwood a participé à la définition des politiques, de la stratégie et à la miseen œuvre de systèmes d’information de santé depuis 1979. Membre d’EHTEL depuis 2000, il a travaillé comme secrétaire et consultantpour le groupe de travail « patients et citoyens » puis est devenu directeur de l’organisation en 2009, avec une responsabilité spécifiquesur les questions relatives aux patients et aux citoyens. Les opinions exprimées sont les siennes et ne représentent pas nécessairementcelles d’EHTEL.

Point faible du système de santé français, la coordination des soins ades conséquences sur la qualité des soins et sur l’optimisation de leurcoût. Y a-t-il des exemples concrets et aboutis en Europe où le dévelop-pement des technologies de l’information et de la communicationappliquées à la santé ait apporté des améliorations réelles de la coor-dination des soins ?

D G : Je ne pense pas que la France soit la seule à rencontrer des pro-blèmes. Il y a de nombreux objectifs politiques dans ce domaine et bienque le rôle de la e-santé soit reconnu, c’est toujours en termes de poten-tiel plutôt que d’expérience. Une coordination réussie suppose une inté-gration des systèmes, ce qui est un challenge dans leur développement.La sémantique est aussi importante : beaucoup d’organisations utilisentdes mots différents pour parler de la même chose.Le dossier écossais de soins d’urgence contribue par exemple à amélio-rer la continuité des soins. Conçu pour fournir des informations de baseen cas d’urgence, il est maintenant prévu de l’étendre aux soins palliatifsavec des informations détaillées sur le diagnostic, les souhaits du patient,et les parcours de soins anticipés. Est aussi prévu un « résumé d’infor-mations clés » qui englobera une plus grande gamme de situations cli-niques. Il sera créé pour toute personne dont les informations détailléesdoivent être accessibles aux personnels de santé quand le médecingénéraliste est absent.

La coordination des soins par l’intermédiaire des technologies de l’in-formation et de la communication passe notamment par la compatibi-lité entre les différents outils et services existants. C’est un enjeu tech-nique déjà complexe à l’échelle nationale. Qu’en est-il au niveau euro-péen ?

D G : De nombreux efforts sont faits au niveau européen. Le projet« CALLIOPE » en est un des exemples les plus significatifs. Il s’agit de lacréation d’un réseau de coordination européen pour la mise en œuvre del’interopérabilité en e-santé. C’est un lieu d’échanges pour les décideursconcernés par la mise en œuvre de solutions de e-santé nationales. Ilcomprend un forum dédié où toutes les parties prenantes peuvent par-tager leur vision, leurs expériences et leurs bonnes pratiques sur la miseen œuvre de services de e-santé interopérables. Le principal résultat aété la feuille de route qui définit les étapes vers une interopérabilité réelleentre les systèmes de santé.En lien avec CALLIOPE, le projet « epSOS » vise à fournir des soins desanté à distance, avec l’objectif d’améliorer la qualité et la sécurité dessoins pour les citoyens qui voyagent dans un autre pays européen. Ildéveloppe une infrastructure technologique et un cadre de e-santé pourassurer un accès sécurisé au dossier médical d’un patient au sein desEtats membres participants.Donc si vous tombez malade à l’étranger, le médecin que vous consultezdevrait pouvoir obtenir les informations de votre dossier médical conte-nues dans un système informatique de votre pays de résidence. Cetteinterconnexion entre les systèmes nationaux en est encore à ses balbu-tiements, avec un nombre limité de participants, mais il va grandir. Pourl’instant, epSOS peut obtenir un dossier résumé du pays de résidenceainsi que les détails des ordonnances qui permet de dispenser des médi-caments en cas d’oubli ou de perte. EpSOS a aussi fait de gros effortspour impliquer les représentants de patients et prendre en compte leurs

opinions. C’est à mon sens une initiative intéressante.D’autres questions prennent de plus en plus d’importance : l’interopéra-bilité sémantique et « l’utilisation significative ». Dans une large mesure,les standards techniques répondent aux questions associées à laconnexion de différents systèmes. Cependant, le « Saint-Graal » de l’in-teropérabilité est l’échange d’informatiosn d’un système à l’autre, demanière compréhensible pour l’application de réception comme pour lespersonnes qui l’utilisent. Les systèmes devront donc être conçus enincluant les besoins des utilisateurs de toutes les disciplines dans le cadred’un parcours de soin. Cette question est examinée par l’initiative de gou-vernance sur la e-santé, initiative européenne de coopération informelleentre les Etats membres dont l’objectif est d’encourager le déploiementet l’utilisation de services de e-santé interopérables.

David GarwoodDirecteur d’EHTEL

L’INTERCONNEXION ENTRE LESSYSTÈMES INFORMATISÉS DESANTÉ NATIONAUX EN EST ENCO-RE À SES BALBUTIEMENTS, AVECUN NOMBRE LIMITÉ DE PARTICI-PANTS, MAIS IL VA GRANDIRUNE DES INTERROGATIONS

REPOSE À MON SENS SUR LACRAINTE QUE PLUS CES DONNÉESSONT DÉMATÉRIALISÉES, MOINSELLES SONT RESPECTÉES

Vers une européanisation de la e-santé ?

LA E-SANTÉ, C’EST NON SEULE-MENT LA TECHNOLOGIE, MAISAUSSI LA TRANSFORMATIONRADICALE DANS LA CONDUITEDES SOINS QUI L’UTILISENT

Fondé en 1999, EHTEL est un forum européen dédié à la e-santé quioffre une plateforme d’échanges rassemblant plus de 50 acteurseuropéens du secteur : industriels, institutionnels et individuels dansl’objectif d’améliorer les services de santé grâce à l’apport de la e-santé. EHTEL considère en effet la e-santé comme un procédécoopératif qui intensifie et fait évoluer les interactions entre toutesles parties prenantes de la santé pour une meilleure continuité dessoins et la sécurité du patient. C’est aussi un outil d’aide à l’informa-tion et au choix pour les consommateurs et les citoyens européens,favorisant un accès égal et universel aux soins. Le CISS est membred’EHTEL depuis 2004.

Pour en savoir plus : www.ehtel.eu

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Regards croisés

sur la santé

Le Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS) représente depuis 15 ans les intérêtscommuns à tous les usagers du systèmede santé etœuvre pour un accès de tous à dessoins de qualité.

Conception, réalisationet illustrations :Dialogue & Straté[email protected]

Impression : MEGATOP

Tirage : 5 000 exemplaires

ISSN : 1969-1386

Editeur : Le CISS10, villa Bosquet75007 Paris

Directeur de publication :Christian Saout

Comité éditorial :Nicolas Brun,Marianick Lambert,Marc Morel, Marc Paris

Rédaction : Patrick Retoux

Crédits photos :© Droits réservés

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