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103 La scoliose idiopathique de l’enfant et de l’adulte © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés RÉSUMÉ La rééducation fait partie du traitement des scolioses idiopathi- ques, et a une place à tous les stades de leur prise en charge. L’indication est retenue lorsqu’il y a un risque de progression, quelle que soit la valeur de l’angle de Cobb, s’il existe des élé- ments de l’examen clinique pouvant être améliorés par ce type de thérapeutique ou en cas de douleurs ; que ce soit pendant la phase de surveillance, en cours de traitement orthopédique ou dans le cadre du traitement chirurgical. Différentes techniques sont uti- lisables en fonction du bilan préthérapeutique et des objectifs. Quelques exemples sont décrits pour différents types de scoliose et à différents stades de la vie. Les résultats sont le plus souvent favorables dans le traitement des algies et des défauts posturaux, bien que difficiles à prouver. En revanche, la rééducation n’est pas capable de stopper l’évolution d’une scoliose sévère. SUMMARY Physical therapy is part of the treatment of idiopathic scoliosis and has a role to play at every stage of the treatment. This treat- ment is indicated when there is a risk of progression, whatever the Cobb’s angle is, and if some elements of the clinical exam can be improved by this type of therapy, or if there are pains ; either during the stage of watching, in the bracing time, or in the case of a surgical treatment. Various techniques are available according to the pre-therapy check-up and the results expected. Some examples are described for different types of scoliosis and at different stages of life. The results are generally positive in the treatment of back pains and the defect in the attitude, although not easy to prove. On the contrary, physical therapy is not able to stop the evolution of a serious scoliosis. I. COURTOIS 1 , V. HENRIROUX 1 Physical therapy of scoliosis Rééducation des scolioses Généralités La prise en charge rééducative fait partie de l’arsenal thérapeutique des déviations rachidiennes de l’enfant et de l’adulte. Elle s’intègre dans le traitement conser- vateur, isolé ou associé au traitement orthopédique, et est également utile en période de chirurgie. Le kinésithérapeute doit établir un contact privilégié avec son patient, le stimuler en rendant la rééducation la plus ludique possible. La rééducation ne peut pas permettre de stopper l’aggravation d’une scoliose très évolutive, cela doit être expliqué au patient pour éviter les déceptions ulté- rieures [1]. Le bilan préthérapeutique, tout comme le pro- gramme de rééducation, doit tenir compte de l’aspect tridimensionnel de la scoliose. Indications et bilan préthérapeutique Les indications du traitement conservateur des scolio- ses qui ont été publiées font intervenir, en fonction de l’âge du patient, l’angle de Cobb, le stade de maturité osseuse, l’évolutivité, ainsi que la présence de douleurs [16]. Ainsi, chez l’enfant, avant les premiers signes de puberté, l’indication de rééducation est posée lorsque l’angle de Cobb est supérieur à 15° ; chez l’enfant et l’adolescent, entre Risser 0 et 3, l’indication est rete- nue lorsque le risque de progression est supérieur à 40 % et quelle que soit la valeur de l’angle de Cobb, s’il existe des douleurs. Il nous semble que d’autres éléments doivent être pris en considération et mis en parallèles les uns par rapport aux autres : une scoliose dont l’angle de Cobb 1 Unité rachis hôpital Bellevue, CHU de Saint-Étienne, 42055 Saint-Étienne cedex 2, France Mots clés : Scoliose. – Rééducation. Keywords: Scoliosis. – Physical therapy.

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La scoliose idiopathique de l’enfant et de l’adulte© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Résumé

La rééducation fait partie du traitement des scolioses idiopathi-ques, et a une place à tous les stades de leur prise en charge. L’indication est retenue lorsqu’il y a un risque de progression, quelle que soit la valeur de l’angle de Cobb, s’il existe des élé-ments de l’examen clinique pouvant être améliorés par ce type de thérapeutique ou en cas de douleurs ; que ce soit pendant la phase de surveillance, en cours de traitement orthopédique ou dans le cadre du traitement chirurgical. Différentes techniques sont uti-lisables en fonction du bilan préthérapeutique et des objectifs. Quelques exemples sont décrits pour différents types de scoliose et à différents stades de la vie. Les résultats sont le plus souvent favorables dans le traitement des algies et des défauts posturaux, bien que difficiles à prouver. En revanche, la rééducation n’est pas capable de stopper l’évolution d’une scoliose sévère.

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Physical therapy is part of the treatment of idiopathic scoliosis and has a role to play at every stage of the treatment. This treat-ment is indicated when there is a risk of progression, whatever the Cobb’s angle is, and if some elements of the clinical exam can be improved by this type of therapy, or if there are pains ; either during the stage of watching, in the bracing time, or in the case of a surgical treatment.Various techniques are available according to the pre-therapy check-up and the results expected. Some examples are described for different types of scoliosis and at different stages of life. The results are generally positive in the treatment of back pains and the defect in the attitude, although not easy to prove. On the contrary, physical therapy is not able to stop the evolution of a serious scoliosis.

I. CourToIS1, V. HEnrIroux1

Physical therapy of scoliosis

Rééducation des scolioses

GénéralitésLa prise en charge rééducative fait partie de l’arsenal thérapeutique des déviations rachidiennes de l’enfant et de l’adulte. Elle s’intègre dans le traitement conser-vateur, isolé ou associé au traitement orthopédique, et est également utile en période de chirurgie.

Le kinésithérapeute doit établir un contact privilégié avec son patient, le stimuler en rendant la rééducation la plus ludique possible.

La rééducation ne peut pas permettre de stopper l’aggravation d’une scoliose très évolutive, cela doit être expliqué au patient pour éviter les déceptions ulté-rieures [1].

Le bilan préthérapeutique, tout comme le pro-gramme de rééducation, doit tenir compte de l’aspect tridimensionnel de la scoliose.

Indications et bilan préthérapeutiqueLes indications du traitement conservateur des scolio-ses qui ont été publiées font intervenir, en fonction de l’âge du patient, l’angle de Cobb, le stade de maturité osseuse, l’évolutivité, ainsi que la présence de douleurs [16]. Ainsi, chez l’enfant, avant les premiers signes de puberté, l’indication de rééducation est posée lorsque l’angle de Cobb est supérieur à 15° ; chez l’enfant et l’adolescent, entre risser 0 et 3, l’indication est rete-nue lorsque le risque de progression est supérieur à 40 % et quelle que soit la valeur de l’angle de Cobb, s’il existe des douleurs.

Il nous semble que d’autres éléments doivent être pris en considération et mis en parallèles les uns par rapport aux autres : une scoliose dont l’angle de Cobb

1unité rachis hôpital Bellevue, CHu de Saint-Étienne, 42055 Saint-Étienne cedex 2, France

Mots clés : Scoliose. – Rééducation. Keywords: Scoliosis. – Physical therapy.

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est faible mais associée à une gîte latérale marquée, à un déséquilibre important des plis de taille, à une perturbation de l’équilibre sagittal, à un mauvais schéma corporel ou à une importante raideur du seg-ment sous-pelvien, a fortiori si elle est asymétrique, doit tirer un bénéfice d’une prise en charge par un kinésithérapeute.

En pratique, la rééducation ne doit pas être prescrite de façon systématique mais envisagée si les données de l’examen clinique montrent des éléments pouvant être améliorés par ce type de thérapeutique. La rééducation n’a d’intérêt que si des objectifs précis et ciblés ont été déterminés.

Le médecin prescripteur doit spécifier les éléments importants de l’examen clinique sur sa prescription.

La prise en charge se fait en libéral dans la grande majorité des cas, même si certains recommandent des programmes intensifs (4 à 6 h par jour pendant 3 à 6 semaines) [16,17]. un programme d’autorééduca-tion à domicile peut y être associé [6].

Le kinésithérapeute qui prend en charge l’enfant doit, dans un premier temps, réaliser un bilan très détaillé afin d’établir un diagnostic kinésithérapique mettant en évidence les déficiences, incapacités et désavantages induits par la scoliose. Ce bilan sert de base à toute rééducation et permet de fixer des objectifs réalistes et réalisables en accord avec le patient et sa famille : le patient doit avoir compris les orientations de son traitement, il doit être partie prenante.

L’intérêt de la rééducation doit être réévalué à cha-que contrôle clinique ; elle ne doit pas être renouvelée automatiquement.

La prise en charge par un kinésithérapeute a égale-ment l’avantage de limiter le défaut du suivi médical régulier nécessaire à la surveillance de l’évolutivité.

Techniques de base de rééducation et de réadaptationMassages et physiothérapieButsIls peuvent constituer une prise de contact et aider à la détente du sujet. Ils permettent l’assouplissement et le réchauffement des tissus.

MoyensTous types de massages peuvent être proposés.

L’installation du patient en décubitus ventral doit être contrôlée en respectant un profil rachidien phy-siologique harmonieux ; l’utilisation d’une chaise de massage permet un bon positionnement.

Pour une action décontracturante, notamment au niveau des nœuds de jonction des courbures scolioti-ques, des massages transverses et pétrissages profonds peuvent être bénéfiques.

Pour une action assouplissante, la gibbosité peut être modelée par des pressions statiques ou glissées [2].

Pour une action antalgique, le kinésithérapeute pra-tique des effleurages et des massages superficiels en complément d’actes de physiothérapie (infrarouges, Tens, radars, etc.).

Pour une action d’étirement spécifique du ligament iliolombaire convexe rétracté, le massage peut être couplé aux manœuvres dérotatoires.

En aucun cas, ils ne doivent constituer l’unique volet du traitement, même si cela reste une demande fré-quente des patients [5].

Rééducation posturaleButsLa rééducation posturale doit permettre au sujet de reprogrammer un schéma corporel nouveau et doit lui permettre de l’améliorer de façon automatique, et de l’intégrer dans les gestes de la vie quotidienne.

MoyensPrise de conscience corporelle dans les trois plans de l’espaceElle se fait en progression en position couchée, assise puis debout, devant le miroir ou avec un plan de réfé-rence (un mur par exemple), sans le miroir puis les yeux fermés.

Prise de conscience des défauts•Defacedevantlaglace:prisedeconsciencedesasymé-tries du pli de taille, du tronc, du bassin, des épaules.•Deprofil :mise en évidencededéséquilibre gravi-taire antérieur ou postérieur.•Àlamarche:asymétrieduballantdesbras,défautrotatoire des membres inférieurs, rotation horizontale ou verticale du bassin.

Correction des défautsLe kinésithérapeute enseigne au patient une correction active sensorielle guidée par un repère visuel (miroir), un repère tactile (un bâton), un repère auditif (la voix du praticien), dans les différentes positions couchée, assise ou debout. Ces acquisitions sensitivomotri-ces doivent être intégrées à la marche avec un travail

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dans des situations de déséquilibre : plateaux instables (escarpolette de Dote, plateau de Freeman), poutres(diminution du polygone de sustentation).

Cette prise en charge proprioceptive est réalisée jusqu’à ce qu’elle devienne automatique et inconsciente.

AssouplissementsButsLa déformation scoliotique crée des zones de raideur segmentaire qu’il faudra assouplir en prenant soin de limiter l’exercice à la zone scoliotique. Les zones avoi-sinantes seront maintenues en position corrigée pour éviter les compensations.

Il existe également des zones de rétraction localisée comme la fermeture de l’angle iliolombaire et de fré-quents défauts d’extension au niveau du segment sous-pelvien.

MoyensPostures de dérotationSpécifiques de la déformation tridimensionnelle du rachis, elles se font en position couchée avec une ins-tallation adaptée à la localisation de la courbure que l’on souhaite traiter (voir le paragraphe « Exemples de rééducation type »), en respectant le profil, et doivent

être maintenues suffisamment longtemps (environ 10 min) pour une efficacité optimale. Il est conseillé de leur associer des massages modelants sans négliger le travail respiratoire.

Ces postures, lorsqu’elles sont bien maîtrisées, peuvent être conseillées comme position d’endormissement.

Étirement de la chaîne postérieureLes postures actives globales de la chaîne postérieure sont inspirées de la technique de Mézières.

Cependant, on se méfiera de ce type de prise en charge chez des patients présentant une perte de la lor-dose lombaire, pour lesquels on privilégiera un étire-ment des ischiojambiers et des triceps suraux grâce à une antéversion pelvienne (figure 1).

Assouplissement du dos plat thoraciqueLes scolioses thoraciques en dos plat nécessitent un travail ciblé avec un assouplissement des paraverté-braux en position longue (position cyphosante). on préconise le travail en décubitus ventral sur le ballon de Klein, à l’espalier en verrouillage lombaire avec recherche d’enroulement thoracique (figure 2) ou en position de roulade arrière.

Exercices actifsL’ouverture de l’angle iliolombaire est obtenue en posi-tion quadrupédique par l’étirement actif du membre infé-rieur côté convexe ou debout à l’espalier par une fente

Figure 1. Étirements de la chaîne postérieure sous-pelvienne par antéversion du bassin.

Figure 2. Recherche d’enroulement thoracique à l’espalier pour une scoliose thoracique en dos plat.

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avant (du membre inférieur côté convexe en arrière) ; dans les deux cas, un étirement actif du membre supé-rieur concave optimise l’ouverture de la concavité.

Lors de cyphoscoliose, le kinésithérapeute indique un glisser quadrupédique (prière arabe).

Étirement du segment sous-pelvienLes étirements se font spécifiquement sur les déficien-ces mises en évidence lors du bilan initial. on note par-ticulièrement les asymétries de tension comme pour les psoas qu’il faut réharmoniser.

un déséquilibre gravitaire sagittal antérieur oriente de manière plus spécifique et en priorité vers un éti-rement des muscles antérieurs tels que les psoas, les droits antérieurs, les jambiers antérieurs.

Renforcement musculaireAttention : l’analyse segmentaire des actions muscu-laires est perturbée par la scoliose ; en effet, les com-posantes tridimensionnelles telles que la rotation, l’inclinaison et la translation modifient les forces et vecteurs des muscles ainsi donc leur orientation mais également l’action des muscles.

Muscles postérieursLes règlesLe but est d’équilibrer les tensions musculaires plutôt que de développer tel ou tel groupe musculaire. Il faut toujours exécuter les exercices à partir d’un étirement actif axial sur une position la plus corrigée possible de la scoliose ; autour de cet autograndissement contrôlé, une décoaptation des segments articulaires s’organise, amé-liorant ainsi la mobilité et le réajustement du profil.

Exercices typeson peut proposer un renforcement isométrique des spi-naux, par exemple, en bout de table, bassin contre la table, tronc incliné vers l’avant, permettant un travail des paravertébraux (figure 3). La position des mem-bres supérieurs est dépendante du profil : en chande-lier s’il existe une cyphose associée ou croisés sur les épaules s’il existe une perte de la cyphose.

Muscles antérieursLes règlesLa musculature antérolatérale doit équilibrer la mus-culature postérieure du tronc afin d’optimiser l’action du « caisson abdominal ».

La position de départ du travail des abdominaux est déterminée par le profil rachidien du patient.

Exercices typesLe renforcement des grands droits, chez un patient scoliotique présentant une lordose lombaire exagérée, se travaille en position courte. Le segment fémoral est alors positionné à 90° par rapport au tronc et des ciseaux ou pédalages sont proposés. A contrario, lors d’un effacement de la lordose physiologique, l’angle fémoral est ouvert au-delà de 135°, en position longue des abdominaux (figure 4).

une hypocyphose autorise un renforcement des grands droits par sollicitation de l’insertion haute par un soulèvement des épaules et un enroulement anté-rieur.Àl’inverse, l’hypercyphoseinterditcemodederenforcement ; le travail se fait alors de façon stati-que dans une position longue d’ouverture du segment thoracique.

un renforcement du transverse est effectué sur une expiration pour un gainage performant ; de plus, il nous intéresse pour son rôle de coaptateur des articu-laires postérieures.

Figure 3. Travail des spinaux : renforcement isométrique en bout de table.

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Le travail des obliques, conjointement au travail du transverse, assure un rôle de sangle abdominale par leurs actions rotatoires.

travail respiratoireDansunpremier temps, l’acte respiratoire est ensei-gné, les enfants étant souvent de mauvais respirateurs. L’apprentissage repose sur une respiration lente et rythmée composée d’une inspiration nasale et d’une expiration buccale. un temps d’apnée en inspiration maximale suivi de successions de brèves expirations est proposé pour recruter le travail du diaphragme et favoriser l’expansion du gril costal.

À chaque type d’exercice de rééducation cor-respond un temps respiratoire : la prise en charge orientée vers l’assouplissement, la détente et l’antal-gie sont associées à un travail expiratoire. Le travail inspiratoire est préconisé pour tous les exercices de renforcement musculaire, excepté le renforcement du muscle transverse en position quadrupédique, où sa sollicitation maximale est recrutée en position ventre rentré contre pesanteur, donc sur un temps expiratoire.

Lorsque le bilan a montré une restriction de la capa-cité vitale, des exercices spécifiques de spirométrie incitative sont recommandés [4].

La composante sagittale et la réduction du diamè-tre antéropostérieur requièrent des exercices respi-ratoires spécifiques en recherche de cyphose lors de scolioses thoraciques en dos plat. Certains corsets actifs guident l’acte respiratoire qui induit la correc-tion (figure 5).

RéadaptationPoste de travailL’installation de l’enfant à son bureau s’envisage en concer-tation avec la famille pour améliorer le poste de travail.

Figure 4. Travail des abdominaux en position longue préconisé lors de gainage en lordose.

Figure 5. Travail respiratoire cyphosant avec corset 3D™.

Figure 6. « École du dos » : la position du chevalier servant.

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hygiène de vieÉcole du dosLe kinésithérapeute éduque son patient aux règles d’ergonomie rachidienne : •leportdecharges lourdes,notamment lepoidsducartable et sa façon de le porter ;•lespositionsclés:tripleflexion,fentes,chevalierser-vant (figure 6), balancier (figure 7), pseudo-rotation… ;•leleverdulitdefaçonmonoblocetlecoucher.

Activités physiquesIl n’existe aucune contre-indication sportive de principe chez un enfant présentant une scoliose idiopathique ; au contraire, toute activité physique doit être encouragée en fonction du choix du patient, quel que soit l’âge [3].

Spécificités selon la période de prise en chargeL’enfant pendant la période de surveillanceLors du dépistage d’une scoliose, l’indication de prise en charge rééducative peut être posée si l’examen mon-tre des déficiences cliniques susceptibles d’être amélio-rées par cette thérapeutique.

Cette phase de rééducation s’oriente vers une rééqui-libration des tensions musculaires et une harmonisa-tion du profil.

L’avantage de la kinésithérapie pendant cette phase réside dans le suivi régulier de l’enfant qui évite un défaut de surveillance à long terme.

L’enfant en période de traitement orthopédiqueLe kinésithérapeute doit rester en lien avec l’équipe médicale qui a mis en place le traitement orthopé-dique pour assurer une prise en charge logique et cohérente.

Pendant la phase de réduction, la plupart des exer-cices sont réalisés avec le corset. Le renforcement musculaire se fait sous forme d’exercices symétri-ques sur un rachis asymétriquement corrigé par l’orthèse.

Lors de la phase d’ablation du corset, l’accent est porté sur le renforcement musculaire.

Le rôle du thérapeute est également de contrôler la tolérance physique et psychologique, ainsi que l’obser-vance du traitement.

En période de chirurgieEn préopératoireLa priorité est : •l’apprentissagedel’acterespiratoireetdelatouxaminima, du lever monobloc ;•l’assouplissement et la dissociation des ceinturescouplés au renforcement des membres inférieurs.

Figure 7. « École du dos » : le balancier.

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En postopératoireIl faut intégrer le nouveau schéma corporel par une rééducation sensitivomotrice pendant l’hospitalisa-tion. on contrôle le mode respiratoire.

Le point fort de cette phase est l’économie rachi-dienne de la zone laissée libre sous l’arthrodèse.

Chez l’adulteLa spécificité de l’adulte est la plainte algique. L’évolution en perte de lordose des scolioses lombaires de l’adulte est à objectiver et une prise en charge en recherche de lordose est impérative [12] (figure 8).

Le massage et la physiothérapie restent une phase d’échauffement des tissus avant une prise en charge active.

une rééducation en balnéothérapie a sa place pour favoriser la mobilité grâce à la détente musculaire et à l’antalgie induites par l’eau chaude et l’absence de pesanteur.

Les thérapies manuelles sont utiles lors de dou-leurs liées à un dérangement intervertébral mineur, localisé le plus souvent au niveau des articulaires postérieures.

Cependant, la prise en charge doit rester active pour le patient et ne pas se limiter à des thérapeutiques antalgiques qui ne prennent pas bien en compte l’ori-gine des douleurs.

Les exercices sont réalisés dans les trois plans de l’espace mais de manière séquentielle pour respecter l’antalgie ainsi que la réduction de mobilité du rachis scoliotique de l’adulte.

Desassouplissementssontnécessaires:•dans le plan frontal, pour limiter les conflits ilio-costaux, étirement latéral à l’espalier pour solliciter le mouvement du rachis dans la correction, mobilisation en ouverture de la concavité en thoracique ;•dans le plan sagittal, la recherche de lordose estprimordiale ;•dans le plan horizontal, la sollicitation est limitéesurtout chez les patients présentant des dislocations rotatoires.

Le manque de mobilité rachidienne ou globale du patient peut amener le thérapeute à proposer des exercices à base d’irradiations pour le renforcement musculaire, ceci afin de respecter le principe de la non-douleur (figure 9).

« L’école du dos », même si elle n’est pas une techni-que rééducative à proprement parler, reste une culture de base dans toute la rééducation et doit être enseignée au patient pour une utilisation économique et ration-nelle de son dos [10].

Exemples de rééducation typeScoliose thoracique droite de l’enfantLa scoliose thoracique droite s’accompagne le plus souvent d’un aplatissement de la cyphose thoracique avec un verrouillage progressif en lordose, ainsi qu’un raccourcissement des spinaux concaves. La correction du rachis dorsal, dans les trois plans de l’espace, s’ob-tient par le biais du système respiratoire, de la ceinture scapulaire et des membres supérieurs.

Figure 8. Renforcement lordosant en décubitus ventral. Figure 9. Travail des abdominaux par irradiation.

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Massages et physiothérapieLe patient est installé en décubitus ventral, un cous-sin sous la poitrine pour respecter ou recréer une cyphose thoracique ; un massage modelant et dérota-toire de la gibbosité est réalisé, on évite les pressions médianes au niveau thoracique qui vont à l’encontre de la cyphose. La position de la tête est neutre ou en rotation pour corriger la courbure scoliotique haute ou pour contrecarrer une éventuelle contre-courbure cervicothoracique.

Rééducation posturaleCe temps-là s’intéresse à la prise de conscience, dans le plan frontal et dans le plan horizontal, du déséqui-libredelaceinturescapulaire.Dansleplansagittal,lavisualisation de l’effacement de la cyphose et sa cor-rection par le patient doivent rester le point principal de cette phase de la prise en charge. La correction n’est possible qu’après de nombreux assouplissements en position longue du rachis thoracique.

Assouplissementsune posture de dérotation pour la scoliose thoracique droite est particulièrement indiquée (figure 10) ; Le sujet est en position de décubitus latéral droit. Le tronc est mis en rotation par une traction sur le membre supérieur droit ; l’axe de celle-ci ne s’élève pas au-delà de 90° afin de contrôler le plan sagittal thoracique en le maintenant en cyphose. Le membre supérieur gauche est placé en antépulsion autour de 100° pour faciliter

l’ouverture du gril costal gauche. on demande un tra-vail inspiratoire en cherchant une expansion postérola-térale de l’hémithorax gauche. Le maintien de lordose lombaire est contrôlé pendant cet exercice par le degré de flexion du membre inférieur droit.

Renforcement musculaireSous traitement orthopédique, de nombreux exerci-ces symétriques et respectueux du profil peuvent être proposés, puisque le renforcement s’effectue sur une position asymétriquement corrigée.

un exercice est cependant utile à réaliser : il s’in-téresse à l’équilibration dans le plan horizontal de la ceinture scapulaire. La scoliose thoracique droite entraîne le plus souvent la ceinture scapulaire en rota-tion antihoraire. Le patient est assis à cheval sur un banc, plan sagittal corrigé. on lui demande de cro-cheter avec sa main gauche son épaule droite et, à partir d’une position corrigée du moignon de l’épaule, le patient effectue un travail statique de rétropulsion de l’épaule gauche contrarié par le membre supérieur gauche ; ce travail en chaîne cinétique fermée sollicite le grand pectoral gauche ainsi que le fixateur d’omo-plate droit. Cet exercice se réalise également avec le traitement orthopédique (figure 11).

Scoliose lombaire gaucheMassages et physiothérapieLes massages sont réalisés de préférence lors de la posture de dérotation afin d’optimiser celle-ci en majorant la déro-tation et l’étirement du ligament iliolombaire gauche.

Rééducation posturaleDansleplanfrontal,onproposedesexercicesdesideshift [9], visant à contrôler la translation du tronc sur le bassin qui se traduit cliniquement par une asymétrie des plis de taille (figure 12).

Cet exercice doit être réalisé devant un miroir jusqu’à ce qu’il devienne automatique pour que le patient puisse le reproduire dans la journée (figure 13). Cet exercice est également proposé sous traitement orthopédique, le but étant alors d’esquiver l’appui latéral.

Assouplissementsune posture de correction tridimensionnelle pour une scoliose lombaire gauche est également efficace. En effet, elle permet d’assouplir le rachis dans une bonne position de correction.

Figure 10. Posture de dérotation pour une scoliose thoracique droite.

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Figure 11. Travail de rétropulsion de l’épaule. Figure 12. Asymétrie des plis de taille. Figure 13. Side shift.

Le sujet est positionné en décubitus latéral droit, rotation du tronc, face contre la table et épaule gau-che contre la table. Cette posture de détorsion réalise un étirement du ligament iliolombaire convexe avec un effet de décoaptation des articulaires postérieures concaves et de recoaptation des articulaires convexes. Le membre inférieur droit est fléchi pour assurer la

stabilité de la position en latérocubitus ; le degré de flexion du membre inférieur dépend de l’équilibre sagittal du patient, une lordose physiologique est recherchée, d’autant plus lorsque celle-ci s’efface dans la scoliose lombaire évolutive. Le membre inférieur droit sert de bras de levier à cette posture en réalisant une ouverture de l’angle iliolombaire (figure 14).

Figure 14. Posture de dérotation pour une scoliose lombaire gauche.

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Cette posture est maintenue 10 min et peut être conseillée comme position d’endormissement pour les patients non appareillés orthopédiquement.

Renforcement musculaireCe temps va s’intéresser principalement aux muscles spinaux. Ces muscles assurent la fonction d’exten-sion, d’inclinaison homolatérale et de rotation. Les spinaux courts, transversaires épineux permettent la rotation controlatérale des corps vertébraux, c’est-à-dire que la contraction des transversaires épineux gauches pour une scoliose lombaire gauche entraîne une rotation horizontale vers la droite du segment considéré.

L’exercice selon Burger-Wagner se fait à partir de la position à genoux en position initiale redressée lor-dosée avec une inflexion latérale convexe du rachis (figure 15).

Les spinaux longs (iliocostal et long dorsal) assurent, quant à eux, une rotation homolatérale du tronc avec une extension et une inclinaison homolatérale. on peut les faire travailler de façon asymétrique à la marche en créant une accentuation asymétrique de la dissociation des ceintures. Ainsi, pour une scoliose lombaire gauche, il faut, à partir du pas antérieur droit, accentuer le travail des spinaux longs droits avec balancement de l’épaule droite vers l’arrière (figure 16). Cet exercice représente

une transposition active et un renforcement musculaire dans la position de la posture en latérocubitus.

RésultatsLe résultat de la rééducation dans la scoliose idiopa-thique reste difficile à prouver scientifiquement car le principe d’une étude randomisée en double insu, contre placebo n’est pas réalisable pour ce type de traitement !

Au niveau individuel, on peut observer les effets positifs d’une rééducation ciblée (exemple d’une réé-ducation orientée vers la correction de la gîte et la recherche de cyphose dorsale) [figures 17 et 18].

En revanche, la « médecine basée sur les preuves » est difficilement applicable à l’évaluation de l’efficacité de la rééducation.

Des revues de la littérature [7,8] retrouvent des résultats divergents avec une grande hétérogénéité dans les programmes de rééducation [13–15,17], comme dans la sélection des patients, le type d’étude ou la durée du suivi, mais avec cependant des argu-ments plutôt en faveur de l’effet positif de ce traite-ment [11].

Figure 15. Exercice de Burger-Wagner.

Figure 16. Travail de dissociation des ceintures à la marche.

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ConclusionCet exposé concernant la rééducation des scolioses n’a pas la prétention d’être exhaustif. Il ne s’agit pas non plus d’un protocole type, car chaque prise en charge est individuelle et adaptée à un patient donné.

Le médecin doit avoir connaissance du type de réé-ducation effectuée, soit en consultant le bilan que le kiné aura rédigé, soit, plus simplement, en demandant

au patient de lui décrire les exercices pratiqués. Ainsi, il pourra redéfinir avec le kinésithérapeute les orien-tations du traitement selon le type de prise en charge pratiquée, l’efficacité et la lassitude du patient.

Parfois, on peut également proposer de faire des pauses dans le traitement de kinésithérapie en mainte-nant une activité physique régulière, voire un change-ment de kinésithérapeute pour redynamiser une prise en charge qui peut être longue et astreignante.

Figure 18. Contrôle radiographique à 6 mois : amélioration de la gîte et de la cyphose, scoliose stable.

Figure 17. Radiographie initiale.

RéféRences

1 Biot B, Bernard JC, Touzeau C, Bernard JC, Storz M. Scoliose. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Kinésithérapie-médecine phy-sique-réadaptation, 26–300-A-05, 2001, 6p.

2 Biot B, Touzeau C, Bernard JC, Storz M. Scoliose idiopathi-que en période de croissance. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Kinésithérapie-médecine physique-réadaptation, 26–300-C-10, 2001, 7p.

3 Boussard D. Scoliose et sports : 5 questions à se poser chezl’adolescent scoliotique. rEr 2005; 13 (41) : 1696.

4 Dos Santos Alves VL, Stirbulov R, Avanzi O. Impact of aphysical rehabilitation program on the respiratory function of adolescents with idiopathic scoliosis. Chest 2006; 130 (2) : 500–5.

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6 Henriroux V, Courtois I, Ebermeyer E. Protocole de rééducation en lordose. rEr 2006; 14 (44) : 1852–3.

7 Lenssinck ML, Frijlink AC, Berger MY, Bierman-Zeinstra SM, Verkerk K, Verhagen AP. Effect of bracing and other conser-vative interventions in the treatment of idiopathic scoliosis in adolescents : a systematic review of clinical trials. Phys Ther 2007; 87 (1) : 112–3.

8 Lonstein JE. Scoliosis : surgical versus nonsurgical treatment. Clin orthop relat res 2006; 443 : 248–59.

9 Mehta MH, Magromallis L, Macindoe L, Phillips GF. Active correction of scoliosis by side-shift : an evaluation by Quantec Surface Imaging. J Bone Joint Surg 1994; 76B : P11.

10 MouilleseauxB,DianaG.Placedelarééducationdansletraite-ment de la scoliose lombaire de l’adulte. In : Biot B, Simon L, éds. La scoliose lombaire idiopathique de l’adulte. Paris : Masson; 1990. p. 103–9

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11 negrini S, Antonini G, Carabalona r, Minozzi S. Physical exer-cices as a treatment for adolescent idiopathic scoliosis. A syste-matic review. Pediatr rehabil 2003; 6 (3–4) : 227–35.

12 Salmochi JF, Vallese P. Équilibre sagittal du rachis : données ana-tomocliniques; implications thérapeutiques. res. Evro rachis 2004 ; 121 (37) : 1423–31.

13 Weiss Hr, Heckel I, Stephan C. Application of passive transverse forces in the rehabilitation of spinal deformities : a randomized controlled study. Stud Health Technol Inform 2002; 88 : 304–8.

14 Weiss Hr, Klein r. Improving excellence in scoliosis rehabi-litation : a controlled study of matched pairs. Pediatr rehabil 2006; 9 (3) : 190–200.

15 Weiss Hr, negrini S, Hawes MC, rigo M, Kotwicki T, Grivas TB, et al. Physical exercices in the treatment of idiopathic sco-liosis at risk of brace treatment. SoSorT consensus paper 2005. Scoliosis 2006; 1 : 6.

16 Weiss Hr, negrini S, rigo M, Kotwicki T, Hawes MC, Grivas TB, et al. Indications for conservative management of scoliosis (guidelines). Scoliosis 2006; 1 : 5.

17 Weiss Hr, Weiss G. Curvature progression in patients treated with scoliosis in-patient rehabilitation : a sex- and age-mat-ched controlled study. Stud Health Technol Inform 2002; 91 : 352–6.