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DROIT BANCAIRE FADY NAMMOUR

Cours complet de droit bancaire

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DROIT BANCAIRE

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SOMMAIRE TITRE I- REGLEMENTATION BANCAIRE CHAPITRE 1- Réglementation de la profession bancaire 5 CHAPITRE 2- Réglementation de l’activité bancaire 37 TITRE II- COMPTES EN BANQUES CHAPITRE 1- Règles communes 67 CHAPITRE 2- Compte courant 82 CHAPITRE 3- Compte de dépôt 99 CHAPITRE 4- Comptes spéciaux 101 TITRE III- OPERATIONS DE CREDITS CHAPITRE 1- Ouverture de crédit 109 CHAPITRE 2- Crédits internes 116 CHAPITRE 3- Crédits internationaux 141 CHAPITRE 4- Garanties des crédits bancaires 151 TITRE IV- SERVICES BANCAIRES CHAPITRE 1- Dépôts en banques 175 CHAPITRE 2- Encaissements et paiements 180 CHAPITRE 3- Valeurs mobilières et produits financiers 198 CHAPITRE 4- Fourniture de renseignements financiers et commerciaux 210 CHAPITRE 5- Contrat de coffre-fort 212 TITRE V- ACTIVITE BANCAIRE ISLAMIQUE CHAPITRE 1- Fondements de l’activité bancaire islamique 216 CHAPITRE 2- Domaine de l’activité bancaire islamique 219

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INTRODUCTION

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INTRODUCTION § 1 Définition et caractères du droit bancaire Le droit bancaire est constitué de l’ensemble des règles fixant le statut des banques. Les banques sont des entreprises fondées en vue de se livrer à une nature déterminée d’activités à savoir les opérations de banque (opérations de crédit, de dépôt, ouverture de compte, etc.).

1 Intermédiation bancaire. Les opérations bancaires sont constitutives d’intermédiation; les banques recueillent les dépôts des épargnants en vertu d’un contrat de dépôt qu’elles redistribuent sous forme de crédit tant aux entreprises qu’aux particuliers en vertu d’un contrat de prêt ou de crédit (1). L’article 120 du code de la monnaie et du crédit libanais (c. monn. créd.) prévoit que les banques agissent pour « leur propre compte » et l’article 307 du code de commerce libanais (c. com. lib.) rend la banque propriétaire des sommes d’argent qu’elle reçoit en dépôt, ce qui veut dire que la banque place et utilise les dépôts comme elle l’entend sans pour cela subir aucun contrôle de quelque nature soit-il de la part de ses clients (2).

2 Commercialité de l’activité bancaire. L’article 6 c. com. lib. répute les opérations de banque comme « actes de commerce par leur nature ». Ainsi, le rattachement à la commercialité se fonde sur la conception objective qui retient principalement les actes ainsi accomplis. Néanmoins, l’article 9 c. com. lib. précise: « Sont commerçants: 1- ceux dont la profession consiste à passer des actes de commerce: 2- les sociétés dont l’objet est commercial ». Les banques faisant profession habituelle des actes de commerce dans le cadre d’une société anonyme ayant pour objet des actes de commerce, il s’ensuit nécessairement qu’elles ont la qualité de commerçant. Par conséquent, le banquier est toujours présumé faire acte de commerce. Mais une même opération peut constituer à l’égard de l’une des parties contractantes une opération de banque et par suite un acte de commerce, sans pour autant présenter ce caractère pour l’autre partie. Ces opérations constitueront des actes mixtes lorsqu’elles mettent en présence un banquier et un client n’ayant pas la qualité de commerçant. Ainsi en est-il, lorsque le banquier accorde un prêt à un emprunteur qui destine les fonds à une opération civile. L’opération est commerciale à l’égard du banquier et purement civile à l’égard de l’emprunteur.

3 Conséquences de la commercialité. Le caractère commercial des opérations de banque en exclut la gratuité (3). Du caractère commercial de la profession de banquier résulte la conséquence qu’elle reste interdite par la loi, les règlements ou l’usage, à certaines catégories de personnes. Egalement, la preuve commerciale sera toujours appliquée à l’encontre du banquier. En outre, les banquiers sont astreints à tenir les livres conformément aux articles 16 et s c. com. lib.

4 Droit bancaire, branche du droit économique. Le droit bancaire est en étroite relation avec le droit économique c’est-à-dire l’ensemble des règles édictées par l’Etat et destinées à régir diverses opérations intéressant directement l’économie du pays. C’est un système de règles conçues pour donner à l’Administration un pouvoir d’action sur une économie foncièrement libérale où domine encore le secteur privé (4). Ce droit permet à l’Etat d’intervenir dans le secteur bancaire afin de fixer des règles souvent impératives et d’ordre public dans un souci de stabilité monétaire et financière. Ces règles sont évolutives et changent en fonction de la conjoncture économique.

5 Technologie bancaire. Le secteur bancaire n’a pas échappé au progrès informatique. De plus en plus, les banques offrent de nouveaux services alliant l’informatique et les télécommunications, permettant d’accomplir certaines opérations bancaires non plus sur support papier mais par voie de télécommunications (5). L’informatique a révolutionné la pratique bancaire en adoptant les instruments anciens aux ordinateurs, par exemple, les chèques sont désormais dotés d’une bande magnétique permettant

1 RIPERT et ROBLOT, Traité de droit commercial t 2, 17e éd. LGDJ 2004 par DELEBECQUE et GERMAIN ; BONNEAU, Droit

bancaire, Montchrestien 9e éd. 2010 ; GAVALDA et STOUFFLET, Droit bancaire, LexisNexis 2010 8e éd. ; RIVES-LANGES et CONTAMINE-RAYNAUD, Droit bancaire, DALLOZ 6e éd. 1995 ;

2 v. LASSERRE-CAPDEVILLE, Intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement: adoption des décrets attendus, RDBF, mars-avr. 2012, étude 5 ; LIKILLIMBA, Aspects juridiques de la régulation et la libéralisation de l’intermédiation bancaire, RDBF, sept.-oct. 2010, étude 21.

3 Beyrouth 16 janv. 1996, Rev. jud. lib. 1996, 481. 4 JEANTET, Aspects du droit économique, in Mélanges HAMEL, 33 et s. 5 MATHIEW, Les services bancaires et financiers en ligne, Rev. Banque édition n° 1 et s.

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INTRODUCTION

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la "lecture" automatique (6) et, en créant de nouveaux procédés purement informatiques, par exemple, le distributeur automatique de billets, la banque à domicile, ou les terminaux de paiement électronique (7). A ce propos, signalons que le droit libanais consacre la notion « d’opérations financières et bancaires par moyens électroniques (8) ». Ces opérations sont définies comme toutes opérations ou activités de toute nature, conclues, exécutées ou développées par des moyens électroniques ou télématiques (téléphone, ordinateur, internet, distributeur automatique…) par les banques, intermédiaires financiers, organismes de placement collectif ou par tout autre groupement ou établissement. En outre, la notion englobe toutes les opérations accomplies par les émetteurs ou distributeurs des cartes de crédit ou de paiement électronique de toute nature ainsi que les opérations de virement de somme d’argent électronique et tous les sites d’offre, d’achat, de vente ainsi que tous les sites proposant des services électroniques relatifs aux différents instruments financiers et, tous les centres de compensation qui leur reviennent. (9) § 2- Sources du droit bancaire

6 Diversité des sources. Le droit bancaire n’est pas un droit autonome puisant ses règles dans sa seule source de droit professionnel. Il dispose de plusieurs sources qu’il emprunte aux différentes branches du droit: branche du droit privé (droit commercial mais aussi droit civil et plus précisément, droit des contrats) et branche du droit administratif due à l’intervention de l’Etat dans le secteur bancaire réglementant tant la profession bancaire que les opérations bancaires elles-mêmes; cette intervention étant justifiée par le rôle économique joué par le secteur bancaire (10). Nous n’évoquerons pas les sources de ces différentes branches de droit, nous nous bornerons à relever ce qui est propre au droit bancaire.

7 Textes législatifs. Le texte de base est la loi promulguée par le décret-loi n° 13513 du 1er août 1963

instituant le code de la monnaie et du crédit. Ce code avec ses modifications traite de la monnaie (Titre I), de la Banque du Liban (Titre II), de la réglementation bancaire (Titre III), et des différentes sanctions applicables (Titre IV). Ce code est général et concerne essentiellement le statut de droit commun et le contrôle des banques. D’autres textes définissent soit le statut particulier de certains établissements de crédit, soit les règles applicables aux différentes opérations accomplies par lesdits établissements. (11)

8 Textes réglementaires. Les textes réglementaires émanent des organes de contrôle du secteur bancaire et financier et concernent tant les conditions de gestion et de fonctionnement des établissements de crédit que les opérations financières et bancaires. A ce propos, l’article 33 c. monn. créd. énumère de manière non limitative les attributions du Conseil central de la Banque du Liban (BDL). Celui-ci « délibère de toutes les mesures touchant les banques » et « établit les divers règlements concernant les opérations de la Banque ». Le Conseil central se trouve ainsi investi d’un véritable pouvoir réglementaire général, qui, émanant d’un organe administratif, revêt, à ce titre, un caractère obligatoire comme tout règlement. En revanche, les avis du comité consultatif institué par l’article 35 du même code n’ont pas de caractère réglementaire mais consultatif et ne s’imposent nullement au gouverneur de la BDL.

9 Usages bancaires. Les usages bancaires résultant de la pratique bancaire (12) sont multiples et concernent

tant les relations des établissements de crédit entre eux que leurs relations avec les clients. Certains usages sont désormais consacrés par la jurisprudence; ainsi en est-il de la protection du banquier escompteur (13). D’autres usages sont entérinés par la loi; ainsi en est-il de l’usage suivi par les banques françaises de respecter un préavis en cas de réduction ou d’interruption d’un concours à durée indéterminée consenti à

6 Cf arrêté n° 7150 du 6 nov. 1998, JO n° 52 du 19 nov. 1998. 7 BURGARD, CORNUT et DE MASSY, La banque en France, Presse de sciences politiques et Dalloz 1995, 72. 8 Cf arrêté n° 7548 du 30 mars 2000, JO n°15 du 6 avr. 2000, 1362. 9 L’arrêté n° 7548 réglemente l’exercice desdites opérations. De même, l’arrêté n° 7547 du 30 mars 2000 relatif aux réseaux informatiques

a instauré auprès des banques, des réseaux informatiques auxquels elles sont obligées de se « connecter » sous peine de sanctions administratives. Egalement, l’arrêté n° 8341 du 24 janvier 2003 règlemente la « compensation électronique des cartes de paiement et de crédit ».

10 PIEDE LIEVRE, Remarques sur l’évolution actuelle des sources du droit bancaire, Mélanges JESTAZ, DALLOZ 2006, 441 et s. 11 Parmi ces textes, on peut citer à titre d’exemples, le décret-loi n° 50 du 15 juillet 1983 relatif aux banques d’affaires et les banques de

crédit à long et moyen terme; la loi 705 du 9 décembre 2005 sur la titrisation des actifs, la loi n°161 du 17 août 2011 sur les marchés financiers.

12 GUILLOT, Pratiques bancaires sources du droit des affaires, LPA 27 nov. 2003, n° 237, 14. 13 AMIGHI, La protection du banquier escompteur par l’usage; à propos de l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du

23 mai 1989, JCP E 1990, II-15861.

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INTRODUCTION

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une entreprise, consacré à l’article L 313-12 du code monétaire et financier français (c. monét. fin.). D’autres encore ont été codifiés par des organismes professionnels; ainsi la Chambre de Commerce Internationale a-t-elle élaboré les « règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires » et « les règles relatives aux garanties sur demande ». L’usage bancaire s’impose au juge (art. 4 nouv. c. proc. civ. lib.) et a force obligatoire entre professionnels. Il s’applique sans restriction. Mais encore faut-il, qu’il soit prouvé par la partie qui l’invoque. En pratique, l’usage n’est opposable au client que dans la mesure où il en a eu connaissance au moment de la conclusion du contrat. A défaut, l’usage lui sera inopposable. Toutefois, cette connaissance peut être supposée si le client est particulièrement averti des procédés bancaires (14).

10 Conventions internationales. Le Liban n’a ratifié à ce jour aucune convention internationale relative aux

opérations internationales de banque. En revanche, la France a conclu plusieurs conventions internationales, certaines relatives à la surveillance des établissements de crédit d’autres relatives à l’activité bancaire. A titre d’exemple, signalons l’adhésion de la France au Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (15). Créé en 1974 par les gouverneurs des banques centrales des pays du groupe des dix (16), et actuellement composé de 27 membres, il constitue une instance permanente de coopération en matière de surveillance bancaire. Les travaux du Comité de Bâle, n’entraînent pas d’obligation pour les Etats et n’ont pas force obligatoire. Ce Comité se borne à édicter des normes et des règles de caractère général qu’il appartient à chacun des Etats, en fonction de dispositif propre, d’appliquer. Egalement, la France a ratifié nombre de conventions relatives à l’activité bancaire. Ainsi en est-il des conventions d’Ottawa sur le crédit-bail international (17) et l’affacturage international (18). § 3- Importance de l’activité bancaire

11 Raisons de l’essor. Une des premières caractéristiques de la banque actuelle par rapport à celle d’hier est

certainement sa grande diffusion dans la société. Nul particulier n’échappe à la « bancarisation », obligatoire, pour percevoir ses salaires (19). Le développement du secteur bancaire libanais est dû au libéralisme dont jouit le Liban: libéralisme politique, le Liban repose sur une démocratie parlementaire alors que les régimes politiques des pays arabes environnants sont caractérisés par des dictatures militaires ou régimes instables, entraînant une très grande instabilité politique ;libéralisme économique, le Liban est hostile à toute idée de nationalisation ou de dirigisme étatique, favorisant l’initiative individuelle et donc le développement du secteur bancaire libanais. Mais le libéralisme n’explique pas à lui seul le développement du secteur bancaire libanais. A cet élément bancaire, doit être ajouté un autre élément aussi dirimant, à savoir le secret bancaire « absolu » qui entoure l’activité bancaire au Liban consacré par la loi du 3 septembre 1956 (20). En effet, voulant faire bénéficier complètement le Liban de sa qualité d’Etat refuge d’avoirs étrangers (21) et profondément convaincu de l’effet bénéfique que peut engendrer l’halo de discrétion sur l’activité bancaire, le législateur libanais a astreint le secteur bancaire a un secret absolu concernant les dépôts de leurs clients. Sont placées sous ce régime, les banques libanaises mais aussi les succursales des banques étrangères préalablement agréées par la BDL et inscrites sur la liste des banques. (22). Egalement, la décentralisation de l’activité bancaire, l’adoption de nouveaux produits: fiducie, placement collectif, activité bancaire islamique, etc. sont autant d’éléments justifiant l’essor de ce secteur. Plan de l’ouvrage. L’étude du droit bancaire implique la description de la réglementation bancaire libanaise (Titre I). Par la suite, on examinera les opérations de banque proprement dites: comptes en banque (Titre II) opérations de crédit (Titre III) mais aussi les différents services offerts par la banque (Titre IV) et l’activité bancaire islamique (Titre V).

14 Cass. com. 6 juill. 1964, JCP G 1965, II-14024 note GAVALDA. 15 Ce comité est dit parfois Cooke du nom de son président Peter COOKE, directeur adjoint de la Banque d’Angleterre. 16 Allemagne, Belgique, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Pays-bas, Suède ; le Luxembourg et la Suisse sont

associés aux travaux du Comité. 17 Loi n° 91-636 du 10 juillet 1991 autorisant l’approbation d’une convention sur le crédit-bail international. 18 Loi n° 91-641 du 10 juillet 1991 autorisant l’approbation d’une convention sur l’affacturage international. 19 V. décision du Conseil des ministres libanais n° 12/24 du 1er juillet 1981, circulaire n° 540/5 du 23 déc. 1981 rendue par le ministre des

finances, circulaire n° 9 du 28 oct. 1986 émané du gouverneur de la BDL. 20 JO n° 36, 5 sept. 1956. 21 FABIA, Institution du secret bancaire au Liban, RTDcom. 1957, 56 et s. 22 Cette inscription est une condition substantielle, elle participe de la définition même de la banque ; v arrêté n° 7147 du 5 nov. 1998.

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TITRE I - REGLEMENTATION BANCAIRE

12 Banque de Syrie et du Liban. L’existence du commerce de l’argent au Liban est attestée du temps des phéniciens, véritable peuple commerçant. L’exercice de cette activité devait rester sans structure ni réglementation particulière jusqu’au début du XXe siècle (1). A cette époque, le Liban était sous mandat français. L’Etat français œuvra alors afin d’organiser le commerce de l’argent. Ainsi, et en l’absence d’une Banque Centrale chargée de l’émission et de la sauvegarde de la monnaie (2), la banque de Syrie et du Liban, société commerciale française, a obtenu en vertu de la convention du 24 janvier 1924, le privilège d’émission de la monnaie libanaise pour une première période de quinze ans (3). Cette convention fut renouvelée par la loi du 7 juin 1937 pour une nouvelle période de vingt cinq ans à dater du 1er avril 1939.

13 Code et textes. La création d’une Banque Centrale et l’organisation du secteur bancaire se profilèrent à

l’horizon de l’Etat libanais par la force des choses. Le code de la monnaie et du crédit constitué de 230 articles a vu le jour en vertu du décret-loi n° 13513 en date du 1er août 1963. Ce code se divise en six titres: le premier est relatif à la monnaie (articles 1 à 11); le second institue une Banque Centrale de l’Etat et en fixe la composition et les attributions (articles 12 à 120); le troisième traite de la réglementation bancaire en général et soumet tant les banques que leur gestion à des contrôles assez strictes (articles 121 à 191); le quatrième évoque les différentes sanctions pénales, civiles ou disciplinaires susceptibles d’application en cas d’infraction à la législation en cours (articles 192 à 210); le cinquième traite de certaines dispositions transitoires relatives au troisième titre (articles 211 à 212) et enfin le sixième titre, renferme des dispositions diverses et finales (articles 223 à 230). D’autres textes législatifs, règlementaires et professionnels sont venus complétés ce code (4).

Plan de l’étude. La réglementation concerne tant la profession bancaire (Chapitre 1) que les opérations de

banque (Chapitre 2).

                                                            1 Les premières banques libanaises ont fait leur apparition au XIX siècle: Banque Pharaon et Chiha SAL en 1876 et Société Bancaire du

Liban en 1899. 2 Un auteur rapporte que c’est la « Banque impériale ottomane » créée par un firman de 1863 qui émettait la monnaie et amortissait les

dettes étrangères ; v FARHAT, Le droit bancaire, 27 et s. 3 Conformément à l’article 16 de la loi du 16 juill. 1954 relative à la création de la banque agricole, industrielle et foncière, tel que modifié

par le décret-loi n° 94 du 30 juin 1977, la dénomination Banque de Syrie et du Liban a été remplacée par celle de Banque du Liban. 4 Sans prétendre à l’exhaustivité, parmi les textes les plus importants ayant concerné le droit bancaire postérieurs au code de la monnaie et

du crédit, on peut citer: la loi n° 2/67 du 16 janvier 1967 instituant un régime nouveau des banques en état de cessation des paiements ; la loi n° 520 du 6 juin 1996 relative au développement du marché financier et des contrats fiduciaires; la loi n° 318 du 3 avril 2001 modifiée relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme; la loi n° 575 du février 2004 relative à la constitution des banques islamiques.

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REGLEMENTATION DE LA PROFESSION BANCAIRE

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CHAPITRE 1 – REGLEMENTATION DE LA PROFESSION BANCAIRE 14 Présentation. Réglementer la profession bancaire revient à assurer le contrôle et la direction du commerce

de l’argent. Or, le commerce de l’argent peut s’effectuer dans le cadre d’une activité bancaire stricto sensu et dans le cadre de l’activité financière lato sensu. Le législateur a délibérément réservé l’activité bancaire aux banques. En revanche, il a élargi l’exercice de l’activité financière à des établissements distincts qui n’ont pas la qualité de banque. L’exercice de ces activités ainsi réparties entre les professionnels se trouve toutefois contrôlé par des autorités de tutelle. Par conséquent, nous commencerons par évoquer les banques (Section 1) et les établissements voisins (Section 2). Par la suite, nous aborderons la question de leur tutelle (Section 3). SECTION 1 - BANQUES

Il existe une seule définition de la banque (Sous-section 1) mais plusieurs catégories de banques (Sous-

section 2). SOUS-SECTION 1 – DEFINITION DE LA BANQUE

Paragraphe 1 - Définition législative 15 Position du problème. L’article 121 c. monn. créd. définit la banque comme: «l’entreprise dont l’objet

essentiel est d’employer, pour son propre compte, en opérations de crédit, les fonds qu’elle reçoit du public ». Selon cet article, trois éléments caractérisent la banque: c’est une entreprise, qui reçoit des fonds du public, qu’elle emploie essentiellement en opérations de crédit. Cette définition doit être complétée par les observations suivantes: 1- Selon l’article 126 c. monn. créd. cette entreprise doit être constituée « sous forme de sociétés anonymes ou par actions ». 2- La définition de la banque en fonction de « l’essentiel » de son objet, réduit aux opérations de crédit, prête à confusion: le texte sous-entend une distinction entre les entreprises qui emploient les fonds en opérations de crédit à titre essentiel et celles qui l’emploient à titre non essentiel et laisse croire que la banque peut exercer une activité (non-essentielle) étrangère à l’activité bancaire, ce qui est contraire aux dispositions de l’article 152 c. monn. créd. (1). De même, on peut reprocher à l’article 121 c. monn. créd. de définir la banque en fonction de la notion d’opérations de crédit, parce que la notion d’opérations de crédit n’épuise pas la notion d’opérations de banque; c’est ce qui résulte clairement du Livre III-Titre V du code de commerce libanais qui, sous son intitulé « Des opérations de banque », traite indifféremment des opérations de crédit, des contrats de dépôt bancaire et de coffre-fort. 3- Enfin, la définition de l’article 121 c. monn. créd. est incomplète sinon désuète. En effet, de plus en plus, les banques mettent à la disposition de leurs clients sinon gèrent, les moyens de paiement: chèques, virements bancaires, cartes de paiement ou de crédit, etc. Il en résulte que la mise à disposition ou la gestion des moyens de paiement fait désormais partie intégrante des opérations de banque. Paragraphe 2 – Définition retenue

16 Eléments de définition. Le législateur libanais évoque la notion de banque mais ne la définit pas. L’article 6 alinéa 4 c. com. lib. se borne à réputer les opérations de banque actes de commerce par leur nature propre. Les articles 307 et s du même code évoquent les opérations constitutives d’opérations de banque sans pour autant encadrer ces dernières dans une notion juridique précise. Au sens large, les opérations de banque sont les opérations effectuées par les banques. Au sens étroit, il s’agit de chaque opération prise individuellement. Les opérations de banque sont la résultante d’une somme, d’une addition de plusieurs opérations. Cette notion ne peut nullement s’identifier à un contenu déterminé et se cantonner à une opération déterminée. En réalité, il s’agit d’un contenant. Les opérations de banque, définies en fonction de leur contenu actuel, comprennent la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise à disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de paiement (art. L 311-1 c. monét. fin.). Ainsi définies, trois activités sont constitutives des opérations de banque: la réception de fonds du public (Sous-paragraphe 1), les opérations de crédit (Sous-paragraphe 2) et la mise à disposition et/ou la gestion de moyens de paiement (Sous-paragraphe 3).

                                                            1 V. TYAN, Droit commercial T1, Libr. Antoine 1968, 946 n° 798.

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REGLEMENTATION DE LA PROFESSION BANCAIRE

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Sous-paragraphe 1 – Réception de fonds du public 17 Définition. Aux termes de l’article L-312 alinéa 2 c. monét. fin. « Sont considérés comme fonds reçus du

public les fonds qu’une personne recueille d’un tiers, notamment sous forme de dépôts, avec le droit d’en disposer pour son propre compte, mais à charge de les restituer ». Le code de la monnaie et du crédit libanais ne contient pas de dispositions similaires. Mais cette définition peut résulter de la combinaison de différents textes. A ce propos, l’article 121 c. monn. créd., considère les fonds comme comprenant les dépôts et le produit d’emprunts. L’article 123 c.monn.créd. soumet ces dépôts aux dispositions de l’article 307c.com. lequel prévoit que: « La banque qui reçoit en dépôt une somme d’argent en acquiert la propriété, elle doit la restituer en une ou plusieurs fois en quantité équivalente, à première réquisition du déposant ou dans les conditions de délai ou de préavis fixées au contrat ». Enfin, l’article 124 c. monn. créd. énumère les opérations exclusives de toute réception de fond du public. La combinaison de ces articles impose la distinction entre les fonds reçus à titre de dépôt (1) et ceux reçus à titre de produit d’emprunts (2).

(1) Fonds reçus du public à titre de dépôt

La définition libanaise de la notion de fonds reçus du public à titre de dépôt résulte de la combinaison des articles sus-mentionnés, elle rejoint la définition française. Elle se caractérise par la réunion de quatre éléments: la réception de fonds (art. 121 c. monn. créd.), le public (art. 121 c. monn. créd.), le droit de disposer pour son propre compte des sommes reçues (art. 307 c. com. lib.) et l’obligation de restitution (art. 307 c. com. lib.).

18 Réception de fonds. La réception de fonds est un acte matériel de remise de somme d’argent. Bien que

l’article 121 c. monn. créd. évoque expressément le terme « dépôt », il ne faut pas le comprendre comme une référence au contrat de dépôt du code des obligations et des contrats (c. oblig. c.). En effet, le dépôt bancaire se distingue du dépôt de droit commun: la monnaie est une chose fongible qui ne peut être restituée que par équivalent, ce qui donne pour le moins au dépôt un caractère irrégulier (2). Ensuite, le banquier ne garde pas l’argent: il en acquiert la propriété et à ce titre il est autorisé à l’utiliser (3). En fait, la réception de fonds implique une remise de monnaie peu importe les moyens: chèques, effets de commerce, virement, etc. et peu importe la nature juridique du contrat en vertu duquel la remise de fonds a lieu: dépôt, prêt, mandat, bon de caisse, etc. La Cour de cassation française évite de donner une qualification de la réception et préfère dire simplement que le déposant est créancier du banquier. Il demeure que ses visas se réfèrent souvent à l'article 1937 du code civil (c. civ.) qui régit la restitution du dépôt (4) dont le corollaire est l’article 705 c. oblig. c. A ce propos, le législateur libanais qualifie l’opération comme prêt de consommation, l’article 691 c. oblig. c. énonce que: « Si le dépôt a pour objet une somme d’argent ou d’autres choses fongibles, et si le dépositaire a eu l’autorisation de s’en servir, le contrat est considéré comme un prêt de consommation ». Cependant, cette qualification ne fait pas l’unanimité. L’idée que le particulier entendrait financer son banquier, gratuitement le plus souvent, est éloignée de la réalité psychologique des choses. De plus, la qualification de prêt de consommation est certainement exclue pour les dépôts avec affectation spéciale c’est-à-dire lorsque les fonds sont confiés à la banque en vue d'une opération déterminée (5).

19 Public. L’opération de remise n’est constitutive d’opération de banque que dans la mesure où elle émane

du « public ». Par public, il faut entendre les personnes tierces distinctes de la personne qui reçoit les fonds. L’actif du public ne doit pas se confondre avec l’actif du récepteur (6). Il en résulte que ne sont pas considérés comme fonds reçus du public ainsi que l’énonce l’article 124 c. monn. créd. « le capital souscrit par les actionnaires, les réserves, les primes d’émission d’actions, les bénéfices reportés, les fonds que la banque se procure, à titre de crédits, de quelque forme qu’ils soient, auprès d’autres banques ou d’établissements financiers ». A ce propos, il convient d’apporter les précisions suivantes: 1- L’article 124 c. monn. créd. n’exclut pas les dépôts effectués par les employés. Il en résulte que les employés doivent être considérés comme appartenant au public et leurs dépôts de fonds comme constituant des opérations de

                                                            2 RIPERT et ROBLOT, par DELEBECQUE et GERMAIN op. cit. n° 2361. 3 GRUA, Les contrats de base de le pratique bancaire, Litec 2000, n° 170, 123. 4 RIVES-LANGES et CONTAMINE-RAYNAUD n° 29, 128 ; GAVALDA et STOUFFLET n° 25, 15 ; BONNEAU n° 45, 31. 5 V. pour: HAMEL, T2 n° 754, contre RIPERT et ROBLOT 391 n° 2361, 391 ; GRUA n° 170, 123. 6 TYAN, n° 799, 948.

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REGLEMENTATION DE LA PROFESSION BANCAIRE

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banque. 2- L’exclusion des fonds que la banque se procure à titre de crédit auprès d’autres banques ou institutions financières trouve son explication dans le fait que depuis longtemps, le dépôt de fond, comme moyen principal d’exercice de l’activité bancaire essentielle est contemporain des origines des banques. 3- Il est interdit aux banques sous peine de sanctions (7) de recevoir tous dépôts provenant du secteur public soit au nom de la personne publique ou au nom de l’un de ses fonctionnaires ou salariés (8). Par secteur public, il faut entendre toutes les administrations publiques, tous les établissements publics dont les établissements à caractère commercial, les services indépendants, la caisse nationale pour l’assurance collective, et les caisses indépendantes.

20 Droit de disposer des fonds pour son propre compte. Une fois les fonds déposés, le banquier en dispose

pour son propre compte c’est-à-dire qu’il peut les employer comme bon lui semble sans subir le moindre contrôle de quelque nature soit-il de la part de son client déposant. Cela se justifie par le fait que le banquier acquiert la propriété de la somme d’argent ainsi déposée comme le relève expressément l’article 307 c. com. lib. C’est là un élément constitutif de l’opération de banque sans lequel elle ne peut exister. Tel ne serait pas le cas si les fonds sont greffés d’une affectation particulière restreignant de la sorte les droits et prérogatives de la banque en sa qualité de propriétaire.

21 Obligation de restitution. La banque qui reçoit les dépôts est obligée de les restituer. La remise des fonds

s’effectue entre les mains du déposant lui-même, de son représentant, ou de toute autre tierce personne ayant reçu le pouvoir de ce dernier (9). A ce propos, une jurisprudence constante considère que les règles relatives à la représentation mutuelle des époux dans leurs rapports avec les tiers sont sans application à l’égard du banquier dépositaire, lequel est tenu en sa qualité de professionnel, de ne restituer les fonds qu’à celui au nom duquel le dépôt a été fait ou à celui qui a été indiqué pour les recevoir (10). La remise des fonds ne porte pas sur les mêmes espèces déposées. La banque est seulement débitrice d’une « quantité équivalente » précise l’article 307 c. com. lib. c’est-à-dire d’une somme numériquement égale à celle du dépôt (11). En outre, l’article 307 exige que la restitution ait lieu « à première réquisition du déposant ». Néanmoins, la jurisprudence écarte le délit d’abus de confiance en cas de non restitution d’un dépôt bancaire (12

) sauf si le dépositaire utilise les fonds à des fins totalement étrangères à l’objet et à l’activité d’un établissement bancaire (13). (2) Produit d’emprunts

22 Notion. Aux termes de l’article 122 c. monn. créd. le produit d’emprunts constitue également des fonds

reçus du public. Il s’agit du produit de l’émission de titres d’emprunt c’est-à-dire des sommes d’argent empruntées par la banque auprès du public pour augmenter son capital, par exemple. L’emprunt, dans son ensemble, est appelé emprunt obligataire, et les divers prêteurs, obligataires. Les obligations sont aussi appelées parfois dans le langage courant des « bons » (14). Sous-paragraphe 2 – Opérations de crédit

23 Définition. Le code de la monnaie et du crédit libanais ne définit pas la notion d’opérations de crédit. Aux

termes de l’article L 313-1 alinéa 1 c. monét. fin.: « Constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne, ou prend dans l’intérêt de celle-ci un engagement par signature tel qu’un aval, un cautionnement

                                                            7 Art 3, arrêté 6895 du 14 fév. 1998. 8 Art 1er arrêté n°6895 du 14 fév. 1988. 9 Paris 18 mars 1992 D. 1993, somm. 57 obs. VASSEUR. 10 Cass. 1e civ., 29 juin 2011, RDBF nov.-déc. 2011, comm. 186 note CREDOT et SAMIN. 11 GRUA, n° 186, 131. 12  Cass.crim. 28 janv. 1991 « Le compte à terme, qui permet au banquier de disposer librement des fonds remis, à charge pour lui de

restituer à l’échéance fixée une somme équivalente augmentée, le cas échéant, des intérêts stipulés, est exclusif de toute notion de mandat et s’analyse en un contrat irrégulier qui n’entre pas dans les prévisions de l’article 408 du Code pénal », Bull. crim. 1991, n° 42 ; RTDcom. 1991, 643, obs..BOULOC.- Sur l’exclusion du prêt de consommation, à défaut de précarité de la remise, Cass. crim., 19 sept. 2007 : D.2008, p. 958, note REBUT. 

13 Cass.crim. 20 juil.2011 considérant que l’appropriation indue par la banque du solde créditeur d’un compte clôturé caractérise le débit d’abus de confiance, peu importent que durant le fonctionnement du compte, l’établissement ait eu libre disposition des fonds, RDBF, nov.-déc. 2011, comm. 185, CREDOT et SAMIN. 

14  Il ne faut pas confondre les « bons » ou « obligations », fractions du montant total d’un emprunt obligatoire, avec ce qu’on appelle « bons de caisse », qui sont des titres délivrés à une personne en représentation de fractions d’une somme qu’elle a déposée dans les caisses de la société ou qu’elle lui a prêtée en forme ordinaire, v. TYAN, préc. 

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ou une garantie. Sont assimilés à des opérations de crédit le crédit-bail, et, de manière générale, toute opération de location assortie d’une option d’achat ». De cette définition, ressortent les trois éléments caractéristiques de l’opération de crédit: une avance ou une promesse d’avancer des fonds, une rémunération du créditeur, et une mise à disposition de fonds.

24 Avance ou une promesse d’avance de fonds. En principe, l’avance est une opération de prêt généralement

à court terme contre promesse de restitution. Le code de commerce ne réglemente pas cette opération. Elle est donc soumise aux règles de droit commun du prêt d’argent (art. 754 et s c. oblig. c.). Cependant, l’opération de crédit ne se limite pas à l’avance au sens strict de prêt mais, va au-delà pour englober l’ensemble des opérations de mobilisation des créances: ainsi en est-il par exemple de l’escompte, bien qu’il entraîne un transfert de créance en propriété au profit de la banque. L’escompte est en effet l’opération par laquelle la banque achète une créance généralement à terme avec paiement immédiat et anticipé de son montant. Donc, a priori, le versement de fonds ne s’effectue pas au titre d’une avance de fonds mais au titre du transfert de la créance. Toutefois, le transfert de la créance est la contrepartie d’une avance c’est-à-dire l’instrument d’un crédit (15). L’ouverture de crédit c’est-à-dire la promesse de mettre des fonds à la disposition du bénéficiaire, est aussi une opération de banque. De même en est-il des engagements par signature tel le cautionnement en vertu duquel la caution s’oblige à payer un créancier en cas de défaillance du débiteur; il y a opération de crédit même si la caution n’avance pas de fonds, le débiteur n’ayant pas été défaillant, parce que la caution avance sa signature.

25 Crédit-bail. L’article L 313-1 alinéa 2 c. monét. fin. assimile aux opérations de crédit « le crédit-bail et de

manière générale toute opération de location assortie d’une option d’achat ». Il en résulte que l’opération de crédit-bail est une opération de banque susceptible d’être accomplie par les banques. La loi libanaise n° 160 du 27 décembre 1999 relative à la réglementation des opérations de crédit-bail limite formellement dans son article 13 l’exercice de telles opérations aux « sociétés de crédit-bail et aux sociétés financières ». L’alinéa 2 de l’article 13 de la loi 160/1999 précise que pour son application, ne sont pas considérées comme société de crédit-bail, et donc ne peuvent exercer ladite activité, les établissements ou sociétés commerciales exerçant l’activité de crédit-bail « de façon accessoire à son objet commercial principal », ce qui exclut les banques. Cette position du législateur libanais est regrettable. Les opérations de crédit-bail constituent par nature des opérations de crédit et doivent à ce titre être permises aux banques ( 16 ). D’ailleurs, cette idée de crédit est consacrée par l’article 1 de la loi 160/1999 ainsi rédigé: « Les opérations de crédit-bail doivent être comprises comme les opérations de location de toute sorte de biens d’équipements de matériel et de l’outillage, achetés au bailleur en vue de les louer en conservant la propriété, à condition d’accorder au locataire le droit d’en acquérir la propriété moyennant un prix convenu dont les modalités sont fixées au moment de la conclusion du contrat en prenant en considération, même partiellement, les versements effectués à titre de location ». Le crédit-bail est donc, une opération par laquelle une société de crédit-bail achète un bien d’équipement en vue de sa location laquelle est assortie d’une option d’achat au profit du locataire. Ainsi, lorsque le crédit-bailleur acquiert le bien, il fait une avance de fonds au locataire constitutive d’opération de crédit, constitutive à son tour, d’opération de banque.

26 Rémunération. Si la doctrine s’accorde sur le fait que la rémunération est de l’essence même de

l’engagement du banquier, en revanche, elle est divisée sur l’assiette d’une telle rémunération. Certains auteurs (17) estiment que la rémunération exclut tout intéressement à l’opération; qu’il faut se référer à l’opération de banque telle qu’elle est pratiquée par les établissements de crédit eux-mêmes à savoir moyennant la perception d’un intérêt ou d’une commission. Le cas échéant, l’opération ne doit pas être considérée comme à titre onéreux. D’autres auteurs (18) considèrent que la stipulation d’intérêts ou de commissions n’est pas nécessaire; que la rémunération n’est pas exclusive de tout intéressement à l’opération de crédit elle même; aussi avancent-ils qu’une avance rémunérée par une participation aux profits de l’activité du bénéficiaire serait une opération de banque.

27 Mise à disposition de fonds. L’opération de crédit entraîne à la charge du banquier l’obligation de mettre

les fonds à la disposition de celui qui demande de bénéficier d’un tel avantage. La mise à disposition peut

                                                            15 Cass. crim. 6 mai 1964, D. 1965, 468 note GAVALDA. 16 GAVALDA et STOUFFLET n° 34, 18 ; RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD n° 31, 29 ; BONNEAU n° 53, 36 . 17 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD n° 31, 29 ; BONNEAU n° 51, 34. 18 GAVALDA et STOUFFLET n° 33, 18.

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être immédiate (contrat de prêt d’argent), elle peut être future (ouverture de crédit, celle-ci n’étant consommée qu’à partir du moment où le client utilisera l’ouverture dont il bénéfice), elle peut être éventuelle c’est-à-dire n’intervenir qu’en cas de défaillance du client (cautionnement, aval, etc.). Sous-paragraphe 3 – Mise à disposition et gestion des moyens de paiement

28 Définition. L’article L 311-3 c. monét. fin. définit les moyens de paiement comme « tous les instruments

qui permettent à toute personne de transférer les fonds quel que soit, le support, le procédé technique utilisé ». Il en résulte que les moyens de paiement sont des instruments qui ont pour objectif final le transfert de fonds peu importe les moyens utilisés à cette fin. Les moyens de paiement peuvent revêtir la forme d’un support: chèque, virement, avis de prélèvement et de manière générale tout ce qui relève de la monnaie scripturale. Ils peuvent consister en un procédé technique, indépendamment de tout support et relevant alors de la télématique: transferts électroniques, cartes de paiement ou de crédit. A la mise à disposition, s’ajoute la gestion des moyens de paiement. Cette dernière notion vise l’organisation des transferts de fonds c’est-à-dire le règlement du paiement qui se traduit par le crédit d’un compte et le débit d’un autre compte ( 19 ). Il s’ensuit que cette notion comprend les opérations d’encaissement et de décaissement classiquement connue sous le nom d’opérations de caisse. SOUS-SECTION 2 – DIFFERENTES CATEGORIES DE BANQUE

29 Présentation. Il s’agit principalement des banques suivantes: banque du crédit agricole, industriel et

foncier (Paragraphe 1), banque nationale pour le développement industriel et touristique (Paragraphe 2), banque de l’Habitat (Paragraphe 3), banque nationale pour le développement agricole (Paragraphe 4), banque commerciale (Paragraphe 5), banques spécialisées et la banque islamique qui sera traitée dans le cadre de l’activité bancaire islamique sous le titre V. Paragraphe 1 – Banque du crédit agricole, industriel et foncier

30 Présentation. La banque du crédit agricole, industriel et foncier (BCAIF) a été créée en vertu de la loi du

16 juillet 1954. Il s’agit d’une banque « mixte » répartie entre l’Etat à raison de 40% et les particuliers à raison de 60% du capital; cette proportion restant toujours la même, en cas d’augmentation du capital, notamment. Si l’Etat a participé au capital de cette banque, c’est qu’il s’est rendu compte du rôle très important que joue l’activité bancaire dans tous les secteurs vitaux du pays. Cette banque a pour but « d’encourager, et de développer les projets agricoles et industriels, et les projets immobiliers pour le tourisme » (20). A cet effet, la banque peut consentir des crédits à court terme, à moyen et à long terme. En principe, le crédit à court terme ne peut aller au delà d’une année. Il est accordé en contrepartie de garanties réelles, d’une caution bancaire émanant d’une banque agréée, de certificats de dépôts de marchandises ou de warrant (21). Le crédit à moyen terme ne doit pas dépasser huit années. Il est accordé en vue d’effectuer les dépenses visant à améliorer et à développer les projets agricoles, industriels ou immobiliers. Le crédit à long terme accordé pour une durée maximale de seize années est destiné à développer les matières premières et de manière générale, à améliorer la condition agricole. En outre, ces prêts peuvent être consentis pour le développement de grande envergure des projets industriels et immobiliers. Le remboursement pouvant être différé et ne commencer qu’à l’expiration de la cinquième année à dater du crédit. Tous les crédits sont accordés suivant les cas en contrepartie de garanties personnelles (caution bancaire), réelles (hypothèques), ou même de certificats de dépôts de marchandises ou de warrant (pour les crédits à court terme). Si la banque constate que le client n’a pas utilisé le crédit ce à quoi il était destiné, il lui sera refusé, en principe tout autre crédit sauf certaines exceptions (22).

Au même titre qu’elle en donne, la BCAIF peut recevoir des crédits de toute banque opérant au Liban ou à l’étranger sans toutefois être en mesure de recevoir des dépôts au sens de l’article 121 c. monn. créd.

                                                            19 Cass. crim. 28 févr. 1998 RDBF n° 72, mars-avril 1999, 67 obs. CREDOT et GERARD. 20 Le décret-loi n° 24 du 30 juin 1977 énumère les divers projets immobiliers pouvant bénéficier des crédits de la BCAIF. Il s’agit

limitativement des projets de construction et rénovation des hôtels et divers boîtes de nuit, projets touristiques, projets d’habitation et de construction de maison individuelle, construction des hôpitaux et écoles techniques.

21 Art. 8. 22 Art. 12 du règlement.

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Echappent à cette prohibition, les dépôts relatifs à la réhabilitation des terrains exécutée par le « Bureau exécutif du plan vert » (23).

31 Contrôle. La participation de l’Etat au capital de la banque lui permet d’en contrôler la gestion. Ce contrôle

s’exerce à travers les quatre membres siégeant au conseil d’administration de la banque représentant la participation de l’Etat au capital et nommés par le conseil des ministres (24) et, à travers le commissaire du gouvernement nommé auprès de la BCAIF par le conseil des ministres ( 25 ). Le commissaire du gouvernement veille à la stricte application et respect par le conseil d’administration des différents textes et lois en vigueur. Paragraphe 2 - Banque nationale pour le développement industriel et touristique

32 Présentation. L’objectif de la banque nationale pour le développement industriel et touristique (BNDIT)

est de développer les secteurs industriel et touristique, artisanal, et hospitalier. A cet effet, elle participe à leurs créations, équipements et exploitations. Elle encourage l’investissement des capitaux nationaux et étrangers nécessaires à ce développement dans le cadre de la politique économique de l’Etat et de ses plans de développement (26).

33 Capital et participations. Le capital de la banque est fixé à trente milliards de livres libanaises (27). L’Etat

qui pouvait souscrire jusqu’à 51% du capital ne peut plus y participer que jusqu’à concurrence de 20% (28). Le montant de sa participation est fixé dans le budget annuel de l’Etat. Les établissements publics peuvent également y souscrire. Une telle souscription est doublement limitée: d’une part, les conditions d’une telle souscription sont fixées par décret pris en conseil des ministres; d’autre part, la souscription se réalise dans la limite de la part de participation de l’Etat. En outre, excepté l’Etat et ses établissements publics, un même actionnaire ne peut souscrire à lui seul à plus de 10% du capital de la banque, étant entendu que l’époux de l’actionnaire et ses descendants mineurs sont réputés une même personne. Toute convention contraire est réputée nulle de nullité absolue et inexistante même entre les parties contractantes (29). Les personnes autorisées à souscrire au capital de ladite banque sont limitativement énumérées. Il s’agit de l’Etat libanais, de toute personne morale, publique ou privée, de tous les établissements bancaires et financiers opérant au Liban ou à l’étranger (30).

34 Opérations. La banque peut effectuer toutes les opérations nécessaires pour l’accomplissement de son

objet social. Elle peut se porter caution, participer à l’émission et à la négociation des effets des sociétés et rendre tout service financier, technique et administratif (art. 2). Elle peut gérer des portefeuilles (31). La banque peut prendre des participations dans le capital des sociétés anonymes et des sociétés à responsabilité limitée: si elle le fait pour son propre compte, sa participation ne peut excéder 25% du capital de chaque société; si elle le fait pour le compte d’autrui, sa participation n’est plus limitée. La banque peut accorder toutes sortes de crédit. Ainsi, elle peut accorder des crédits à moyen et long terme au même titre que les banques spécialisées dans la double limite suivante: le crédit accordé à une même personne physique ou morale ne peut excéder 5% de la totalité du capital social (32). Les crédits ne peuvent être accordés qu’aux établissements privés et les sociétés d’économie mixte, travaillant dans les secteurs industriel, touristique et dans le secteur tertiaire et ce, dans la mesure où elles sont nécessaires pour le développement de l’industrie et du tourisme (33). L’article 8 tel que modifié par la loi n° 385/1994 reconnaît explicitement à la banque le droit de recevoir les dépôts en « toutes devises et quels que soient ses termes ». La généralité des termes de cet article laisse sous-entendre que la banque peut recevoir les dépôts au sens de l’article 121 c. monn. créd.

                                                            23 Art. 3 du DL. 46 du 5 août 1967, JO n° 64 du 10 août 1967. 24 Art. 6 L. 16 juin 1954. 25 Art. 6 bis de la loi. 26  La BNDIT a été créée en vertu du décret-loi n° 2351 du 10 décembre 1971 suite au décret-loi n° 1695 du 26 août 1971 revêtu du

caractère d’urgence. Ce décret-loi fut modifié, tour à tour, par le décret-loi n° 4 du 15 janvier 1977, la loi n° 22 du 30 octobre 1990 et enfin par la loi n° 385 du 4 novembre 1994. 

27 Art. 4. L n° 385/1994. 28 Art. 6 loi 385/1994. 29 Art. 7. 30 Art. 5. 31 Art. 27 modifié du règlement de la BNDIT. 32 Art. 1-2 tel que modifié par la loi 385/1994. 33 Art. 3.

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Enfin, la banque peut émettre des titres obligataires en toutes devises qui, le cas échéant, peuvent être garanties par l’Etat jusqu’à concurrence de trois cents milliards de livres libanaises (34).

35 Contrôle. La réduction de la participation de l’Etat s’est accompagnée d’une réduction de son intervention.

Sous l’empire de l’ancien décret-loi n° 2351 du 10 décembre 1971, l’Etat nommait le président-directeur-général du conseil d’administration par décret pris en conseil des ministres (35). Depuis l’abrogation de l’article 9-b en vertu de la loi 385/1994, le président-directeur-général est élu par le conseil d’administration. L’influence de l’Etat sur le conseil d’administration est désormais quasi-absente puisque sur les dix membres constituant le conseil, deux seulement, nommés par décret, représentent l’Etat; les autres représentent le secteur privé et sont élus par l’assemblée générale des actionnaires. Le désengagement volontaire de l’Etat est tel que ces représentants ne peuvent même pas participer à l’élection de leurs pairs. C’est là un indice significatif de la volonté libéralisée de l’Etat. Cependant, l’Etat garde un certain contrôle à travers le commissaire du gouvernement désigné par le ministre des finances auprès de la banque. Le commissaire du gouvernement assiste aux délibérations du conseil d’administration, participe aux réunions de l’assemblée générale mais ne dispose d’aucun droit de vote. Sa mission consiste à préserver les intérêts financiers de l’Etat, et à s’assurer de la conformité des décisions tant par rapport aux lois en vigueur que par rapport aux règles comptables (36). De même, un commissaire de surveillance est nommé par le ministre des finances (37). Celui-ci a le droit d’assister et de participer aux réunions du conseil d’administration ainsi qu’à celles de l’assemblée générale sans toutefois disposer du droit de vote. Le commissaire de surveillance veille également sur les intérêts financiers de l’Etat et à la conformité des différentes décisions à la loi et aux règles comptables. Il informe le conseil d’administration des positions de l’Etat sur les différentes questions mises à l’ordre du jour.

36 Exemptions. Initialement exemptée pour dix ans de tout impôt sur le revenu, sur les bénéfices et sur les

intérêts, la banque a bénéficié d’une même exemption, rétroactive, prenant effet à la date d’expiration de l’exemption décennale sus-mentionnée et venant à terme à la fin de l’année 2000 (38). De même, la banque est exemptée de l’impôt résultant de la réévaluation de ses biens immeubles. Egalement, toutes les garanties réelles contractées au profit de la banque sont exemptées de toute taxe de toute nature normalement exigée pour contracter la garantie ou pour la lever.

37 Secret bancaire. L’article 72 tel que modifié par le décret-loi n° 8658 du 21 août 1974 soumet à la loi du 3

septembre 1956 relative au secret bancaire, toute personne travaillant ou ayant travaillé à la BNDIT en quelque qualité soit-elle: membres du conseil d’administration, commissaire au gouvernement, commissaire de surveillance, fonctionnaire, employé, ou conseiller. Cette obligation légale survit à la fin des relations contractuelles avec la banque. Paragraphe 3 - Banque de l’Habitat

38 Présentation. La banque de l’Habitat (39

) a pour finalité de financer les projets d’habitation (40). Ce faisant, elle participe à la réalisation de la politique étatique de l’habitat (41). La banque peut recevoir des dépôts en toutes devises, quels que soient leurs termes. Elle peut accorder des prêts ou des crédits notamment aux personnes à petit ou moyen revenu dans le dessein exclusif d’acheter, de construire, de rénover, de compléter, d’agrandir, ou d’améliorer leurs propres habitations. Elle peut financer les coopératives d’habitation. Cependant, le terme de ces prêts et crédits ne peut être inférieur à deux ans (42). La banque peut gérer les biens publics et privés dans la mesure où la gestion est destinée à financer les opérations de prêt-logement. Elle peut se porter caution et assurer divers services techniques ou financiers notamment

                                                            34 Art. 5 modifié. 35 Anc. art 9-b. 36 Art. 10. 37 Art. 49 du règlement de la banque tel que agréé en vertu du décret-loi n° 4729 du 10 janv. 1973, JO n° 8 du 25 janv. 1973. 38 Art. 14-a tel que modifié par la loi 385/1994 du 4 nov. 1994. 39 La banque de l’Habitat est réglementée en vertu du decret-loi n° 14 du 15 janvier 1977 tel que modifié par la loi n° 283 du 30 décembre

1993 et en vertu des décret loi n° 93 du 12 avril 1977 portant approbation du règlement relatif à la banque de l’Habitat en vertu du décret n° 5738 du 3 octobre 1994. 

40 Art. 1. 41 Art. 2 modifié. 42 Art. 23 modifié du règlement.

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l’émission de titres, obligations en toutes devises, pouvant être garantis par l’Etat jusqu’à concurrence de trois cents milliards de livres libanaises (43).

39 Capital et participations. Le capital de la banque est fixé à cinquante milliards versé auprès de la BDL.

L’Etat et le cas échéant les divers établissements publics autorisés, y participent à concurrence de 20% uniquement. Le capital restant est souscrit par le secteur privé c’est-à-dire par toute personne physique ou morale, libanaise ou étrangère arabe - à l’exclusion des étrangers non arabes - les banques, les sociétés foncières, les compagnies d’assurances etc. dans la limite de 10% du capital de la banque pour chaque personne. Toute clause contraire étant nulle de nullité absolue et réputée non écrite même entre les parties contractantes (44).

40 Exemptions. L’article 11 du décret-loi n° 14 du 15 janvier 1977 a fait bénéficier la banque de l’Habitat de

différentes exemptions fiscales encourageant son activité. En raison de la guerre, l’exemption a été reconduite jusqu’à la fin de l’année 2000. Constatant que le problème du logement social au Liban, ainsi que la capacité de le financer atteignait un degré de difficulté tel que la banque de l’Habitat et la Caisse de l’Habitat ne pouvaient à elles seules procurer les finances nécessaires à sa solution et qu’il fallait, par conséquent, encourager les banques opérant au Liban à participer à la gestion de cette difficulté par l’octroi de crédits-logements, le législateur a décidé de faire bénéficier les banques privées des mêmes privilèges et exemptions (45). Pour ces raisons, le législateur a promulgué la loi n° 543 du 24 juillet 1996 (46) exemptant les banques commerciales du paiement de certaines taxes relatives aux prêts-logement. Ainsi en est-il des prêts destinés à acheter, construire, rénover, compléter, agrandir ou améliorer les logements, ainsi qu’à financer les coopératives d’habitation. Le texte prévoit pour l’application de l’exemption deux conditions: la valeur d’un même logement ne doit pas dépasser l’équivalent de cent-vingt mille dollars américains et le délai de remboursement ne doit pas être inférieur à sept années (47). L’exemption instituée par la loi n° 543 englobe le droit de timbre ordinairement exigible à la conclusion du contrat de prêt et la taxe normalement perçue sur les garanties réelles.

41 Contrôle. L’intervention de l’Etat s’est considérablement atténuée à bien des égards: sur les douze membres qui composent le conseil d’administration, cinq représentaient l’Etat et la caisse nationale pour l’assurance sociale alors qu’actuellement, sur les dix membres du conseil, deux seulement représentent l’Etat et huit membres représentent le secteur privé et sont, à ce titre, élus par les seuls actionnaires du secteur privé. De même, le président du conseil d’administration n’est plus nommé par décret ministériel pris en conseil des ministres, il est désormais élu par les différents membres libanais du conseil d’administration. Cependant, l’Etat conserve un certain contrôle indirect à travers le commissaire du gouvernement nommé en conseil des ministres qui assiste et participe aux réunions tant du conseil d’administration que des assemblées générales, sans toutefois disposer du droit de vote. Le commissaire du gouvernement rédige un rapport bi-annuel sur les différentes activités de la banque qu’il remet au ministre chargé du logement et des coopératives avec ses diverses observations et propositions.

42 Secret bancaire. Les personnes travaillant à la banque de l’Habitat sont tenues au secret bancaire de la loi

du 3 septembre 1956. Cette obligation survit à l’expiration de leurs relations contractuelles avec la banque (48). Paragraphe 4 - Banque nationale pour le développement agricole

43 Présentation. Créée par le décret-loi n° 66 du 25 juin 1977, et modifié par le décret-loi n°35/1985, la

banque nationale pour le développement agricole (BNDA) fait l’objet d’un règlement interne en vertu du décret n°1162 en date du 8 avril 1978. La banque a pour but de financer les projets agricoles et d’aider les agriculteurs (49). La banque reçoit des dépôts à terme d’une année au moins. Elle ouvre des comptes d’épargne, accorde des crédits à court, moyen ou long terme. Elle peut céder ses créances aux différents établissements financiers et bancaires, se porter caution, assurer divers services techniques et                                                             43 Art. 9 modifié. 44 Art. 4 modifié de la loi relative à la banque de l’Habitat et art. 8 modifié du règlement. 45 V. Exposé des motifs de la loi n° 543 du 24 juill. 1996. 46 JO n° 33 du 29 juill. 1996. 47 Art 2. L n° 543/1996 48 Art. 75 du règlement. 49 Art. 2 D/L n° 66/77 et art. 4 D/L n° 1162/78.

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financiers notamment, émettre des titres garanties par l’Etat jusqu’à concurrence de trois cents millions de livres (50), et gérer les biens publics ou privés destinés à la réalisation des projets agricoles et de tout projet complémentaire. La banque peut gérer les exploitations de différents secteurs utiles à l’agriculture.

44 Capital et participations. L’Etat participe au capital de la BNDA à concurrence de la moitié du capital au

minimum. Le reste du capital peut être souscrit par les établissements publics libanais installés au Liban ou à l’étranger, par les banques de développement, les établissements internationaux, les personnes morales travaillant directement ou indirectement dans le secteur agricole au Liban ou à l’étranger et par les personnes physiques libanaises (51). Si la souscription est insuffisante, l’Etat doit souscrire pour le reste, et s’il réunit entre ses seules mains la totalité du capital, la banque continue néanmoins d’exister (52).

45 Exemptions. La banque est exemptée de payer le droit de timbre normalement imposable aux actions ou

titres qu’elle émet. En outre, l’exemption touche les titres signés à son profit, les contrats qu’elle effectue, les intérêts, les dépôts et les garanties réelles contractées à son profit tant pour les réaliser que pour les lever (53).

46 Contrôle. L’importance et la fragilité du secteur agricole justifient que l’Etat conserve une grande

participation dans cette banque et pratique une politique presque dirigiste. Ce contrôle est exercé de différentes manières: sur les huit membres constituant le conseil d’administration, l’Etat dispose de quatre représentants nommés en conseil des ministres; le président du conseil d’administration est nommé en conseil des ministres. De même, l’Etat nomme un commissaire au gouvernement délégué auprès de la BNDA chargé de veiller au strict respect des lois en vigueur (54). La comptabilité de la banque est à son tour contrôlée par le commissaire de surveillance (55) nommé en conseil des ministres. Paragraphe 5 - Banque commerciale

47 Agrément. La banque commerciale est l’établissement habilité à effectuer des opérations de banque

conformément au code de la monnaie et du crédit et au code de commerce libanais (56). La constitution d’une banque commerciale est précédée de l’agrément du conseil central de la BDL (57). S’agissant de la banque étrangère, la demande d’agrément sera signée par une personne qualifiée et dûment mandatée par la banque étrangère suivant les statuts de cette dernière du pays d’origine. Le Conseil central accorde ou refuse l’agrément au vu de l’intérêt général. Celui-ci est apprécié en fonction des critères et conditions posés par l’arrêté intermédiaire n° 8946/2005. Ainsi la constitution de la banque doit avoir une utilité économique (58). En outre, les fondateurs doivent prouver leur compétence morale et matérielle, celle des souscripteurs au capital social, et celle de toute personne en charge d’une mission administrative; et plus particulièrement, ils doivent prouver l’absence de tout jugement à leur encontre, pénal ou civil, au Liban ou à l’étranger, résultant d’un fait criminel, vol, abus de confiance, escroquerie, blanchiment d’argent ou faillite. A ce propos, le Conseil central de la BDL pourra s’opposer à l’élection de tout président ou membre au conseil d’administration des banques libanaises, et pourra s’opposer également à la continuation du mandat de toute personne qui ne satisfait pas aux conditions de compétence susmentionnées. Le Conseil central dispose à cet effet d’un pouvoir discrétionnaire (59).

En cas d’agrément, la décision émise par le gouverneur mentionne les noms des personnes physiques ou morales devant participer à la souscription et à la libération des actions de la banque ainsi que le taux de participation de chacune d'elles. Cette autorisation n’est pas cessible sauf approbation expresse du conseil

                                                            50 Art. 8 L 6619/77. 51 Art. 8 du règlement n° 1162/78. 52 Art. 4 DL n° 66/1977. 53 Art. 1 DL n° 66/1977. 54 Art. 6 DL n° 66/77. 55 Art. 7 DL n° 66/77. 56  La constitution et l’exercice de l’activité bancaire au Liban sont régis par l’arrêté n° 7739 du 21 déc. 2000 relatif aux conditions de

constitution des banques au Liban tel que modifié par les arrêtés n° 8946 du 8 janv. 2005 et 9934 du 23 juin 2008. 57  Il en est de même de l’ouverture et/ou de la fermeture d’une agence bancaire libanaise ou étrangère, soumises aux arrêtés n° 7147 du 5

novembre 1998 et n° 7632 du 27 juillet 2000. 58 A cet effet, les fondateurs doivent présenter une étude des résultats prévisibles sur les trois premières années (gains et pertes prévisibles –

balance prévisible – flux monétaire prévisible). 59 Art. 2 de l’arrêté 8946/2005 et par renvoi art. 7 de la loi n° 308 du 3/4/2001 relative à l’émission et négociation des actions des banques et

à l’émission des titres de créance et acquisition des biens-fonds par les banques

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central (60). La décision d’agrément fixe la somme qui doit être bloquée pour le compte du Trésor libanais. Celle-ci sera en principe restituée à la banque à la liquidation de ses activités sans intérêts. Ce montant sera considéré comme un élément des actifs immobilisés. La décision d’agrément fixe la date limite, pour achever les formalités de constitution; celle-ci est de six mois à dater de la réception de l’agrément ou de sa publication au journal officiel faute de quoi l’agrément est annulé d'office. Le conseil central peut valablement refuser l’octroi de l’agrément même si les conditions requises sont réunies. Sa décision n’est susceptible d’aucun recours.

48 Capital. Le capital du siège principal de la banque est de dix milliards de livres libanaises et celui de

l’agence de cinq cent millions (61). Il est entièrement versé en numéraire auprès de la BDL. Toutefois, il est possible, après autorisation de la BDL de libérer la moitié du capital par apport de biens-fonds nécessaires à l’activité de la banque. Le capital ne peut être réduit ou restitué même en partie. La banque doit prouver à tout moment que ses actifs sont supérieurs au passif d'un montant au moins égal à celui du capital. Elle doit reconstituer son capital en cas de perte en un délai maximal d'une année, renouvelable pour un délai maximal d'une année, à condition de présenter des sécurités suffisantes prouvant sa capacité de reconstituer le capital en ce nouveau délai.

49 Actions. La banque est créée sous forme de société anonyme libanaise ou par actions en vertu de l'article

126 c. monn. créd. Néanmoins, cette condition de forme ne s’applique pas aux succursales des banques étrangères exerçant au Liban à condition qu’elles soient juridiquement considérées comme des banques dans leur pays d’origine (art. 126-2 c. monn. créd.). Ainsi, la capacité de la succursale à exercer l’activité bancaire au Liban sera appréciée conformément aux principes des droits international et interne (art. 34 et 35 nov. c. proc. civ.) au regard de la loi personnelle de la banque (62). Toutes les actions de la banque doivent être nominatives. La souscription au capital et le versement du prix de la totalité des actions de la banque ont lieu en numéraire dans le délai fixé par la décision d’agrément, dans un compte bloqué ouvert auprès de la BDL au nom de « la banque en constitution », sans intérêts, frais ou commissions. La BDL peut accepter ledit versement, en totalité ou en partie, par transfert en devises à son compte auprès de l'un de ses correspondants à l’étranger; elle effectuera la conversion en livres libanaises du montant transféré pour exécution de la libération. La BDL ouvre le compte destiné à la libération du capital après réception d'une copie notariée du projet des statuts de la banque homologués par le conseil central. Suivant accord du conseil central de la BDL, une partie du capital, ne pouvant dépasser la moitié de son montant, peut être libérée par apport de biens-fonds nécessaires à l’activité de la banque.

50 Enregistrement. Après son inscription au registre de commerce, la banque est enregistrée sur la liste des

banques publiée par la BDL suite à une requête présentée par le président du conseil d'administration ou par son suppléant. Pour les banques étrangères, un enregistrement complémentaire doit avoir lieu auprès du ministère de l’économie et du commerce.

51 Interdictions. II est interdit à la banque d'exercer le commerce, l’industrie ou toute autre activité étrangère

à la profession bancaire. Néanmoins, elle peut participer dans des entreprises industrielles, commerciales, agricoles mais uniquement dans les limites de ses fonds propres. La banque commerciale peut effectuer toutes opérations de banques (ouverture des comptes, prêts et crédits, émission de garanties, émission et négociation des actions de banque et émission de titres d’obligations, opérations fiduciaires, gestion de fonds, etc.). Elle peut, sans préjudice aux dispositions de l’article 153 c. monn. et créd. créer ou participer à la création de sociétés spécialisées dans la gestion de fonds (63). En outre, elle peut sous certaines conditions effectuer des opérations avec les secteurs non résidents (64). En revanche, la banque commerciale ne peut pas exercer l’intermédiation financière au parquet de la bourse de Beyrouth ni effectuer pour leur propre compte des opérations sur les instruments financiers dérivés sauf afin d’hedgin (65).

52 Bureau de représentation. L’ouverture des bureaux de représentation de banques libanaises à l’étranger est régie par l’arrêté n° 7218 de 4 février 1999 et celle des bureaux de représentation de banques étrangères                                                             60 SAFA, Organisation bancaire au Liban, EP Orient 1973, vol 17, 303. 61 Arrêté n° 9934/2008. 62 CE lib. 18 oct. 1983, Al Adl 1984, 168. 63 Arrêté n° 8684 du 3 avr. 2004. 64 Arrêté n° 8784 du 14 juill. 2004. 65 Arrêté n° 8785 du 14 juill. 2004.

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au Liban par l’arrêté n° 7271 du 15 avril 1999. Celle-ci comme celle là sont soumises à l’agrément de la BDL. L’activité du bureau de représentation se limite à établir au profit du siège principal de la banque toutes sortes de contact avec les tiers, notamment les banques, établissements financiers, sociétés, établissements publics et privés etc. afin de recueillir toutes informations utiles, procéder à toutes études sur le pays et les investissements qui s’y effectuent. Le bureau de représentation ne peut engager la banque. De même, il lui est absolument interdit d’accomplir toute opération bancaire ou commerciale, notamment, ouvrir des comptes, accorder des crédits, consentir des délais de remboursement des dettes, recevoir des dépôts au nom et pour le compte de la banque ou d’une autre société qui lui est rattachée, procéder à des escomptes, virements, retraits, signer les contrats, engagements ou autres obligations au lieu et place de la banque.

53 Obligations des bureaux de représentation. Les bureaux de représentation doivent informer la BDL de

tout changement survenu à la banque qu’ils représentent et à la personne chargée de les diriger. De même, ils doivent communiquer à la BDL et à la Commission de contrôle des banques des rapports relatifs à leur activité et l’aviser de toute modification le concernant ou concernant la banque qu’il représente. Les bureaux de représentation des banques étrangères doivent être enregistrés auprès du ministère de l’économie et du commerce. Paragraphe 6 - Banques spécialisées

54 Présentation. Les banques spécialisées ont pour finalité de réaliser des investissements à moyen et long

terme que les banques commerciales ordinaires ne peuvent effectuer de par la loi ou en raison de leurs ressources, qui sont à court terme généralement, et ne peuvent donc être remployés à moyen et long terme (66).

55 Agrément. La constitution de la banque spécialisée doit faire l’objet d’un agrément préalable du Conseil

central de la BDL. Il en est de même de toute modification ultérieure de ses statuts. Le Conseil central de la BDL se prononce eu égard à l’intérêt général et sous réserve des critères évoqués pour la banque commerciale. En principe, l’agrément est personnel et ne peut être cédé sauf autorisation du Conseil central de la BDL. La décision d’agrément fixe la somme devant être bloquée pour le compte du Trésor libanais. Cette somme sera restituée à la banque à la liquidation de ses activités sans intérêt. La décision d’agrément fixe la date limite pour achever les formalités de constitution, faute de quoi, l’agrément est annulé d'office.

56 Capital. Le capital minimal de la banque spécialisée libanaise ou étrangère est fixé à trente milliards de

livres libanaises (67), une part à prélever sur le capital devant être bloquée pour le compte du Trésor libanais et qui ne lui sera restituée sans intérêts qu'à la liquidation de ses activités. Le capital de la banque est libéré entièrement en numéraire auprès de la BDL. Le capital ne peut être réduit ou restitué même en partie. La banque doit prouver à tout moment que ses actifs sont réellement supérieurs aux passifs dont elle est redevable aux tiers d'un montant au moins égal à celui du capital. La banque n'est pas soumise à l’obligation de constituer des réserves légales. La souscription au capital et le versement du montant la totalité des actions de la banque ont lieu en numéraire dans le délai fixé dans l’agrément. Le versement s’opère dans un compte bloqué ouvert auprès de la BDL au nom de "la banque en constitution", sans intérêts, frais ou commissions. La BDL peut accepter ledit versement, en totalité ou en partie, par transfert en devises à son compte auprès de l'un de ses correspondants à l’étranger. Le conseil central peut libérer jusqu’à la moitié du capital par apport de biens-fonds nécessaires aux investissements de la banque.

57 Enregistrement. Après constitution de la banque, celle-ci sera enregistrée au greffe du tribunal de première instance et sur la liste des banques publiée par la BDL suite à une requête présentée par le président du conseil d'administration ou par son suppléant.

58 Opérations. Les banques spécialisées effectuent des opérations de crédit à moyen et long terme, des

placements directs, des participations, des opérations de vente et d'achat de titres financiers pour leur compte ou celui des tiers etc. Elles peuvent émettre des garanties à moyen et long terme contre des sûretés suffisantes et des garanties à court terme afférentes à des opérations à moyen et long terme. En outre, elles

                                                            66 DL n°50 du 15 juill. 1983 et arrêté n°6101 du 8 févr. 1996. 67  Art.1 § 2 arrêté 7739 du 21 déc. 2000. 

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peuvent faire de l’intermédiation financière auprès du parquet de la bourse de Beyrouth et différents services financiers (fiducie, gestion d’OPCVM, etc). Egalement, elles reçoivent des dépôts à terme de six mois (68).

59 Exemptions. La banque spécialisée est exemptée de l’impôt sur le bénéfice des professions commerciales

durant les sept premiers exercices financiers (69). Cet impôt sera exigible à partir du huitième exercice financier et un montant équivalent à 4% du capital sera considéré comme charge déductible (70). Si le résultat financier d'un exercice quelconque se traduit par une perte, celle-ci ne peut être reportée à l’exercice suivant. De même, la banque est exemptée des droits de timbre sur les contrats d’émission des certificats de dépôt signés entre la banque et les déposants, les certificats de dépôts émis, les contrats d'emprunts de la banque et les obligations émises. En outre, elle est exemptée de l’impôt sur les capitaux mobiliers, sur les intérêts des obligations et des autres emprunts conclus par la banque spécialisée (71).

60 Privilèges. Sans préjudice de toutes dispositions, présentes ou à venir, plus favorables aux créanciers gagistes (art. 120 c. monn. créd.), la banque spécialisée bénéficie d’avantages particuliers relatifs à l’exécution des gages sur les crédits accordés. Ainsi, selon l’article 120 c. monn. créd. auquel renvoie l’article 14-4 du décret loi n°50/1983, si une créance due est impayée, la banque peut, en dépit de toute opposition et passé un délai de quinze jours suivant notification au débiteur du préavis notarié, procéder à la vente du gage en exécution des créances dues en capital, intérêts et frais. Ces mesures n’empêchent pas les autres voies de recours de contre le débiteur, ses garants ou ses co-responsables. Le président du tribunal de première instance ordonne la vente sur simple requête de la banque, sans qu'il soit nécessaire de convoquer le débiteur. La banque récupère sa créance du produit de la vente directement, sans aucune autre formalité. Néanmoins, afin de pouvoir bénéficier de cette procédure, la banque doit obtenir l'accord de l'emprunteur préalablement ou au moment de la conclusion du contrat de crédit. SECTION 2 - ETABLISSEMENTS VOISINS Il convient de distinguer les banques d’autres établissements complémentaires. Certains sont soumis à la loi bancaire (Sous-section 1) d’autres ne le sont pas (Sous-section 2). SOUS-SECTION 1 - ETABLISSEMENTS SOUMIS A LA LOI BANCAIRE

Ces établissements sont: l’institut national pour la garantie des dépôts bancaires (Paragraphe 1), les

établissements financiers (Paragraphe 2), les intermédiaires financiers (Paragraphe 3), les intermédiaires boursiers (Paragraphe 4), les sociétés de crédit-bail (Paragraphe 5), les établissements de change (Paragraphe 6), et les organismes de placement commun (Paragraphe 7).

Paragraphe 1 - Institut national pour la garantie des dépôts bancaires

61 Présentation. L’institut national pour la garantie des dépôts bancaires (INGD) est régi par la loi modifié n°

28/67 du 9 mai 1967 (72). Né du souci de consolider le secteur bancaire, l’INGD a pour mission de garantir les comptes des dépôts en livres libanaises ouverts auprès des banques opérant au Liban, quelle que soit la nature de ces dépôts et leur terme, à l’exclusion des comptes détenus par les présidents et les membres des conseils d’administration des banques, les directeurs et les commissaires aux comptes ainsi que les épouses, les ascendants et les descendants des personnes susmentionnées auprès de la banque à laquelle elles sont rattachées (73). En outre, la loi n° 628 du 20 novembre 2004 (74) a confié à l’INGD la mission de continuer les opérations de liquidation des banques sous mainmise conformément à la loi 2/67 du 16 janvier 1967. L’INGD, accomplit ces opérations à titre gratuit (75). A cet effet, il pourra désigner un avocat (76) ou se faire

                                                            68  V. arrêté 6101 du 8 févr. 1996 tel que modifié par l’arrêté interm. n° 10987 du 30 avr. 2012. 

69 Art. 14 DL 50/193 tel que modifié par le DL n° 85 du 16 sept. 1983. 70 Art. 14-2 DL n° 85/1983. 71 Art. 14-6 et 7 DL n° 85/1983. 72 JO n° 37 du 8 mai 1967. 73 Art. 14 modifié. Jugé, que l’exclusion n’atteint pas les créances du frère du dirigeant: Cass. civ. lib. 10 juin 1971, Rec. Hatem fasc. 128,

50; Rec. Chamsédine, Droit commercial 1985, 192. 74 JO n° 62 du 25 nov. 2004, 10944. 75 Art. 6 L 628/2004. 76 Beyrouth 9e ch., 11 mars 2010, Cassandre 2010/3, 633.

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aider par des experts après autorisation du tribunal supervisant la liquidation, lesquels seront rémunérés au détriment de la liquidation (77).

62 Capital. L’Etat participe au capital de l’INGD. Sa participation est égale à l’ensemble des primes dues par

toutes les autres banques, lesquelles, sont d’office, et seules, admises à y être actionnaires (78). Le montant de la prime due par les banques est unilatéralement fixée par le Conseil central de la BDL (79) qui peut la modifier à son gré. Sa décision en la matière est définitive et immédiatement exécutoire (80). En outre, le versement des participations des banques constituent une dette pour l’INGD, greffée d’un privilège spécial en vertu de l’article 976 c. oblig. c. (81) et de l’article 44 de la loi sur les associations mutuelles (82).

63 Gestion. La gestion de l’INGD est assurée par un conseil d’administration composé de sept membres:

quatre membres représentant les banques sont élus par l’assemblée générale des actionnaires conformément au code de commerce et trois membres représentant l’Etat sont nommés par décret pris en conseil des ministres (83). De même, un commissaire du gouvernement est nommé par décret parmi les fonctionnaires de deuxième catégorie dont la principale tâche est de préserver les intérêts de l’Etat.

64 Réalisation de la garantie. La garantie de l’INGD s’étend jusqu’à concurrence de cinq millions de livres

libanaises en capital et intérêts par déposant quel que soit le montant total de ses comptes ouverts auprès de n’importe quelle banque. En cas de cessation des paiements d’une banque, l’INGD rembourse les montants assurés en vertu de la présente loi et se substitue aux déposants dans tous leurs droits (art. 18). L’INGD est une société d’assurance sui généris obligé à ce titre de payer les montants garantis (84). Néanmoins, l’INGD ne garantit et ne se substitue qu’aux déposants à l’exclusion des créanciers non déposants (85). La substitution de l’INGD aux déposants est une substitution d’origine légale à laquelle on ne peut substituer une origine conventionnelle quelle que soit sa nature (86). Cette substitution n’est pas automatique car elle priverait alors les déposants de cette qualité. Elle ne joue qu’après l’obtention des créanciers déposants et des créanciers non déposants de la totalité de leur droit telle qu’elle résulte de l’opération de distribution opérée par le comité de liquidation (87).

65 Opérations. Les fonds de l'INGD sont déposés à la BDL dans un compte spécial non productif d’intérêts.

L'INGD pourra investir une partie de ses fonds dans les bons du Trésor libanais dans des titres garantis par l’Etat ou dans des placements fonciers (art. 15 modifié). L’INGD peut, sous certaines conditions participer jusqu’à concurrence de vingt-cinq milliards de livres libanaises dans le capital de toute société anonyme libanaise ayant pour objet principal d’assurer les risques de tout prêt industriel, agricole, touristique, artisanal ou relatif à une technique spécialisée susceptible d’être accordée aux petites et moyennes entreprises ou sociétés libanaises, constituées ou en voie de constitution. (88).

66 Exemptions. L’article 20 de la loi n° 28/67 fait bénéficier l’INGD des exemptions prévues au Titre II,

section 10 du code de la monnaie et du crédit. Ainsi, l’INGD est exempté de tous impôts, taxes et droits quelconques, institués ou pouvant être institués au profit de l’Etat, des municipalités ou de tout autre organisme (89). De même, en vertu de l’article 119§1 c. monn. créd. l’INGD est dispensé, dans les procédures judiciaires de fournir caution ou avance dans tous les cas où la loi prévoit cette obligation à la charge des parties (90).

67 Privilèges. L’INGD a un droit de gage général sur les avoirs et autres valeurs qu'il détient, à un titre

quelconque au nom ou pour le compte de ses débiteurs (art. 119-2 c. monn. créd.). Sans préjudice de toutes

                                                            77 Art. 4 L 628/2004. 78 Art. 12. 79 Art. 15 modifié L 28/1967. 80 Beyrouth 15 juill. 1999, Al Adl 1999, 432 ; Rec. Zein, vol. 10, n° 42, 310. 81 Art. 976 c. oblig. c.: « L’assureur a pour la créance de la prime un privilège sur la chose assurée… il prend rang immédiatement après le

privilège des frais de justice… ». 82 Beyrouth 15 juill. 1999, préc. 83 Art. 13. 84 Trib. banc. spéc. 20 juin 1995 note GHSOUB, Al Adl 1995, 286. 85 Trib. banc. spéc. 20 juin 1995, Al Adl 1995, 286. 86 Beyrouth 30 oct. 1995, Al Adl 1995, 239. 87 Trib. banc. spéc. 20 juin 1995, préc. 88 Loi n° 24 du 23 févr. 1999, JO n° 10 du 1er mars 1999. 89 Art. 118 c. monn. créd. 90 Cass. civ. lib. 29 mai 1997, Rev. jud. lib. 1997, 764 ; Rec. civ. Sader 1997, 178 ; Beyrouth 30 oct. 1995, Al Adl 1995, 239.

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dispositions, présentes ou à venir, plus favorables aux créanciers gagistes, l’INGD bénéficie des mêmes privilèges que la BDL. A ce propos, il est habilité à réaliser le gage garantissant ses créances selon la même procédure simplifiée prévue pour les banques spécialisées avec la différence qu’en cas de liquidation d’une banque, l’INGD est exempté de l’obligation prévue au dernier paragraphe de l’article 120 c. monn. créd. (art. 20) c’est-à-dire que pour réaliser le gage garantissant ses créances, l’INGD n’est pas tenue de produire l’acceptation écrite de l’emprunteur sur ce mode d’exécution du gage avant ou au moment de la conclusion du prêt. Paragraphe 2 - Etablissements financiers

L’activité des établissements financiers est évoquée aux articles 178 à 182 c. monn. créd. Elle est réglementée par l’arrêté n° 7136 du 22 octobre 1998 relatif aux « conditions de constitution et à l’exercice de l’activité des établissements financiers » (91), tel que modifié par l’arrêté intermédiaire n° 8648 du 24 février 2004 (92). En outre, elle est soumise aux différents arrêtés rendus par la BDL.

68 Agrément. L’établissement financier libanais ou étranger ne peut être régulièrement constitué que s’il obtient au préalable l’agrément de la BDL (93). Egalement, l’ouverture ou le transfert d’un endroit à un autre, au Liban ou à l’étranger, d’agences de l’établissement est soumis à l’agrément préalable (94). Le Conseil central de la BDL décide l'octroi ou le refus de l'autorisation eu égard à l'intérêt général, sur base du pouvoir discrétionnaire dont il dispose. En cas d’agrément, la décision est émise par le gouverneur à l'intention de l’établissement financier concerné. L’agrément doit mentionner les noms des personnes physiques ou morales devant participer à la souscription et à la libération des actions de l’établissement financier ainsi que le taux de participation de chacune d'elles. Le désistement de ce droit en faveur d'une autre personne, même détentrice d'un droit de souscription et de libération est interdit sans l'autorisation du conseil central de la BDL. L’établissement financier agréé par le Conseil central doit achever les formalités de constitution et entamer l’exercice effectif de son activité dans un délai maximal de six mois suivant la date de notification de l’agrément sous peine d'annulation de ce dernier (95).

69 Capital. Le capital du siège principal de l’établissement financier ne doit pas être inférieur à deux milliards

de livres libanaises et celui de sa branche à deux cent cinquante millions de livres libanaises ( 96 ) entièrement libérés en numéraire auprès de la BDL (97). Le capital ne peut être réduit ou restitué même en partie. En cas de pertes, l’établissement financier doit reconstituer son capital minimum dans un délai de six mois (98).

70 Actions. La souscription au capital et le versement du prix de la totalité des actions de l’établissement financier ont lieu en numéraire dans le délai fixé par la décision d’agrément, dans un compte bloqué ouvert auprès de la BDL au nom de « l’établissement financier en constitution », sans intérêts, frais ou commissions. La BDL peut accepter ledit versement, en totalité ou en partie, par transfert en devises à son compte auprès de l'un de ses correspondants; elle effectuera la conversion en livres libanaises du montant transféré pour exécution de la libération. La BDL ouvre le compte destiné à la libération du capital après réception d'une copie notariée du projet des statuts de l’établissement financier homologué par le conseil central.

Sous réserve des transferts par voie de succession, entre époux, ou entre ascendants et descendants (99)

toute cession d'actions de l’établissement financier, menant à l'acquisition, directement ou indirectement, par une seule personne, de plus de 10% du total de ses actions, est soumise à l'autorisation préalable de la BDL. Toute société possédant directement ou indirectement plus de 10% du capital d’un établissement financier doit faire figurer dans ses propres statuts la disposition réglementaire relative à cette autorisation préalable et, en cas de cession, communiquer à la BDL tous les documents requis du cessionnaire (100).                                                             91 JO n° 49 du 29 oct. 1998. 92 JO n° 13 du 4 mars 2004, 1373. 93 Art. 1. 94 Art. 13. 95 Art. 3. 96 Arrêté n° 9936 du 23 juin 2008, JO n° 27 du 3 juill. 2008, 2993. 97 Art. 4-1. 98 Art. 5, arrêté 8518 du 16 oct. 2003 modifiant l’arrêté n° 7136 du 22 oct. 1998. 99 Art. 9-3. 100 Art. 9-2 tel que modifié par l’arrêté n°7502 du 6 janv. 2000.

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71 Enregistrement. Comme toute société anonyme, l’établissement financier doit être enregistré auprès du

registre de commerce. En plus, il doit être porté sur la liste des établissements financiers publiée par la BDL suite à une requête présentée par le président du conseil d'administration ou par son suppléant dès la réalisation des conditions réglementaires d’enregistrement.

72 Opérations. Bien qu’il puisse effectuer des opérations de crédit de toute sorte (escompte, crédits à

découvert, crédit-bail, etc.) il n’est plus exigé de l’établissement financier d’exercer à titre principal les opérations de crédit. L’octroi de crédit est devenu une simple activité au même titre que les autres pouvant être exercée, à titre principal ou à titre accessoire. L’intérêt que perçoit la société financière est réputé commerciale nonobstant tout texte contraire et peu importe si ces crédits soient ou non garanties (101). L’établissement financier peut effectuer à titre principal ou à titre accessoire diverses opérations relatives aux valeurs mobilières. L’arrêté n° 6856 du 19 décembre 1997 (102) permet à l’établissement financier d’émettre des titres après autorisation du Conseil central de la BDL. L’émission peut s’effectuer en n’importe quelle devise. L’émission des titres doit satisfaire à certaines conditions: la valeur du titre ne peut être inférieure à cent cinquante mille livres libanaises ou son équivalent en devises étrangères. Le terme des titres ne doit pas être inférieur à une année. Les titres doivent être négociables. Le titre doit comporter certaines mentions: terme, taux d’intérêt, modalité de paiement, date d’exigibilité, etc. L’établissement peut accorder des crédits pour l’achat de valeurs mobilières mais il doit prendre en nantissement le portefeuille constitué, et les valeurs mobilières doivent être négociables sur le marché financier libanais. Il peut accorder des crédits afin de souscrire dans le capital des sociétés en cours de constitution ou dans le but de libérer le solde de la valeur de ces actions (103). Il peut effectuer des opérations fiduciaires et d’intermédiation financière pour l’achat ou la vente de titres et d’avoirs financiers pour son propre compte ou pour le compte de ses clients. Il peut créer ou participer à la création des caisses de placement commun ou des sociétés de placement commun (104). Il devra alors se doter d’un organe administratif indépendant qui prendra en charge la gestion de la caisse conformément à un règlement comprenant les règles susceptibles de garantir la bonne exécution des obligations légales et réglementaires en vigueur. L’établissement peut, sous certaines conditions, accepter ou financer les créances contractées à l’étranger en toutes devises (105) à l’exception des dettes (106). Egalement, l’établissement résident ou non résident peut, après l’agrément du conseil central, acquérir des certificats de dépôts bancaires en livres, euros ou dollars américains (107). L’établissement financier peut effectuer les études et les consultations financières immobilières, gérer les biens. Il peut contribuer à l’émission et à la promotion de toutes opérations complémentaires aux activités précitées. Il peut garantir la souscription des titres et des avoirs financiers.

73 Contrôle et secret bancaire. Les établissements financiers sont soumis au contrôle de la BDL et de la

Commission de contrôle du banque. En outre, ils sont soumis à la loi du 3 septembre 1956 relatif au secret bancaire (108). Paragraphe 3 - Intermédiaires financiers

L’activité des intermédiaires financiers (IF) dits « courtiers financiers » est réglementée par la loi n° 234 du

10 juin 2000 relatif à la réglementation de la profession d’intermédiation financière telle que modifiée par la loi n° 745 du 15 juin 2006 (109). En outre, elle est soumise aux différents arrêtés rendus par le gouverneur de la BDL (110).

74 Agrément. L’exercice de l’activité d’un IF doit faire l’objet d’un agrément préalable du Conseil central de

la BDL. Une fois agréé, l’IF doit entamer l’exercice effectif de son activité dans un délai maximal de six

                                                            101 Art. 4 DL n°5439 du 20 sept. 1982 relatif aux exemptions fiscales et autres dispositions visant à développer le marché financier au Liban. 102 JO n° 58 du 25 déc. 1997. 103 Arrêté n° 8647 du 24 févr. 2004, JO n° 13 du 4 mars 2004, 1372 et arrêté n° 8685 du 3 avr. 2004, JO Annexe n° 19 du 8 avril 2004, 12. 104 Arrêté interm. n° 8684 du 3 avr. 2004 , JO annexe 19 du 8 avr. 2004, 11s. 105 Arrêté interm. n° 8686 du 3 avril 2004, JO annexe n° 19 du 8 avr. 2004, 13. 106 Arrêté 8784 du 14 juill. 2004, JO n° 41 du 29 juill. 2004, 7681s. 107 Arrêté interm. 8947 du 11 janv. 2005 JO n° 3 du 20 janv. 2005, 204. 108 Art. 3 D/L n° 5349/1982. 109 JO n° 25 du 22 mai 2006, 2809. 110 Arrêté n° 6213 du 28 juin 1996 n° 7551 du 30 mars 2000 n° 8805/2004 du 2 août 2004, n° 9356 du 17 juin 2006 et n° 9935 du 23 juin

2008.

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mois à peine de radiation de la liste des IF (111). Tant que le nom de l’IF n’a pas été publié sur la liste tenue par la BDL, l’établissement ne peut se prévaloir de cette qualité induisant les tiers en erreur sous peine de poursuites judiciaires (112).

75 Capital. Le capital du siège principal de l’IF ne doit pas être inférieur à un milliard de livres libanaises et

celui de sa branche à deux cent cinquante millions (113). Ce montant peut faire l’objet de modifications ultérieures sur simple décision du Conseil central de la BDL (114). Il doit être libéré entièrement en numéraire et en une seule fois auprès de la BDL. Il ne peut être réduit ou restitué même en partie. L’IF doit prouver à tout moment que ses actifs sont supérieurs aux passifs dont il est redevable aux tiers d’un montant au moins égal à celui du capital. En cas de perte, l’IF doit dans un délai maximal de six mois soit reconstituer le capital, soit immobiliser une réserve en numéraire qu’il soumettra à la BDL soit, enfin, diminuer son capital dans la limite du montant minimal requis (115).

76 Actions. L’IF exerce son activité dans le cadre d’une société anonyme. Toutes les actions de l’IF doivent

être nominatives (116). Toute cession d'actions de l’IF, menant à l'acquisition, directement ou indirectement, par une seule personne, de plus de 10% du total de ses actions, est soumise à l'autorisation préalable du conseil central de la BDL. Les transferts par voie de succession, entre époux, ou entre ascendants et descendants ne sont pas concernés par ces dispositions (117). La BDL est tenue de refuser toute cession entraînant la possession de plus des deux tiers des actions de la société d’intermédiation financière par des non libanais et de refuser toute cession d'actions entre non libanais tant que le tiers au moins des actions de la société ne revient pas à des libanais.

77 Opérations. L’objet social des IF consiste à effectuer des opérations d’intermédiation financière c’est-à-

dire accomplir à titre de profession habituelle en son nom ou au nom de ses clients toutes opérations sur les divers instruments financiers ou valeurs mobilières mises sur le marché. Egalement, les IF peuvent emprunter par l’émission de titres de créances dans les conditions des articles 122 et s c. com. lib. et des dispositions du décret loi n°54 du 16 juin 1977 (118). Ils peuvent accorder des facilités en relation avec les activités qu’ils effectuent à la condition d’en prouver le contenu en vertu d’un contrat écrit, expresse et détaillé (119). De même, l’IF peut recevoir des fonds de ses actionnaires. En revanche, les IF ne peuvent exercer une autre activité commerciale, industrielle ou toute autre activité étrangère à leur activité d’intermédiation financière (120). Ils ne peuvent recevoir des dépôts au sens de l’article 125 c. monn. créd. ni accorder des prêts ou des crédits au sens des articles 121 et 178 c. monn. créd. sauf exceptions. Ils ne peuvent ouvrir de compte joint de titres ou de sommes d’argent.

78 Contrat d’intermédiation. L’IF ne peut valablement remplir sa mission pour le compte de ses clients que

si un contrat écrit est signé avec eux. Ce contrat doit contenir à peine de nullité (121) au moins les mentions suivantes: - mention expresse que le contrat est régi par les dispositions de la loi n° 234/2000 - identités et adresses des contractants - modalités de la gestion (discrétionnaire ou restreinte) - partie bénéficiaire du contrat - résidence ou domicile où doivent être périodiquement renvoyés les relevés de compte - détermination claire de la catégorie et nature des opérations ou placements que l’IF est ou n’est pas en droit d’effectuer au profit de son client - durée du contrat. - honoraires, commissions et frais que l’IF est en droit de percevoir. En outre, le contrat doit relever la possibilité pour chacun des contractants de mettre fin au contrat sans préjudice des résultats des opérations effectuées ou en cours. Lorsque l’IF exerce son activité pour le compte de ses clients, diverses obligations sont mises à sa charge (122). Pour les opérations qu’il

                                                            111 Art. 20 arrêté 6213/1996 et art 7, arrêté 7551/2000. 112 Art. 4. 113 Art. n° 9935/08. 114 Art. 5. 115 Art. 6. 116 L. 745/2006 amendant art. 5 § 1 L. 234/2000. 117 Art. 3-3 arrêté 6213/96. 118 Art. 18 L 234/2000. 119 Art. 16 et art. 17 L 234/2000. 120 Art. 2-2 arrêté 6213/1996. 121 Art. 17-4 L 234/2000. 122 L’IF doit remettre à ses clients, personnellement et périodiquement, les relevés de leurs comptes et publier des rapports périodiques

concernant ses opérations et ses comptes; demander explicitement à ses correspondants ou aux agents opérant à leur service, de remettre directement aux clients concernés et non pas à leur mandataire les relevés de compte; informer à l’avance les clients des risques des opérations, ainsi que de tout ce qui pourrait engendrer un conflit d’intérêts entre eux résultant de l’exercice de telle ou telle opération;

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effectue pour son propre compte, l’IF doit indiquer avec précision la date d’exécution de chaque opération, son numéro chronologique, le nombre des titres achetés ou vendus, sa nature, ses prix et numéro (123).

79 Contrôle. L’activité des IF est contrôlée par le Conseil central de la BDL. Celui-ci est en droit de

« donner des recommandations ou instructions et d’user de tout moyen de nature à assurer une gestion saine des IF » (124). Toute violation des lois ou règlements peut être sanctionnée par la Haute instance bancaire (HIB) allant du simple avertissement à sa radiation de la liste des IF sans préjudice des différentes amendes ou sanctions. La décision de la HIB n’est susceptible d’aucune voie de recours ordinaire ou extraordinaire, administrative ou judiciaire (125). En outre, les IF sont soumis au contrôle de la Commission de contrôle des banques. En cas de faillite ou de sa mise en liquidation, la décision de sa radiation revient au gouverneur de la BDL (126).

80 Secret professionnel et blanchiment d’argent. La loi n° 234/2000 ne fait pas bénéficier les IF de la

loi relative au secret bancaire. En revanche, ils demeurent tenus par le secret professionnel pour leur propre compte et/ou pour le compte d’autrui (127) sanctionné en vertu de l’article 579 du code pénal libanais (c. pén. lib.). Les IF sont soumis aux dispositions de la loi n° 318/2001 relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ainsi qu’à tous les textes d’application de ladite loi (128). Paragraphe 4 - Intermédiaires boursiers

81 Présentation. L’activité des intermédiaires boursiers (IB) encore appelée intermédiation boursière, était

réglementée par le décret-loi n° 120 en date du 16 septembre 1983 relatif à la réglementation de la bourse de Beyrouth (129). Ce décret fut abrogé et remplacé par la loi n° 418 du 15 mai 1995 (130). En outre, l’activité est soumise au décret n° 7667 du 16 décembre 1995 portant exécution du règlement intérieur de la bourse de Beyrouth (131). L’IB est un opérateur indépendant dont le rôle est de rapprocher des éventuels co-contractants sans être partie à l’opération. Son service est rémunéré par une commission sur les opérations conclues (132). Son activité porte essentiellement sur le marché des devises où il sert d’intermédiaire entre un acheteur et un vendeur de services ( 133). Il exerce donc une activité de courtage (134) laquelle est un acte de commerce par nature conformément à l’article 6 c. com. lib.

82 Intermédiaires. Le texte originaire de l’article 4 du décret-loi n° 120/1983 rendait possible l’exercice

de l’intermédiation boursière tant par les personnes physiques que par les personnes morales. La loi n° 418/1995 a abrogé cet article réservant l’exercice de l’intermédiation boursière aux seules personnes morales dans le respect, toutefois, des droits acquis par les personnes physiques. Les personnes morales doivent avoir un capital minimal de cinq cents millions de livres libanaises. En outre, la loi n°418/1995 a supprimé la condition de nationalité pour ouvrir la voie aux sociétés étrangères donc, aux capitaux étrangers.

83 Agrément et garanties. L’activité d’intermédiation boursière ne peut être exercée qu’après

l’obtention de l’agrément préalable de la commission de la bourse de Beyrouth (CBB) qui dispose à cet effet d’un pouvoir souverain. Le demandeur doit présenter une garantie bancaire à première demande d’un montant de deux cents millions de livres libanaises libellée exclusivement au nom de la bourse. Cette garantie est destinée à couvrir la responsabilité de l’IB, et doit être renouvelée chaque

                                                                                                                                                                                         s’interdire d’exploiter toute information transmise par les clients ou toute autre source. L’IF doit tenir un registre propre à chaque client sur lequel est inscrit le détail de chaque opération. 

123 Art. 13 arrêté 6213/96. 124 Art. 8. 125 Art. 23 L 234/2000. V aussi art. 22 arrêté 6213/96. 126 Art. 21 L 234/2000. 127 Art. 12 arrêté 6213/1996. 128 Art. 8 arrêté n°7551/2000 tel que modifié par l’arrêté n°7819 du 18 mai 2001. 129 JO n° 45 du 10 nov. 1983. 130 JO n° 21 du 25 mai 1995. 131 JO n° 51 du 21 déc. 1995. 132 DE BORDINAT, DE LEERSNYDER, GHERTNAN, KLEIN et MARAIS, Gestion internationale de l’entreprise, Dalloz 1984, 67. 133 MARQIS, Les courtiers en devises, Banque n° 409, sept. 1981, 951. 134 DEVESA, L’opération de courtage, préf. JM MOUSSERON, Coll. Bibl. dr. Entr. T 30, Litec 1993 n° 41, 27. DEVESA et NAMMOUR,

Le courtage non règlementé: état des lieux français et libanais, Al Adl 2007/4, 1599.

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année. En plus de cette garantie, la CBB peut obliger l’IB à présenter une autre garantie dont le montant serait proportionnel au volume des opérations effectuées sur une période déterminée.

84 Opérations. L’IB effectue des opérations de vente ou d’achat sur les différents titres financiers et/ou

valeurs mobilières négociables régulièrement côtés en bourse par la CBB. Les opérations consistent selon le cas en des promesses de vente ou des promesses d’achat. L’IB exerce son activité à l’intérieur de la bourse, mais il peut sous certaines conditions effectuer certaines opérations dites « opérations directes » en dehors de la bourse (135). Le droit d’intermédiation est un droit personnel, incessible et intransmissible.

85 Monopole. Les intermédiaires bénéficient de l’exclusivité des opérations sur les titres côtés en bourse. Cependant, cette exclusivité ne s’étend pas aux actes authentiques de donation, aux dévolutions succursales et aux opérations entre deux personnes morales dont le nom de l’une d’elle est publiée à la bourse et si l’une des deux personnes morales possède dans l’autre 20% au moins du capital social.

86 Interdictions. Les IB ne peuvent en aucun cas utiliser les titres financiers de leurs clients dans des

opérations financières ou commerciales à des fins personnelles sans autorisation écrite de ces derniers et ce, sous peine de radiation définitive. De même, ils ne peuvent obtenir des banques ou de toute personne physique ou morale des avances en contrepartie de titres financiers dont la valeur serait quatre fois supérieure à leur capital respectif c’est-à-dire supérieur à la valeur nette des fonds privés (136). Les IB ne peuvent d’aucune manière effectuer des opérations pour leur compte ou pour le compte de leurs clients sur des titres émis par une société dont il serait membre de son conseil d’administration, ou s’ils sont liés à la dite société par un travail salarié (137).

87 Obligations. L’IB doit verser une prime annuelle de 10.000 USD pour la première année d’exercice et de

2000 USD pour les années consécutives sous peine d’être suspendu de son droit, et d’être condamné à une amende d’un montant de 50% du montant total des primes exigibles. L’IB doit enregistrer toute promesse d’achat ou de vente relative aux titres. En outre, il doit exécuter ses promesses et payer le prix des titres achetés ou remettre les titres vendus. A ce propos, il doit ouvrir un compte de titres financiers auprès de l’organisme agréé par la bourse et ouvrir un compte de somme d’argent soit auprès de la BDL si les règlements l’y autorisent soit auprès d’une banque opérant au Liban, soit auprès de l’organisme chargé des opérations de paiement et de remises des titres. L’IB doit tenir son propre capital et ses propres titres dans des comptes distincts de ceux relatifs à leurs clients sous peine de sanctions disciplinaires.

88 Conseil disciplinaire. Un conseil disciplinaire composé de trois membres est élu par la CBB. Ce

conseil connaît de toute infraction aux lois ou règlements en vigueur. Il peut décider de la suspension ou de la radiation de l’IB et le cas échéant décider de l’exécution de la garantie bancaire déposée au nom de la bourse.

Paragraphe 5 - Sociétés de crédit-bail 89 Présentation. Instituées par la loi n° 160 du 27 décembre 1999 (138), les sociétés de crédit-bail (SCB) sont

également réglementées par les différents arrêtés rendus par le Conseil central dont l’arrêté n° 8944 du 8 janvier 2005 (139). L’opération de crédit-bail se rencontre dans l’hypothèse suivante: un client veut obtenir un matériel d’équipement qu’il ne peut pas financer, il s’adresse à une société de crédit-bail et lui demande de l’acheter et de le lui louer, la location étant assortie d’une promesse unilatérale de vente à son profit. L’opération de crédit-bail met en cause trois opérateurs en vertu de deux contrats distincts: un contrat de vente qui est conclu entre une société de crédit-bail et un fournisseur par lequel la société acquiert la propriété du matériel et le contrat de crédit-bail proprement dit, conclu entre la société de crédit-bail dénommée crédit-bailleur et le locataire encore appelé crédit-preneur, en vertu duquel la société va, d’une part, lui louer le bien acheté moyennant des loyers et d’autre part, lui consentir une promesse unilatérale de vente qui confère à celui-ci l’option de se porter acquéreur du bien loué à l’issue de la période de location. En ce sens, l’article 1 de la loi n° 160/1999 définit les opérations de crédit-bail comme des « opérations de

                                                            135 Art. 148 et s. 136 Art. 53. 137 Art. 53. 138 JO n° 4 du 27 janv. 2000, 367 et s. 139 JO n° 3 du 20 janv. 2005, 201 et s.

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location de matériels d’équipements, d’outillages et de machines achetés par le bailleur en vue de les louer tout en conservant leur propriété, à condition d’accorder au loueur le droit d’en acquérir la propriété en contrepartie d’un prix convenu, dont les conditions sont fixées au moment de la conclusion du contrat, prenant en considération, même partiellement, les divers versements effectués à titre de location ».

90 Agrément. La SCB ne peut être régulièrement constituée que si elle a préalablement obtenu l’agrément de

la BDL. Cet agrément est également exigé pour l’achat, l’ouverture ou le transfert d’une agence au Liban ou à l’étranger. Le Conseil central accorde l’agrément s’il sert l’intérêt général. Il dispose à cet effet, d’un pouvoir souverain d’appréciation (140). Si le conseil accorde l’agrément, il fixe dans sa décision le délai durant lequel doivent avoir lieu la souscription au capital et le versement du prix de la totalité des actions de la SCB en numéraire dans un compte bloqué ouvert auprès de la BDL au nom de la SCB, sans intérêts, frais ou commissions. A la demande de la SCB, celle-ci sera enregistrée sur la liste des sociétés de crédit-bail publiée par la BDL.

91 Capital et actions. L’article 16 de la loi n° 160/1999 confie au Conseil central le soin de fixer le montant

du capital de la SCB. En vertu de l’article 4 de l’arrêté n° 7540 du 4 mars 2000, ce montant est actuellement fixé à deux milliards de livres libanaises. Ce capital est libéré entièrement en une seule fois en numéraire auprès de la BDL. Il ne peut être réduit ou restitué même partiellement. La SCB doit prouver à tout moment que ses actifs sont effectivement supérieurs aux passifs dont elle est redevable aux tiers d’un montant au moins égal à celui de son capital. En cas de perte, la SCB doit dans un délai de six mois soit, reconstituer son capital au niveau minimal soit, immobiliser une réserve en numéraire auprès de la BDL à la demande de ce dernier soit, diminuer son capital à concurrence du capital minimal tel que fixé par le conseil central de la BDL.

Les actions du capital, doivent être entièrement nominatives (141). Toute cession d’actions débouchant sur

l’acquisition directe ou indirecte de plus de 10% des actions n’est valable que si la SCB obtient l’agrément de la BDL. L’agrément n’est pas requis en cas de transmission des actions par voie successorale et en cas de cession entre les époux ou entre les ascendants et leurs descendants. Lorsqu’une personne morale acquiert la propriété de 10% ou plus des actions, elle devra signaler dans ses propres statuts que toutes ses actions sont nominatives (142) et qu’elle est désormais soumise au contrôle de la BDL et à celui de la Commission de contrôle des banques. En outre, aucune cession de ses parts ou actions, aucune modification de ses statuts, ne pourront valablement se former sans l’agrément préalable de la BDL. Ces actions devront être nominatives et revenir pour le tiers au moins à des personnes physiques libanaises sans pouvoir être cessibles à d’autres personnes que ces dernières.

92 Opérations. L’activité des SCB est limitée aux opérations de crédit-bail et à toutes opérations qui leur sont

complémentaires (143). Néanmoins, l’article 9 de la loi n° 318/2001 permet aux SCB d’émettre des titres d’obligations en toutes devises, en dépit de tout texte contraire, à la condition d’obtenir l’autorisation préalable de la BDL. Celle-ci fixe également le montant global des titres émis.

93 Contrôle. La SCB est tenue de se conformer aux divers lois et règlements en vigueur et à toutes les

recommandations et ou instructions émanées de la BDL. Plus particulièrement, elle doit respecter les dispositions de la loi n° 318 du 20 avril 2001 relative à la lutte contre la blanchiment d’argent et le terrorisme ainsi que ses textes d’application (144). Elle doit informer la centrale des risques bancaires des facilités accordées à ses clients (145). Elle doit présenter à la BDL dans les formes et délais fixés, tout renseignement, document ou bilan comptable et statistique qu’elle lui demande sous peine d’amendes décidées par le gouverneur de la BDL (146). La société de crédit-bail doit constituer une réserve par prélèvement de 10% sur ses bénéfices annuels nets (147). La loi n° 160/1999 ne fait pas bénéficier la SCB du secret bancaire. La SCB est soumise au même titre que les banques au contrôle de la Commission de

                                                            140 Art. 14 L 160/1999. 141 Arrêté n° 8944 du 8 janv. 2005. 142 Art. 2, arrêté 8944/2005. 143 Art. 13 L. 160/1999. 144 Art. 10 arrêté 7540/2000 tel que modifié en vertu de l’arrêté n° 7842 du 18 juin 2001. 145 Arrêté 8572 du 21 nov. 2003. 146 Art. 19, 25 et 26, L. 160/1999. 147 Art. 4-2 arrêté 7540/2000.

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contrôle des Banques (148). En cas d’infraction aux divers lois et règlements, la Haute instance bancaire peut lui infliger les diverses sanctions disciplinaires allant du simple avertissement à la radiation pure et simple (149) sans préjudice de toute responsabilité civile ou pénale (150). En outre, si elle est mise en liquidation et si elle est déclarée faillie, le gouverneur de la BDL peut, à lui seul, décider sa radiation (151). Paragraphe 6 - Etablissements de change

94 Présentation. La profession de change est régie par la loi n° 347 du 6 août 2001 relative à la

réglementation de la profession de change au Liban et divers arrêtés rendus par le gouverneur de la BDL (152). L’exercice de l’activité de change doit être préalablement autorisé par la BDL. Celle-ci accorde l’agrément ou le refuse au vu de l’intérêt général et en vertu de son pouvoir souverain d’appréciation (153). Elle ne l’accorde que si le changeur suit et réussit la session organisée par la BDL et relative à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (154

) De même, est soumis à l’agrément du conseil central de la BDL l’ouverture d’une branche d’établissement de change, son transfert d’un endroit à un autre, et toute modification affectant les statuts des établissements de change ( 155 ). L’octroi de l’agrément permet à l’établissement, à sa demande, d’être inscrit sur la liste des établissements de change (art. 136 c. monn. créd.).

95 Forme. L’établissement financier peut revêtir la forme d’une entreprise individuelle. Dans ce cas, le

changeur doit impérativement être de nationalité libanaise (156). L’établissement peut être une société régulièrement constituée au Liban ayant pour objet exclusif les opérations de change (157). Dans le premier cas, seules les personnes physiques libanaises sont autorisées à exercer cette activité (158). Dans le deuxième cas et suivant la forme de la société, de personnes ou à responsabilité limitée, les conditions de nationalité des associés ou des parts doivent être réunies (159).

96 Catégories. Le législateur classe les établissements de change en deux catégories A et B en fonction des opérations qu’ils effectuent. Pour la catégorie A, il s’agit de l’achat/vente des devises étrangères en toute devise étrangère ou libanaise, en monnaie-papier ou pièces métalliques et de l’achat des divers métaux précieux, mascottes, onces en or, des virements, chèques et chèques de voyage. Pour la catégorie B, il s’agit strictement des opérations d’achat/vente des devises étrangères en toute devise étrangère ou libanaise et des pièces métalliques, onces en or ne dépassant pas les mille grammes et les chèques de voyage dans la limite fixée par la BDL pour ces derniers (160).

97 Interdictions et incompatibilités. En vertu de l’article 11 de la loi 347/2001, sont applicables aux

établissements de change, les dispositions de l’article 127 c. monn. créd. Par conséquent, nul ne peut fonder ou diriger ou être employé par un établissement de change s’il a été condamné depuis moins de dix ans à un crime financier (vol, abus de confiance, escroquerie, etc.) s’il a été déclaré en faillite, s’il a violé un secret bancaire, etc.

98 Capital et actions. Le montant du capital varie en fonction de la catégorie à laquelle appartient l’établissement de change. Ce capital est fixé à sept cent cinquante millions de livres libanaises pour la catégorie A et à cinq cent millions pour la catégorie B (161). Le Conseil central peut à tout moment modifier ce capital, auquel cas, l’établissement de change devra régulariser sa situation dans un délai qui ne doit pas être inférieur à un an. Le capital en numéraire doit être entièrement versé en une seule fois auprès de la BDL. En cas de perte, l’établissement doit dans un délai maximal de six mois reconstituer son capital ou le

                                                            148 Art. 22 L. 160/1999. 149 Art 29 L. 160/1999. 150 Art. 30 L. 160/1999. 151 Art. 37 L. 160/1999. 152 N° 7933 du 27 septembre 2001, n° 10853 du 7 déc. 2011 relatif à la détermination du capital des établissements de change, etc. 153 Art. 1, L. 347/2001. 154 Arrêté interm. 10727 du 21 mai 2011. 155 Art. 9 L. 347/2001. 156 Arrêté 147/1 du 3 déc. 2002 relatif aux opérations et professions réservées aux libanais, JO n° 69 du 19 déc. 2002, 8010. 157 Art. 2. 158 Art. 4-3 L. 347/2001. 159 Art. 4-2 L 347/2001. 160 Art. 3 L 347/2001 ; l’article 3 de l’arrêté n° 7933/2001 a fixé le plafond des chèques de voyages susceptibles d’être achetés par

l’établissement de change à la somme de 10.000 dollars américains ou son équivalent en différentes devises. 161 Arrêté n° 10853/2011.

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réduire à la condition de ne pas être inférieur au maximum légal (162). Les actions doivent être nominatives et appartenir pour le tiers au moins à des personnes physiques libanaises ou à des sociétés libanaises. Si les sociétés sont des sociétés de personnes, tous les associés seront des personnes physiques libanaises. Si les sociétés sont de capitaux, les deux tiers au moins de leurs actions appartiendront à des personnes physiques libanaises et les statuts de cette société ne doivent permettre la cession de ces deux tiers qu’à des personnes physiques libanaises (163).

Toute cession d’une entreprise individuelle de change doit être préalablement autorisée par la BDL (164). Il

en est de même de toute cession d’une société de change, quelle que soit sa forme juridique, qui fait acquérir une même personne, directement ou indirectement, plus de 10% de l’ensemble des actions ou part sociales (165). En cas de cession ne requérant pas l’autorisation de la BDL, la société doit veiller sous sa responsabilité personnelle à la conformité de la cession aux lois et règlements en vigueur.

99 Opérations. L’établissement de change ne peut pas recevoir des dépôts au sens de l’article 125 c. monn.

créd. ni accorder des crédits au sens des articles 121 et 178 c. monn. créd., ni émettre des obligations ou titres négociables au sens de l’article 122 dudit code. Les seules opérations qu’il est autorisé à effectuer de manière limitative, sont les suivantes: accepter les fonds provenant d’associés ou actionnaires, se procurer ces fonds à titre provisoire auprès d’autres établissements de change en avance sur les opérations réalisées avec ses derniers, et obtenir toutes facilités pour l’exercice des opérations de change des autres banques suivant les règles posées par la BDL (166). En outre, les établissements de change peuvent ouvrir des comptes de dépôt auprès de la BDL suivant les conditions établies par cette dernière (167).

100 Contrôle. La Commission de contrôle des banques contrôle l’activité des établissements de change (168). Celui-ci s’exerce de diverses manières. Par exemple, l’établissement de change est tenu de transmettre à la BDL, tous les bilans et renseignements provisoires ou définitifs demandés suivant les formulaires préétablis de la BDL (169). Conformément à l’article 14 de la loi n°347/2001, les rapports, bilans et comptabilités de l’établissement de change ne bénéficient pas des dispositions de la loi du 3 septembre 1956 sur le secret bancaire. Il en résulte que l’établissement de change ne peut valablement opposer un tel secret à la Commission de contrôle des banques. Diverses sanctions administratives allant du simple avertissement à la radiation peuvent être prononcées à l’encontre de l’établissement, suivant le cas, par la Haute instance bancaire ou par le gouverneur de la BDL (170). Ces sanctions sont prononcées sans préjudice des poursuites civiles ou pénales susceptibles d’avoir lieu (171).

Paragraphe 7- Organismes de placement collectif

101 Présentation. Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières et autres instruments

financiers (OPCVM), sont réglementés par la loi nº 706 du 9 décembre 2005 entrée en vigueur à la date de sa publication (172). L’article 1er de la loi définit l’OPCVM comme « l’organisme qui a pour objet exclusif le placement collectif en valeurs mobilières des capitaux recueillis auprès du public à condition que ce placement soit conforme au principe de la répartition des risques » (173). Le placement collectif est mis en œuvre par des organes qu’il convient d’identifier (Sous-paragraphe 1) avant d’évoquer son régime juridique (Sous-paragraphe 2). Sous-paragraphe 1 – Organes des OPCVM

Le placement collectif nécessite une structure de placement (1), une société gestionnaire (2) et une société dépositaire (3).                                                             162 Art. 6 L. 347/2001. 163 Art. 4 L. 347/2001. 164 Art. 5 arrêté 7933/2001. 165 Art. 5 arrêté 7933/2001. 166 Art. 10 L. 347/2001. 167 Art. 8 L. 347/2001. 168 Art. 14 L. 347/2001. 169 Art. 13 L. 347/2001. Sur la réglementation des bilans financiers, cf arrêté n° 6905 du 21 févr. 1999 ; v. arrêté n° 7253 du 15 mars 1999 et

arrêté n° 8899 du 26 nov. 2004. 170 V. L. 347/2001. 171 Art. 18 L. 347/2001. 172 JO nº 57, 5 déc. 2005, 5955 ; v. Art. 54 et 57 L. 706/2005. 173 NAMMOUR, Organismes de placement collectif: regards sur le modèle libanais, RDBF nov.-déc. 2006, analyse 23.

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(1) Structure de placement L’OPCVM revêt soit la forme statutaire, il s’agit alors de constituer une société d’investissement à capital variable (a) soit la forme contractuelle, il s’agit alors de constituer un fonds de placement géré par une société de gestion (b). (a) SICAV

102 Présentation. La société d’investissement à capital variable (SICAV) est une société anonyme. Elle doit avoir pour objet exclusif l’investissement dans des valeurs mobilières et autres instruments financiers en répartissant les risques de l’investissement afin de protéger les investissements de ses actionnaires. S’agissant la société étrangère, il faut et il suffit qu’elle soit considérée comme une SICAV au regard de la loi qui la régit (174). Le capital initial de la SICAV ne peut être inférieur au montant minimal fixé par le Conseil central de la BDL qui peut le diminuer ou l’augmenter (175). Actuellement, ce montant est de dix milliards de livres libanaises tant pour les SICAV libanaises ( 176 ) que pour les agences de SICAV étrangères (177). Le capital doit être entièrement versé auprès de la BDL dans un délai de six mois à dater de l’agrément du Conseil central (178). La variation du capital de la SICAV a lieu de plein droit sans nécessiter une approbation de l’assemblée générale ou du conseil d’administration. Elle intervient sans être soumise aux conditions de publicité et d’enregistrement relatives à l’augmentation ou à la diminution du capital des sociétés anonymes (179). Le capital doit être entièrement souscrit. La loi n’évoque nullement les modalités de la souscription. En tout cas, celle-ci n’est astreinte à aucun mode: elle peut résulter d’un écrit ou à défaut d’une confirmation de la part de la SICAV. Ses actions doivent être nominatives et négociables (180). (b) Fonds commun de placement

103 Présentation. Le FCP « ne jouit pas de la personnalité morale et il est considéré comme une copropriété

de valeurs mobilières conformément au principe de la répartition des risques et cette propriété est représentée par des parts négociables »… (181). Cette copropriété n’est pas une indivision. En effet, l’alinéa 2 du même article 4 dispose que « ne sont pas applicables au fonds les dispositions des articles 824 à 843 du code des obligations et des contrats relatives à la communauté ou quasi-société »… De manière redondante, le législateur précise que: « les propriétaires des parts ou leurs créanciers ne peuvent demander le partage du fonds ou sa liquidation » (182). S’agissant la nature du droit du titulaire, l’article 4 de la loi prévoit que: « les propriétaires des parts ne répondent des dettes du fonds qu’au prorata de leur apport financier ». C’est dire que seule la quote-part de chaque porteur répond du passif éventuel. Donc, la fraction du fonds qui relève de la propriété du porteur est uniquement celle qui correspond à sa quote-part. En ce sens que le porteur n’est pas copropriétaire des valeurs mobilières qui composent l’actif du FCP et qu’il n’a pas de droit sur ces titres (183). En effet, seul le gérant a le droit de disposer de l’actif et les porteurs n’ont pas le statut d’actionnaires des sociétés dont le fonds détient les titres (184). En réalité, le droit du porteur des parts de FCP est un droit pécuniaire qu’il détient sur le FCP. L’inscription en compte des valeurs mobilières fait naître au profit de leur porteur un droit de créance sur le FCP qui lui permet d’exercer sur elles un droit de propriété. Le FCP n’a pas la personnalité morale (185). Par conséquent, le fonds ne peut agir en justice. Cette action est de la compétence de la société de gestion chargée de gérer le fonds (186). Néanmoins, le fonctionnement du fonds a nécessité qu’on lui reconnaisse certaines prérogatives liées à la personnalité morale (187).

                                                            174 Art. 6 § 1, arrêté 7074/1998. 175 Art. 21 L. 706/2005. 176 Art. 5 § b, arrêté 7074/1998. 177 Art. 6 § 2 arrêté 7074/1998. 178 Art. 21 L. 706/2005. 179 Art. 23 L. 706/2005. 180 Art. 20 L. 706/2005. 181 Art. 4 L. 706/2005. 182 Art. 10 § 1 L. 706/2005. 183 A. BOUGNOUX, OPCVM, Formes juridiques (SICAV et FCP), JCL Banque et crédit, fasc 2238 nº 78. 184 JESTAZ, RTD. civ. 1980, 182. 185 Art. 4 L. 706/2005. 186 Art. 6 § 3 L. 706/2005. 187 Art. 5 § 2, al. 2 L. 706/2005 ; art. 6 § 2 ; art. 10 § 2 L. ; art. 33 § 1; et art. 37 L. 706/2005 lui permettant d’emprunter.

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104 Actifs. Le FCP ne peut valablement fonctionner que s’il dispose d’une quantité minimale de biens lors de sa constitution dont le montant est librement déterminé par la BDL (188). L’actif est composé de deux catégories de biens: les uns constitutifs de l’objet même des OPCVM c'est-à-dire les valeurs mobilières et les instruments financiers, les autres, participant du fonctionnement de l’OPCVM; il s’agit des liquidités et des biens-fonds nécessaires à l’activité de la SICAV (189). La loi 706/2005 comme le code de commerce libanais ne définit pas la notion de valeurs mobilières. On peut valablement emprunter la définition du législateur français qui distingue entre les valeurs mobilières par nature et celles « par la forme » (190) que sont les parts de fonds communs de créances et de placement (191). Egalement, la loi 706/2005 ne définit pas la notion d’instrument financier que le code de commerce libanais ignore. La notion d’instrument financier est plus vaste que celle de valeur mobilière. Elle reflète l’indépendance du droit financier dans la mesure où elle ne se rattache à aucune catégorie classique du droit des biens, du droit des contrats ou du droit des sociétés (192). La difficulté d’appréhender cette notion a poussé le législateur français à en établir à l’article L. 211-1 c. monét. fin. une liste qui vaut définition. C’est dans ce même sens que le législateur libanais a procédé en vertu de la loi n° 161 du 17 août 2011 relative aux marchés financiers (193). L'actif du fonds se réalise par la souscription, notamment, auprès du public (194). La loi n’impose ni une souscription minimale ni un montant minimum de l’actif initial. (2) Société de gestion

105 Présentation. Le FCP est géré par une société de gestion. Celle-ci a nécessairement la personnalité morale

(195). La loi n’impose pas une forme juridique déterminée. Il peut s’agir d’une société anonyme spécialisée, d’une société financière ou d’une banque. La société peut être libanaise ou une agence d’une société étrangère. Dans ce dernier cas, elle doit être spécialisée dans la gestion des fonds de placement collectif et être soumise dans son pays d’origine ou dans le pays de l’exercice de son activité à un contrôle continu, et ce par un organe étatique ou professionnel. En plus de la gestion du FCP (196), la société rédige le règlement de son fonctionnement (197), décide du rachat des parts des fonds (198), représente le FCP à l’égard des tiers et agit en justice pour défendre ou faire valoir les droits ou intérêts des porteurs de parts (199). Il en résulte qu’en cas de litige avec le fonds, l’action en justice devra être dirigée contre la société de gestion (200). La société de gestion ne se comporte ni en mandataire conventionnel du FCP ou du dépositaire (201) ni en fiduciaire propriétaire des valeurs mobilières (202). Une doctrine autorisée y voit un mandataire légal des souscripteurs (203). (3) Dépositaire

106 Présentation. Les actifs du fonds doivent impérativement être tenus auprès d’un dépositaire unique (204)

agréé par la BDL (205). Le dépositaire est une entité distincte de la société de gestion (206). Il a pour seule finalité de conserver les actifs. Les porteurs des parts ne peuvent lui adresser des ordres relatifs aux parts (achats, rachats, ventes, etc.). Le dépositaire est obligatoirement « une banque, une société financière ou

                                                            188 Art. 19 L. 706/2005. 189 Art. 35 L. 706/2005. 190 BONNEAU, Les fonds communs de placement, les fonds communs de créances et le droit civil, RTDciv. 1991, n° 72 nº 16. 191 Néanmoins, on a pu constaté que les parts des fonds ne répondent que partiellement à la définition des valeurs mobilières dans la mesure

où l’organisme émetteur n’a pas la personnalité morale, BONNEAU et DRUMMOND, Droit des marchés financiers, Economica 2001 n° 85, 76.

192 de VAUPLANE et BORNET, Les marchés financiers: le défi de la transposition de la DSI, Bull. Joly bourse et produits financiers, juillet-août 1996 § 68, 355, spéc. nº 4.

193 JO n° 39 du 25 août 2011, 3083. 194 Art. 1 L. 706/2005. 195 Art. 1 et art. 6 L. 706/2005. 196 Art. 1 L. 706/2005. 197 Art. 5 § 1 et art. 12 L. 706/2005. 198 Art. 10 § 2 L. 706/2005. 199 Art. 6 § 3 L. 706/2005. 200 Rapp. Rép. min. fr. nº 4187: JO Sénat fr. Q 13 juillet 1989, 1090. 201 BOUGNOUX, art. préc. nº 102. 202 GOYET et STORCK, Organismes de placement collectif en valeurs mobilières, Dictionnaire Joly Bourse et produits financiers nº 122. 203 BONNEAU, art. préc. n° 72; GERMAIN, Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM): Brochure ANSA 1995

nº 18. 204 Art. 27 § 1 L. 706/2005. 205 Art. 14 § 1 ; art. 29 L. 706/2005. 206 Art. 27 §1 L 706/2005.

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tout autre établissement réunissant les conditions posées par la BDL » (207). C’est donc une personne morale. Elle doit avoir son siège social au Liban (208). En sus de la fonction de conservation des actifs, le dépositaire contrôle la société de gestion (209). Ce pouvoir est accru dans la mesure où la loi permet au dépositaire de refuser l’exécution des ordres lorsqu’ils sont contraires aux lois et au réglement du FCP (210). En outre, signalons que la Cour de cassation française met à la charge du dépositaire d’OPCVM une obligation de restitution absolue et immédiate en toutes circonstances des actifs en sous-conservation (211).

Sous-paragraphe 2 - Régime juridique des OPCVM 107 Fonds commun de placement collectif. La constitution de tout FCP comme celle des SICAV est soumise

à l’agrément préalable du Conseil central de la BDL (212) qui est accordé s’il « sert l’intérêt public » (213). La constitution du fonds repose sur son règlement élaboré à l’initiative du gestionnaire (214). Mais en pratique, il sera rédigé conjointement par le dépositaire et le gestionnaire parce qu’il est censé régir leurs relations (215). Il en sera de même s’agissant les modifications. Les parts du fonds prennent la forme de certificats nominatifs, de titres nominatifs ou au porteur (216). Ces parts sont signées par la société de gestion de façon manuscrite ou électronique dans les conditions posées par le règlement (217). Le prix des parts est déterminé en divisant la valeur nette des actifs du fonds par le nombre des parts émises (218) majoré ou diminué, selon le cas, des frais et commissions. Le prix de vente des parts est fixé suivant le prix pratiqué sur le marché financier. S’agissant les valeurs mobilières ou autres instruments financiers non côtés, il sera tenu compte de la valeur éventuelle évaluée suivant les règles comptables internationales notamment, le principe de précaution. La société de gestion ne peut ni acheter ni vendre en dehors des critères sus-mentionnés (219). Les parts peuvent valablement être rachetées par le fonds à la demande de l’un quelconque de ses actionnaires si le règlement l’autorise (220) sauf suspension (221). Le FCP doit avoir son propre commissaire aux comptes désigné par la société de gestion selon la procédure et règles régissant la désignation du commissaire aux comptes auprès des banques (222). Le commissaire aux comptes contrôle les opérations du FCP et rédige les rapports comptables suivant les directives de la Commission de contrôle des banques (223).

108 Porteurs des parts du FCP. Les porteurs de parts n’ont pratiquement pas de rôle dans le fonctionnement

du FCP. Ils ne peuvent provoquer le partage du fonds ou sa liquidation (224). Ils ne sont jamais réunis en assemblée ni consultés par correspondance. Néanmoins, ils gardent un pouvoir de contrôle; l’arrêté 7074/1998 envisage expressément la constitution d’un organe composé des porteurs des parts chargé de veiller sur leurs propres intérêts et, pour ce faire, le dote de certaines pouvoirs dont, notamment, de terminer la mission de la société de gestion suivant une procédure prédéterminée (225). Egalement, les porteurs peuvent se prévaloir d’un droit à l’information.

109 Société de gestion. La société de gestion est soumise à un agrément spécial du Conseil central. Elle doit

disposer d’un capital minimal au moins égal à deux milliards de livres libanaises s’agissant les sociétés libanaises (226) et les agences de sociétés étrangères (227). Il est de dix milliards s’agissant les banques

                                                            207 Art. 14 § 2 ; art. 29 L. 706/2005. 208 Le dépositaire sera désigné et le cas échéant remplacé suivant les termes du réglement du FCP ou des statuts de la SICAV. Art. 27 § 2 L

706/2005. 209 Art. 15 et art. 27 § 4 L. 706/2005. 210 Art 15 § L 706/2005. 211 v. MAFFEI, Controverse autour des obligations du dépositaire, RDBF janv.-févr. 2011, étude 8. 212 Art. 32 al. 1 L. 706/2005; art. 3, 4, 5 et 6, arrêté 7074/1998. 213 Art. 32 alinéa 3 L. 706/2005. 214 Art. 5 § 5 et art. 12 L. 706/2005. 215 Art. 32 alinéa 2, L. 706/2005. 216 Art. 7 § 1 L. 706/2005. 217 Art. 7 § 2 et 3 L. 706/2005. 218 Art. 8 § 1 L. 706/2005. 219 Art. 9 L. 706/2005. 220 Art. 10 § 2 L. 706/2005. 221 Art. 11 § a et § 9 L. 706/2005. 222 Art. 39 § 2 L. 706/2005. 223 Art. 20, et 40 § 2 L. 706/2005. 224 Art. 10 § 1 L 706/2005. 225 Art. 3 § 2 – a, arrêté 7074/1998. 226 Art. 3 § 1- b, arrêté 7074/1998 tel que modifié en vertu de l’article nº8684/2004. 227 Art. 4 § 2 arrêté 7074/1998 tel que modifié en vertu de l’article second de l’arrêté 8684/2004.

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libanaises ou agences de banques étrangères (228). La société de gestion engage sa responsabilité à l’égard des tiers ou envers les porteurs des parts pour toute violation des textes législatifs et règlementaires, du règlement du fonds et en tout cas pour ses fautes. Elle doit gérer le fonds en conformité avec son règlement, tenant compte du seul intérêt exclusif des porteurs des parts (229). La responsabilité peut être civile. Elle sera alors appréciée dans les mêmes termes qu’un mandataire salarié (230). Si l’action en responsabilité est accueillie, elle peut aboutir à la révocation des dirigeants de la société de gestion et éventuellement à la désignation d’un administrateur provisoire. La responsabilité peut être pénale (231). La mission de la société de gestion prend fin dans les mêmes conditions que le droit français (232).

110 Dépositaire. Le dépositaire répond de toute violation des lois et règlements du FCP ainsi que de ses fautes envers les tiers (233) ou envers les porteurs des parts dans des termes similaires à la responsabilité de la société de gestion (234). Sa responsabilité peut être individuelle ou solidaire avec le gestionnaire, selon le cas. L’action en responsabilité sera portée à l’encontre du dépositaire même. Elle peut déboucher sur la révocation des dirigeants du dépositaire. La responsabilité pénale du dépositaire pourra être retenue dans les mêmes termes que la responsabilité des gestionnaires (235). L’article 16 de la loi relatif à la fin de la mission du gestionnaire et du dépositaire prévoit l’hypothèse du « retrait du dépositaire par sa volonté ou par la volonté du gestionnaire ». Dans des termes similaires, l’article 30 met fin à la mission du dépositaire en cas de son « retrait volontaire ou de par la volonté de la SICAV ». Il en résulte que le gestionnaire peut révoquer le dépositaire en dehors de toute action judiciaire sous réserve de l’abus.

111 SICAV. La constitution de la SICAV, ses statuts ou leurs éventuelles modifications sont soumis à

l’agrément préalable de la BDL (236). La SICAV n’est pas astreinte à la condition de la réserve légale (237). Ses statuts sont signés par les « fondateurs » dans les termes du droit commun. En sus des mentions exigées pour toutes les sociétés commerciales, les statuts doivent contenir certaines mentions spéciales (238). La loi n° 706/2005 retient certaines spécificités des actions des SICAV dérogatoires au droit commun des sociétés par actions. Cela s’explique, notamment, par la règle selon laquelle le capital social change continuellement en fonction de la variation des actifs. Ainsi, elles sont intégralement libérées dès leur émission (239) et ne comportent pas de droit préférentiel de souscription en cas d’augmentation du capital (240). En outre, les actions sont émises et rachetées à tout moment par la société (241) à la demande de tout actionnaire et au prix résultant de la division de la valeur nette des biens de la SICAV sur le nombre d’actions émises (242). La SICAV est administrée comme dans toute société anonyme libanaise par le conseil d’administration et le président-directeur-général qui doivent satisfaire aux mêmes conditions de technicité et d’honorabilité exigées s’agissant les banques et autres établissements financiers. La responsabilité des dirigeants sera engagée dans les termes du droit commun. Selon le cas, il s’agira d’une responsabilité civile ou pénale. De même, des sanctions disciplinaires peuvent leur être infligées. Le contrôle des SICAV est assuré par le dépositaire des actifs désigné dans les statuts de la SICAV et agréé par la BDL (243). Celui-ci contrôle la régularité de ses décisions dans des termes identiques au dépositaire du FCP. Il assure les mêmes responsabilités (244). Il exerce son activité dans le seul intérêt des actionnaires (245). Sa mission prend fin dans les cas énumérés à l’article 30 § 2 de la loi 706/2005 (246).

                                                            228 Art. 7 § 2 – a, arrêté nº7074/1998 tel que modifié par l’article 3 de l’arrêté 8684/2004. 229 Art. 6 § 4 L 706/2005. 230 Art. 13 § 2 L. 706/2005. 231 Art. 44 L. 706/2005. 232 Art. 16 § a L. 706/2005. 233 Art. 14 § 3 L. 706/2005. 234 Art. 29 L. 706/2005. 235 Sur la possibilité d’appliquer l’abus de confiance s’agissant les titres dématérialisés, v. Paris 16 mars 1995, Dr. Sociétés 1995, comm. 127

note HAVASSE. 236 Art. 32 L. 706/2005 ; v. aussi art. 2 arrêté 7074/1998. 237 Art. 25 L 706/2005. 238 Art. 22 et 6 § 3 L. 706/2005. 239 Art. 21 L. 706/2005. 240 Art. 20 § 3 L. 706/2005. 241 Sauf clause contraire; cf. art. 22 § 1 et § 2. 242 Art. 22 § 2 L. 706/2005. 243 Art. 27 § 1 L. 706/2005. 244 Art. 27 § 3 et 4 et art. 29 L. 706/2005. 245 Art. 31 L. 706/2005. 246 Ces cas sont les suivants: retrait ou faillite de la SICAV; demande de délai de paiement, jugement judiciaire terminant l’activité de la

SICAV; défaillance de l’une des conditions posées par la BDL.

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SOUS-SECTION 2 – ETABLISSEMENTS NON SOUMIS A LA LOI BANCAIRE Parmi les établissements non soumis à la loi bancaire, on compte l’établissement public de logement (Paragraphe 1), les associations mutuelles (Paragraphe 2) et le Trésor public (Paragraphe 3). Paragraphe 1 – Etablissement public du logement

112 Présentation. Créé en vertu de la loi n° 539 du 24 juillet 1996 (247), l’établissement public du logement

(EPL) encourage l’épargne et accorde des crédits au logement. Il jouit de la personnalité juridique, de l’indépendance financière et administrative. Néanmoins, il est soumis à la tutelle du ministère du logement et des coopératives. Son siège est à Beyrouth, mais il peut ouvrir des agences sur tout le territoire libanais. L’activité de l’EPL s’exerce conformément au règlement édicté par son conseil d’administration. Ce règlement doit être certifié par décret pris en conseil des ministres sur proposition du ministre du logement et des coopératives. L’EPL peut effectuer toutes sortes d’opérations avec la banque de l’Habitat ou toute autre banque en vue de déposer ses fonds, recouvrer ses créances, ou même emprunter. Dans ce dernier cas, l’emprunt doit être exclusivement destiné à construire des logements pour les louer aux titulaires d’un revenu minimum. De même, le contrat de bail doit conférer à ces derniers le droit d’acquérir le logement loué moyennant un prix convenu au moment de la conclusion du contrat, tenant compte, même en partie des versements effectués à titre de loyers. A défaut de ces conditions, le prêt sera immédiatement exigible (248). L’EPL accorde des crédits à moyen et long terme aux particuliers voulant construire des logements sur les biens-fonds en leur propriété, acheter des logements construits ou en voie de construction, agrandir ou rénover leur logement. De même, l’EPL accorde les crédits aux établissements qui désirent construire des logements en vue de les donner à bail à leurs propres employés, ou en vue de les revendre aux bénéficiaires des crédits de l’EPL à l’exception des sociétés commerciales.

113 Fonctionnement. La gestion de l’EPL est assurée par un organe décisif constitué du conseil

d’administration et d’un organe exécutif présidé par le président-directeur-général de l’établissement. Le conseil d’administration veille à l’application de la politique de l’établissement, oriente son activité et de manière générale, et prend en conformité aux lois et règlements en vigueur toutes les décisions nécessaires à la réalisation de l’objectif pour lequel l’établissement fut créé, et assure sa bonne gestion. Le président-directeur-général est le président hiérarchique de toutes les unités de l’établissement ainsi que de tous les employés. Il dirige et surveille les activités de l’établissement, veille à la stricte application des lois et règlements en vigueur, etc. Le président et le conseil exercent leurs activités sous la tutelle du ministre du logement et des coopératives qui, le cas échéant, peut les déférer devant l’inspection centrale, etc.

Paragraphe 2 - Associations mutuelles

114 Union nationale de crédit mutuel. Instituées par le décret-loi n° 17199 du 18 août 1964 (249), les

associations mutuelles constituent des organismes d’entraide qui procurent à leurs sociétaires des crédits à taux avantageux. Les conditions du crédit sont fixées par l’union nationale du crédit mutuel (UNCM). L’UNCM fut créée en vertu du décret-loi n° 9813 du 4 mai 1968 (250). L’article 4 du décret a expressément écarté l’UNCM ainsi que les mutuelles d’épargne et de crédit locales du champ d’application du code de la monnaie et du crédit. Le statut de l’UNCM ne fut approuvé que le 17 mars 1972 en vertu du décret n° 2981 (251).

115 Opérations. Conformément au décret n° 2981/1972, l’UNCM accorde à ses sociétaires différents prêts,

crédits et garanties. Il peut escompter et réescompter toute sorte d’effets de commerce ainsi que les warrants et de manière générale, toutes obligations ou engagements à terme résultant des différentes opérations agricoles, commerciales, industrielles ou financières, à condition qu’ils reviennent à ses membres sous forme de compte courant, compte d’épargne ou autres (252). Le montant des capitaux déposés auprès de l’Union est sans aucune limite.

                                                            247 JO n°33 du 29 juillet 1996. 248 Arrêté n° 7673 du 18 sept. 2000 relatif aux prêts en devises libanaises accordés à l’établissement public du logement, JO n° 44 du 28 sept.

2000, 3693. Ce faisant, le texte consacre le crédit-bail immobilier. 249 JO n° 69 du 27 août 1964. 250 JO 39 du 13 mai 1968. 251 JO n° 31 du 17 avr. 1972. 252 Art. 3 D/L 2981.

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116 Livret. En cas d’ouverture d’un compte épargne, l’UNCM doit délivrer à son titulaire un livret spécial. Ce

livret constitue la preuve des montants ainsi déposés et ne peut faire l’objet de cession, virement ou endossement aux tiers. L’opération de dépôt ou de retrait des sommes d’argent du livret ne peut s’effectuer que sur présentation du livret à l’Union. Elle ne peut s’effectuer par chèque ou virement. En outre, les opérations de dépôt et de retrait doivent y être inscrites. Quant aux modalités de dépôt et de retrait, ainsi que la réglementation du compte courant, elles sont fixées par le conseil d’administration de l’Union (253).

117 Secret bancaire. La relation entre l’UNCM et ses membres est régie par le secret bancaire dans les termes

de la loi du 3 septembre 1956. Néanmoins, un tel secret ne doit pas contrevenir aux différents lois et règlements relatifs aux associations mutuelles. L’administration de la mutuelle, ainsi que toutes les personnes et les établissements publics et privés chargés par ladite administration de contrôler les activités de l’Union, ne doivent divulguer aucune information relative aux activités de l’Union, sa comptabilité, et les divers comptes qui y sont ouverts et ce, à toute personne, établissement ou administration (254).

Paragraphe 3 - Trésor public

118 Dépositaire et caissier. Le trésor public est un service public de l’Etat dépourvu de la personnalité morale,

institué auprès du ministère des finances. Traditionnellement, il tient deux rôles: celui de « dépositaire » et celui de « caissier ». Comme dépositaire, il reçoit tous les fonds appartenant aux administrations publiques, établissements publics assistés par l’Etat et n’ayant pas la qualité d’établissement industriel ou commercial et ceux revenant aux établissements publics dont 50% des dépenses annuelles sont assurées par l’Etat et ce, quelle que soit la nature des activités exercées (255). Comme caissier, le Trésor est chargé d’exécuter les opérations de recettes et de dépenses prévues par la loi de finances et de gérer divers comptes ouverts en dehors du budget (256).

119 Banquier. Le trésor devient de plus en plus banquier: il emprunte de l’argent à court, moyen ou long terme

par les bons du trésor ou par les eurobonds qui, en fait, constitue une monnaie. Il prête de l’argent à des sociétés privées, il renfloue les sociétés défaillantes notamment, des banques privées. Il accorde des crédits à des sociétés privées travaillant dans des secteurs d’intérêt général ou national, par le biais de prêts, de garanties ou de bonifications d’intérêts. De même, il apparaît directement ou indirectement par l’intermédiaire d’établissements spécialisés comme l’un des exécutants du Conseil du développement et de construction. Le trésor est actionnaire et titulaire de participation.

SECTION 3 – AUTORITES DE TUTELLE Il faut distinguer l’organe de représentation professionnelle (Sous-section 1) des organes de direction et de

contrôle (Sous-section 2). SOUS-SECTION 1- ORGANE DE REPRESENTATION PROFESSIONNELLE

120 Association libanaise des banques. L’ALB regroupe sur un même pied d’égalité toutes les banques

régulièrement inscrites sur la liste publiée par la BDL à titre de membre actif et éventuellement, toute banque étrangère si elle dispose d’un bureau de représentation dûment autorisé à titre de membre adhérent mais non votant. L’association renforce la coopération, favorise les liens entre ses membres et préserve leurs droits et intérêts communs relatifs à la profession bancaire. Elle coordonne les activités de ses membres et optimise la qualité de l’activité professionnelle. Elle donne son avis sur les projets de loi, les lois et les règlements relatifs à la législation financière et bancaire. L’association veille sur le développement de la coopération entre les banques au Liban et celles se trouvant à l’étranger notamment dans les pays arabes. L’ALB peut prendre toute mesure qu’elle estime nécessaire afin d’atteindre ses objectifs. L’ALB intente les actions en justice, intervient dans les procès devant les tribunaux afin de sauvegarder les intérêts de la profession. Tel n’est pas le cas et l’intervention de l’association doit être

                                                            253 Art. 62 et s DL 2981. 254 Art. 71 DL 2981. 255 Art. 1 DL n° 13684 du 23 août 1963, JO n°69 du 29 août 1963. 256 Art, 158 L 14969 du 30 déc. 1963.

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rejetée en cas de contentieux fiscal entre l’Etat et la banque imposée (257). L’ALB agit à travers son conseil élu par l’assemblée générale et composé de douze membres dont huit au moins doivent représenter des sociétés anonymes libanaises. L’ALB est représentée par le président du conseil élu par les membres du conseil. Il doit être de nationalité libanaise et président ou vice-président d’une banque ayant la forme d’une société anonyme libanaise. L’ALB est dotée d’un secrétaire général nommé par le conseil de l’association dont la mission est de diriger l’appareil technique et administratif au sein de l’association. SOUS-SECTION 2 - ORGANES DE DIRECTION ET DE CONTROLE Les organes de direction et de contrôle sont: la Commission de contrôle des banques (Paragraphe 1), la Haute instance bancaire (Paragraphe 2) et la Banque du Liban (Paragraphe 3).

Paragraphe 1 – Commission de contrôle des banques

121 Présentation. Instituée par la loi n° 28/67 du 9 mai 1967, la Commission de contrôle des banques (CCB)

est un organe administratif spécial instauré auprès de la BDL laquelle prend en charge ses dépenses. Mais la CCB est indépendante, en ce sens qu’elle n’est pas soumise à l’autorité de la BDL (258). La CCB a pour mission de vérifier périodiquement et continuellement la conformité de chaque banque opérant au Liban aux divers lois et règlements relatifs tant à la profession qu’à l’activité bancaire. Elle peut demander à toute banque de lui transmettre toutes informations ou documents. Elle peut exercer son contrôle sans aucun préavis. L’article 9 de la loi n° 28/67 lui confie expressément les mêmes pouvoirs de contrôle accordés à la BDL et à son gouverneur en vertu du code de la monnaie et du crédit. A cet effet, elle pourra requérir de la BDL tout renseignement qu’elle juge utile et nécessaire. La CCB peut même s’immiscer dans la politique monétaire ou financière de toute banque et la soumettre à un programme déterminé, destiné à améliorer sa situation et réduire ses divers frais. Elle prend les décisions à la majorité.

122 Composition. La commission est composée de cinq membres nommés pour cinq ans par décret pris en

conseil des ministres sur proposition du ministre des finances. Les membres prêtent serment devant le président de la république en s’engageant à remplir loyalement et minutieusement leurs fonctions dans le respect de la loi et de l’honneur.

123 Statut des membres. Les membres de la Commission doivent avoir l’expérience et les qualités morales

requises pour l’exercice de leurs fonctions. Sauf le cas de démission volontaire, ils ne peuvent être relevés de leur fonction que pour incapacité physique dûment constatée, infraction aux devoirs le leurs fonctions, violation des lois et règlements ou pour faute grave de gestion. Les membres de la Commission sont tenus de se consacrer exclusivement à leurs fonctions. Leurs fonctions sont incompatibles avec tout mandat législatif, toute fonction publique, toute activité dans une entreprise quelconque ou tout travail professionnel, rémunéré ou non. Il leur est interdit, durant leur mandat, de conserver, de prendre, ou de recevoir un intérêt quelconque dans une entreprise privée, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, participation, association, ou simple prêt. Les membres de la Commission sont tenus au secret bancaire de la loi du 3 septembre 1956 et ce, en vertu de l'article 151 c. monn. créd.

Paragraphe 2 - Haute instance bancaire

124 Présentation. Instituée par la loi n° 28/67 du 9 mai 1967 auprès de la BDL, la Haute instance bancaire

(HIB) s’est substituée à la « Commission des sanctions » prévue à l’article 209 c. monn. créd. C’est un organe administratif à caractère judiciaire ( 259 ), indépendant, dépourvu de personnalité morale. Par conséquent, toute action intentée à l’encontre de la HIB est irrecevable, l’action en justice doit être dirigée à l’encontre de la BDL (260) et les recours relèvent de la compétence du Conseil d’Etat (261).

125 Prérogatives. La HIB a une double compétence: l’une, relative à l’activité de la BDL et l’autre, relative à

la consolidation de la situation bancaire en conformité avec l’article 10 de la loi du 16 mars 1970 lui

                                                            257 CE 18 oct. 1983, Al Adl 1984, 168. 258 Trib. banc. spéc. 30 sept. 1997, Al Adl 1998, 120. 259 CE 15 févr. 1995, Rev. jud. lib. 1995, 215. 260 CE 23 déc. 1985, Al Adl 1986, 289. 261 CE 23 déc. 1985, préc.

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attribuant le « pouvoir d’exercer toutes les prérogatives qui lui sont reconnues en vertu de cette loi » (262). La HIB a pour mission de sanctionner toute banque qui enfreint ses statuts, les dispositions du code de la monnaie et du crédit ou les mesures édictées par la BDL et chaque fois qu’elle fournit des situations ou des renseignements incomplets ou faux. A ce propos, elle peut prendre à l’encontre de la banque contrevenante différentes sanctions disciplinaires dont: l’avertissement, la réduction ou suspension des facilités de crédit, l’interdiction de certaines opérations ou la limitation de l’exercice de la profession, la nomination d'un contrôleur ou d'un directeur intérimaire, la radiation de la liste des banques et ce, sans préjudice des amendes et sanctions pénales applicables à l'encontre de la banque contrevenante. La décision de radiation est une décision judiciaire immédiatement exécutoire sauf recours devant le Conseil d’Etat. Celui-ci se prononce sur la radiation en vertu d’une décision qui s’impose à la BDL (263). En revanche, la décision par laquelle le gouverneur de la BDL décide de radier une banque ne constitue qu’une simple formalité d’exécution, elle a pour objet non pas de constituer mais de déclarer la décision préalablement prise par la HIB (264).

126 Composition. La HIB est composée du gouverneur de la BDL, président, un des vice-gouverneurs choisi

par le Conseil central de la BDL, le directeur général des finances, un magistrat ayant exercé pendant au moins 10 ans, nommé par décret après approbation du conseil supérieur de la magistrature, le représentant nommé à la CCB sur proposition de l'association des banques et le président de l’institut national de garantie des dépôts.

127 Procédure. Le gouverneur de la BDL convoque le président de la banque concernée (265) ou à défaut le directeur responsable. Il lui remet une copie du rapport de la CCB transmis au Conseil central et lui fixe une date d’audition devant la HIB. Celle-ci peut, à tout moment, décider d’entendre le président de la banque ou le directeur responsable (266). Le président de la banque doit apporter ses remarques dans un délai de trois jours, renouvelable sur décision motivée (267). Si la personne convoquée ne comparaît pas, la HIB peut, suivant le cas, surseoir aux débats, accorder un délai supplémentaire ou continuer la procédure (268). Quelle que soit sa décision, elle doit être motivée. Si la HIB décide de nommer un directeur intérimaire ou un contrôleur, elle doit lui fixer ses pouvoirs ( 269 ). Les délibérations de l’HIB sont consignées dans des procès verbaux dûment signés par le président et les membres de la Commission et transcrites sur un registre spécial visé par le gouverneur de la BDL. Une copie est transmise au gouverneur. Celui-ci les signe et leur confère par l’effet de la signature le caractère d’originaux (270). La HIB se réunit sur convocation de son président ou à la demande de deux de ses membres. Ses réunions ne sont légales que si quatre membres au moins sont présents. Les décisions de la HIB sont prises à la majorité des trois voix au moins. En cas de partage, la voix du président est prépondérante.

128 Mainmise. Conformément à l’article 23 de la loi 28/67, la HIB peut décider la mainmise sur toute banque

si elle estime que sa situation ne lui permet plus de poursuivre ses activités. Ce pouvoir de décision joue tant qu’un tribunal n’a pas rendu un jugement proclamant la cessation des paiements de la banque concernée. Cependant, cette décision ne devient exécutoire qu’après approbation par le conseil des ministres, étant précisé que ces deux décisions ne sont susceptibles d’aucune voie de recours ordinaire ou extraordinaire, administrative ou judiciaire.

Paragraphe 3 - Banque du Liban

129 Présentation. Instituée par le décret-loi 13513 du 1er août 1963 portant promulgation du code de la

monnaie et du crédit, la BDL est une personne morale de droit public. Son capital appartient en totalité à l’Etat (271). Elle est dotée de l’autonomie financière (272) et occupe une place tout à fait particulière dans le système bancaire libanais. Son appellation expresse par l’article 12 c. monn. créd. de « Banque centrale »

                                                            262 CE lib. 3 juin 1997, Rev. jud. lib. 1998, 546. 263 CE 15 févr. 1995, arrêt préc. 264 CE 15 févr. 1995 arrêt préc. 265 Sur les modalités de la convocation, cf DL n°45 du 5 août 1976. 266 Art. 1-3. 267 Art. 2. 268 Art. 3. 269 Art. 4. 270 Art. 6. 271 Art. 15 c. monn. créd. 272 Art. 13 c. monn. créd.

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témoigne de l’importance et de l’originalité de son statut par rapport à toutes les autres banques opérant sur le territoire libanais. Cette place particulière consacrée par le code de la monnaie et du crédit trouve sa raison d’être dans la mission générale par l’article 70 c. monn. créd. à savoir « la sauvegarde de la monnaie afin d’assurer la base d’un développement économique et social continu ».

130 Direction. La direction de la BDL est assurée par un gouverneur assisté de quatre sous-gouverneurs

nommés par décret pour une durée de cinq ans renouvelable une ou plusieurs fois. Le gouverneur de la BDL n’est pas lié à l’Etat par un contrat de travail, il n’a pas le statut juridique d’un salarié, il n’est pas inscrit à la caisse de l’assurance sociale. De même, au vu des pouvoirs étendus dont il dispose (273), il ne peut être rapproché d’un président-directeur-général de sociétés. En réalité, il bénéficie d’un statut sui généris (274).

131 Conseil central. Le gouverneur est assisté par un Conseil central qui est l’organe essentiel. Outre le

gouverneur et les sous-gouverneurs, ce Conseil comprend le directeur général du ministère des finances et le directeur général du ministère de l’économie nationale. L’article 28 c. monn. créd. précise que ces deux derniers membres n’agissent pas au Conseil comme des mandataires du gouvernement, ils n’exercent à la BDL que les fonctions inhérentes à leur qualité de membres du Conseil central. Les pouvoirs du Conseil central sont énumérés à titre non limitatif par l’article 33 c. monn. créd.: il définit la politique monétaire et la politique de crédit de la Banque; il établit les règlements d'application du code de la monnaie et du crédit; il fixe à la lumière de la conjoncture économique les taux de l'escompte et des intérêts des avances de la BDL; il délibère de toutes les mesures touchant les banques. Le conseil central exerce son contrôle sur la BDL. Ainsi, il délibère sur les questions concernant les immeubles ou les droits immobiliers de la BDL, les mainlevées, les saisies immobilières, les oppositions ou inscriptions hypothécaires, etc. Il établit le statut particulier du gouverneur et des sous-gouverneurs prévu à l'article 22 et le statut général du personnel de la BDL. Le Conseil arrête le budget de dépenses de la BDL et y apporte, en cours d’année les modifications nécessaires. Il approuve le projet de rapport annuel que le gouverneur doit adresser au ministre des finances conformément à l'article 117 c. monn. créd. En outre, un commissaire au gouvernement est chargé de veiller sur la stricte conformité dudit conseil aux différentes lois et règlement en vigueur (275).

132 Agrément. L’exercice de l’activité bancaire et de manière générale de toute activité financière nécessitant

des opérations de dépôt, de crédit, ou de change doit obtenir l’agrément préalable du Conseil central de la BDL (276). En outre, les établissements financiers et bancaires devront demander leur inscription sur les différentes listes établies par la BDL (277). A défaut, ils ne peuvent exercer lesdites activités (278). La décision expresse ou tacite de refus d’inscription sur la liste n’est susceptible d’aucun recours (279). L’agrément est souverainement apprécié par le Conseil central de la BDL, en ce sens qu’il n’est pas obligé d’accorder l’agrément par la simple réunion des conditions requises (280).

133 Interdictions et incompatibilités. Les agents de la BDL sont engagés sous le régime du droit privé. Il leur

est interdit d’adhérer aux partis politiques et de cumuler leur travail à la BDL avec les fonctions parlementaires, municipales, ou celles de "moukhtar", de même qu'il leur est interdit d'occuper des postes de membres de conseil d'administration dans les sociétés. Sont interdites toute rémunération et toute allocation sous une forme quelconque de commissions ou de tantièmes dans les revenus ou les bénéfices de la BDL.

134 Exemptions. La BDL est exemptée de tous impôts, taxes et droits quelconques institués ou pouvant être

institués au profit de l’Etat, des municipalités ou de tout autre organisme (281). Jugé, que la BDL n’est pas

                                                            273 En plus de son pouvoir règlementaire, le gouverneur doit autoriser toute poursuite pénale en raison de la violation des dispositions du

code de la monnaie et du crédit cf. art. 9 c. proc.pen.lib. Tel n’est pas le cas en cas de poursuite d’un intermédiaire financier pour des faits sanctionnés par le code pénal libanais, Cass.6e crim.lib. 31 déc.2009, Cassandre 2009/12, 2153. 

274 Cons. arb. trav. Beyrouth 16 avr. 1993, Al Adl 1993, 540. 275 DL n°16400 du 22 mai 1964. 276 Art. 128 c. monn. créd. 277 Art. 135 c. monn. créd. 278 Art. 137 c. monn. créd. 279 CE 15 févr. 1995, Rev. jud. lib. 1995, 213. 280 CE 15 févr. 1995 arrêt préc. 281 Art. 118 c. monn. créd.

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soumise à l’obligation de présenter la caution nécessaire lors de l’introduction d’un appel ou d’un pourvoi en cassation (282).

135 Privilèges. La BDL a un droit de gage général sur les avoirs et autres valeurs qu’elle détient à un titre

quelconque, au nom ou pour le compte de ses débiteurs (283). Sans préjudice de toutes dispositions, présentes ou à venir, plus favorables aux créanciers gagistes, la banque est habilitée à réaliser le gage garantissant ses créances selon la même procédure simplifiée sus-mentionnée: ainsi, à défaut de remboursement d’une créance échue, la banque peut, quinze jours après une sommation notariée signifiée au débiteur, nonobstant toute opposition, faire vendre le gage pour recouvrer les sommes qui lui sont dues en capital, intérêts, commissions et frais, sans préjudice des autres poursuites qui pourraient être exercées contre le débiteur et ou ses garants et ou ses coobligés. La vente sera ordonnée par le président du tribunal de première instance sur simple requête de la banque, sans qu’il y ait lieu d’appeler le débiteur. La banque est désintéressée de sa créance, directement et sans autre formalité sur le produit de la vente (art. 120 c. monn. créd.). Cependant, pour qu’elle puisse bénéficier de cette procédure, la banque doit s’être munie de l’acceptation écrite de l’emprunteur sur cette procédure avant ou au moment de la conclusion du prêt (art. 120 dernier alinéa c. monn. créd.).

136 Opérations. La BDL peut se livrer à toutes sortes d’opérations bancaires. Elle peut ouvrir des comptes de

dépôts en devises étrangères à vue ou à terme au profit des autres banques ou établissements financiers et de manière générale au profit de toute personne régulièrement autorisée par les lois et règlements en vigueur (284). Dans ce cas, les titulaires des comptes seront dispensés de toute commission. La BDL versera des intérêts à des taux variant avec l’indice mondial (285) quotidiennement publiés par elle-même (286). En outre, elle peut accorder divers crédits aux banques et autres établissements financiers et procéder aux opérations d’escomptes des effets de commerce libellés en devises étrangères ou libanaises (287) et émettre des certificats de dépôt au profit de banques et établissements financiers résidents ou non résidents (288). Le faux portant sur les titres émanant de la BDL comme ceux émanant de toute autre banque est assimilé au faux d’écritures publiques (289) incriminé par l’article 460 c. pén. lib. (290). Certaines opérations sont interdites à la BDL. Ainsi, par exemple, elle ne peut nullement disposer directement ou indirectement de la réserve or, un texte législatif émanant du parlement est nécessaire à cet effet (291).

137 Litiges. L’article 13 alinéa 2 c. monn. créd. répute la BDL commerçante dans ses relations avec les tiers

(292 ) elle exécute et comptabilise ses opérations conformément aux règles et usages commerciaux et bancaires. Jugé, que le Conseil d’Etat est incompétent pour connaître des litiges opposant la BDL à ses employés. Dans ce cas, la BDL emploie à titre d’établissement industriel et commercial, non public, en ce sens que les employés sont embauchés dans les termes du droit privé. Il en résulte que seul le Conseil arbitral de travail sera compétent pour connaître de tels litiges (293). Dans le même sens, le Conseil d’Etat français décide que : « Si la banque de France constitue une personne publique chargée par la loi de missions de service public, elle n’a pas le caractère d’un établissement public mais revêt une nature particulière et présente des caractéristiques propres. Au nombre des caractéristiques propres à la Banque de France figure l’application à son personnel des dispositions du code du travail qui ne sont incompatibles ni avec son statut, ni avec les missions de service public dont elle est chargée » (294). De même, lorsque la BDL fait l’objet d’une dénonciation calomnieuse, elle peut valablement au même titre que toute personne physique ou morale saisir les juridictions répressives normalement compétentes (295).

                                                            282 Beyrouth 28 mars 1988, Rec. Hatem fasc. 196, 346 ; cf art. 119 c. monn. créd. 283 Art. 119 c. monn. créd. 284 Arrêté n° 5258 du 17 septembre 1993 relatif à l’ouverture des comptes de dépôts en devises étrangères. 285 Art. 3 arrêté 5258/1993. 286 Art. 4 arrêté 5258/1993. 287 Arrêté n° 6116 du 7 mars 1996 relatif aux facilités accordées par la BDL aux banques et établissements financiers. Sur le taux d’escompte

et les taux des crédits accordés par la BDL, arrêté n° 6941 du 25 mars 1998. 288 Sur la réglementation des certificats de dépôt émis par la BDL, arrêté n° 7534 du 2 mars 2000. 289 Cass. crim. lib. 4 nov. 1998, Rec. crim. Sader 1998, 281, sp. 283. 290 Art. 460 c. pén. lib.: « Sont assimilées aux écritures publiques pour l’application de l’article précédent, les valeurs au porteur ou

nominatives dont l’émission a été légalement autorisée au liban ou dans un autre Etat, ainsi que tous titres de crédit au porteur ou transmissibles par voie d’endossement ».

291 Loi n° 42/86 du 24 sept. 1986. 292 Beyrouth 9° ch., 27 janv. 2011, Cassandre 2011/1, 213s spéc. 214 ; Trib. 1er inst. Beyrouth 19 mai 1988, Rev. jud. lib. 1988, 968. 293 CE 3 avr. 1985, Rep. drt. banc. 604s. 294 CE, sect. contentieux, 7e et 2e ss-sect. réunies, 23 mars 2007, RDBF sept.-oct. 2007, comm. 172, note CREDOT et SAMIN. 295 Beyrouth 1er févr. 1973, Al Adl 1973 p 272.

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Selon l’article 13 alinéa 5 c. monn. créd. les tribunaux de Beyrouth sont seuls compétents pour statuer sur

tous les litiges entre la banque et des tiers (296). Cependant, la compétence impérative des tribunaux de Beyrouth ne joue que s’agissant des litiges civils et commerciaux naissant des rapports de la BDL en sa qualité de commerçante avec les tiers. En revanche, pour les autres litiges, cette compétence ne joue pas. Ainsi, en matière pénale, il y a lieu d’appliquer l’article 9 c. proc. pén. lib. aux termes duquel l’action est portée devant le tribunal du lieu du délit, du lieu du domicile du défendeur ou du lieu de l’arrestation (297).

A l’inverse, lorsque la BDL agit dans le cadre des missions qui lui sont conférées par l’article 70 c. monn.

créd., elle échappe à la compétence des tribunaux judiciaires de Beyrouth. En effet, dans ce cas, elle est considérée non pas comme un commerçant mais comme une véritable puissance publique exerçant le pouvoir réglementaire (298). Il en résulte que dans ce cas, seule la juridiction administrative est compétente pour connaître des litiges qui résultent de l’exercice d’un tel pouvoir (299). Ainsi en est-il des litiges nés des facilités que la BDL peut ou non consentir aux banques en vertu de l’article 99 c. monn. créd. aux termes duquel: « La banque centrale n’est pas tenue à une obligation de principe de consentir des crédits aux banques. Elle le fait dans le mesure où elle juge que son concours sert à l’intérêt général » (300). De même en est-il des litiges nés de la décision de radiation de la liste des banques (301). Dans tous ces cas, les décisions de la BDL sont considérées comme des actes administratifs exorbitants de droit commun et échappent au contrôle judiciaire.

                                                            296 Beyrouth 9° ch., 27 janv. 2011 préc. 297 Cass. crim. lib. 26 janv. 1999, Rec. crim. Sader 1999, 558 ; Rapp. Cass. 3° com. 24 nov. 2009, Cassandre 2009/11, 1881. 298 Trib. 1re Inst. Beyrouth 19 mai 1988, Rev. jud. lib. 1988, 968 ; Rec Hatem fasc. 208, 377 et s ; Rec Chamsedine, Droit commercial 1995,

196, Trib. 1re inst Beyrouth 28 avr. 1983, Al Adl 1984, 527. 299 CE 8 juin 1992, Al Adl 1993, 339. 300 Cass. civ. lib. 15 mars 1991, Rev. jud. lib. 1990/1991, 762 ; Trib. 1re inst. Beyrouth 19 mai 1988 préc. 301 Trib. 1re inst. Beyrouth 28 avr. 1983 préc.

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CHAPITRE 2 - REGLEMENTATION DE L’ACTIVITE BANCAIRE Nous évoquerons les règles relatives à l’exercice (Section 1) et à la fin (Section 2) de l’activité bancaire.

SECTION 1 – EXERCICE DE L’ACTIVITE BANCAIRE

Dans l’exercice de son activité, la banque est soumise à la réglementation propre aux banques (Sous-section 1) et au droit commun (Sous-section 2). SOUS-SECTION 1 - SOUMISSION DE L’ACTIVITE BANCAIRE A LA REGLEMENTATION PROPRE AUX BANQUES La réglementation proprement bancaire concerne le monopole de l’activité bancaire (Paragraphe 1), l’exclusivité de la profession bancaire (Paragraphe 2), les prises de participation (Paragraphe 3), les placements fonciers (Paragraphe 4), l’émission et la négociation des actions (Paragraphe 5), les ratios imposés aux banques (Paragraphe 6), le contrôle (Paragraphe 7), le secret bancaire (Paragraphe 8) et la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (Paragraphe 9). Paragraphe 1 - Monopole de l’activité bancaire Le législateur libanais à l’exemple de son homologue français a prévu un double monopole: l’un relatif aux opérations (Sous paragraphe 1) et l’autre relatif aux opérateurs (Sous paragraphe 2).

Sous-paragraphe 1 - Monopole des opérations 138 Domaine. Le législateur français a instauré un monopole portant sur les opérations de banque en général.

L’article L 511-5 c. monét. fin. interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit d’effectuer des opérations de banque à titre habituel. De même, il interdit à toute entreprise autre qu’un établissement de crédit de recevoir du public des fonds à vue ou à moins de deux ans de terme. L’interdiction portant sur les opérations de banque, le monopole concerne tant la réception de fonds du public, les opérations de crédit, que la mise à disposition de la clientèle des moyens des paiements ou leur gestion c’est-à-dire toutes les opérations de banque (art. L 311-1 c. monét. fin.). Aux termes de l’article 125 c. monn. créd.: « il est interdit à toute personne physique ou morale n’exerçant pas la profession bancaire de recevoir des dépôts au sens de l’article 123 ». Or, l’article 123 soumet le régime des dépôts à l’article 307 c. com. Celui-ci figurant sous le livre III- Titre V intitulé « Opérations de banque » rend la banque propriétaire des dépôts de somme d’argent qu’elle reçoit et l’oblige à restitution. Il en résulte que le législateur libanais limite le monopole bancaire aux seules opérations de réception de fonds du public à titre de dépôt. On peut en déduire, a contrario, que les banques ne bénéficient d’aucune exclusivité ni pour les opérations de crédit, ni pour les opérations de réception de fonds à titre de produit d’emprunts (art. 122 c. monn. créd.), ni pour les opérations de mise à disposition des moyens de paiement et leur gestion, ni pour les diverses opérations financières. Ce sont là des activités que les banques ont le droit d’exercer mais sans monopole. En effet, l’article 178 c. monn. créd. précise que « l’objet fondamental » des établissements financiers est de « faire des opérations de crédit, de quelque genre qu’elles soient » et l’article 179 c. monn. créd. ne considère pas comme dépôts au sens de l’article 123 c. monn. créd.: «les fonds que les établissements financiers se procurent au moyen de leurs transactions avec les autres banques ou les autres établissements financiers ou au moyen de l’émission d’obligations ». De même, les opérations de crédit restent licites lorsqu’elles sont accomplies par la BDL, le Trésor public, les entreprises d’assurance, les sociétés de bourse, les sociétés de crédit-bail etc., mais uniquement dans la limite de leur objet social. Sous-paragraphe 2 - Monopole des opérateurs

139 Banques. Le législateur libanais a concentré l’exercice de l’activité bancaire entre les mains des banques

afin de prévenir toute tromperie du public (1) et a réservé l’exercice de l’activité bancaire aux sociétés

                                                            1 Art. 137 c. monn. créd.: « Aucune entreprise ne peut, si elle n’est pas inscrite sur la liste des banques, exercer la profession bancaire, ni

faire figurer les termes « banque », « banquier » ou « bancaire », ou tout autre terme équivalent dans une banque quelconque, soit dans sa dénomination, soit dans la désignation de son objet, soit dans sa publicité, ni utiliser ces termes d’une manière quelconque pouvant induire en erreur le public sur sa qualité ».

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offrant les plus grandes garanties financières. Ainsi l’article 126 c. monn. créd. a limité l’exercice de la profession bancaire aux établissements constitués sous forme de sociétés anonymes ou par actions. Le monopole bancaire est assorti de sanctions pénales. Par exemple, l’article 195 c. monn. créd. punit la violation de ses dispositions des peines portées à l’article 655 c. pén. lib. relatif au délit d’escroquerie à savoir un emprisonnement allant de six mois à trois ans et une amende allant de cent mille à un million de livres libanaises. Le texte de l’article 165 c. monn. créd. sanctionne un comportement délictuel autonome de celui de l’article 655 c. pén. dont il n’emprunte que les sanctions (2). Jugé, coupable d’exercice illégal de la profession bancaire le prévenu qui réalise des opérations de banque à titre habituel en procédant à des transferts de fonds, appartenant à des tiers, entre la Nouvelle-Calédonie et l’étranger, lesquelles ne peuvent s’effectuer que par l’intermédiaire d’établissements de crédit ou d’institutions habilitées (3).

140 Incompatibilités. L’article 127 c. monn. créd. prévoit certaines incompatibilités. Ainsi, nul ne peut fonder

ou diriger une banque ou être employé par une banque s’il a été condamné depuis moins de dix ans pour des crimes financiers (vol, abus de confiance, escroquerie, etc.) ou s’il a été déclaré en faillite sans être réhabilité depuis dix ans au moins (4).

Paragraphe 2 - Exclusivité de la profession bancaire

141 Interdictions. L’article 152 alinéa 1 c. monn. créd. prévoit: « Il est interdit aux banques de pratiquer un

commerce, une industrie ou une activité quelconque étrangers à la profession bancaire ». Cette interdiction se justifie par le fait que l’exercice d’activités non bancaires notamment commerciales, nécessite l’investissement de grands capitaux et accroît les risques de gain ou de perte, ce qui compromet sensiblement la solvabilité et la liquidité des banques. Aussi le législateur libanais a-t-il, au même titre que le législateur français, consacré le principe de la séparation de l’activité bancaire des autres activités étrangères à la profession bancaire. Le texte de l’article 152 est rédigé en termes généraux, il vise « toute » activité dans la mesure où elle est étrangère à la profession bancaire.

Paragraphe 3 - Prises de participation

142 Liberté mesurée. La banque peut prendre et détenir des participations dans toute entreprise à condition que

l’ensemble de ses éléments d’actif représentant ses frais de premier établissement, ses installations, son mobilier, ses investissements immobiliers et ses parts d’associé ou participations sous quelque forme que ce soit, dans tout établissement quel qu’en soit l’objet, majoré de l’ensemble des crédits consentis, ne dépasse à aucun moment l’ensemble de ses fonds propres (art. 153 c. monn. créd.). A ce propos, il convient d’observer que l’acquisition des biens immobiliers reste soumise à l’agrément préalable de la BDL (5); les biens immobiliers inclus dans l’ensemble de ces éléments d’actif ne peuvent être représentés que par des biens agréés par la BDL en vertu d’un règlement spécial établi par le Conseil central (art. 153 al. 2 c. monn. créd.); la banque peut acquérir des parts d’associé ou participations (ou des immeubles) au-delà de la marge autorisée si l’acquisition est faite en recouvrement de créances douteuses ou en souffrance, mais elle doit dans ce cas liquider ces actifs dans un délai maximal de 2 ans, le cas échéant, elle devra se référer à la BDL (art. 154 al. 1 c. monn. créd.). Toute participation dépassant 10% du capital est soumise à l’agrément préalable de la BDL (6).

143 Participation dans les sociétés foncières. La banque peut participer au capital d’une société foncière

anonyme dont l’objet social serait limité à l’acquisition du bien-fonds où se trouve le siège principal de la banque ou à l’acquisition de biens-fonds occupés ou destinés à être occupés par les agences de la banque. Le Conseil central doit au préalable autoriser ladite participation mais aussi ratifier les statuts de la société foncière ainsi que toute modification ultérieure des statuts. En outre, aucune cession des actions de la

                                                            2 Cass. 6e com. lib., 29 déc. 2009, Cassandre 2009/12, 2155. 3 Cass. com. 22 sept. 2010, RDBF 2011, mai-juin, comm. 79 note CREDOT et SAMIN. 4 Une circulaire n°8 du 30 avril 1986 interprétant l’article 127 considère que: « toute personne occupant le poste de président-directeur-

général, directeur général, directeur général adjoint ou directeur adjoint, n’a le droit ni d’exercer des activités commerciales propres ni d’être associée dans des sociétés de personnes dans lesquelles ou à l’égard desquelles elle serait tenue de responsabilités illimitées ».

5 Art. 10 L 308/2001. 6 Arrêté n°7156 du 10 nov. 1998 relatif aux dépôts, investissements et crédits des banques libanaises dans les banques.

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société n’est possible qu’après autorisation de la BDL (7). La participation de la banque au capital de la société foncière ne peut être inférieure à 51% (8).

Paragraphe 4 - Placements fonciers

144 Présentation. Les placements fonciers de la banque sont réglementés par l’arrêté n°7462 du 23 novembre

1999 relatif au règlement des placements et participations fonciers des banques. La banque commerciale ne peut effectuer de placements fonciers directs qu’après autorisation préalable du Conseil central de la BDL, laquelle n’est accordée qu’après avis favorable de la Commission de contrôle des banques (9). Au besoin, il faudra produire l’autorisation nécessaire relative à l’acquisition d’un bien-fonds par un étranger.

145 Dation en paiement de créances en souffrance ou douteuses. A titre exceptionnel, la banque peut détenir

des parts d’associés ou des participations ou des biens-fonds dont la valeur totale dépasse le plafond autorisé à condition qu’ils soient pris à titre de dation en paiement de créances en souffrance ou douteuses. Toutefois, ces actifs doivent être liquidés dans un délai maximal de deux ans (art. 154 c. monn. créd.) sous réserve des dispositions des articles 89 et 147 c. com. lib. (10) et que l’opération ainsi envisagée ne soit pas constitutive d’acte de blanchiment d’argent (11). Si ce délai ne peut être respecté pour des raisons de force majeure, il y a lieu de se référer à la BDL. Si le Conseil central de la BDL refuse de proroger ce délai, la banque concernée devra constituer une « réserve de biens-fonds à liquider en livres libanaises » sur une période déterminée par le Conseil central à courir de l’année financière au cours de laquelle le délai (de deux ans) de liquidation prend fin et ce, à raison d’un cinquième de la valeur annuelle des fonds (12). Cette réserve ainsi constituée ne fait pas partie des fonds propres de la banque. La détention temporaire de biens-fonds est exemptée de l’autorisation visée dans la loi sur l’acquisition de droits réels par les étrangers mais elle est soumise à l’autorisation de la CCB qui s’assure que l’acquisition a lieu en dation en paiement de créances en souffrances ou douteuses (13). L’acquisition temporaire de ces biens-fonds est soumise à une taxe d’enregistrement de l’ordre de 2% du montant de l’évaluation agréée par la BDL après avis de la CCB (14).

L’obligation de liquider les actifs dans le délai maximal de deux ans est prévu sous peine des sanctions disciplinaires de l’article 208 code monn. créd. Cependant, cette obligation bien qu’impérative n’est pas d’ordre public au sens absolu permettant à toute personne intéressée de se prévaloir de son inexécution. Le législateur a juste doté la BDL du pouvoir de surveiller les banques à cet effet et de prendre les mesures à l’encontre de la banque contrevenante. Il en résulte que l’application de l’article 154 c. monn. créd. reste cantonnée aux relations internes entre la BDL et les banques (15). Paragraphe 5 - Emission et négociation d’actions

146 Actions privilégiées ou de priorité. Sous la condition d’obtenir l’autorisation de la BDL (16), l’assemblée

générale extraordinaire des actionnaires de banques libanaises peut décider de la création d’actions privilégiées ou de priorité bénéficiant de certains privilèges ou droits ou préférences déterminés par la même assemblée générale extraordinaire (17). Les actions de priorité bénéficient de tous les droits énoncés à l’article 105 c. com. lib.: droit au dividende, droit au remboursement du montant nominal de l’action et au partage de l’actif, droit de céder son titre à l’exception du droit de préférence à la souscription lors des augmentations de capital (18), droits de participer aux débats et de voter aux assemblées générales ainsi que

                                                            7 Art 10-d arrêté 7156/1448. 8 Art 10-a arrêté 7156/1998. 9 Art 2; art 153 c. monn. créd. 10 Les actions doivent être nominatives, ne peuvent être négociées qu’après approbation de l’assemblée générale, etc. 11 Art. 1 § 3 L. 308/2001. 12 Arrêté interm. n° 8687 du 3 avr. 2004. 13 Art. 154 alinéa 2 c. monn. créd. ; cf arrêté n° 7740 du 21 déc. 2000 modifié relatif à la liquidation des immeubles, participations et parts

sociales acquises en paiement de créances en souffrance ou douteuses. 14 Art. 11 L. 308 du 3 avr. 2001. 15 Beyrouth 8 mai 1977, Rec. Hatem, fasc. 214, 734 sp., 738. 16 L’émission et la négociation des actions représentatives du capital de la banque sont réglementées par la loi n° 308 du 3 avril 2001 relative

à l’émission et la négociation des actions des banques et l’émission des titres de créances et l’acquisition de bien-fonds par les banques et, l’arrêté n° 7814 du 11 mai 2001 relatif au règlement d’application pour l’émission et la négociation des actions des banques libanaises,( JO n° 24 du 17 mai 2001 , 1903s.

17 V. art 11, arrêté 7814/2001. 18 Art. 14 L. 308/2001.

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le droit d’être membre au conseil d’administration. Exceptionnellement, les titulaires d’actions de priorité pourront voter et participer aux débats dans certains cas évoqués par la loi n° 308/2001.

147 Droits d’option. Sous réserve de l’agrément de la BDL, l’assemblée générale extraordinaire peut permettre

au conseil d’administration de la banque d’accorder à son président, aux membres du conseil d’administration occupant des postes administratifs, aux employés des banques, et à toute personne chargée de sa direction, des droits gratuits d’option leur conférant le droit de souscrire à un nombre déterminé des actions de la banque (19). Le conseil d’administration doit préciser les conditions dans lesquelles sont conférés les droits d’option ainsi que les dates de leur exigibilité et les délais accordés pour leur exercice et le prix de souscription aux actions. Le droit d’option conféré par le conseil d’administration est incessible. Le bénéficiaire doit exercer ce droit durant le délai fixé sous peine de déchéance. Néanmoins, en cas de décès du titulaire du droit avant l’expiration du délai, le droit sera transmis à ses héritiers ou légataires. Ces derniers disposeront alors d’un délai de six mois à dater du décès pour l’exercer nonobstant le délai initial qui reste pour l’exercice d’un tel droit (20).

148 Agrément. Parfois, la souscription ou la négociation des actions des banques libanaises est soumise à

l’agrément préalable du Conseil central de la BDL; ainsi en est-il par exemple si le souscripteur ou le cessionnaire, de manière directe ou par le biais d’un contrat fiduciaire, acquiert plus de 5% de l’ensemble des actions de la banque ou de l’ensemble des droits de vote revenant à ces actions; si le cessionnaire possédait au moment de la cession 5% ou plus de l’ensemble des actions de la banque ou des droits de vote attachés à ces actions ou si le cédant ou cessionnaire est un membre actuel ou élu du conseil d’administration et ce, quel que soit le nombre de ses actions. Pour l’appréciation des situations exigeant l’agrément, la transmission des actions par succession ou testament n’est pas considérée comme une cession (21). En outre, l’agrément n’est pas requis s’agissant les actions souscrites par les actionnaires aux augmentations de capital de la banque ou des cessions d’actions de priorité, même si de telles cessions ont lieu par contrats fiduciaires (22).

149 Cotation et achat des actions. Nonobstant tout texte contraire, il est strictement interdit de coter sur le

marché financier les actions de toute banque en formation ou régulièrement inscrite sur la liste de la BDL. De même, il est interdit à toute banque d’acheter toute portion de ses propres actions en vente sur les marchés financiers sauf autorisation du Conseil central de la BDL (23). A cet effet, le Conseil central peut tenir compte des capacité et compétence des souscripteurs et cessionnaires, matérielle et morale (24).

150 Perte du contrôle ou des droits de vote. Le Conseil central de la BDL pourra s’opposer à toute cession

d’actions à toute banque libanaise pouvant aboutir de manière directe ou indirecte à la perte, même partielle, par un actionnaire ou un groupement économique du contrôle réel de la banque ou de ses droits de vote.

Les oppositions sont exercées en vertu du pouvoir discrétionnaire du Conseil central et s’imposent

impérativement aux banques et actionnaires concernés (25). 151 Sanctions. Toute cession irrégulière effectuée contrairement aux dispositions de la loi n° 308/2001

notamment sans l’agrément de la BDL, est sans effet à l’égard du cessionnaire (26). Les actions ainsi cédées ou négociées pourront être mises aux enchères ou sur les marchés financiers réguliers pour le compte et sous le responsabilité du cessionnaire (27). En outre, toute personne qui a participé ou est intervenue de manière intentionnelle ou de mauvaise foi à une telle vente sera punie de six mois à trois ans d’emprisonnement et condamnée à une amende d’un montant allant du montant de l’opération au triple de sa valeur (28).

                                                            19 Art. 3-1 L 308/2001. 20 Art. 3-4 L 308/2001. 21 Art. 4-2 L. 308/2001. 22 Art. 4-4 L. 308/2001. 23 Art. 5. 24 Art 6 ; GHSOUB, Les opérations interdites aux banques libanaises, Al Adl 1994, 29. 25 Art. 7 L. 308/2001. 26 Art. 8-1. 27 Art. 8-1. 28 Art. 8-2 L 318/2001.

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Paragraphe 6 - Ratios 152 Présentation. L’article 174 c. monn. créd., autorise la BDL à faire des recommandations et à mettre en

œuvre les moyens tendant à assurer une gestion bancaire saine. Ces recommandations et moyens peuvent être de caractère général ou individuel. Plus particulièrement, la BDL pourra également fixer et modifier, chaque fois qu’elle le juge nécessaire, les normes de gestion que les banques doivent observer pour se maintenir en état de liquidité et de solvabilité (29). A titre d’exemple, l’article 175 c. monn. créd. reconnaît à la BDL le pouvoir de fixer périodiquement d’une manière générale ou pour chaque banque séparément, les proportions ou taux qui doivent exister entre les avoirs et les exigibilités ou entre les éléments de ces avoirs et les diverses exigibilités. En fait, il s’agit de rapporter entre certains éléments d’actif et de passif permettant de mesurer les risques courus par les banques. Ces taux sont fixés par le Conseil central de la BDL. Pour leur calcul, l’assiette des fonds propres est prise en compte (30).

153 Ratio de solvabilité. Le ratio de solvabilité est constitué par le rapport entre le montant des capitaux

propres et le montant des engagements envers les tiers, au bilan ou hors bilan. Aux termes de l’arrêté n° 6939 du 25 mars 1998, le ratio de solvabilité des banques ne doit pas être inférieur à 12% devant être calculé sur base des bilans consolidés. Ce ratio s’impose tant aux banques qu’aux établissements financiers (31). Il a été établi par le comité de Bâle (32).

154 Pondération des risques. S’il existe plusieurs sortes de risques: risque de placement, risque du taux

d’intérêt ou de change (33) la réglementation bancaire libanaise, ne prend en considération que le risque de crédit (défaillance du débiteur). La pondération est calculée selon un coefficient appliqué à chaque catégorie de risque. (34).

155 Contrôle des grands risques. Les banques doivent respecter un rapport maximum entre l’ensemble des

risques qu’elles encourent du fait d’un même bénéficiaire et le montant de leurs fonds propres et un rapport maximum entre l’ensemble des risques qu’elles encourent du fait de leurs opérations avec des bénéficiaires ayant reçu chacun des concours supérieurs à une certaine proportion des fonds propres nets et ces mêmes fonds propres. Ainsi par exemple, l’ensemble des crédits accordés par toute banque opérante au Liban à une même personne physique ou morale ou à un « groupement lié de débiteurs » (35) ne peut dépasser 20% du montant des fonds propres de la banque. Lorsque le montant du crédit dépasse le taux de 15%, il ne doit en aucune manière franchir la proportion de 8% du montant de l’ensemble des fonds propres de la banque (36). Ces taux ne s’appliquent pas pour les facilités accordées aux établissements publics et aux crédits garantis par l’Etat (37).

156 Coefficient de fonds propres et de ressources permanentes. Ce coefficient a pour objet d’éviter les

conséquences trop brutales de la suppression de l’encadrement du crédit et le financement des prêts à long terme avec des réserves monétaires. Par exemple, le coefficient des fonds propres en livres libanaises est de l’ordre de 40% (38). Le coefficient des fonds propres en devises étrangères est de 10% (39).

                                                            29 Art. 174 c. monn. créd. dernier alinéa. 30 Une définition des fonds propres a été donnée par l’arrêté n° 6938 du 25 mars 1998 tel que modifié par l’arrêté intermédiaire n° 8683 du 3

avril 2004, JO Annexe n° 19 du 8 avril 2004, 9s. Cet arrêté classe les fonds propres en fonds propres principaux tier one et fonds propres consolidés tier two). Outre les fonds propres de base (capital, réserves, primes d’émission, le report à nouveau…) doivent aussi être pris en compte des fonds propres complémentaires (fonds de garantie, emprunts à long terme…

31 Cf art 7-1 arrêté n°6576 du 24 avril 1997. 32 En réponse à la crise financière le comité a adopté le 12 septembre 2010 de nouveaux ratios de solvabilité beaucoup plus élevés, visant à

renforcer les capitaux propres des établissements de crédit, lesquels doivent, en principe, se conformer à ces règles dites « Bâle III » avant janvier 2019.

33 Sur la classification des risques, v. arrêté n° 7159 du 10 nov. 1998 relatif à la classification des risques de créances. 34 Les coefficients sont fixés et annexés à l’arrêté n°7055 du 13 août 1998 relatif au règlement des limites maximales des risques des facilités

bancaires ». 35 Le groupement lié de débiteurs existe lorsqu’une personne physique ou un établissement associé ou participant contrôle la majorité des

voix ou en est propriétaire ou en cas de contrôle des droits de vote dans les conseils d’administration ou d’influence sur les personnes chargées de la direction des sociétés. De même, le groupement existe lorsqu’une société détient pas moins de 20% du capital d’une autre société, cf art. 3 arrêté 7055/1998.

36 Art. 1 arrêté 7055/1998. 37 Art. 2 arrêté 7055/1998. 38 Arrêté n°7694 du 18 octobre 2000 relatif à la constitution de provisions et au coefficient des fonds propres nets en livres libanaises. 39 Arrêté n° 7693 du 18 octobre 2000 relatif au coefficient des fonds disponibles en devises étrangères.

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157 Coefficient de liquidité. Le coefficient de liquidité est constitué par le rapport entre le montant des avoirs liquides et mobilisables et le montant des engagements à court terme. C’est un élément indispensable à la sécurité des banques. L’article 3 de l’arrêté n° 7835 du 2 juin 2001 modifié relatif à la réserve obligatoire, oblige toutes les banques, exceptées les banques à moyen et long terme, de tenir en permanence auprès de la BDL un taux obligatoire de liquidités indexé sur l’ensemble des obligations nettes en livres libanaises soumises à la réserve obligatoire. De même, la banque est tenue de conserver une liquidité en devises étrangères (40). En outre, toutes les banques opérant au Liban doivent impérativement avoir des bons de trésors émis par la République Libanaise sur les marchés internationaux (euro-bonds) en livres libanaises ou en devises étrangères (41). Paragraphe 7 - Contrôle

158 Contrôle interne. Les banques et chacune de leurs branches sont dotées d’une « unité de contrôle interne »

complètement indépendante de l’organe chargé des opérations mais sans aucun pouvoir de décision (42). Cette unité peut consister en un établissement spécialisé étranger à la banque (43) mais nécessairement indépendant du commissaire de surveillance. L’unité a pour mission de contrôler les opérations et bilans financiers ainsi que la suffisance et l’efficacité des mesures prises notamment à l’égard du blanchiment des capitaux. A ce propos, il convient de signaler que les différentes institutions doivent désormais être dotées d’un « compliance officer » lequel doit suivre et réussir une session relative au blanchiment des capitaux (certified anti-money laundering specialist) (44). L’unité doit s’assurer de la conformité de la banque aux divers lois et règlements en vigueur. Elle doit rédiger des rapports périodiques et détaillés au moins bi-annuel et les soumettre au conseil d’administration de la banque et à la direction de la branche de la banque étrangère; étant entendu que la commission de contrôle des banques pourra avoir accès aux dits rapports et le cas échéant convoquer le directeur de l’unité (45).

159 Gouvernement d’entreprise. Les membres des organes des banques font l’objet d’un contrôle dans le

cadre du mouvement dit « gouvernement d’entreprise » (corporate governance) en vertu de l’arrêté n° 9382 du 26 juillet 2005 pour les banques de type conventionnel (46) et de l’arrêté n° 9725 du 27 septembre 2007 pour les banques islamiques (47). Par exemple, les membres du conseil d’administration doivent être compétents, le conseil d’administration doit délimiter les responsabilités et préciser les modalités de leur mise en œuvre, gérer les affaires de la société avec transparence, etc.

160 Contrôle comptable. La banque est tenue de certaines obligations comptables qui ont essentiellement

pour objet de faciliter dans les meilleures conditions la surveillance et le contrôle exercés par la BDL. Les banques doivent tenir une comptabilité distincte pour l'ensemble de leurs opérations faites au Liban. Les comptes doivent être établis sous forme consolidée c’est-à-dire globalement: les agences ou succursales au Liban d'une même banque libanaise ou étrangère forment une entité unique (48). En outre, l'exercice social des banques doit correspondre à l’année civile. Les banques doivent établir des comptes annuels, arrêtés au 31 décembre, comprenant un bilan et un compte de pertes et profits, ainsi que toutes autres situations périodiques, comptables ou statistiques, qui leur seront demandées par la BDL, dans les conditions, formes et délais décidés par celle-ci (art. 146 c. monn. créd.). Elles doivent également fournir à la Banque, au sujet des documents visés par l’article 146 c. monn. créd. tous renseignements, éclaircissements et justifications que celle-ci leur demandera. La BDL peut demander aux directeurs responsables des banques, chaque fois qu'elle le juge nécessaire, tous renseignements, éclaircissements ou justifications supplémentaires, et elle leur en demande la confirmation par écrit sous leur responsabilité personnelle. Le gouverneur de la BDL a le droit, s'il le juge nécessaire, de décider une vérification plus poussée par ses contrôleurs, dans ce cas les directeurs

                                                            40 Arrêté n° 7926 du 20 sept. 2001 relatif aux placements obligatoires des banques en devises étrangères auprès de la Banque du Liban et

arrêté n° 7935 du 27 sept. 2001 relatif aux dispositions d’application de l’arrêté 7326/2001. 41 Arrêté n° 8312 du 16 déc. 2002 modifiant l’arrêté n° 7926 du 20 sept. 2001 et relatif aux placements obligatoires en devises étrangères

auprès de la Banque du Liban, JO n° 71 du 26 déc. 2002, 8376. 42 Arrêté n° 7737 du 15 déc. 2000 relatif au contrôle interne des banques. 43 Auquel cas il sera tenu au secret bancaire: art 2, arrêté 7737/2000. 44 V.arrêté 9286 du 9 mars 2006, arrêté interm.10727 du 21 mai 2011. 45 Art. 3. 46 JO n° 38 du 3 août 2006, 4438. 47 JO n° 62 du 11 oct. 2007, 6402. 48 Art. 144 c. monn. créd.

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responsables de la banque ou des banques en question devront mettre à la disposition des contrôleurs, les documents qui leur permettent d'accomplir leur mission et de présenter un rapport circonstancié (art. 149 c. monn. créd.). Le contrôle des banques est confié à un département de la BDL distinct et indépendant des autres départements et rattaché directement au gouverneur. La banque doit publier ses bilans et ses situations périodiques et ses comptes de pertes et profits selon les normes fixées par la BDL afin de mieux renseigner le public et de protéger l’épargne.

161 Contrôle des crédits accordés aux administrateurs ou actionnaires. L’octroi de crédits aux

administrateurs des banques, leurs actionnaires et membres de famille est strictement réglementé par l’article 152 c. monn. créd. et l’arrêté n° 7776 du 21 février relatif aux opérations de crédit, placements, participations et associations. Les crédits doivent faire l'objet d'une autorisation de principe préalable de l’assemblée générale des actionnaires, qui indiquera au moins la limite maximale

des crédits susceptibles d’être accordés à chaque personne. Le conseil d'administration et les commissaires de surveillance doivent rendre compte à l’assemblée générale ordinaire annuelle des actionnaires des conditions d'octroi de ces crédits et de l’exécution de ces conditions. L'autorisation de cette assemblée doit être renouvelée, s’il y a lieu, chaque année. L'octroi de chaque crédit fera l'objet d'une autorisation expresse du conseil d'administration en spécifiant le montant et les conditions. Les crédits doivent être couverts par des sûretés réelles, par une garantie bancaire ou par la garantie d'un établissement financier enregistré au Liban et agréé par la CCB.

162 Ressources subordonnées. Les ressources subordonnées sont régies par les dispositions de l’arrêté modifié

n° 6830 du 6 décembre 1997 (49). Elles se composent des prêts subordonnés, des obligations subordonnées et des bénéfices réévalués. Le prêt subordonné est celui qui est accordé à la banque par les actionnaires ou autres, stipulant, en cas de cessation définitive des paiements ou en cas de liquidation, que les prêteurs ne pourront être remboursés qu’après le désintéressement de tous les déposants et autres créanciers de la banque (50). La banque commerciale ne peut valablement avoir des ressources subordonnées qu’après l’accord du Conseil central de la BDL. Les obligations subordonnées sont celles émises par la banque mais dont le recouvrement n’a lieu que dans les mêmes conditions de restitution des prêts subordonnées sus-mentionnées (51). Ces obligations doivent également être préalablement autorisées par le conseil central.

163 Emploi des ressources. La décision d’emploi des ressources de la banque dans n’importe quel domaine

(crédits, participations, placements fonciers, etc.) doit être préalablement agréée par une ou des commission(s) spécialisée(s) spécialement créée(s) à cet effet et opérant suivant un règlement établi par le conseil d’administration de la banque concernée ou par la branche de la banque étrangère (52 ). Les ressources internes d’une banque commerciale représentatives de ses frais de premier établissement, ses installations, son mobilier, ses placements fonciers, ses parts sociales ou actions qu’elle détient dans tout établissement quelque soit son objet, en plus de la totalité des crédits accordés aux membres du conseil d’administration, aux chargés de la gestion, aux grands actionnaires et aux membres de leur famille, ne peuvent d’aucune manière à n’importe quel moment dépasser l’ensemble des fonds propres de l’Etat (art. 153 c. monn. créd.). Paragraphe 8 - Secret bancaire

164 Secret bancaire et secret professionnel. Le secret bancaire est à distinguer du secret professionnel. Celui-

ci est évoqué dans l’article 579 c. pén. lib. ainsi rédigé: « Quiconque ayant à raison de son état, de sa fonction, de sa profession ou de son art, connaissance d’un secret, le révélera sans juste motif, ou bien l’utilisera à son profit personnel ou au profit d’un tiers sera puni d’un emprisonnement d’un an au plus et d’une amende ne dépassant pas quatre cent mille livres libanaises si le fait est susceptible de causer un préjudice même moral ». Ce texte souffre de certaines lacunes: la révélation d’un secret, de tout secret, est autorisée par la loi dans la mesure où elle est faite pour juste motif; la notion de juste motif, n’étant pas explicitement définie par le législateur, son appréciation est laissée au pouvoir souverain des tribunaux; la violation du secret n’est répréhensible que dans la mesure où elle cause un préjudice matériel ou moral; par

                                                            49 JO n° 58 du 25 déc. 1997. 50 Art. 1 arrêté 6830/1997. 51 Art. 2 DL 6830. 52 V. arrêté n° 7776 du 21 févr. 2001 relatif aux opérations de crédits, placements, participations et associations, tel que modifié par l’arrêté

interm. n° 10986 du 30 avr. 2012.

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conséquent, la divulgation de tout secret est possible tant qu’elle ne cause pas de préjudice. De même, ce secret ne fait pas obstacle aux saisies-arrêts entre les mains de la banque. Il ne dispense pas le banquier de témoigner en cas de poursuite pénale contre le client. Il ne l’empêche pas de révéler certaines informations sur une opération déterminée en cas de litige entre lui et son client. Il n’est pas opposable aux agents du fisc, etc (53). Egalement, le secret professionnel ne vise que les faits parvenus à la connaissance d’une personne dans l’exercice d’une profession ou d’une fonction aux actes de laquelle, la loi, dans un intérêt général et d’ordre public, a imprimé le caractère confidentiel ou dans le cas où les mêmes faits lui ont été confiés sous le sceau du secret en raison d’une semblable profession ou fonction (54). Surtout, la levée du secret professionnel n’emporte pas levée du secret bancaire (55). La nécessité d’un secret spécifique à l’activité bancaire s’est faite sentir. Le législateur libanais a répondu aux diverses attentes en promulguant la loi du 3 septembre 1956 relative au secret bancaire consacrant son autonomie par rapport au secret professionnel (56).

Nous examinerons, tour à tour, le domaine du secret bancaire (Sous-paragraphe 1), les conditions de sa

levée (Sous-paragraphe 2), et les sanctions de sa violation (Sous-paragraphe 3). Sous-paragraphe 1 - Domaine du secret bancaire

165 Secret absolu. L’article 2 de la loi du 3 septembre 1956 prévoit que: « Les directeurs et employés des banques ainsi que toutes les personnes qui ont connaissance, de par leur qualité ou leur fonction, par un moyen quelconque, des livres, des opérations et de la correspondance bancaire, sont tenus au secret absolu, en faveur des clients de ces banques et ne peuvent divulguer, à qui que ce soit, individu ou autorité publique administrative, militaire ou judiciaire, les noms des clients, leurs avoirs, et les faits dont ils ont connaissance, qu’avec l’autorisation écrite du client ou de ses héritiers ou légataires ou au cas où il serait déclaré en faillite, ou en cas de litige entre le client et la banque né de relations bancaires ». Il en résulte que le secret est absolu parce qu’il s’impose à toute personne en rapport avec le secteur bancaire au profit de tout client et s’agissant toute opération bancaire. En outre, les dérogations au secret bancaire sont d’interprétation stricte (57).

1- Débiteurs du secret

166 Personnes physiques. L’obligation au secret bancaire concerne les directeurs et employés de toute banque

constituée au Liban sous forme de société anonyme et de succursale de banque étrangère dûment agréées, ainsi que toutes les personnes qui ont connaissance, de par leur qualité ou leur fonction, par un moyen quelconque, des livres, des opérations et de la correspondance bancaire. En revanche, le secret bancaire ne concerne pas les actionnaires de la banque (58) c’est-à-dire les associés porteurs d’actions nominatives (59).

167 Succursales des banques libanaises à l’étranger. Le législateur libanais soumet les succursales des

banques étrangères – au même titre que les banques constituées au Liban – au secret bancaire. Cependant, il n’a pas évoqué la situation des succursales des banques libanaises à l’étranger. Aussi la question se pose de savoir si le secret bancaire s’applique aux diverses opérations effectuées à l’étranger, par une banque libanaise ou effectuées au Liban par une banque étrangère? S’il est évident que le secret bancaire de la loi du 3 septembre 1956 s’applique à cette dernière hypothèse en vertu du principe de territorialité, force est de constater que la première hypothèse donne lieu à des difficultés: d’une part, dans l’optique du client, le banquier libanais reste tenu par la loi du 3 septembre 1956 alors que les autorités étrangères peuvent avoir un autre point de vue; et d’autre part, l’atteinte au secret à l’étranger dans la mesure où elle portera atteinte à la banque concernée peut rejaillir sur la banque au Liban.

                                                            53 CATALA et GERVAIS, Le droit libanais T 1 n° 65, 313. 54 Cass. crim. 15 févr. 1970, Bull., crim. n° 56, JCP G 1970, II-16311. En ce sens art. 44 de la loi 379 du 14 déc. 2001 relative à la TVA ; JO

n° 63 du 24 déc. 2001, 5733s sp. 574. 55 C’est ce qui résulte clairement, à titre d’exemple, de l’article 11 du décret loi n° 7339 du 31 janv. 2002 relatif à l’application de la loi n°

379 du 14 déc. 2001 relatif à la TVA ; JO n° 8 du 7 févr. 2002, 900 ets aux termes duquel: « Aucune personne, dont les administrations publiques, ne peut se prévaloir du secret professionnel afin d’empêcher le fonctionnaire compétent de vérifier les livres, factures ou autres documents permettant de constater le paiement exacte des impôts et ce sous réserve des dispositions de la loi du 3 septembre 1956 relative au secret bancaire ».

56 NASR, Le secret bancaire, Rev. jud. lib. 1961, 7. 57 CE 15 mars 1979, Al Adl 1980, 32 ; v. NEAU-LEDUC, Secret bancaire et frontières, RDBF janv.-févr. 2010, Dossier, 69. 58 Beyrouth 15 déc. 1981, Rec. Hatem fasc. 174, 504. 59 Beyrouth 10 nov. 1960, Rec. Chamsédine, Droit commercial 1985, 182.

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2- Faits sous secret 168 Délimitation. Le secret bancaire couvre les noms des clients, leurs avoirs, tous les faits dont prennent

connaissance les directeurs, employés et toute autre personne, de par sa qualité ou sa fonction quels que soient les moyens utilisés à cet effet. La généralité des « faits » couverts par le secret implique qu’il faille entendre ce terme au sens large (60). Ainsi, tout ce qui se rapporte directement ou indirectement au client, quelle que soit son importance ou même s’il est dépourvu de toute importance, se trouve sous le sceau du secret. Plus particulièrement, le secret concerne les dépôts (61) et les coffres-forts numérotés ou non. Dans ce dernier cas, l’obligation au secret est renforcée: l’identité du client ne doit alors être connu que du directeur de la banque ou du mandataire de ce dernier (62) autorisé de manière spéciale pour procéder à de telles opérations (63).

169 Comptes débiteurs. Sont couverts par le secret les comptes débiteurs au même titre que les comptes

créditeurs. Il en résulte que, la banque n’est pas obligée de déclarer la créance qu’elle a sur son client débiteur décédé (64).

170 Recto-verso du chèque. La question se pose de savoir si le client peut demander une photocopie du

recto-verso d’un chèque déposé auprès de sa banque? La réponse est controversée. Pour certains, ces informations volontairement portées sur le chèque par le bénéficiaire, ou en ce qui concerne l’endos par la banque, sont intrinsèques au mécanisme du paiement; le secret bancaire destiné à protéger prioritairement le tireur ne peut lui être opposé à l’appui d’un refus de communication d’un titre dont il est l’émetteur voire le propriétaire. Et il n’y a pas violation de secret bancaire à l’égard du bénéficiaire, dès lors que l’émission du chèque postule son encaissement et son retour à la banque tiré, prise en qualité de mandataire du tireur, auquel aucune confidentialité, à raison de l’exécution du mandat, ne peut être opposée (65). La chambre commerciale de la cour de cassation estime en se basant sur l’article L. 511-33 c. monét. et fin. et les articles 9 et 10 c.civ. et 11 c. proc.civ. que la banque, en divulguant les informations figurant au verso des chèques, porte atteinte au secret dû aux tiers bénéficiaires de ces titres, le secret professionnel auquel est tenu un établissement de crédit constituant un empêchement légitime opposable au juge civil ( 66 ). Néanmoins dans un arrêt récent du 11 octobre 2011, elle considère que la production, à la demande des tireurs, en copie recto-verso de chèques peut être ordonnée sans que les règles du secret bancaire puissent être invoquées lorsque ces tireurs reprochent aux banquiers présentateur et tiré de ne pas avoir vérifié les endossements frauduleusement opérés (67). Ainsi la Haute cour estime que le secret bancaire protège non seulement le tireur, mais aussi les bénéficiaires d’un chèque. 3- Bénéficiaires du secret

171 Client. En principe, le bénéficiaire du secret est le seul titulaire du compte de son vivant c’est-à-dire le

client de la banque (68). La notion de client n’est précisée ni par la loi uniforme ni par la législation nationale et a soulevé une importante controverse (69). La question était de savoir si elle était subordonnée à la permanence et à l’antériorité des relations. Par un arrêt du 18 octobre 1983, le Conseil d’Etat libanais a posé la règle selon laquelle le client est toute personne entrant en rapport avec une banque établie au Liban ne serait-ce que par une seule et unique opération (70). La simple ouverture d’un compte (71) ou la

                                                            60 FARHAT, Le secret bancaire en droit libanais, EP Orient 1974, vol 18/19, 85. 61 Trib. 1re inst. Beyrouth 28 févr. 1974, Rec. Hatem, fasc. 152, 63. 62 Art. 3 L. 1956. 63 MGHABGHAB, Le secret bancaire 1996. 64 CE 19 nov. 1979, Rec. Hatem, fasc. 170, 246 et s ; 10 mars 1975, Rev. jud. lib. 1975, 235. 65 CREDOT et GERARD obs sous Nîmes 9 déc. 1999 ; RDBF mai-juin 2001, 151 n° 99 ; Réf. Beyrouth 26 juin 1972, Rec. Hatem fasc. 135,

45 ; Ibid. fasc. 159, 108. 66 Cass. com. 21 sept. 2010, RDBF mars-avril 2011, étude 35 ; Cass. com., 8 juill. 2003 Bull. civ.IV. n°119, 138 ; RTDcom. 2003, 783, obs.

M. CABRILLAC ; Cass.com. 9 juin 2004, Banque et droit n° 97, sept-oct. 2004, 82 obs. BONNEAU. 67 Cass. com. 11 oct. 2011, D 2011 act. 2532 obs. AVENA-ROBARDLET , JCP G 2011, 1388 note LASSERRE CAPDEVILLE ; Banque et

droit n° 141, janv.-fev. 2012, Chr.Dr.bancaire, 35 obs. BONNEAU ; RDBF mars-avr. 2012 comm. 34 note CRÉDOT et SAMIN ; v. aussi Cass. com. 13 juin 1995, Banque n° 563 oct. 1995, 93 obs. GUILLOT.

68 Cass. crim. 31 mai 2001, Rec. Zein. vol. 10 n° 163, 380. 69 El KHOURY, A propos de la notion de client en matière de secret bancaire, EP Orient 1973, vol 16, 71. 70 Rev. Al Adl 1984, 168. 71 Cass. com. 7 févr. 1962, D. 1962, 306 ; Banque 1962, 341 obs. MARIN ; JCP G 1962, II 12592 ; RTDcom. 1962, 449 ; Cass. com. 25

avril 1967: JCP G 1967, II-15306, note GAVALDA ; Banque 1967, 564 et 717 obs. MARIN.

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réalisation d’une opération de caisse faites avec le banquier révèle la notion de client (72). La question s’est posée de savoir si la maison mère d’une succursale de banque étrangère installée au Liban bénéficie de la loi sur le secret bancaire? Dans son arrêt précité du 18 octobre 1983, le Conseil d’Etat libanais décide que la succursale est considérée en droit libanais comme une banque autonome indépendante de la maison mère, que toute opération effectuée entre la maison mère et sa succursale libanaise est constitutive d’opération de banque, et que, par conséquent, la maison mère bénéficie du secret bancaire opposable au ministère des finances.

172 Héritiers. Les héritiers du titulaire d’un compte individuel bénéficient du secret bancaire. En effet,

l’héritier n’est pas un tiers, il continue la personne du défunt (73). Par conséquent, on ne peut lui opposer le secret bancaire (74). Il en résulte que le droit indivis de l’héritier demeure existant sur chaque élément de la succession dont notamment les comptes et toutes opérations effectuées avec la banque (75). Jugé, que l’urgence est justifiée par le droit de l’héritier d’accéder aux différents comptes de son de cujus à peine de souffrir un dommage résultant du risque de la perte desdits comptes. Il en résulte que l’héritier peut valablement saisir le juge des référés afin d’enjoindre à la banque dépositaire de lever le secret sur les comptes de son de cujus (76).

173 Co-titulaire. Le secret bancaire est prévu dans l’intérêt des co-titulaires d’un même compte joint. En effet,

l’article 3 de la loi libanaise du 10 décembre 1961 relative au compte joint énonce: « En cas de décès de l’un des titulaires du compte-joint, le ou les co-titulaires disposent de la totalité dudit compte, qu’ils peuvent faire fonctionner librement. Dans ce cas, la banque n'est tenue de fournir aucun renseignement aux héritiers du titulaire décédé, sauf clause contraire, expressément prévue au contrat de compte-joint. Le texte de cet article doit être reproduit littéralement dans le contrat». Si en matière de compte ordinaire, les héritiers du titulaire décédé du compte ont le droit d’accéder à toutes sortes d’information concernant ledit compte et les opérations du décédé, en revanche, les droits du co-titulaire ne se transmettent pas à ses héritiers mais au co-titulaire survivant et ce, de manière absolue. Par conséquent, il est strictement interdit à la banque de divulguer toute information aux héritiers du co-titulaire décédé sauf clause contraire insérée dans le compte au moment de son ouverture (77). Ainsi, la loi permet aux co-titulaires du compte joint d’échapper aux règles impératives de la dévolution successorale et donne la possibilité à l’un deux d’hériter de l’autre sans qu’aucun impôt puisse être perçu sur la succession.

174 Légataire. Le bénéficiaire peut être également le légataire. Il en résulte que la banque ne peut pas opposer

aux légataires le secret bancaire quelle que soit sa part dans la succession. (78). 175 Banque et actionnaires. Ni la banque dépositaire (79) ni les actionnaires (80) ne bénéficient du secret

bancaire. 4- Incidents du secret

176 Opposabilité du secret. Le secret a un effet « erga omnes » (81). Il est opposable au fisc chaque fois que la

divulgation de toute information aboutit à la révélation de l’identité, des opérations, ou de tout fait concernant le client (82). Toute banque placée sous le régime de ce secret doit s’abstenir des déclarations imposées par les lois fiscales quand elles nécessiteraient la révélation de l’identité et des opérations d’un client. Elle doit refuser de se prêter aux investigations du fisc entraînant une telle révélation (83). Jugé que

                                                            72 T. Com. seine 3 nov. 1954, RTDcom. 1955, 109 obs. BECQUE et CABRILLAC Contra: GAVALDA et STOUFFLET, II, n° 194 ; JU

pénal 23 nov. 1971, Rec. Hatem fasc. 121, 53 note crit. KORTBAWI ; Rec Chamsedine, Droit commercial 1985, 181. 73 NAJJAR, Secret bancaire et droit de la famille, EP Orient 1994, Vol 47, 17. 74 Trib. 1re inst. Beyrouth 23 déc. 1982, Al Adl 1984, 516. 75 Réf. Beyrouth 10 avr. 1975 Rec Hatem, fasc 163, 375 ; Ibid, fasc. 166, 564. 76 Beyrouth 11 sept. 1975 Rec. Hatem, fasc. 166, 564 ; Rec Chamsedine, Droit commercial 1985, 195. 77 Trib. 1re inst. Beyrouth 23 déc. 1982 préc. 78 Trib. 1re inst., 24, juill. 1967, Rec. Hatem, fasc. 109, 60. 79 Cass. civ. lib. 11 avril 1987, Rev. jud. lib. 1980/1987, 277 ; Al Adl 1988, 21. 80 Beyrouth 15 déc. 1981, Rec. Hatem, fasc. 174, 504. 81 SOUMRANI, Solidité du secret bancaire de la loi du 3 septembre 1956, Al Adl 1997, 1. 82 MGHABGHAB, Secret bancaire et taxe de mutation, Rev jurip adm 1986/2, 29 ; DEBBANE, Secret bancaire et fiscalité au Liban, EP

Orient 1974 vol. 18/19, 169. 83 Sur l’opposabilité du secret bancaire aux inspecteurs chargés de recouvrer la taxe de timbre, v CE lib. 24 mars 1971, Al Adl 1971,

379. Sur l’opposabilité du secret bancaire aux inspecteurs chargés de recouvrer la taxe de mutation, v CE. Lib. 26 janvier 1982, Rev. jud. lib. 1977, 158.

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la loi sur le secret bancaire est un texte spécial auquel aucune dérogation ne peut être apportée qu’en vertu d’un texte spécial expresse, que nonobstant tout texte contraire, les textes d’ordre général soumettant divers documents au contrôle fiscal n’ont pas pour effet de réduire le champ d’application du secret bancaire (84). Le secret bancaire est également opposable à toutes les autorités judiciaires, répressives ou militaires, hors les cas de faillite ou de procès entre le client et la banque. Par conséquent, il fait obstacle aux saisies-arrêts entre les mains de la banque, à la production de ses livres et à sa déposition comme témoin.

177 Saisie. Aux termes de l’article 4 de la loi relative au secret bancaire: « Aucune saisie ne peut être pratiquée

sur les fonds et les avoirs déposés auprès des banques, visés à l’article 1, sans autorisation écrite de leurs titulaires ». En réalité, l’article 4 ne frappe pas les fonds et avoirs déposés auprès des banques d’une insaisissabilité de principe (85), il permet aux banques entre les mains de qui est pratiquée une saisie de ne pas informer le saisissant de l’existence ou non des fonds saisis et d’exiger l’autorisation du titulaire pour la levée du secret (86). Une fois le problème du secret réglé, la saisie sera pratiquée sur le solde du compte courant et sur les coffres-forts (87). Sous-paragraphe 2 - Levée du secret

178 Levée par les bénéficiaires. De prime abord, il convient d’observer que les cas de levée du secret bancaire

sont d’interprétation stricte et énumérés à titre limitatif (88). Cela dit, le secret peut être volontairement levé par le bénéficiaire titulaire du compte, les héritiers ou légataires des clients de la banque (89). Le secret bancaire n’est donc pas d’ordre public et le client peut valablement délier le banquier de son secret à condition que sa renonciation au secret soit libre et éclairée (90). Dans ce cas, le client ne pourra plus reprocher à la banque la violation d’un secret qu’il a au préalable volontairement levé (91). La levée du secret doit être formulée par écrit (92) et être stipulée au préalable dans tout genre de contrat et ne peut être retirée que du commun accord de toutes les parties contractantes (93). Dans ce cas, la banque doit donner les informations requises. Son refus sera abusif et justifiera la saisine du juge des référés. (94).

179 Litiges avec la banque. En vertu de l’article 2 de la loi bancaire, le secret bancaire est valablement levé en

cas de litige entre la banque et son client né de relations bancaires (95). La banque ne saurait se prévaloir du secret bancaire pour ne pas communiquer des documents qui lui sont demandés, non en sa qualité de tiers confident, mais en celle de partie au procès intenté contre elle par les bénéficiaires de secret invoqué (96). Mais encore faut-il qu’elle soit en possession des informations requises (97). La banque se trouve libérée du secret bancaire et retrouve le droit de saisir les biens et fonds déposés par le client auprès de ses guichets dans les termes du droit commun (98).

180 Correspondance bancaire. Les banques pourront toujours échanger entre elles certains renseignements

mais placés sous secret absolu en ce qui concerne les comptes débiteurs de leurs clients et ce, en vue de sauvegarder la sécurité de placements (99).

181 Fusion des banques. Conformément à l’article 6 de la loi 192/1993 relative à la fusion des banques

reconduite par la loi n° 675 du 14 février 2005 (100), en dépit de tout texte contraire, et sans que ne lui soit opposable le secret bancaire de l’article 151 c. monn. créd. (qui renvoie à la loi du 3 septembre 1956), la

                                                            84 CE lib. 10 mars 1975, Rev. jud. lib. 1975, 235 ; Al Adl 1977/1978, 7. 85 EID, A propos de la saisie des fonds déposés auprès des banques soumises au secret, Cassandre 1997, 102 ; CHAMAS, Secret bancaire:

Insaisissabilité, Domaine, application aux connaissements, EP Orient 1975/1977, Vol 20/25, 141. 86 Réf. Beyrouth 10 nov. 1985, Rec. Chamsedine, 189. 87 Art. 887 et 917 nouv. c. proc. civ. 88 Beyrouth 9e ch., 6 nov. 2008, Cassandre 2008/11, 2091. 89 Art. 2 L 1956 et art 7 L 1961. 90 Telle semble être la position de la Cour de cassation française en ce qui concerne le secret professionnel: Cass. com. 11 avr. 1995, D.

1996, 573 note MATSOPOULOU ; la Cour estime que le secret professionnel est de simple protection du client. 91 Trib. 1re inst. Beyrouth 30 juin 1994, Rec. Zein, vol 10, 380 n° 164 bis. 92 Art. 2. 93 Art. 5. 94 Réf. Beyrouth 17 juill. 1972, Rec. Hatem, fasc. 143, 62 ; fasc. 141, 15 ; Rec. Chamsedine, 188. 95 Trib. 1re inst. Beyrouth 23 mars 1987, Rec. CHAMSEDDINE, 227 et s spéc. 229 ; JU pénal Beyrouth 7 mars 2002, Al Adl 2002, 549 et s. 96 Cass. com. 19 juin 1990, RDBF 1991, 197. 97 Cass. com. 26 févr. 2002, RDBF n° 3 mai-juin 2002, 120 n° 75 obs. CREDOT et GERARD. 98 Beyrouth 18 déc. 1964, Rec. Hatem, fasc. 57, 40 ; Rec. CHAMSEDDINE, 187. 99 Art. 6 L 1956 ; v. DOUAOUI-CHAMSEDDINE, La correspondance bancaire et le règlement Rome I, RDBF juill.-août 2010 étude 19. 100 JO n° 8 du 24 févr. 2005, 773.

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BDL poursuit directement les responsables de la banque absorbée devant les juridictions compétentes en cas de violation des lois et règlements en vigueur, notamment les articles 166 et 167 c. com. c’est-à-dire en cas d’actes frauduleux ou de simples fautes de gestion.

182 Enrichissement illicite. Le secret sera levé au cas où le client fait l’objet d’une action d’enrichissement

illicite introduite en application de la loi n°154 du 27 décembre 1999 (101). 183 Levée par l’instance spéciale d’investigation. Suivant une procédure examinée plus bas, l’instance

spéciale d’investigation peut décider la levée du secret bancaire lorsqu’elle a un soupçon de ce que les fonds proviennent d’un acte de blanchiment de capitaux ou de terrorisme. Sous-paragraphe 3 - Sanctions du secret bancaire

184 Autonomie de la sanction pénale. Aux termes de l’article 8§1 de la loi du 3 septembre 1956: « Toute

violation intentionnelle des dispositions de la présente loi rend son auteur passible d’une peine de trois mois à un an d’emprisonnement, le commencement d’exécution est passible de la même peine ». Il en résulte que la loi institue le délit propre de violation du secret bancaire (102). Celui-ci se réalise par la réunion de l’élément matériel de la divulgation et de l’élément intentionnel: le délinquant doit avoir voulu divulguer les informations en connaissance de cause. La loi n’exige pas qu’il ait mesuré les conséquences d’une telle divulgation. Le législateur libanais sanctionne tant le commencement d’exécution que la divulgation du secret proprement dite. Le secret étant prévu dans l’intérêt des personnes sus-visées, l’action publique ne peut être mise en mouvement à l’initiative du ministère public. Cette action est expressément réservée par l’article 8 alinéa 2 de loi du 3 septembre 1956 à la partie lésée c’est-à-dire au bénéficiaire du secret, mais celui-ci ne peut se prévaloir de la violation du secret bancaire pour la première fois devant la Cour de cassation (103) en effet, il est considéré comme ayant renoncé à son droit de s’en prévaloir.

185 Responsabilité pénale de la personne morale. L’article 212 alinéa 2 c. pén. lib. consacre expressément la

responsabilité pénale des personnes morales. Il en résulte que la banque peut être pénalement sanctionnée. Ainsi, si l’auteur personne physique de la violation du secret demeure inconnu, il n’en demeure pas moins que la banque répondra personnellement de la violation du secret. Paragraphe 9 - Blanchiment des capitaux et financement du terrorisme

186 Présentation. Le blanchiment des capitaux est condamné par le législateur libanais en vertu de la loi

318/2001 du 20 avril 2001 relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux telle que modifiée par la loi n° 547 du 20 octobre 2003 (104). En outre, un arrêté n° 7818 du 18 mai 2001 a posé le premier règlement de contrôle des opérations financières et bancaires pour la lutte contre le blanchiment des capitaux (105

). Cet arrêté, plusieurs fois modifiés, est désormais intitulé « Règlement de contrôle des opérations financières et bancaires pour la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme » (106). A ce titre, signalons que le Liban a ratifié la convention des Nations-Unies sur la lutte contre le crime organisé transnational en vertu de la loi n° 680 du 24 août 2005 (107) et coopère dans la lutte contre le blanchiment à travers le GAFI (108).

187 Définition. L’article 2 de la loi n° 318/2001 définit l’acte de blanchiment des capitaux comme tout acte

animé par l’intention de: – cacher la véritable origine des capitaux illégaux ou donner une justification erronée de cette origine par n’importe quel moyen – détourner les capitaux illégaux ou les échanger en                                                             101 JO n° 63 du 31 déc. 1999; art. 4 L. 3 sept. 1956. 102 Cass. crim. lib. 22 févr. 1973, Al Adl 1973, 258. 103 Cass. civ. lib. 27 avril 2000, Rec. civ. Sader 2000, 961. 104 JO Annexe n° 48 du 23 oct. 2003, 157. 105 V. également arrêté n°10965 du 5 avril 2012 relatif à la relation entre les banques et société financière avec leurs correspondants, JO

n°16 du 12 avril 2012,1380. 106 Arrêté interm. n° 10622 du 30 déc. 2010, JO n° 3 du 20 janv. 2011, 217 ; v. ROBERT, Les établissements de crédit et le nouveau cadre de

la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, RDBF mars-avril 2010, étude 6 ; SYNVET, BONNEAU, FORT, ROBERT, DEZAUZE et GERARD, La banque face au blanchiment des capitaux, RDBF nov.-déc. 2007, Etudes 22 à 27.

107 JO n° 37 du 27 août 2005, 4062s. 108 Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux. Le Gafi est un organisme inter gouvernemental regroupant 26 pays, la

Commission européenne et le Conseil de coopération du GOLFE. Il décide des mesures relatives à la lutte contre le blanchiment et dénonce les pays et territoires qualifiées de « non coopératifs », il dévoile les lacunes de leur système juridique et différents obstacles à la lutte contre le blanchiment.

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connaissance de cause dans le but de cacher ou de détourner leur origine – aider une personne impliquée dans un crime à échapper à toute responsabilité – acquérir, posséder, utiliser ou placer des capitaux illégaux en connaissance de cause dans le but d’acheter des biens meubles ou immeubles ou effectuer des opérations financières (109). Le blanchiment suppose donc deux éléments: un élément intentionnel qui consiste en la connaissance préalable du caractère illégal des capitaux et un élément matériel qui consiste en l’acte matériel de blanchiment (110).

188 Capitaux illégaux. L’article 1 de la loi n° 318/2001 définit les capitaux illégaux comme étant les capitaux

résultant de l’un des crimes suivants: - culture, fabrication ou commercialisation de drogue. - actes commis par les associations de malfaiteurs au sens des articles 335 et 336 du code pénal libanais et qui sont considérés dans le domaine international comme des crimes organisés. - crimes terroristes sanctionnés aux articles 314 et 315 et 316 du code pénal. - financement ou association au financement du terrorisme ou à des actes terroristes ou à des organisations terroristes conformément à la notion de terrorisme telle que définie par le code pénal libanais. - trafic d’armes-crimes de vol, recel de biens publics ou privés et leur acquisition par des moyens frauduleux ou par faux ou abus de confiance pratiqués sur les banques ou les établissements financiers ou ceux énumérés à l’article 4 de cette loi ou dans le cadre de son activité. - fausse monnaie et fausses cartes de crédit, de paiement ou de retrait ou faux des effets publics ou de commerce y compris de chèques.

189 Registre. La loi n° 318/2001 impose la tenue de registres spéciaux pour toute opération dépassant la

somme fixée par la BDL et ce, même, auprès des établissements non soumis à la loi du secret bancaire dont les établissements individuels, les établissements de change, les sociétés d’intermédiation financière et de crédit-bail, les organismes de placement collectif, les sociétés d’assurance, les sociétés de promotion, de construction et de vente de bien-fonds et les commerçants des « matières précieuses » (111). Cette somme est actuellement fixée par l’arrêté 10622/2010 (112) à dix mille dollars américains ou son équivalent en livres libanaises.

190 Vérification. L’obligation de vérification ou de contrôle consacrée par l’article 4 de la loi 318/2001 est

réglementée par cette même loi et par l’arrêté n° 10622/2010. Les banques ou établissements financiers doivent vérifier l’identité de leurs clients réguliers ou de passage suivant le modèle « know your customer » préétabli ainsi que s’enquérir sur l’origine des fonds, leur destination et la nature de l’opération notamment dans les situations suivantes: - ouverture de tout compte notamment fiduciaire ou numéroté – opérations de crédit - contrat de coffre-fort – toute opération de caisse dépassant la somme de dix milles dollars ou son équivalent lorsque l’opération s’effectue en une devise différente – opérations de caisse de moins de dix milles dollars en cas d’opérations répétées sur le même compte ou sur différents comptes revenant à un seul titulaire ou, au cas où l’employé « soupçonne » le client d’effectuer une tentative de blanchiment d’argent et, lorsque l’opération se déroule dans des « circonstances anormales de complexité », ces circonstances étant librement appréciées par la banque (nature de l’opération, but apparent, etc.). De même, la banque ou l’établissement financier doit périodiquement mettre à jour ces éléments d’information notamment, en cas de soupçons quant à la véracité des informations données ou en cas de transformation de l’identité du client ou du titulaire du droit économique (113).

191 Obligations du client. A la demande de la banque ou de l’établissement financier, le client doit rédiger un

document écrit dans lequel il précisera l’identité du « titulaire du droit économique » c’est-à-dire le bénéficiaire effectif pour lequel il réalise l’opération notamment, son nom, prénom, et son adresse (114) et la banque doit conserver une copie de ce document. En principe, cette obligation n’a lieu que si l’employé de

                                                            109 V. FULGERA, La lutte contre le blanchiment dans les banques, DA 2002, 789 ; ABLA, Secret bancaire et blanchiment des capitaux, Al

Adl 2002, 25. 110 BEAUSSIER et QUINTARD, Blanchiment de capitaux et financement du terrorisme, Rev. Banque Edition 2010 ; ROBERT, Les

établissements de crédit et le nouveau cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, RDBF mars 2010 étude 6.

111 Bijoux, pierres précieuses ou pièces d’antiquité. 112 Art 3.3. 113 Depuis l’entrée en vigueur de la loi française n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation des

jeux d’argent et de hasard en ligne et de ses décrets d’application, tout opérateur de jeu doit être agréé par l’instance de régulation des jeux en ligne (ARJEL) et, une fois l’agrément acquis, sera soumis aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme).

114 Si le bénéficiaire est une personne morale ou une société, il faut indiquer sa dénomination ou raison sociale, son siège et le pays de son siège principal.

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la banque doute de la véritable identité du titulaire du droit économique, si le client a lui même informé la banque de sa qualité de tierce personne et en cas d’opérations de caisse dépassant le montant de dix mille dollars américains (115).

192 Indices de blanchiment. L’article 8 de l’arrêté n° 10622/2010 met à la disposition des banques ou

établissements financiers un certain nombre d’indices. A titre d’exemples révélant le blanchiment d’argent, on peut citer l’échange en grande quantité de petites monnaies contre des monnaies plus grandes, le dépôt de grandes quantités d’argent ou les dépôts répétés d’argent dont la somme atteint un montant disproportionné par rapport aux activités apparentes du client, le fonctionnement du compte, à titre principal, à des fins de virement de grandes sommes vers des pays étrangers ou à des fins de réception de virements injustifiés eu égard à l’activité du client (116), etc.

193 Contrôle. L’article 10 de l’arrêté n° 10622/2010 a mis en place une commission chargée des mesures

d’application de la loi relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, une unité de « conformité » - compliance unit - chargée d’appliquer les mesures, les lois et règlements et un responsable du contrôle des opérations effectuées par toutes les agences de la banque qui rédige un rapport annuel qu’il soumet au conseil d’administration de l’établissement, au gouverneur de la BDL et à la CCB.

194 Information. En cas de soupçons, la banque, l’établissement financier ou toute autre personne doit

immédiatement informer le gouverneur de la BDL en sa qualité de président de l’Instance spéciale d’investigation (117). La communication des informations doit se faire dans une enveloppe fermée sous le sceau du secret et remplie suivant un formulaire préétabli par l’instance (118).

195 Instance spéciale d’investigation. La loi n° 318/2001 a créé une « instance spéciale d’investigation » (ISI)

auprès de la BDL, indépendante et judiciaire (119), jouissant de la personnalité morale et qui, dans l’exercice de ses missions, n’est pas soumise à la tutelle de la BDL. Ses missions consistent à enquêter sur les opérations de blanchiment des capitaux et de soutien au terrorisme et de veiller sur la stricte application de la loi n° 318/2001. Cette instance est composée du gouverneur de la BDL ou à défaut de celui qu’il délègue, le président de la CCB ou à défaut celui qu’il délègue parmi les membres de la CCB, un magistrat désigné à la Haute instance bancaire ou à défaut un magistrat assesseur désigné par le conseil supérieur de la magistrature, un membre permanent et un membre assesseur désignés par le conseil des ministres.

196 Fonctionnement et prérogatives. L’ISI désigne un secrétaire général chargé d’exécuter ses décisions.

Celui-ci est aidé par un organe spécial de contrôleurs désignés par l’ISI. Nul ne peut se prévaloir à l’encontre de ces inspecteurs des dispositions de la loi relative au secret bancaire. L’ISI procède aux investigations dans les opérations présumées constitutives d’opérations de blanchiment de capitaux. A cet effet, son président peut demander toutes informations à toute administration (judiciaire, administrative, financière, etc.) les autorités libanaises devant immédiatement s’exécuter (120). L’ISI apprécie le caractère sérieux des preuves et présomptions sur la réalisation d’une opération de blanchiment. Elle dispose, seule, du droit de décider de la levée du secret bancaire au profit des instances judiciaires compétentes et au profit de la HIB représentée par son président. L’instance se réunit à la demande de son président deux fois au moins par mois et chaque fois que cela est nécessaire. Ses réunions ne sont juridiquement valables qu’en présence de trois membres au moins. Les décisions sont prises à la majorité. En cas d’égalité de voix, la voix du président sera prépondérante. L’instance met les règlements organisant son fonctionnement, ses relations avec les employés ou autres contractants en tenant compte de l’obligation de secret. Les frais de l’instance ainsi que ceux de tous ses organes sont supportés par la BDL par prélèvement sur son propre budget après acceptation du conseil central.

197 Procédure. Dès la réception d’informations relatives au blanchiment des capitaux, l’ISI procède à leur

examen et peut prendre dans le délai de trois jours ouvrables une décision momentanée visant à bloquer le ou les comptes douteux. Cette période est de cinq jours renouvelable une seule fois si l’origine des fonds

                                                            115 Art. 4. 116 Les mouvements de fonds sans justification apparente doivent attirer l’attention de la banque sous peine de responsabilité: Cass. com. 22

nov. 2011, RDBF mars-avr. 2012, comm. 37 note CRÉDOT et SAMIN. 117 Art. 6 L. 318/2001. 118 Circulaire n° 1 du 4 juill. 2001, JO n°35 du 19 juill. 2001, 2912. 119 Beyrouth 3° ch., 16 sept. 2010, Cassandre 2010/9, 1390s spéc. 1396. 120 Art. 9 L. n° 318/2001.

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reste inconnue, ou s’il y a un doute de ce que les fonds proviendraient d’un crime de blanchiment. Dans le même délai, l’ISI doit effectuer ses investigations directement ou par l’intermédiaire de l’un de ses membres ou responsable qu’elle délègue à cet effet. Celui-ci procède à la mission sous secret sans qu’on puisse lui opposer le secret bancaire. Une fois l’enquête terminée, l’ISI prononce dans la période de blocage momentanée sa décision définitive: soit elle libère le compte si elle ne constate pas que l’origine des fonds est illégale soit, elle lève le secret bancaire en motivant sa décision et confirme le blocage des comptes. Dans ce dernier cas, elle doit envoyer une copie certifiée conforme de sa décision au procureur général auprès de la cour de cassation, à la HIB en la personne de son président, au client concerné et à la banque et, le cas échéant, à la partie étrangère concernée. Si l’ISI ne rend pas une décision dans le délai sus-indiqué, le compte est considéré libéré de plein doit (121). Seront confisqués au profit de l’Etat tous les biens, meubles ou immeubles qu’une décision définitive considère comme attachés ou résultants de l’un des crimes précités sauf preuve contraire (122). Les décisions de l’ISI ne peuvent faire l’objet d’aucune voie de recours ordinaire ou extraordinaire, administrative ou judiciaire dont l’excès de pouvoir.

198 Secret bancaire. A l’exception de la décision de la levée du secret bancaire, toute la procédure dont les

divers informations ou documents versés en cours d’investigation est soumise au secret absolu (123). 199 Immunité. Le président et les membres de l’ISI ainsi que les employés ou délégués, jouissent de

l’immunité judiciaire dans le cadre de leur mission. Plus particulièrement, ces personnes ne peuvent être poursuivies pour violation du secret bancaire sous réserve du cas où elles divulgueraient elles mêmes le secret bancaire (124). SOUS-SECTION 2 - SOUMISSION DE L’ACTIVITE BANCAIRE AU DROIT COMMUN

Les opérations de banque se réalisent par la conclusion de contrats dits contrats bancaires. Ces contrats de

nature très diverses (dépôt, prêt, fourniture de services, etc.) sont tous soumis au droit commun (Paragraphe 1) au même titre que la responsabilité du banquier (Paragraphe 2) et les devoirs généraux qui leur incombent (Paragraphe 3).

Paragraphe 1 - Droit des contrats bancaires

Les contrats bancaires sont soumis au droit commun s’agissant leur formation (Sous-paragraphe 1), leurs conditions de validité (Sous-paragraphe 2), leur preuve (Sous-paragraphe 3) et leur interprétation (Sous-paragraphe 4).

Sous-paragraphe 1 - Formation des contrats bancaires

Les contrats bancaires se forment par l’échange des consentements (1). Toutefois, nous verrons si le banquier peut refuser de contracter (2).

(1) Echange des consentements

Le contrat bancaire n’est conclu que lorsque deux parties, le banquier et le client, échangent leur consentement.

200 Consentement du banquier. Le consentement du banquier est aussi indispensable que celui du client. La

question se pose de savoir si la publicité déployée par le banquier pour attirer la clientèle, constitue une offre faite au public dont la simple acceptation par le client éventuel suffit pour conclure le contrat? La réponse négative s’impose: d’une part, la publicité faite par les banques n’est pas suffisamment précise pour revêtir le caractère juridique d’une offre et d’autre part, le contrat bancaire est un contrat intuitu personae (125). Or, l’offre faite à personne indéterminée - offre au public - d’un contrat comportant l’intuitus personae n’engage pas ferme son auteur: celui-ci conserve la liberté d’agréer ou non son co-contractant                                                             121 Art. 8-3 L318/2001. 122 Art. 14. 123 Art. 11 L. 318/2001. 124 Art. 12. 125 HAMEL, Le droit du banquier de refuser l’ouverture d’un compte, Banque 1959, 6 et s; Trib. com. Seine 27 juin 1960, Gaz Pal 1960, 2,

220 ; Banque 1960, 4535 obs. MARIN.

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(126). Il faut donc admettre que c’est le client qui émet l’offre lorsqu’il adhère aux conditions de la banque, offre que celle-ci peut accepter ou refuser (127).

201 Consentement du client. Le consentement du client consiste à exprimer son acceptation du contenu des

divers formulaires qui lui sont remis par la banque. En réalité, la quasi totalité des contrats bancaires constituent des contrats d’adhésion. Dans la plupart du temps, le client accepte, approuve et signe un formulaire dont il n’a pas vraiment lu le contenu. Aussi la jurisprudence ne lie-t-elle le client que si elle constate, en vertu de son pouvoir souverain d’appréciation (128) qu’il a pris connaissance et a accepté la clause litigieuse (129) sauf dans le cas où une telle clause consacrait un usage professionnel. Elle s’impose alors au client à titre d’usage (130). Cependant, il est arrivé à la jurisprudence d’exiger l’adhésion expresse du client à l’usage en cause, comme s’il était plus qu’une simple suite du contrat (131) qui s’imposerait d’elle même, nécessitant quant à lui un accord de volonté spécial (132).

(2) Refus du banquier

202 Liberté de ne pas contracter. La question se pose de savoir si le banquier peut délibérément refuser de

passer un contrat bancaire et plus particulièrement, s’il peut refuser d’ouvrir un compte, premier acte par lequel le client va entrer en relation avec son banquier? (133). La réponse est affirmative: d’une part, la banque n’est pas un service public au sens du droit administratif (134) et d’autre part, l’intuitus personae caractérisant le contrat bancaire justifie qu’on ne puisse approprement parler d’un « devoir » d’ouverture de compte mis à la charge de la banque, d’autant plus que l’idée d’un tel « devoir » va à l’encontre de la liberté du banquier de clôturer le compte comme il l’entend, sous réserve de sa responsabilité s’il agit dans une intention malicieuse ou sans observer un préavis raisonnable (135).

203 Abus de ne pas contracter. La responsabilité délictuelle du banquier pourra être retenue si l’exercice de sa

liberté de ne pas ouvrir un compte était abusif. Ainsi, lorsque le banquier en refusant d’ouvrir un compte, se rend « coupable » d’un abus de droit, il est susceptible d’engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382 c. civ. ou 122 c. oblig. c. La doctrine définit l’abus de droit comme « le fait pour le banquier de refuser son concours en se comportant – intentionnellement ou non - autrement que ne l’aurait fait un banquier avisé dans les mêmes circonstances: c’est une faute délictuelle ou quasi-délictuelle dans l’exercice de son droit de refuser l’ouverture du compte sollicité » (136).

Sous-paragraphe 2 - Conditions de validité

204 Droit commun. Le contrat bancaire demeure soumis aux conditions de validité de droit commun. Ainsi le

consentement des deux parties doit être exempt de vices, le client de la banque doit être capable de s’engager, l’objet du contrat doit être déterminé, etc.

Sous-paragraphe 3 - Preuve des contrats bancaires

205 Moyens de preuve. Le principe de la liberté de la preuve régit les rapports de la banque dans toute

opération effectuée avec ses clients commerçants. En revanche, les opérations accomplies avec une personne non commerçante n’ont pas la qualité d’actes de commerce mais d’actes mixtes. Dans ce cas, la preuve se fera par tout moyen contre le banquier, et se conformera aux règles de droit civil vis-à-vis du

                                                            126 VEZIAN, La responsabilité du banquier en droit privé français, préf M CABRILLAC, Bib dr Entr T 2 Litec 1983, 25 n° 23; GAVALDA

et STOUFFLET, 32 n° 42 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 146 n° 157. 127 AUBERT, Notions et rôles de l’offre et de l’acceptation dans la formation du contrat, LGDJ 1970, 123 et s qui considère que l’offre faite

au public n’est qu’une offre d’entrer en pourparlers. 128 Cass. com. 24 nov. 1983, RTDcom. 1984, 321, obs. CABRILLAC et TEYSSIE ; Cass. civ. 9 déc. 1907, D. 1908, 1, 420) . 129 Poitiers 18 mai 1954,D. 1955, 365 note GORE. 130 Montpellier 23 oct. 1953, D. 1953, 131, note SAVATIER ; TUNC, Ebauche du droit des contrats professionnels, Etudes RIPERT T 2

n°12: RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 146 n° 157; GAVALDA et STOUFFLET, 32 n° 42. 131 GRUA, 6 n° 5. 132 Cass. com. 4 mai 1999, IR 148 ; RDBF 1999, 121 obs. CREDOT et GERARD. 133 GAVALDA, Les refus du banquier JCP G 1969, I-1727 ; STOUFFLET, Le particularisme des contrats bancaires, Etudes JAUFFRET,

640 ; HAMEL 67. 134 GAVALDA, JCP G 1962, I-1727. 135 TC Seine 27 juin 1960 RTDcom. 1960, 864 obs. BECQUE et CABRILLAC ; TC Paris 22 févr. 1971 RTDcom. 1971, 752 obs.

CABRILLAC et RIVES-LANGE. 136 VEZIAN, 29 n° 33 et les réf. citées.

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client. Il appartiendra au demandeur de prouver l’existence et le contenu de l’obligation qu’il allègue contre le défendeur, qui, au contraire, devra prouver l’exécution de son obligation. A cet effet, les moyens de preuve sont multiples, il s’agit surtout des différents écrits sur support papier émanant de la banque. Parfois ces écrits ne renseignent pas sur la nature et le contenu exact de l’obligation litigieuse. Ils serviront alors de présomptions pour les juges. Ainsi par exemple, si les écritures en comptes (compte de dépôt, compte courant, etc.) ne renseignent pars sur la nature des opérations, ils prouvent néanmoins l’accomplissement de certaines opérations. De même, les parties pourront se prévaloir de l’écrit sous forme électronique à la double condition que la personne dont il émane soit exactement identifiée et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.

206 Silence. Les tribunaux peuvent retenir comme élément de preuve le silence du client après réception du

relevé relatant l’opération litigieuse (137).Une nette jurisprudence admet que le silence gardé par le client apporte la preuve a posteriori qu’il a bien donné son consentement aux opérations relatées ou qu’il a bien investi son mandataire des pouvoirs nécessaires pour les effectuer et que, dès lors, il n’est pas fondé dans sa prétention tardive à vouloir faire annuler le écritures correspondantes (138). La jurisprudence admet exceptionnellement que l’engagement d’une personne peut être établi par cet indice particulier qu’est le silence; elle considère implicitement que le consentement est en lui-même un simple fait, susceptible en tant que tel d’être prouvé par tout moyen, bien qu’il constitue un élément de l’acte juridique. Et puisque c’est un simple fait que le silence tend à établir, ce moyen de preuve doit pouvoir être admis de la part d’un banquier même contre un client non-commerçant (139). La Cour de cassation a admis à plusieurs reprises que le silence valait approbation d’un compte en se fondant sur les usages (140) mais cela n’empêche pas le client, pendant le délai convenu ou, à défaut, pendant le délai de prescription, de reprocher à celui qui a effectué ces opérations d’avoir agi sans mandat (141). Parfois la jurisprudence se fondait sur la volonté des parties. Ainsi le client qui ne conteste pas avoir reçu les relevés, a omis de protester devant le délai contractuel et n’a protesté qu’à la clôture de son compte, ne peut plus critiquer ayant approuvé tacitement les comptes (142). Cependant, ce silence ne vaut pas renonciation (143). Celle-ci ne se présume pas.

Sous-paragraphe 4 - Interprétation des contrats bancaires

207 Volonté des parties. Les principes d’interprétation des conventions exprimés aux articles 366 et s. c. oblig.

c. s’appliquent au contrat bancaire. Toutefois, il convient de prendre en considération certaines données spécifiques tenant à la technicité des opérations de banque. Généralement, la recherche de la commune intention des parties suffira pour qualifier la convention et en déterminer le contenu mais la volonté des parties peut ne pas être explicite. Les parties ont pu opter pour un mécanisme financier tiré de la vie pratique dont elles entrevoient les effets principaux, sans pour autant en connaître le détail. Dans ce cas, le juge sera appelé à définir leurs rapports en essayant de présumer leur volonté voire, de la « reconstituer », en fonction de l’économie générale du contrat: elles sont censées avoir accepté tous les effets propres au mécanisme utilisé, dictés par les usages bancaires, et qui suppléent ainsi à leur volonté (144). Paragraphe 2 - Droit de la responsabilité du banquier La responsabilité du banquier est pénale (Sous-paragraphe 1) ou civile (Sous-paragraphe 2).

                                                            137 Cass. com. 9 déc. 1986 RDBF 1987, 89. 138 Colmar 30 juin 1982 RTDcom. 1982, 600 obs. CABRILLAC et TEYSSIE ; Paris 29 oct. 1990 D. 1991, 236 note STORCK; v STORCK,

Le silence du client après réception d’un avis d’opéré portant sur des opérations de bourse, RDBB 1992, 12. 139 Cass. com. 9 déc. 1986, JCP G 1988, II – 20918 note CROZE. 140 Cass. com. 14 avr. 1955 D. 1975, 596. 141 Cass. com. 13 mai 1997, RDBB 1997, 165 obs. CREDOT et GERARD ; 10 févr. 1998, D 1998 IR 63 ; RTDcom. 1998, 394 obs.

CABRILLAC. 142 Cass. com. 28 avr. 1981, Bull. civ. IV n° 90 ; D. 1982, IR 198, obs. VASSEUR ; JCP CI 1983, II – 13939 n° 28 obs. GAVALDA et

STOUFFLET. 143 Cass. com. 30 mai 1985, Bull. civ. IV n° 171. 144 H. CABRILLAC, Introduction au droit bancaire p 13 et s; Les difficultés d’interprétation des contrats bancaires in, Mélanges

SECRETAN 1964 ; STOUFFLET, Le particularisme des contrats bancaires, in Etudes JAUFFRET 1947, 635.

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REGLEMENTATION DE L’ACTIVITE BANCAIRE

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Sous-paragraphe 1 - Responsabilité pénale 208 Responsabilité des banquiers et des banques. Aux termes de l’article 210 alinéa 2 c. pén. lib.: « Les

entités juridiques sont pénalement engagées par les actes de leurs directeurs, administrateurs représentants et agents, lorsque ces actes ont été accomplis au nom des dites entités ou avec les moyens qu’elles leur procurent ». Il en résulte que la banque sera tenue par les actes de ses directeurs, administrateurs, représentants ou employés, lorsque ces actes seront accomplis en son nom ou avec les moyens qu’elle leur procure (145). La responsabilité de la banque joue même si les employés n’avaient ni le droit ni la compétence d’effectuer les actes préjudiciables aux tiers. En effet, ces derniers ne sont pas tenus de vérifier la véritable qualité ou compétence des employés de la banque. Celle-ci répondra toujours pénalement dans la mesure où les employés ont accomplis les actes incriminés en son nom et avec les moyens que la banque leur a procuré (146). Le banquier répond au même titre que les personnes physiques ou morales de toute « infraction » sanctionnée par le code pénal (147). Plus particulièrement, il répond de certaines infractions relatives à la profession bancaire (148) et / ou aux opérations bancaires (149) et ce, à titre d’auteur ou de complice suivant les conditions fixées dans le code de la monnaie et du crédit aux articles 192 à 206. Sous-paragraphe 2 - Responsabilité civile

209 Droit commun. La responsabilité civile du banquier relève du droit commun (150). Elle peut être totale ou

partielle (151). Elle est généralement contractuelle dans les rapports du banquier avec ses clients. En effet, toute opération effectuée par le banquier pour son client suppose naturellement à la base une relation contractuelle et corrélativement une responsabilité pour le banquier qui ne remplit pas correctement les obligations que le contrat met à sa charge. A l’égard des tiers, la responsabilité deviendrait délictuelle ou quasi-délictuelle. Le banquier joue un rôle important dans l’économie et son action, peut avoir des répercussions préjudiciables aux tiers. Il devra alors réparation dans les termes de l’article 127 c. oblig. c. (art. 1382 c. civ.). Dans tous les cas, la responsabilité ne joue que si le client apporte la preuve de la réunion des trois conditions classiques: existence d’une faute commise par le banquier, préjudice subi (152), et lien de causalité entre la faute et le préjudice. La jurisprudence n’exige pas une faute grossière ou lourde mais une simple faute légère dans les termes d’un mandataire salarié (153).

210 Responsabilité professionnelle. La distinction classiquement opérée entre responsabilité contractuelle et

délictuelle perd de plus en plus d’intérêt au profit de la responsabilité professionnelle (154). En ce sens qu’elle s’apprécie en raison de l’activité exercée par le banquier, de sa compétence, de sa technique et des moyens dont il dispose (155). La responsabilité du banquier joue vis-à-vis de ses clients (1) et des tiers (2). 1- Responsabilité du banquier à l’égard des clients Il s’agit d’une responsabilité contractuelle du fait personnel ou du fait d’autrui.

211 Responsabilité du fait personnel. Le banquier est un mandataire rémunéré. Il est, à ce titre responsable de

toute faute effectuée durant l’exécution de ce mandat (156). Sa responsabilité résulte de l’inobservation des

                                                            145 Cass. com. 21 mars 2000, Rec. crim. Sader 2000, 89 ; JU Beyrouth 5 mai 1997 Rev. jud. lib. 1997, 933. 146 Ch. corr. 2 juill. 1992, Al Adl 1993, 316. 147 Pour un exemple d’abus de confiance, v Cass. crim. 4 nov. 1997, Rec. Zein vol. 10, 371 n° 149. 148 Par exemple, exercice illégale de la profession bancaire, (art. 195 c. monn. créd.) ; exercice de la profession bancaire sans satisfaire aux

exigences de moralité (art. 127 c. monn. créd.) 149 Par exemple, refus de la monnaie libanaise (art. 192 c. monn. créd.) octroi de crédits à certaines personnes, dirigeants actionnaires, etc

sans autorisation préalable, art. 197 c. monn. créd. 150 GRUA, Banquier, responsabilité civile d’ordre général, JCL Banque-Crédit-Bourses, vol 1 fasc 150. 151 Pour un exemple de responsabilité partielle v. Beyrouth 14 févr. 1983, Al Adl 1983, 404. 152 Liban-Nord 25 avr. 1994, Rev. jud. lib. 1994, 1148. 153 JU Beyrouth 24 oct. 1994, Al Adl 1996, 225. 154 VINEY, Les grandes orientations de la responsabilité civile, in Entretiens de Nanterre, 3 – 4 avr. 1992, JCP E 1992 suppl. n° 6, 37. 155 GAVALDA et STOUFFLET, 35 n° 45: v ROUTIER, La responsabilité du banquier LGD J, 1997 ; BUTHURIEUX, La responsabilité du

banquier, Litec 1999 ; TUNC, Ebauche du droit des contrats professionnels, Etudes RIPERT T II 136 ; SAVATIER, Les contrats de conseil professionnels en droit privé D 1972, 137.

156 Cass. 4e civ. lib. 16 déc. 2008, Cassandre 2008/12, 2237.

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REGLEMENTATION DE L’ACTIVITE BANCAIRE

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lois ou règlements en vigueur ou tout simplement de l’inexécution de la mauvaise exécution ou du retard d’exécution d’une obligation contractuelle quelconque, par exemple, recouvrement tardif d’effets de commerce. Cependant, cette responsabilité est difficile à cerner: d’une part, les opérations bancaires sont d’une certaine technicité qui les fait échapper au droit commun et d’autre part, les banquiers refusent souvent de s’engager par écrit excipant de leur autorité financière, empêchant par là une détermination exacte du contenu de leurs obligations. Et lorsque la banque se lie par écrit, elle se délie en vertu des clauses d’exonération de responsabilité qu’elle prend soin d’insérer afin de faire face à toute faute et négligence émanant de sa part. En principe, ces clauses sont valables (157) mais souffrent de certaines limites: elles sont d’interprétation stricte et ne peuvent jouer en cas de faute lourde ou dol du banquier (158). En outre, le banquier peut conformément au droit commun échapper à la responsabilité en invoquant le cas fortuit ou la force majeure (159).

212 Responsabilité du fait d’autrui. La responsabilité contractuelle de la banque du fait d’autrui suppose

qu’une tierce personne ait conclu un contrat avec un préposé de la banque dûment habilité, agissant dans le cadre de ses fonctions. A cet effet, le tiers pourra se fonder sur la théorie du mandat apparent. 2- Responsabilité envers les tiers Cette responsabilité est de nature délictuelle. Il peut s’agir d’une responsabilité du fait personnel ou du fait d’autrui.

213 Responsabilité du fait personnel. On l’a déjà dit, l’activité du banquier peut avoir des répercussions

préjudiciables aux tiers. Le banquier auteur d’un fait dommageable ou simplement désigné par la loi doit réparer le dommage causé et indemniser celui qui en est la victime. A titre d’exemple, le dommage peut résulter lorsque la banque ouvre un compte à un client lui permettant ainsi de faire des opérations financières avec les tiers alors qu’il se révèle être malhonnête ou malicieux. Il en est de même lorsque le tiers se fait remettre un chèque sans provision par un client indigne d’avoir un compte-chèques à la banque. Le banquier peut encore être considéré comme fautif s’il exécute des ordres entachés d’irrégularités ou des anomalies apparentes ou s’il néglige de vérifier l’identité d’un contractant. La responsabilité du banquier est ici sévèrement appréciée. C’est la notion de risque suscité par l’inégalité des relations contractuelles en tant que fondement de la responsabilité qui est à l’origine de la sévérité de la jurisprudence (160).

214 Responsabilité du fait d’autrui. Le banquier répond du dommage causé pour le fait illicite de ses préposés

dans les termes de l’article 127 c. oblig. c. Cela suppose que le dommage du tiers résulte des fonctions ou à l’occasion des fonctions auxquelles les préposés sont affectés ; il en est autrement en cas d’abus de fonction (161). Ainsi, la banque commettante est responsable du détournement des fonds d’un client commis par un de ses fondés de pouvoirs indélicat (162). Dans une affaire où le chèque tiré sur le compte de la société nécessitait la réunion de deux signatures, le tribunal retient la responsabilité de la banque du fait de son employé qui a procédé au paiement du chèque alors qu’il portait une seule signature (163). Paragraphe 3 – Devoirs généraux du banquier La jurisprudence met à la charge du banquier un devoir de non ingérence, de vigilance, d’information, de conseil, et de mise en garde.

215 Devoir de non ingérence. Ce devoir appelé aussi devoir de discrétion, est le corollaire du secret dont le

client a légitimement le droit d’entourer ses activités. Il est à double composante: d’une part, la loi exonère le banquier d’intervenir afin d’empêcher son client d’effectuer un acte anormal: irrégulier, dangereux, inadéquat ou autre (164) et d’autre part, le banquier ne peut refuser d’exécuter l’ordre à lui intimé par son client au motif qu’il n’est pas opportun ou autre. Le devoir de non ingérence trouve sa limite dans

                                                            157 Cass. civ. 4 janv. 1910, S 1911, 1, 521 et la note. 158 Cass. civ. 12 juin 1978 D 1979, IR 144 obs. VASSEUR; Cass. com. 4 janv. 1979, Gaz Pal 24 mai 1979 pano., 7. 159 Douai 6 mai 1976, Gaz. Pal. 1977, 1, 17 et la note. 160 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 153 n° 168. 161 Cass. req. 10 mai 1938, D. 1939, I, 70 et la note ; Cass. 4 févr. 1975, RTDcom. 1975, 344 et 887 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE. 162 Cass. com. 14 déc. 1999, RDBF n°1 janv. /fév. 2000, 11 n° 3 obs. CREDOT et GERARD. 163 JU Beyrouth 9 juill. 1980, Rec. Hatem fasc. 172, 378. 164 Cass. com. 14 juin 2000, RDBF, juill./août 2000 n° 141, 222 obs. CREDOT et GERARD.

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l’obligation générale mise à la charge de toute personne de ne pas constituer par sa légèreté fautive une faute de nature à causer un dommage à autrui. En effet, certaines anomalies sont révélatrices de fraudes telles, qu’un banquier doit les percevoir sans pour autant porter atteinte au secret bancaire. A cet effet, il doit s’agir d’« anomalies apparentes » qui attirent l’attention d’un professionnel « normalement vigilant » (165). Ce devoir de non ingérence s’articule sur un devoir de surveillance pour déceler les anomalies apparentes et un devoir de s’informer pour connaître la vérité au-delà de l’apparence (166). Il en résulte que le banquier doit rester vigilant.

216 Devoir de vigilance. Le devoir de vigilance du banquier l’oblige principalement à détecter les anomalies et

irrégularités manifestes. Le caractère apparent sera apprécié au cas par cas en fonction de ce que le banquier a dû percevoir, matériellement, en sa qualité de professionnel dans l’exercice de son activité (167). L’obligation mise à la charge de la banque sous-entend sa limite: il ne lui est demandé ni de procéder à un examen au même titre qu’un expert ni d’être du niveau scientifique ou technique de l’expert ou utiliser les moyens de ce dernier. Il en résulte que la banque ne saurait être responsable lorsque le faux de signature a été fait avec une technicité telle que l’employé n’aurait pu le découvrir après l’examen effectué dans les règles prédéterminées.

217 Devoir d’information. D’origine prétorienne, le devoir d’information trouve sa raison dans le fait que la

banque est la partie la plus expérimentée dans le domaine financier et celle qui est la plus active dans la définition du contenu du contrat. Le devoir d’information consiste à transmettre une information dont le contenu est déterminé de manière objective et parfois, à rechercher cette information si celui qui doit la transmettre l’ignore. Le devoir d’information comporte donc deux prestations: l’une de nature intellectuelle (la recherche et/ou la détermination de l’information à transmettre), l’autre purement matérielle (la transmission de l’information). (168). La recherche d’informations présente un aléa justifiant sa qualification d’obligation de moyens. Quant à l’obligation de transmission, en raison de son caractère purement matériel elle doit être de résultat (169).Cependant, cette autorité de résultat s’attache à l’envoi de l’information et non pas à sa réception par le client, laquelle demeure une obligation de moyens (170). La Cour de cassation censure le banquier pour défaut d’information au cas par cas mais réfute l’idée selon laquelle le banquier serait tenu d’une obligation d’information ou de conseil générale (171). La jurisprudence est plus nuancée en ce qui concerne les anomalies intellectuelles.

218 Devoir de conseil. Le devoir de conseil se distingue de l’obligation d’information en ce qu’il incite à

opérer certains choix sur de vagues critères d’opportunité, alors que l’obligation d’information repose sur des critères objectifs purs et précis (172). Le devoir de conseil varie selon ses fonctions et le contrat peut toujours être requalifié par les juges du fond s’il est mal intitulé (173). En présence d’un mandat simple d’administration (ou de dépôt) – dans lequel le banquier s’abstient de donner tout conseil à son client – le banquier n’a en général qu’une obligation de diligence dans la garde des titres (174). S'il s'agit d'un contrat de gestion assistée, le client bénéficie cette fois des conseils du banquier (175). Le banquier est donc responsable de la réalité du fondement des conseils d’investissement qu'il donne à son client et de la faute qu'il commettrait en prenant éventuellement l'initiative d'un ordre. Mais l’obligation du banquier n’étant ici qu’une obligation de moyens ( 176 ), il est depuis longtemps admis que le banquier n'engage pas sa responsabilité pour les conseils de gestion de portefeuille qu'il dispense (177). Si enfin le banquier a conclu un contrat de gestion de portefeuille, il peut décider de son propre chef de lancer des ordres d'achat ou de

                                                            165 Cass. com. 11 janv. 1985, Bull. civ. IV n° 11 ; RTDcom. 1985, 192, obs. CABRILLAC et TEYSSIE. 166 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 155 n° 171. 167 Ainsi en est-il quand des chèques ou effets remis à l’encaissement ont été manifestement falsifiés ou quand une banque délivre les

formules de chèque non pas au titulaire du compte mais à son employé en vertu d’un récépissé signé par ce dernier, lequel a subtilisé les chèques et en a tiré une vingtaine Beyrouth 4 janv. 1968, Al Adl 1968, 286 n° 193.

168 BOUCARD, Les obligations d’information et de conseil du banquier, PUAM 2002 préf, LEGEAIS n° 5, 21. 169 FABRE-MAGNAN, De l’obligation d’information dans les contrats, essai d’une théorie, LGDJ Bibl. drt privé 1992, préf. GHESTIN, T

222, n° 8 et s. et 464 et s. Trib. 1re Inst. Beyrouth 13 juill. 1998, Rev. jud. lib. 1998, 936. 170 BOUCARD, Ibid. 171 Cass. com. 25 janvier 2000, Bull. civ. I n° 18, 14. 172 ROUTIER, La responsabilité du banquier, LGDJ 1997, 101 n° 120 ; BOUCARD, 24 n° 9. 173 Paris 6 janv. 1981, juris-data n° 020003 et 25 nov. 1988, juris-data n° 25983 cités par ALAMOWITCH, Portefeuille de titres et

responsabilité du banquier, Marché et techniques financières 1er avril 1994, 26. 174 ROUTIER 103 n° 120. 175 Paris 29 oct. 1990 D. 1991, 237 note STORCK. 176 Cass. com. 12 juill. 1974 D. 1974, 153 note GAVALDA. 177 Paris 20 oct. 1934, Gaz Pal 1934, 2, 845.

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vente pour son client et il n'a pas de conseil particulier à lui fournir: il est libre de gérer les valeurs qui lui sont confiées dans le cadre de la stratégie éventuellement définie et n'est pas responsable du résultat en raison de l'aléa, sauf prise anormale de risque (178). En d'autres termes, le banquier a une obligation générale de mise en garde (179) mais une fois celle-ci accomplie, il n’a pas à assumer les conséquences d'un éventuel fourvoiement.

219 Devoir de mise en garde. Dernier venu parmi les devoirs du banquier (180), ce devoir vise à alerter le

client, alerte qui n’a de sens que s’il a déjà connaissance des informations utiles à la compréhension de l’essentiel du contrat. La mise en garde est liée à un risque (181). Il s’agit d’une information précise, spécialisée, personnalisée et inquiétante. Mettre en garde c’est signifier un danger ou un risque précis: risque de ne pouvoir rembourser. Pour cette raison, ce devoir est né à l’occasion d’une opération de crédit (182). Ce devoir s’applique quelle que soit l’opération de crédit en cause. Il existe tant à l’égard de la caution que de l’emprunteur, mais il n’est dû qu’aux profanes par opposition aux avertis (appréciation de la bonne foi de la caution / s’en tenir aux seules qualités du profane). Ce devoir n’est pas défini mais il se distingue du devoir de conseil et du devoir d’éclairer l’emprunteur (devoir de non-immixtion). Il comporte pour l’établissement de crédit le devoir de se renseigner (vérifier la capacité de remboursement de l’emprunteur ou de la caution et vérifier la viabilité du projet), le devoir de ne pas accorder un crédit excessif et le devoir d’alerter le futur emprunteur sur le risque de non remboursement. En principe, le devoir de mise en garde est dû à l’emprunteur non-averti et la banque devra justifier avoir satisfait à son obligation à raison des capacités financières de l’emprunteur et des risques de l’endettement nés de l’octroi du crédit (183 ). Néanmoins, ce devoir cesse lorsque l’emprunteur non-averti fait preuve de déloyauté vis-à-vis de la banque pour l’inciter à lui accorder son concours (184). Egalement, le banquier sera dispensé d’un tel devoir s’il est établi que l’emprunteur est averti (185) ou que le crédit accordé à un non averti est adapté aux capacités financières de l’emprunteur (186) et au risque de l’endettement né de l’octroi des crédit (187). SECTION 2 – FIN DE L’ACTIVITE BANCAIRE

En plus des causes générales de droit commun: droit des obligations (art. 919 c. oblig. c.) et droit des

sociétés (art. 216 c. com. lib.), l’activité bancaire prend fin pour des causes propres à la technique bancaire: fusion (Sous-section 1), autoliquidation (Sous-section 2), révocation (Sous-section 3), radiation (Sous-section 4), mainmise (Sous-section 5) et cessation des paiements (Sous-section 6). SOUS-SECTION 1 - FUSION

220 Définition. La fusion des banques est réglementée par la loi n° 192 du 4 janvier 1993 telle que modifiée par

la loi n° 675 du 14 février 2005 (188). Elle est définie comme l’opération par laquelle la banque absorbée disparaît, entraînant transfert de ses actif et passif à la banque absorbante (189). Ainsi, le texte consacre la fusion absorption et non pas la fusion par création de société nouvelle ou par scission.

221 Agrément. Si l’issue des pourparlers de fusion est faste, le conseil d’administration de chaque banque doit

prendre une décision de fusion qui, à son tour, doit être agréée par le Conseil central de la BDL. Celui-ci, après avis de la CCB, rend une décision préliminaire de refus ou d'approbation du principe même de l’opération de fusion et ce, dans un délai de soixante jours à dater de la présentation de la demande. En cas d'approbation, le Conseil central décide la radiation de la banque absorbée et fixe les conditions, les garanties et les délais requis pour l'obtention de la décision définitive dans un délai maximal de trente jours

                                                            178 Cass. com. 7 avr. 1987, Lexilaser Cass. n° 85-15 167, à propos d’une acquisition de titres non négociables en France. 179 V cependant Cass. com. 1er févr. 1994 D. 1994, 424 note DUCOULOUX-FAVARD ; Dr sociétés 1994 n° 103 note HAVASSE. 180 Cass. ch. mixte 29 juin 2007, RTDciv. 2007, 779 note JOURDAIN ; JCP G 2007, II-10146 note GOURIO ; D. 2007, 2081 note

PIEDELIEVRE ; JCPE 2008, 2105 note LEGEAIS RDBF juillet-août 2007, comm. 148. 181 Ss direction TRICOT et CAUSSE, Le devoir de mise en garde du banquier, RDBF nov.-déc. 2007, dossier, 25. 182 v. FAVARIO, Les contours jurisprudentiels du devoir de mise en garde du banquier à l’égard de l’emprunteur non averti, RDBF mai-juin

2010, étude 12. 183 Cass. 1re civ. 19 nov. 2009, JCPE 2009, 2140 note LEGEAIS. 184 Cass. 1ere civ. 8 déc. 2009, juris-data n° 2009-050710. 185 Cass. com. 17 nov. 2009, juris-data n° 2009-050458. 186 Cass. 1ere civ., 19 nov. 2009 préc. 187 Cass. com. 6 déc. 2011, RDBF mars-avr. 2012, comm. 38, note CRÉDOT et SAMIN. 188 JO n° 8 du 24 février 2005, 773 ; V. EL KHADEM, Mécanisme de fusion bancaire en droit libanais, Rev. dr. Lib. et arabe 1994/7, 150 ;

JREISSATI, Fusion de banques libanaises par absorption ou annexion, EP Orient 1984/1985, Vol 37/38, 299. 189 Art. 1 L. 192/1993.

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à dater de la présentation des pièces justificatives. Cette décision motivée et définitive n'est susceptible d'aucune voie de recours ordinaire ou extraordinaire, judiciaire ou administrative, y compris le recours en annulation pour abus de pouvoir (190). L’écoulement des délais de soixante jours et de trente jours sans parution de la décision définitive du Conseil central équivaut à une décision tacite de refus de la fusion aux conditions prévues. A son tour, cette décision tacite n'est susceptible d'aucune voie de recours ordinaire ou extraordinaire, judiciaire ou administrative, y compris le recours en annulation pour abus de pouvoir (191).

222 Effets de l’agrément. La banque absorbante remplace immédiatement et d’office la banque ou les banques

absorbées dans tous les droits et les obligations envers les tiers, dès la parution de la décision définitive du Conseil central relative à l'approbation de la fusion. De même, il peut être mis fin aux contrats de travail d’un certain nombre d’employés de la banque absorbée suivant une procédure encadrée par la BDL. En outre, la banque absorbante devra publier à ses frais les décisions de la fusion ainsi que l’agrément final de la BDL. La BDL poursuit les responsables de la banque absorbée par devant les juridictions compétentes en cas de violation des lois et règlements en vigueur, notamment, en cas d’atteinte aux articles 166 et 167 c. com. sans que l’on puisse se prévaloir du secret bancaire.

223 Facilités et exemptions. La banque absorbante peut bénéficier d’un certain délai pour régulariser sa

situation non conforme aux lois et règlements et obtenir certains prêts accordés par la BDL, suivant des critères fixés par le conseil des ministres sauf urgence, auquel cas ils seront décidés par la BDL (192). En outre, l’opération de fusion sera exemptée de toutes taxes (droit de timbre, de notaire, etc.). Elle pourra être exemptée de l’impôt sur le revenu dû l’année de la fusion, à dater de la parution de l’agrément final au journal officiel après accord de la CCB dans la limite de deux milliards de livres libanaises. SOUS-SECTION 2 - AUTOLIQUIDATION

224 Définition. L’autoliquidation est réglementée par la loi n° 110 du 7 novembre 1991 relative à

« l’assainissement de la situation bancaire ». Elle constitue une cessation volontaire et définitive de l’activité bancaire. Elle implique pour la banque concernée de cesser d’accepter des dépôts, d’octroyer des avances, d’investir, de s’engager dans de nouvelles obligations ou d’augmenter le volume des dépôts, avances, investissements ou engagements antérieurs.

225 Procédure. La banque qui désire procéder à son autoliquidation, doit proposer à la BDL la cession totale

ou partielle de ses actif et passif. Si l’actif est suffisant, la BDL peut accepter. La décision d’autoliquidation entraîne d’office la radiation définitive de la banque concernée sur la liste des banques opérant au Liban. Un liquidateur sera désigné avec l’accord du gouverneur de la BDL et les opérations de liquidation se dérouleront sous le contrôle de la BDL. Par la suite, l’affaire est renvoyée, non pas devant le tribunal normalement compétent en cas d’action en faillite contre la banque (193) mais devant le Tribunal bancaire spécial (TBS) institué à Beyrouth par la loi 110/1991. Le TBS est seul compétent pour connaître de la procédure et des effets à donner à la demande d’autoliquidation. Les opérations d’autoliquidation n’empêchent pas la mise en œuvre des responsabilités civile et pénale des membres du conseil d’administration, des commissaires de surveillance, des commissaires aux comptes et de toute personne responsable. Le secret bancaire de la loi du 3 septembre 1956 lui sera inopposable (194).

226 Exemption. La banque en phase d’autoliquidation est exemptée de l’impôt sur le revenu à dater de l’année

au cours de laquelle la liquidation est décidée et ce, jusqu’à la fin des opérations de liquidation. SOUS-SECTION 3 - REVOCATION DE L’AGREMENT

227 Conditions. La révocation a lieu chaque fois que la banque ne remplit plus les conditions auxquelles l’agrément est subordonné. Par exemple, si la banque n’entame pas l’exercice de l’activité bancaire dans un délai de six mois à dater de sa notification de l’agrément (195). La révocation de l’agrément interdit

                                                            190 Art. 2L 192/1993. 191 Art. 2 L 192/1993. 192 Art. 6 L. 192/2003. 193 Cass. civ. lib. 18 avr. 2000, Rec. civ. Sader 2000, 442. 194 Art. 17-3 L 110/1991. 195Arrêté 7739 du 21 déc. 2000,JO n°14 du 29 mars 2001, 45.

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l’inscription de la société anonyme sur la liste des banques agréées par la BDL. Mais elle ne constitue pas une sanction disciplinaire et n’entraîne pas par elle même la liquidation de la personne morale. SOUS-SECTION 4 - RADIATION

228 Autorités. Conformément à l’article 140 c. monn. créd., le gouverneur de la BDL a le droit de décider

la radiation de toute banque si la banque est mise en liquidation et si elle se déclare elle-même en état de cessation des paiements. Egalement, la Haute instance bancaire peut dans certaines hypothèses décider la radiation de toute banque. Par exemple, si elle constate que la situation de la banque ne lui permet plus de poursuivre ses activités ou si la banque n’entame pas l’exercice de son activité dans un délai d’un an à dater de son inscription sur la liste.

229 Régime juridique. Contrairement à la révocation de l’agrément, la radiation constitue une sanction

disciplinaire. La personne morale ne peut plus exercer la profession bancaire (art. 137 c. monn. créd.). Elle ne peut plus recevoir des fonds du public à titre de dépôts ou de produit d’emprunts (art. 141 c. monn. créd.). En outre, la radiation entraîne automatiquement la liquidation de la personne morale conformément aux lois et règlements en vigueur (art. 141 alinéa 1 c. monn. créd.). La banque ne peut plus se prévaloir de sa qualité de banque que dans la mesure où son état en liquidation est clairement mentionné à la suite de sa dénomination (art. 141 alinéa 2 c. monn. créd.). La radiation annule et supprime tous les effets de l’inscription, l’établissement n’est plus une banque et ne peut exercer la profession bancaire. La banque radiée est considérée comme un établissement n’ayant jamais était inscrite sur la liste des banques. Il en résulte que la banque radiée ne peut nullement prétendre à un quelconque droit acquis à la réinscription sur la liste des banques en conformité avec l’article 22 c. monn. créd. aux termes duquel: « Aucune entreprise, dont l’activité est soumise au titre III, ne peut se prévaloir de droits acquis contre l’application des dispositions de la présente loi » (196). En outre, le ministère public demandera au tribunal à la requête de la BDL, d’ordonner toutes mesures garantissant les intérêts des déposants de la banque radiée et notamment l’apposition des scellés, l’inventaire, etc. (art. 142 c. monn. créd.). SOUS-SECTION 5 - MAINMISE

230 Présentation. La mainmise vise à assainir le secteur bancaire en éliminant la banque jugée incapable de

poursuivre son activité (197). Cette procédure associe le gouverneur de la BDL à la vie de chaque banque et sanctionne les dirigeants à l’origine de la défaillance de la banque.

231 Tribunal bancaire spécial. La loi n° 110 du 7 novembre 1991 a institué un tribunal spécial dénommé

«tribunal bancaire spécial » (TBS) siégeant à Beyrouth. Le TBS est doté du pouvoir de décider la mainmise sur toute banque s’il constate qu’elle « est dans une situation ne lui permettant pas de poursuivre ses activités (198). Le TBS doit au préalable avoir reçu une demande motivée en ce sens de la part du gouverneur de la BDL (199) lequel se trouve délié de tout secret bancaire sauf en ce qui concerne les comptes créditeurs (200). La compétence du TBS est exclusive de toute autre juridiction. Il connaît de toutes les actions mettant en cause les banques et tant qu’elles ne sont pas encore clôturées par un jugement en cessation des paiements, à l’exception des procès pénaux, administratifs, des procès relatifs au droit du travail et des procès qui ont fait l’objet d’un jugement définitif (201). Dès la simple saisine du TBS, les différents tribunaux doivent se dessaisir et lui renvoyer toute action pendante ou future en déclaration de la cessation des paiements de la banque. Le TBS se réunit dans les trois jours, convoque le représentant légal de la banque pour lui faire notifier la demande de mainmise. Si celui-ci ne comparaît pas, le tribunal rend sa décision en chambre du conseil. La décision de mainmise, si elle intervient, sera exécutoire par provision et sur minute, elle est définitive et irrévocable et ne peut faire l’objet que du seul recours en appel devant la cour d’appel de Beyrouth dans un délai de 30 jours à dater du prononcé de la décision et à condition que la

                                                            196 CE 15 févr. 1995, Rev. jud. lib. 1995, 213. 197 La mainmise est réglementée par la loi n° 28/67 du 9 mai 1967, la loi n° 7739 du 8 juillet 1967, le décret loi n° 1663 du 17 janvier 1979 et

la loi n° 110 du 7 novembre 1991 telle que modifiée par la loi n° 58 du 27 décembre 2008 v art. 23 L. 28/67 et art 2-2 L 110/91. 198 Art. 2. 2110/199/ modifié. 199 Art. 2, al. 1 modifié L. 110/1991. 200 Art 2 al. 2 modifié L. 110/1991 ; Article 2-7 L 110/91. 201 Art. 15 L. 110/1991 ; Cass. civ. lib. 29 mai 1997, Rec. civ. Sader 1997, 187 ; JU Metn, 25 févr. 2010, Cassandre 2010/2, 349.

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créance réclamée soit d’une valeur supérieure à dix millions de livres libanaises et ce, conformément à l’article 13 du décret-loi 1663 du 17 janvier 1979 tel que modifié par la loi n° 110/91 (202).

232 Effets. Les banques sous mainmise ne bénéficient plus d’ « existence légale » (203). Elles pourront faire

l’objet de cession ou d’exploitation. En outre, seront soumis à une saisie conservatoire d’office, tous les biens meubles et immeubles appartenant aux président et membres du conseil d’administration de la banque sous mainmise, aux personnes ayant le droit de signer en son nom, aux commissaires de surveillance anciens et actuels, qui ont géré ou contrôlé les opérations et les comptes de la banque, ou qui ont signé en son nom ou pour son compte, au cours des dix-huit mois qui ont précédé la date de la cessation des paiements et ce, en vue de garantir les responsabilités qui leur incombent par dérogation aux dispositions de l’article 870 c. proc. civ. lib. et aux dispositions de tout autre texte. Cette saisie reste en vigueur avec tous ses effets jusqu’au prononcé du jugement définitif par l’autorité judiciaire compétente qui doit statuer sur cette saisie. La saisie ne saurait être levée qu’avec le consentement de l’institut national de garantie des dépôts lequel garantit les dépôts des banques sous mainmises (204) sauf ceux appartenant aux dirigeants, gestionnaires, comptables et à leurs conjoints, ascendants et descendants.

C’est une saisie légale qui n’est pas soumise aux dispositions de droit commun de la saisie. Par conséquent,

il n’est pas nécessaire d’engager une action judiciaire en confirmation de la saisie. Elle peut être pratiquée même si la créance n’est pas certaine dans son principe (205). Elle portera aussi bien sur les personnes physiques que les personnes morales (206). Elle jouera même si les dirigeants ou autres responsables n’ont commis aucune faute c’est-à-dire dans les termes de l’article 167 c. com. lib. instituant une présomption de responsabilité (207).

En outre, les personnes sus-mentionnées se trouvent déchues du secret bancaire dès la parution de la décision de mainmise. La banque ou ses agences devront fournir au TBS toute information relative à leurs fonds et biens ainsi que ceux appartenant à leurs dirigeants, administrateurs, etc. sous peine d’emprisonnement et d’amendes.

233 Estimation provisoire. Le TBS devra procéder à l’estimation provisoire des différentes dettes et créances.

Cette tâche est confiée à une commission d’estimation dont la composition est préétablie par la loi (membre désigné par le tribunal, un autre par le gouverneur de la BDL, un troisième choisi parmi les actionnaires, etc.). Dans le délai d'un mois à dater de la publication de la décision de mainmise au journal officiel et dans deux journaux locaux, les créanciers concernés, à l’exception des déposants, devront présenter à L’INGD une demande accompagnée des pièces justificatives en vue de l'inscription de leurs créances dans l'inventaire provisoire des créances. L’inscription des créances doit intervenir dans le délai légal sous peine de forclusion sauf si la dette est sérieusement contestée. ( 208 ). La commission étudie les demandes d'inscription. Elle peut les accueillir ou les refuser. Dans ce dernier cas, l’intéressé présente une opposition dans le délai d’un mois à dater de la parution au journal officiel de l’avis annonçant l’établissement de la situation estimative provisoire (209). La commission se prononce sur l’opposition dans le délai de deux mois à courir de la publication de la situation estimative provisoire (210). La décision de la commission ainsi que le dossier des estimations seront transmis au TBS. Celui-ci se prononcera en chambre du conseil après convocation des intéressés. Ses décisions sont définitives, irrévocables, et ne sont susceptibles d’aucune voie de recours (211) ordinaire ou extraordinaire (212).

234 Privilèges de la BDL. La BDL se subroge de plein doit à la banque sous mainmise dans tous ses droits y

compris les droits litigieux sur base de l’inventaire estimatif final tel que fixé par le TBS, sans être tenue d’en informer les créanciers ou d’obtenir leur accord. L’INGD gère les biens et les droits sous le contrôle

                                                            202 Cass. 4e civ. lib. 29 janv. 2009, Cassandre 2009/1, 83 ; Beyrouth 9e ch., 14 janv. 2010, Cassandre 2010/1, 171. 203 Art. 3 D/L n°1663 du 17 janv.1979. 204 Art. 14 modifié L 110/1991. 205 Beyrouth 7 févr. 1974, Al Adl 1974, 349 ; contra Beyrouth 10 juin 1974 Al Adl 1975, 95 exigeant que la créance soit certaine dans son

principe. 206 Beyrouth 7 févr. 1974, arrêt préc. 207 Cass. civ. lib. 11 juin 1970, Al Adl 1970, 609 ; v aussi Trib. banc. spéc. 14 oct. 1982, Al Adl 1981/1982, 110. 208 Cass. civ. lib. 29 janv. 1973, Al Adl 1973, 183; Liban-Nord 4 févr. 1972, Al Adl 1972, 241. 209 Cass. civ. 23 déc. 1971, Al Adl 1972, 23. 210 Art. 33 L 28/67. 211 Trib. banc. spéc. 14 oct. 1982, Al Adl 1982, 110. 212 Art 9 L 110/1991 ; art 33-2 L 28/1967.

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de la BDL, et procède à leur liquidation au profit et pour le compte de cette dernière (213). La BDL paie à l’INGD la valeur des biens et droits ainsi acquis, après avoir défalqué toutes les sommes qu’elle aurait avancées ainsi que les montants qu'elle aurait payés à titre de frais, rémunérations, dépenses, honoraires et émoluments des fonctionnaires, des organismes, des commissions, des experts, et tous les autres frais de liquidation (214). L’INGD paie par la suite l’ensemble des dettes suivant la règle au « marc le franc » selon l’ordre de priorité suivant: 1) aux propriétaires des dépôts, les soldes des dépôts et les soldes de l’ensemble des dettes, au prorata ou intégralement. 2) à la Banque du Liban, les montants qu’elle a payés comme frais divers de liquidation. 3) à l’INGD, la couverture des montants qu’il aura payé aux déposants de la banque en question, 4) aux actionnaires, le solde restant, au prorata de la participation de chaque d’entre eux. SOUS-SECTION 6 - CESSATION DES PAIEMENTS

235 Définition. La cessation des paiements des banques est régie par la loi n° 2/67 du 16 janvier 1967, le

décret-loi d’application n° 7739 du 3 juillet 1967 et la loi n° 628 du 20 novembre 2004. Conformément à l’article 2 de la loi n° 2/67, la banque est considérée en état de cessation des paiements dans l’un des cas suivants: 1- si elle annonce volontairement la cessation des paiements; 2- si elle ne paie pas, à l’échéance convenue, une dette contractée auprès de la Banque du Liban ( 215 ), 3- si elle émet un chèque non provisionné sur la Banque du Liban (216); 4- si elle ne procure pas la provision suffisante pour couvrir un solde débiteur résultant des opérations de la chambre de compensation (217). En prévoyant que «la banque est considérée en état de cessation des paiements dans l'un des cas suivants.....», l'article 2 opte pour une définition matérielle et enlève au juge saisi tout pouvoir d’appréciation de la situation financière de la banque (218). On impose au juge la déclaration de l'état de cessation des paiements d'une banque en lui présentant un simple fait matériel, dont il ne peut que constater l'existence (219) et cela même en dépit de la situation financière prospère de la maison mère à l’étranger (220).

Néanmoins, aux termes de l’article 4 de la loi n° 2/67: « Tout créancier peut demander au tribunal

compétent l’application des dispositions de la présente loi dans les deux cas prévus à l’article 489 du code de commerce ». Or, aux termes de l’article 489 c. com.: « Sous réserve de l’application des dispositions du titre précédent, est en état de faillite tout commerçant qui cesse ses paiements de dettes commerciales ou qui ne soutient son crédit que par des moyens manifestement illicites ». Il en résulte que les créanciers de la banque ont le choix de demander au tribunal l’application de la loi n° 2/67 dans les deux hypothèses prévues par l’article 489 c. com. lib. et, qu’ils sont libres de renoncer à la procédure instituée par la loi n° 2/67 et peuvent à titre individuel poursuivre la banque en paiement de leurs créances dans les termes de l’article 489. Mais cette liberté connaît une limite: lorsque la BDL ou la banque concernée elle même demande l’application de la loi n° 2/67. Dans ce cas, la poursuite individuelle sera suspendue (221).

236 Rôle du gouverneur de la BDL. L’article 2 de la loi n° 2/67 précise qu’en cas de cessation des paiements,

le gouverneur est tenu de déclencher la procédure prévue dans cette même loi en vertu d’une demande qu’il adressera au tribunal. Ainsi son intervention est impérative à peine d’engager sa responsabilité et par suite la responsabilité de la BDL (222). Si le gouverneur de la BDL après déclenchement de la procédure se désiste, son désistement n’affecte pas l’intervention volontaire d’une banque tierce si elle invoque un droit propre et justifie d’un intérêt moral ou matériel souverainement apprécié par les juges du fond (223).

237 Directeur intérimaire. Dans les quarante-huit heures qui suivent le dépôt de l’action ou la demande en

cessation des paiements, le tribunal désigne en chambre du conseil un directeur intérimaire chargé d’expédier les opérations courantes de la banque et de prendre les mesures conservatoires et ce, sous le                                                             213 Loi n° 628 du 20 nov. 2004, JO n° 62 du 25 nov. 2004, 10944. 214 Art 11L 110/1991. 215 Jugé que le simple refus de paiement par une banque d’un compte créditeur ne constitue pas en soi l’état de cessation des paiements dans

le sens de la loi de 1967 : Trib. 1re Inst. Beyrouth 11 juin 1980, EP Orient 1980 vol 31/32 ,191 note SOUMRANI. 216 Trib 1re Inst. Beyrouth 22 mai 1991, Al Adl 1990/1991, 146. 217 La fusion opérée par la banque ne saurait valablement être révélatrice d’une cessation des paiements: Cass. civ. 31 juill. 1997, Rec. Zein

Vol. 10, 311 n°44. 218 SOUMRANI, La conception matérielle de la notion de cessation des paiements dans la loi libanaise n° 2/67 du 16 janvier 1967, EP Orient

1973, Vol 16, 57. 219 Trib. 1re inst. Beyrouth 22 mai 1991, Al Adl 1990/1991, 146. 220 Trib. 1re inst. Beyrouth 28 août 1980, Al Adl 1981, 184. 221 Art. 19 L 2/67. 222 SOUMRANI, 40 n° 63. 223 Trib. 1re inst. Beyrouth 16 janv. 1991, Al Adl 1990/1991, 151.

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contrôle direct dudit tribunal. La désignation du directeur intérimaire est laissée à l’appréciation du tribunal. Cette désignation est effectuée en vertu d’une décision provisoire pouvant faire l’objet d’un recours en appel (224) ou recours en opposition dans les termes de l’article 684 nouv. c. proc. civ. (225). La désignation du directeur intérimaire ne paralyse pas de manière absolue les organes représentatifs de la banque: ceux-ci continuent à exercer leur prérogative dans la limite de celles accordées au directeur intérimaire. Ainsi, la banque pourra toujours par le biais de son administration originaire, déposer tout recours à l’encontre du jugement déclaratif de cessation des paiements, comparaître et défendre ses intérêts durant toute la procédure judiciaire y relatif (226). Dès sa désignation, le directeur intérimaire remplace le directeur de la banque vis-à-vis des déposants et des créanciers dans toutes les prérogatives et responsabilités initialement accordées à ce dernier. En outre, il est soumis à la loi du 3 septembre 1956 relative au secret bancaire (227).

238 Jugement de cessation des paiements. Le tribunal statue sur la demande en chambre du conseil après

avoir consulté le gouverneur de la BDL et entendu le représentant de la banque intéressée. Si l'un des faits matériels de l’article 2 est avéré, il rend un jugement exécutoire par provision déclarant la cessation des paiements dont il fixe la date (228). De même, le jugement révoque les membres du conseil d’administration de la banque ayant cessé ses paiements, ainsi que les directions locales des banques étrangères opérant au Liban au cas ou l'une d'elles cesserait ses paiements (229). Ce jugement peut faire l’objet d’un recours en appel non par le directeur intérimaire mais par les organes de la banque en cessation des paiements c’est-à-dire la faillie au même titre que les failli de droit commun conformément de l’article 497 c. com. lib. (230). Toute écriture effectuée durant la période suspecte est nulle de plein droit conformément aux dispositions de l’article 507-1 c. com. lib. Cela même si le tiers contractant est de donne foi et qu’il ignorait l’état de cessation des paiements de la banque (231).

239 Compétence. L’article 15 de la loi 110/1991 relative à l’assainissement bancaire a créé un tribunal spécial

(qui est à distinguer de celui de l’article 2 de la même loi) dont le siège est à Beyrouth compétent pour connaître de tous les litiges relatifs aux banques: - qui feront l’objet d’une mainmise dans les termes de la loi 110/91 - qui sont ou seront déclarées en état de cessation des paiements avant le 31 décembre 2000 (232). Ainsi le critère de la compétence ne consiste pas en une simple cessation des paiements mais en un jugement déclarant ladite cessation ( 233 ). Cette compétence impérative, nonobstant toute clause contraire(234), est exclusive de toute autre juridiction (235) et s’applique indifféremment aux banques libanaises et aux succursales des banques étrangères indépendamment de la situation de la maison mère (236). Elle ne s’étend pas aux autres matières notamment les procès pénaux et administratifs, les procès relatifs au droit du travail et les procès qui ont fait l’objet d’une jugement définitif (237).

240 Comité de gestion. Dans le jugement emportant cessation des paiements, le tribunal désigne un comité de

gestion dont la composition est préétablie par la loi (membre proposé par le ministre des finances, membre désigné par le tribunal, membre représentant les actionnaires, et un autre représentant les créanciers). Cette désignation emporte cessation de la mission du directeur intérimaire. Le comité exerce les attributions du conseil d'administration et en cas de besoin, celles de l’assemblée générale ordinaire. II représente la masse des créanciers et prend les mesures propres à sauvegarder les intérêts des ayants-droits. La gestion englobe la banque et ses branches. Il prend les mesures qu'il juge nécessaires pour sauvegarder les intérêts gérés. Plus particulièrement, il a le droit de conclure tous accords et prendre toutes mesures permettant à la banque de reprendre ses activités, à condition que ces accords soient approuvés par le tribunal (238). S’il considère que la banque peut reprendre ses activités par l'augmentation du capital, il convoque les

                                                            224 Beyrouth 20 mai 1991, Al Adl 1992 p 127. 225 Trib. 1re inst. Beyrouth 28 nov. 1991, Al Adl 1990/1991, 135. 226 Beyrouth 8 juill. 1991, Al Adl 1992, 138 ; Mont-Liban 23 mars 1994, Rev. jud. lib. 1994, 410. 227 Art. 5 L. 2/67. 228 Trib. 1re inst. Beyrouth 14 avr. 1999, Rep. drt. banc, 842 02693. 229 Art. 6 L. 2/67. 230 Beyrouth 8 juill. 1991, préc.. 231 Beyrouth 16 févr. 1995, Rep. drt banc. p 889s mfn 02726 ; Trib. banc. spéc. 19 avr. 1994, Al Adl 1994, 220. 232 Cf art. 2-2L 110/1991 par renvoi de l’article 15-b de la même loi. 233 Cass. civ. lib. 29 mai 1997, Rev. jud. lib. 1997, 764. 234 Beyrouth 10e ch, 2 avr. 2008, Al Adl 2010/1,238. 235 Beyrouth 10e ch. 2 avr. 2008 préc. Juge veque Metn 25 févr. 2010, Al Adl 2011/4, 1878. 236 Trib 1re Inst Beyrouth 28 août 1980, 11 juin 1980, Rec Hatem, fasc 176, 584. 237 Art. 15-3 L 110/91 ; Ass, com. cass. pl. 7 avr. 1997, Rev. jud. lib. 1997, 329. 238 Trib. banc. spéc. 25 oct. 1996, Al Adl 1999, 103.

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actionnaires à une assemblée générale extraordinaire pour décider l'augmentation selon la procédure prévue par le code de commerce.

241 Déclaration des créances. Aux termes de l’article 11 de la loi n° 2/67, les créanciers et les ayants droit, à

l'exception des déposants, seront tenus de faire état de leurs créances et de leurs droits au comité de gestion par des déclarations, accompagnées de pièces justificatives. La déclaration des créances n’est soumise à aucune forme (239). Elle doit, pour sa validité, intervenir dans un délai de trois mois à dater de la publication au journal officiel du jugement déclarant la cessation des paiements (240) sous peine, en principe, de déchéance (241). Le délai de déchéance ne s’applique pas aux créances litigieuses qui restent soumises aux dispositions du droit commun de la faillite ( 242 ) notamment celles de l’article 555 c. com. lib. La confirmation des créances et dépôts est régie par les dispositions du code de commerce. La décision de refus des créances est susceptible de recours devant le tribunal compétent ( 243 ). Une fois le délai d’opposition sur l’état des créances expiré, aucun autre recours de quelque nature soit-il ne peut s’exercer (244).

242 Comité de liquidation. S’il s’avère que la banque ne peut reprendre ses activités, elle sera mise en

liquidation par décision du tribunal à la demande du comité de gestion. Cette décision fixera la date de cessation des paiements de manière définitive et sera rendue publique selon la même procédure que celle relative à la déclaration en faillite. En outre, la décision désignera pour les opérations de liquidation, un comité de liquidation. Le comité de liquidation est à la banque en cessation des paiements ce que le syndic est à la faillite. Ainsi, le comité peut valablement intenter les actions en annulation des divers actes accomplis durant la période suspecte (245). Le comité bénéficiera des mêmes pouvoirs et prérogatives que l’article 501 c. com. lib. confère au syndic. Cependant, cette « substitution » au syndic ne joue qu’au profit du comité de liquidation en sa formation collégiale et ne peut nullement profiter de manière exclusive à l’un quelconque de ses membres serait-ce le président du comité (246). Néanmoins, le président, en sa qualité de représentant dudit comité, peut valablement constituer un avocat afin de défendre les intérêts de la banque devant les tribunaux judiciaires (247). Le comité doit présenter son rapport dans un délai de six mois. A défaut, le tribunal le sommera de le présenter dans un délai d'une semaine. Si ce délai expire sans présentation du rapport, le tribunal décidera la liquidation.

243 Recours. Les décisions rendues par le tribunal de faillite en sa qualité de contrôleur des travaux du comité

de liquidation d’une banque en cessation des paiements, ne sont susceptibles d’aucune voie de recours notamment d’un recours en appel (248). De même, les décisions du comité de liquidation approuvées par le président du tribunal de faillite en charge du contrôle de ses travaux, ne peuvent faire l’objet d’aucun recours. Ces décisions n’ayant pas de nature judiciaire mais une nature administrative, émane d’une autorité n’ayant aucun pouvoir judiciaire (249 ). Tout au plus, le créancier déposera auprès dudit tribunal une demande en revendication des biens dont il prétend être le titulaire dans les termes de l’article 607 c. com. lib. (art. 607 c. com. lib.).

244 Comité ministériel. Au cas où le comité ne soumet pas son rapport dans un délai de six mois à dater de sa

désignation, ou au cas où le rapport soumis établit l’impossibilité pour la banque de poursuivre ses activités, il sera possible de désigner par décret pris en conseil des ministres, un comité chargé de vendre la banque. Ce comité est composé du gouverneur de la BDL, président; le président du Conseil d’Etat, membre; le directeur général des finances au ministère des finances, membre; un juriste, membre; un expert financier ou économique, membre (250). Le comité ainsi désigné poursuit pendant deux mois à dater de sa nomination la mission du précédent comité. Le domaine de ses prérogatives est élargi. Il dispose des attributions de l’assemblée générale extraordinaire. La personnalité juridique de la banque continue à

                                                            239 Beyrouth 28 mai 1998, Al Adl 200, 49. 240 Comp. Beyrouth 28 mai 1998, préc. 241 Trib. banc. spéc. 24 janv. 1997, Al Adl 1998, 479. 242 Cass. civ. 8 mars 1973, Al Adl 1973, 334 ; Beyrouth 4 févr. 1972, Al Adl 1972, 241. 243 Beyrouth 20 mars 1997, Rev. jud. lib. 1997, 43. 244 Trib. banc. spéc. 27 juill. 1993, Al Adl 1995, 297. 245 Trib. banc. spéc. 1er mars 1994, Al Adl 1994, 192. 246 Beyrouth 15 juill. 1999, Al Adl 1999, 219. 247 Beyrouth 21 déc. 1999, Al Adl 2000, 63. 248 Cass. civ. lib. 30 mars 2000, Al Adl 2001, 49 ; Rec. Zein, vol. 10, 308 n°38. 249 Trib. banc. spéc. 6 juin 1997, Al Adl 1999, 106. 250 Art. 12-5 L. 2/1967.

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REGLEMENTATION DE L’ACTIVITE BANCAIRE

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exister. Le comité tient le rôle de son organe administratif et représentatif et représente également la masse des créanciers (251). Il en résulte que la banque peut valablement être conduite devant les tribunaux judiciaires en la personne dudit comité (252).

245 Prérogatives. Le comité est habilité à prendre toute démarche de nature à sauvegarder les intérêts des

ayants droit par des mesures efficaces et rapides, après consultation des rapports et documents concernant la situation de la banque et la vérification de leur exactitude. A cet effet, le comité bénéficie d’un large pouvoir souverain d’appréciation sous réserve du respect des textes et lois en vigueur (253). Le comité peut effectuer les démarches et contacts nécessaires en vue de trouver un ou plusieurs acquéreurs de l’établissement bancaire, de ses branches ou de ses actions (254). La cession peut être totale et porter sur toutes les actions de tous les actionnaires. Elle peut être partielle et porter sur une partie des actions revenant à une partie des actionnaires. Dans ce cas, les anciennes actions seront annulées, un nouveau document sera délivré à leur place conférant à son titulaire le droit de toucher le solde du revenu net, si un tel solde existe, et garantissant l’exécution des obligations correspondantes des acquéreurs (255). Le tribunal de première instance compétent doit statuer sur ces accords dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle ils lui sont soumis. La décision du tribunal est définitive, non susceptible d’appel ni d’aucune voie de recours. La cession ainsi prévue par le législateur se distingue de celle de droit commun prévue par l’article 118 c. com. lib. en ce qu’elle est forcée et obligatoire et ne dépend nullement du consentement des actionnaires. Cela se justifie par le souci du législateur de sauvegarder l’établissement bancaire, ce qui risque d’être compromettant en cas de refus de cession opposé par certains actionnaires. Enfin signalons que si le décret-loi de 1967 a soumis la cession à une certaine procédure et formalités, la violation de ses règles n’a pas pour effet d’annuler la cession réalisée (256).

246 Saisie légale. Le prononcé du jugement de mise en faillite de la banque entraîne la pratique d’une saisie

légale de plein droit (257) sur tous les biens meubles et immeubles appartenant aux membres du conseil d’administration de la banque et de toute personne chargée ou a été chargée de l’administration de la banque (258). Cette saisie est distincte de la saisie judiciaire de droit commun (259). Cependant, la saisie légale pratiquée sur les immeubles n’a d’effet à l’égard des tiers que si elle est régulièrement inscrite au registre foncier. Elle ne peut donc être opposable au tiers acheteur sauf mauvaise foi de ce dernier (260). De même, une saisie arrêt ne saurait valablement produire ses effets qu’après notification du tiers saisi (261). L’article 13 de la loi 2/1967 donne au tribunal ayant déclaré la cessation des paiements compétence pour décider la levée de la saisie légale et ce, par dérogation aux dispositions de droit commun conférant une telle compétence au chef du bureau exécutif. Le tribunal se prononcera en se basant sur l’apparence du droit allégué tel qu’il résulte des documents produits sans évoquer le fond du droit (262) et le demandeur ne doit pas être poursuivi en responsabilité. Il en est de même si la condition de la cessation des paiements fait défaut (263). Les saisies n’empêchent pas ces personnes de conserver l'usage de ces biens conformément à l'article 623 c. proc. civ.

247 Déchéance du secret bancaire. Toutes les personnes qui ont géré, administré ou contrôlé la banque seront

considérées comme ayant renoncé à se prévaloir de la loi du 3 septembre 1956 sur le secret bancaire et ce, dès la cessation des paiements par la banque. En outre, elles devront au même titre que la banque soumettre au directeur intérimaire ou au comité de gestion un état de leurs biens sous peine de poursuite pour fraude

                                                            251 Art. 10 L. 2/1967. 252 Trib. banc. spéc. 25 oct. 1996, Al Adl 1999, 103. 253 Trib. 1re inst. Beyrouth 28 janv. 1993, Al Adl 1993, 236. 254 Art. 12DL 2/1967. 255 Art. 12 dernier alinéa DL 2/1967. 256 Trib. 1re inst. Beyrouth 28 janv. 1993, Adl 1993, 236. 257 Beyrouth 25 mai 1993, Al Adl 1994, 95. 258 Art. 13 L. 2/67. 259 Cass. civ. lib. 23 déc. 1970, Al Adl 1972, 418 ; Beyrouth 21 déc. 1973, Rec Chamsédine, 194 ; contra, Beyrouth 13 mars 1971, Al Adl

171, 685 estimant que la saisie décidée en vertu de l’article 13 de la loi 2/67 n’est pas une saisie légale mais une saisie judiciaire de droit commun soumise aux articles 866 s. c. proc. civ.

260 Trib. banc. spéc. 13 janv. 1994, Al Adl 1994, 216 ; TYAN, 1127. 261 Cass. civ. lib. 28 févr. 1974, Al Adl 1974, 384. 262 Beyrouth 10 juin 1974, Al Adl 1975, 95. 263 Cass. civ. 23 déc. 1970, Rev. jud. lib. 1975, 759.

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REGLEMENTATION DE L’ACTIVITE BANCAIRE

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ou d’escroquerie. Ces biens sont considérés saisis d'office entre leurs mains. La prénotation de la saisie légale sur les feuillets du bien-fonds saisi ne sera nullement radiée (264).

248 Responsabilités. Le ministère public, le directeur intérimaire ou le comité de gestion doit demander à

l’autorité judiciaire compétente d'engager des poursuites contre les personnes mentionnées, conformément aux dispositions du code de commerce relatives à la faillite (265) et ce, pour déterminer leurs responsabilités civile et pénale. Les dispositions relatives aux responsabilités civile et pénale des membres du conseil d’administration, des commissaires de surveillance, des commissaires aux comptes, et de tous responsables de la banque du moment sont pleinement applicables. Cette responsabilité engagée en cas de cessation des paiements et d’insuffisance d’actifs se distingue de celle de l’article 167 alinéa 1 c. com. lib. rendant les administrateurs responsables vis-à-vis des actionnaires de leurs fautes de gestion. En effet, la saisie de l’article 20 de la loi n° 2/67 pratiquée en garantie de la responsabilité des dirigeants est la saisie judiciaire de droit commun et non pas la saisie légale de l’article 13 fondée sur l’article 167 alinéa 1 c. com. lib. (266).

                                                            264 Trib. banc. spéc. 4 août 1984, Al Adl 1995, 299. 265 Cass. civ. lib. 26 janv. 1995, Al Adl 1995, 95. 266 Cass. civ. lib. 23 déc. 1970, Al Adl 1972/ , 418.

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TITRE II – COMPTES EN BANQUE

249 Notion de compte. Le compte est une écriture comptable traduisant en chiffres l’état des opérations créditrices ou débitrices effectuées entre la banque et son client comportant l’inscription de chaque opération sous forme d’un article (article au crédit ou au débit suivant que le client est créancier ou débiteur de la banque) au poste de l’une des deux colonnes de compte, dites de débit ou de crédit et se liquidant par une balance finale des deux colonnes qui fait apparaître un solde qui sera réglé à la clôture (1). Cet aspect purement comptable n’épuise pas la notion de compte. Celui-ci est avant tout un mode conventionnel de règlement des dettes réciproques qui pourront naître entre la banque et le client. Ce règlement s’opère par un mécanisme proche de la compensation qui se produit entre articles de crédit et articles de débit. Donc, les comptes constituent des instruments de garantie pour les banques: garantie de se faire rembourser les crédits accordés sur un même compte mais aussi garantie de se faire rembourser les crédits accordés sur d’autres comptes débiteurs notamment, en cas de convention de compensation avec des comptes créditeurs (2). Les comptes en banque sont soumis à des règles communes (Chapitre 1). Ce n’est pas pour autant que les opérations bancaires sont régies par un seul et même compte commun. La pratique bancaire connaît différents comptes de natures disparates soumis à des règles spécifiques: compte courant (Chapitre 2), compte de dépôt (Chapitre 3) et certains comptes spéciaux (Chapitre 4) englobant les comptes épargne, les comptes multiples et les comptes à titulaires multiples.

                                                            1 CORNU, Vocabulaire juridique, v° Comptes, 169. 2 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD 172 n° 182 ; CABRILLAC et BONHOMME, Dépôt et compte en banque, Rép. com.

Dalloz.

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REGLES COMMUNES

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CHAPITRE 1 - REGLES COMMUNES Les règles communes à tous les comptes en banque concernent l’ouverture du compte (Section 1), son fonctionnement (Section 2), les incidents susceptibles de l’affecter (Section 3), sa clôture (Section 4), et ses redressement et révision (Section 5). SECTION 1 - OUVERTURE DU COMPTE

250 Convention cadre. L’ouverture du compte s’exprime par la conclusion d’une convention cadre entre la

banque et le client (1). Cette convention vise à définir les principales règles auxquelles seront soumises les opérations futures effectuées par un ou plusieurs clients en vertu des multiples contrats d’application à venir. Nous évoquerons, tour à tour, la forme de cette convention (Sous-section 1), le consentement nécessaire à sa formation (Sous-section 2), les capacité et pouvoir des contractants (Sous-section 3), et les obligations qui en découlent pour le banquier (Sous-section 4). SOUS-SECTION 1 – FORME

251 Convention écrite. L’ouverture du compte est gouvernée par le principe du consensualisme. Sa validité

n’est donc soumise à aucun formalisme. Il n’en demeure pas moins que cette convention s’exprime de plus en plus de manière écrite. Ainsi, dans la pratique, la banque met à la disposition de son client virtuel un document écrit pré-imprimé, la lettre d’ouverture de compte, précisant les conditions générales de fonctionnement du compte (modalités, nature, etc.). La personne qui désire entrée en relation avec la banque doit signer ce document sans possibilité de négociation, la convention de compte constitue en effet un contrat d’adhésion. Dans la plupart des cas, la convention est expresse mais elle peut être tacite et résulter, par exemple, du fonctionnement même du compte. Ainsi dans le compte de chèque, elle est immédiatement constituée par la remise des formules de chèques au titulaire du compte. Quant aux conditions de la convention, elles sont dictées à défaut de stipulations expresses par les usages bancaires, particulièrement développés en ce domaine. SOUS-SECTION 2 - CONSENTEMENT Le contrat d’ouverture de compte se forme par le consentement de ses parties, banquier et client. La question se pose de savoir si de part et d’autre leur consentement est libre?

252 Liberté du client. Pour la très grande majorité des personnes physiques ou morales, l’ouverture d’un

compte n’est qu’une commodité personnelle. Toute personne est libre d’ouvrir le compte qu’elle entend auprès de l’établissement bancaire qu’elle veut. En principe, la loi n’impose pas aux individus d’ouvrir un compte bancaire. Exceptionnellement, le législateur oblige certaines personnes à ouvrir un compte. Ainsi, certains salaires sont obligatoirement versés sur un compte bancaire par virement bancaire ou postal ou par chèque barré. De même, lors de la constitution des sociétés par actions et des sociétés à responsabilité limitée, la loi dispose que les fonds provenant de la libération des parts ou des actions doivent faire l’objet d’un dépôt dans une banque. Un compte sera alors ouvert au nom de la société en formation (2).

253 Liberté du banquier. La liberté du client d’ouvrir ou de ne pas ouvrir un compte n’a pas posé de

problèmes particuliers, en revanche, la liberté du banquier d’accepter ou de refuser l’ouverture d’un compte bancaire a suscité d’abondantes controverses (3). La légitimité d’une telle liberté se justifie par le caractère intuitu personae qui caractérise nécessairement les relations de la banque avec sa clientèle, d’autant plus qu’une telle relation suppose des relations durables et peut entraîner le responsabilité du banquier. Aussi serait-il illogique et injuste de faire supporter à ce dernier les méfaits d’une ouverture de compte sans lui donner la faculté de s’y opposer. Egalement, les usages bancaires permettent indiscutablement le refus d’ouvrir un compte (4). De même, la publicité bancaire ne lie pas le banquier parce qu’elle n’a pas toujours

                                                            1 DOM, Contrats bancaires, formation, JCL Banque-Crédit-Bourse vol 1, fasc 130. 2 Art. 85 c. com. lib. pour les sociétés anonymes et l’article 8 du DL n°35 du 8 août 1967 pour les sociétés à responsabilité limitée. 3 HAMEL, Le droit du banquier de refuser l’ouverture d’un compte, Banque, 1959,67 ; GAVALDA, Les refus du banquier, JCP G 1962, I-

1727 GAVALDA et STOUFFLET, 102 n° 203; RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 176 n°186. 4 Trib. com. Seine (3 espèces) 27 juin 1960, Banque 1960, 535 obs. MARIN; RTDcom. 1960, 864 obs. BECQUE et CABRILLAC; Rev.

jurisp. com. 1961 p. 48 ; Trib. com. Seine 24 juill. 1958, Gaz Pal 1958, 2, 343.

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REGLES COMMUNES

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un caractère assez précis pour constituer une offre au sens technique (5). Enfin, de l’arrêté libanais n° 6060 du 25 novembre 1991 permettant à la banque de refuser la délivrance d’un carnet de chèques à certains clients indélicats, on peut en déduire sa possibilité de refuser l’ouverture d’un compte. Cela dit, l’hypothèse d’un abus de droit doit être réservée. En effet, il n’est pas question de tolérer n’importe quel refus. Ainsi, tout en reconnaissant au banquier un droit de refus, la jurisprudence sanctionne l’exercice abusif de ce droit. Le refus sans justification valable entraîne la responsabilité du banquier.

254 Droit au compte. L’article L 312-1 c. monét. fin. énonce: « Toute personne physique ou morale domiciliée

en France, dépourvue d’un compte de dépôt, a droit à l’ouverture d’un tel compte dans l’établissement de crédit de son choix ou auprès des services financiers de la Poste ou du Trésor public » ( 6 ). Les établissements bancaires conservent la faculté de refuser l’ouverture du compte mais ils sont tenus de justifier que leur refus ne se fonde pas sur un motif discriminatoire telle l’exigence d’un titre de séjour, qui vise les seuls clients de nationalité étrangère, exigence discriminatoire quant à la preuve de l’identité (7). Si l’établissement de crédit refuse quand même d’ouvrir le compte demandé, le postulant pourra s’adresser à la Banque de France « afin qu’elle lui désigne soit un établissement de crédit, soit les services financiers de la Poste, soit ceux du Trésor Public » (art. 312-1 al. 2 c. monét. fin.). Si la banque désignée refuse, le juge, statuant en référé pourra à la demande de l’intéressé enjoindre sous astreinte à la banque l’ouverture d’un compte de dépôt. Le droit libanais ne connaît pas de disposition similaire. L’ouverture d’un compte emporte en principe pour le titulaire, le droit d’exercer toutes les prérogatives normalement attachées à l’ouverture d’un tel compte c’est-à-dire un service de comptabilité consistant en la tenue des comptes et un service de caisse ainsi que la fourniture de certains moyens de paiement (8). Néanmoins, si le postulant se fait ouvrir un compte par l’intermédiaire de la Banque de France en conformité avec l’article L 312-1 c. monét. fin., le client ne pourra pas bénéficier de facilités de caisse ni disposer de carnets de chèques ou d’une carte de crédit (9). SOUS-SECTION 3 - CAPACITE ET POUVOIR Les postulants auxquels un compte peut être ouvert sont les personnes physiques (Paragraphe 1) et morales (Paragraphe 2) satisfaisant à un certain nombre de conditions relatives essentiellement aux capacité et pouvoir, éléments nécessaires pour la validité et la continuité de tout contrat à l’image du contrat de compte. Paragraphe 1 - Personnes physiques La capacité requise pour l’ouverture d’un compte n’obéit pas à des règles particulières. Nous évoquerons la situation des mineurs (Sous-paragraphe 1), des incapables majeurs (Sous-paragraphe 2), et celle des débiteurs et personnes mariées (Sous-paragraphe 3). Sous-paragraphe 1 - Mineurs

255 Mineur dépourvu ou doué de discernement. Le mineur dépourvu de discernement n’a pas la capacité

civile et ne peut d’aucune manière prétendre ouvrir personnellement un compte bancaire (art. 216-1 c. oblig. c.). En revanche, aux termes de l’article 216 alinéa 2 c. oblig. c.: « Les actes conclus par une personne incapable, mais douée de discernement sont simplement annulables (mineur parvenu à l’âge de raison): la nullité ne peut en être proposée par celui qui a traité avec l’incapable, mais seulement par cet incapable lui même, par son représentant et par ses héritiers ». Il en résulte que l’incapable doué de discernement peut contracter. Cela est vrai d’autant plus que le contrat qu’il conclut non soumis à une forme particulière ne peut être annulé qu’à la condition de prouver qu’il en a subi une lésion (art. 216 al. 3 c. oblig. c.). Ainsi le mineur doué de discernement peut valablement conclure une convention d’ouverture de compte bancaire en son nom et faire fonctionner ledit compte sous sa seule signature. En effet, l’ouverture du compte peut représenter pour lui un acte civil et concerner les opérations civiles de la vie

                                                            5 BOUSQUET, L’entreprise et les banques, Litec 1977, 90 n° 90. 6 V. HUGON, Le droit au compte, Mélanges CABRILLAC, Dalloz-litec 1999, 488ets. 7 Halde, Délibération n° 2010 – 27 du 1er févr. 2010, Banque et droit, n° 136 mars-avril 2011, 22 obs. BONNEAU. 8 Art. L. 3/2 – 1 al. 3 c. monét. fin. ; DL n°2001-45 du 17 janvier 2001 pris par application de l’article L312-1 c.monét.fin. 9 Avis BDF, JO 14 août 1984, 2530). En outre, la banque ne sera pas tenue de lui fournir des services de paiement: T. com. Créteil 2e ch, 6

déc. 2011 RDBF janv.-févr. 2012 comm. 2, note CREDOT et SAMIN.

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REGLES COMMUNES

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courante. La position jurisprudentielle semble controversée (10). La doctrine tolère l’ouverture d’un compte personnel dans la mesure où elle sert à effectuer des actes de la vie courante et de modeste importance. Trois critères sont habituellement requis pour qu’un acte juridique constitue un acte de la vie courante: « l’acte doit être autorisé par l’usage, il doit avoir une faible valeur pécuniaire et il doit être susceptible d’être effectué habituellement ou du moins fréquemment par un mineur agissant seul » (11). Au regard de ces critères, l'ouverture d'un compte bancaire paraît constituer un acte de la vie courante, car elle ne présente pas en soi de danger. La doctrine généralement en ce sens limite cependant cette faculté aux dépôts et retraits d'importance modeste (12). En revanche, dès que le mineur peut effectuer seul les retraits élevés ou qu'il dispose même de moyens de paiement comme par exemple des cartes de paiement, ces opérations ont une validité plus incertaine (13). En effet, l’ouverture d’un compte bancaire avec remise de carnets de chèque ou d’une carte bleue sans autorisation du représentant ne peut être considérée comme constituant un acte de la vie courante, dès lors que l’utilisation des instruments de paiement peut rendre le compte débiteur (14). La souscription d’un emprunt par un mineur est considérée comme un « acte grave » subordonné à une autorisation du juge des tutelles (15).

256 Mineur habilité. Le mineur habilité à exercer le commerce et l’industrie a la capacité commerciale. Il peut

donc ouvrir et faire fonctionner un compte bancaire sous sa seule signature. L’article 217 c. oblig. c. traite le mineur habilité comme un majeur pour les « besoins et dans les limites de son commerce ». Le banquier doit-il s’assurer que les différentes opérations effectuées s’inscrivent dans le cadre de l’activité que le mineur est habilité à exercer? Si le banquier doit être vigilant au dessin de l’argent emprunté, en revanche, le devoir de non ingérence l’exonère de toute responsabilité relative au détournement des sommes empruntées par le mineur sauf à prouver sa connaissance préalable.

257 Mineur non représenté. La pratique bancaire révèle que les établissements de crédit ne lésinent pas à

ouvrir des comptes bancaires à des mineurs non représentés, lorsqu’ils constatent qu’ils ont atteint une « maturité suffisante » (16). Ces comptes sont ouverts après l’autorisation du représentant légal et à sa demande. Le mineur fait alors fonctionner le compte en vertu d’un mandat à lui donné pas son représentant. Cependant, ce compte ne peut pas être débiteur et les opérations ainsi effectuées se limitent à des opérations de dépôt et de retrait. Sous-paragraphe 2 – Incapables majeurs

258 Aliéné. Théoriquement, un aliéné qui n’est pas soumis à un régime spécial de protection peut ouvrir un

compte bancaire et effectuer les opérations qu’il entend. Ces opérations sont en principe valables sauf s’il est prouvé que l’aliéné était en état de démence au moment de leur accomplissement, d’où l’obligation mise à la charge du banquier de rester vigilant.

259 Majeur en tutelle. Le majeur en tutelle est soumis aux mêmes règles que le mineur en tutelle. Cependant,

le juge pourra l’autoriser à effectuer seul certains actes limitativement énumérés. Ainsi, par exemple, pourra-t-il l’autoriser à effectuer des retraits d’espèces ne dépassant pas un seuil préalablement déterminé.

260 Majeur en curatelle. Le majeur en curatelle effectue les actes que le tuteur est habilité à faire sans

autorisation du conseil de famille (ou du juge judiciaire). Il en résulte qu’il peut ouvrir et faire fonctionner un compte. Cependant, l’article 510 c. civ. lui impose l’assistance de son curateur pour la réception et l’emploi des capitaux. (17). Il faut donc ouvrir un compte spécial fonctionnant sous la double signature de la personne concernée et de son curateur. Au-delà, l’article 512 c. civ. permet au juge de doter le curateur, seul, du pouvoir de percevoir les revenus de la personne en curatelle et, après règlement des dépenses aux tiers, de verser l’excédant dans un compte spécial, ouvert chez un dépositaire agréé.

                                                            10 Contre: Versailles 26 oct. 1990, D. 1993, somm., 125 obs. LUCET. Pour: Cass. civ. 12 nov. 1998, JCP G 1999, II-10053 note GARE. 11 GARE, note préc. n° 12. 12 En ce sens, RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 179 n° 188; GAVALDA et STOUFFLET, 107 n° 208; BONNEAU, 201

n° 361. 13 Ss la direction de HUET, Détournement (bancaire) de mineurs? rappel des règles de capacité dans les contrats D 1987, chron, 215. 14 CREDOT et GERARD, RDBB n° 71 mars-avril 1999, 69 n° 3. 15 COLLART DU TILLEUL et DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, précis Dalloz, 715. 16 STOUFFLET, L’activité juridique du mineur non émancipé, Mélanges VOIRIN, 782 et s. 17 Cass. civ. 21 nov. 1984 D. 1985, 297 note LEYSSAC; Gaz Pal 1985, 2, 473 note MASSIP ; Versailles 29 avr. 1988, Defrénois 1988 art

34350, 1306.

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261 Majeur sous sauvegarde de justice. Le majeur sous sauvegarde de justice n’est frappé d’aucune incapacité (art. 491-2 c. civ.). Il conserve l’exercice de ses droits. Donc, il est libre d’accomplir l’opération bancaire qu’il veut; étant entendu que cette opération est susceptible de rescision pour lésion ou de réduction pour excès, à moins qu’elle ne soit effectuée par une personne dûment mandatée (art. 491 al. 3 c. civ.). Sous-paragraphe 3 - Débiteurs et personnes mariées

262 Débiteur soumis à une procédure de faillite. L’action en faillite n’entraîne pas par elle même la clôture des comptes bancaires du défendeur. Celui-ci demeure capable d’ouvrir durant la période d’observation de nouveaux comptes en son nom.

263 Failli. A partir du jour où il est rendu, le jugement déclaratif de faillite frappe le failli d’une incapacité

générale (art. 501 c. com. lib.). Celui-ci est dessaisi de ses biens au profit des syndics, il ne peut plus effectuer aucun paiement (18) ni même en recevoir sauf s’il s’agit du règlement fait de bonne foi d’un effet de commerce. Il ne peut contracter aucune obligation. Ainsi, il ne peut ni ouvrir un compte ni effectuer des opérations de banque. Cependant, l’article 501 c. com. lib. l’autorise à faire tous actes conservatoires de ses droits. Il peut donc déposer de l’argent mais non en retirer ou emprunter.

264 Personnes mariées. Le régime matrimonial des libanais est régi par le principe de la séparation des biens.

Il en résulte que chacun des époux peut se faire ouvrir sans le consentement de l’autre tout compte de dépôt en son nom personnel. Il sera réputé à l’égard de la banque dépositaire avoir la libre disposition des fonds déposés. Cela est expressément consacré en droit français par l’article 221 c. civ. (19). Cette présomption est irréfragable à l’égard du banquier. Il ne peut donc encourir de responsabilité pour les opérations accomplies par l’époux titulaire du compte (20). Paragraphe 2 - Personnes morales

265 Société en participation et société de fait. Les sociétés en participation et société de fait ne sont pas immatriculées au registre de commerce et sont dépourvues de personnalité juridique. Il en résulte qu’elles ne peuvent valablement effectuer des opérations bancaires en tant que telles. Pour les sociétés en participation, la solution souvent adoptée consiste en l’ouverture d’un compte au nom du gérant de la société destiné aux opérations de la participation. Dans cette hypothèse, le gérant est le seul titulaire du compte vis-à-vis de la banque et des tiers. Mais, rien n’interdit théoriquement, l’ouverture d’un compte au nom de la société elle-même, à condition d’éviter la communication aux tiers de documents, tels que des formules de chèques, qui pourrait constituer une révélation de la société, source de responsabilité pour les associés (21). Pour les sociétés, seul un compte au nom d’un mandataire ou compte indivis sera ouvert. Néanmoins, la pratique révèle que les banques acceptent parfois d’ouvrir des comptes à des sociétés créées de fait mais ce sont alors les associés qui constituent les véritables titulaires du compte.

266 Société en formation. Un compte bancaire peut valablement être ouvert au nom de la société en formation

à la demande d’un ou plusieurs fondateurs. En principe, la société régulièrement et définitivement constituée se substitue aux fondateurs dans tous les actes accomplis par eux. Mais encore faut-il apporter la preuve de la reprise par la société des engagements contractés par le fondateur ( 22 ). Dans certaines hypothèses, les fondateurs sont légalement obligés d’ouvrir de tels comptes. En effet, les banques doivent ouvrir des comptes destinés à recevoir le montant des souscriptions dans les cas où la loi impose le dépôt dans un compte spécial. Ainsi en est-il pour la constitution d’une société anonyme ou d’une société à responsabilité limitée (23).

267 Société dissoute. La simple dissolution de la société n’emporte pas disparition de la personnalité juridique

de la société ainsi dissoute. Celle-ci survit à la dissolution jusqu’à la clôture de la liquidation de la société. La société dissoute pourra ouvrir un compte et procéder aux diverses opérations bancaires par                                                             18 Trib. 1re inst. Beyrouth 3 avr. 2002 Al Adl 2002, 417. 19 Cass. com. 21 nov. 2000, Bull. civ. IV n° 177 ; D. 2001 AJ 230. 20 RIVES-LANGE et CONTAMINE RAYNAUD, 180 n° 188; STOUFFLET GAVALDA et 105 n° 215. 21 BOUSQUET, 87 n° 86. 22 Cass. com. 27 oct. 1980 JCP G 1981, IV-25 ; Bull. civ. 1980, IV n° 350 ; RTDcom. 1981, 330. 23 Art 85 c. com. lib. et art 8 D/L n° 35/1967.

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l’intermédiaire de son liquidateur. L’intitulé du compte doit alors révéler le véritable titulaire du compte c’est- à-dire « la société en liquidation ».

268 Succursales. Les succursales ne jouissent pas de la personnalité juridique. Pourtant, elles ont souvent des comptes particuliers ce qui se justifie par l’éloignement géographique et l’autonomie de gestion. Ce compte est habituellement indépendant de celui de l’entreprise principale et l’on revient alors à l’hypothèse d’une pluralité de comptes ouverts au nom de la même personne.

269 Personne morale en procédure de faillite. Les personnes morales faisant l’objet d’une procédure de

faillite sont soumises au même régime auquel sont soumises les personnes physiques.

SOUS-SECTION 4 - OBLIGATIONS DU BANQUIER 270 Information du client. Les banques doivent informer leur clientèle et le public des conditions générales

de banque et des différents services ou opérations qu’elles tiennent à leur disposition. Cette obligation d’information couvre tant les conditions de fonctionnement du compte, le prix (intérêts et commissions), les différents services qu’elles assurent, que le contenu des engagements réciproques de l’établissement de crédit et du client, à peine d’exclure du rapport contractuel toute condition qui ne lui pas été préalablement communiquée. L’obligation d’information ne s’éteint pas par l’effet de la conclusion de la convention de compte, mais elle accompagne le compte tant qu’il n’est pas clôturé: le banquier doit informer le client en cas de modification de ses conditions. Il doit s’assurer de l’acceptation des conditions modifiées auprès du client. Cette acceptation pouvant être expresse ou tacite, par exemple, dans ce dernier cas, au cas où le client continue à traiter avec la banque malgré sa notification des conditions nouvelles de banque.

271 Identification du compte. Les comptes doivent nécessairement être identifiés les uns des autres. Généralement, à l’ouverture du compte, le banquier lui attribue un intitulé qui correspond dans la majeure partie des cas au nom patronymique du titulaire ou, s’agissant de personne morale, à la dénomination sociale. Cependant, l’expression « nom de la personne » ne doit pas être interprétée de manière restrictive. D’une part, le nom de la personne physique peut être remplacé par une appellation de pure convenance et ce sera notamment le cas lorsque cette personne gère plusieurs entreprises ayant des comptes distincts. D’autre part, il n’est pas exceptionnel de faire figurer sur un compte le nom d’une société dépourvue de personnalité juridique, société en participation ou société commerciale créée de fait. L’intitulé n’est donc qu’un procédé d’identification du compte qui ne correspond pas nécessairement à la personnalité du titulaire. Un numéro est d’ailleurs ajouté à cet intitulé. Dans la pratique, les banques établissent des relevés d’identité bancaire (RIB) qui permettent d’identifier le titulaire du compte et sont susceptibles de traitement magnétique. De même, le compte peut être identifié par un simple numéro attribué par la banque.

272 Vérification d’identité. Le banquier doit vérifier l’identité du client au moment de l’ouverture du compte. Cette solution trouve application à l’occasion des chèques barrés: l’article 434 c. com. lib. interdit au tiré de payer un chèque à barrement général ou spécial à tout autre qu’un banquier ou à un client du tiré (24). En réalité, le contrôle d’identité est une règle d’ordre général qui doit jouer pour l’ouverture de tout compte abstraction faite des opérations projetées (25). Il suffit de rappeler à titre d’exemple, les dispositions de la loi n˚ 318 du 20 avril 2001 relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux, qui imposent aux banquiers soumis au secret bancaire de vérifier l’identité du postulant en fonction d’un document officiel (art. 5). Cette obligation trouve sa raison dans le fait que le titulaire du compte risque d’effectuer des opérations illicites sous un nom d’emprunt. En outre, elle est nécessaire au banquier parce que s’il s’avère que l’absence d’une telle vérification a rendu possible ou a facilité des actes préjudiciables à un tiers, le banquier répondra de sa propre responsabilité. (26).

273 Documents vérifiés. La vérification porte sur le document officiel. Celui-ci n’est pas un duplicata mais l’original. Il doit être délivré par une autorité officielle portant la photographie et la signature de l’intéressé

                                                            24 GAVALDA et STOUFFLET, Droit du crédit, T 2, Litec 1991, n°260. 25 Ss direction BONNEAU, Know your customer, RDBF mars-avril 2008, dossier, 55. 26 Pour un exemple de responsabilité suite à une fraude commise grâce à cette ouverture: Paris 23 janv. 1960, JCP G 1960 II-11497 ; 14 oct.

1960, JCP G 1960, II-12075 ; Trib. 1re inst. Beyrouth 21 mai 1970, Rev. jud. lib. 1970, 855.

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(27). La banque ne répond d’aucune responsabilité s’il s’avère que le document régulier en l’apparence est en réalité un faux (28).

274 Personnes morales. Les personnes morales peuvent comme les personnes physiques être titulaires de

comptes. Le banquier doit au préalable s’assurer que la société est bien immatriculée au registre de commerce et que son représentant a tous les pouvoirs nécessaires pour agir en son nom. La Haute cour pose le principe selon lequel il appartient à la banque tant lors de l’ouverture du compte bancaire d’une personne morale que, le cas échéant, en cours de fonctionnement, de vérifier la conformité des pouvoirs de ses représentants à la loi et aux statuts de cette personne morale (29). A cet effet, la consultation des statuts de la société s’avère nécessaire. Si le banquier manque à ce devoir de vérification, il sera tenu pour responsable de tout dommage causé non seulement à la personne morale mais aussi aux tiers (30).

275 Vérification de l’adresse. La vérification de l’adresse (31) du postulant ne peut que rendre fiable l’identité

énoncée. La vérification sur place par un agent de la banque, parfois pratiquée, ne peut être imposée aux banques en raison du temps qu’elle exige et de son coût élevé. En réalité, les banques envoient par la poste au nouveau client une « lettre d’accueil » dont le non-retour fait présumer la remise au destinataire et l’exactitude de l’adresse déclarée. Dans une espèce, la Haute juridiction a sanctionné une cour d’appel de n’avoir pas recherché si la circonstance que l’adresse indiquée par le client ne correspondait pas à celle figurant sur la pièce d’identité produite n’appelait pas une « vigilance particulière » (32). La cour exige de la banque un envoi recommandé de la lettre d’accueil si les circonstances rendent suspectes les informations reçues du client (33).

276 Profession ou moralité. La vérification de la profession du client n’a de sens que si l’on tient pour fautif le

fait d’ouvrir un compte à une personne exerçant son activité dans des conditions irrégulières ou dont l’activité est illicite. Or, il semble que la banque n’ait pas à sa préoccuper de ces problèmes. Même si elle a eu connaissance de la situation, on peut douter que l’ouverture du compte ait un caractère fautif, car le compte bancaire n’est pratiquement pas un instrument indispensable à l’activité illicite. De toute manière, le lien de causalité entre l’ouverture du compte et le dommage subi par un tiers du fait de l’activité irrégulière est fort indirect. Le banquier n’a pas non plus de recherches à effectuer quant à la moralité de son client (34). En ouvrant un compte, il ne garantit en aucune manière la moralité ou l’honorabilité du titulaire. Certes, s’il était établi que le banquier n’ignorait pas lors de l’ouverture du compte que le client avait déjà fait un usage abusif d’un compte bancaire, qu’il avait émis des chèques sans provision dans des conditions exclusives de sa bonne foi, il pourrait être déclaré responsable envers les victimes de nouveaux agissements délictueux.

277 Consultation de la Banque du Liban. Préalablement à la délivrance des formules de chèques, la banque

doit consulter le fichier des interdits de chèque tenu par la BDL pour vérifier si le client n’y figure pas (35). 278 Dépôt d’un spécimen de signature. A l’ouverture d’un compte, le client et le cas échéant ses mandataires,

doivent déposer un spécimen de leur signature. Ce spécimen est nécessaire à la banque afin qu’elle puisse authentifier les ordres du client et opérer aussi un contrôle de sa signature.

279 Fiscalité. En France, le banquier doit déclarer à l’administration fiscale les ouvertures et clôture de comptes

de dépôts de titres, valeurs ou espèces, comptes courants ou autres. Au Liban, aucune déclaration fiscale similaire ou autre n’est imposée aux banques. Le secret bancaire s’y oppose. SECTION 2 - FONCTIONNEMENT DU COMPTE

Si le fonctionnement de chaque compte est régi par des règles qui sont spécifiques à sa nature, il n’en

demeure pas moins qu’il existe certaines règles communes au fonctionnement de tous les comptes. Ces

                                                            27 Paris 9 juin 1981, cité par GAVALDA et STOUFFLET Chr. Dr bancaire, JCP CI 1983, 13939 n°18. 28 Paris 7 juill. 1980 GAVALDA et STOUFFLET, Ch. Dr bancaire JCP CI 1983, 13939 n° 18. 29 Cass. com. 27 mai 2008, RDBF sept.-oct. 2008, comm. 130 obs. CREDOT et SAMIN. 30 Cass. com. 26 mars 1973, RTDcom. 1973, 839. 31 Art. 4 L 318/2001. 32 Cass. com. 17 janv. 1968, JCP G 1969, II-15839. 33 Cass. com. 6 avr. 1993, RTDcom. 1993, 548 obs. CABRILLAC et TEYSSIE. V cependant, Cass. com. 17 janv. 1968 JCP G 1969, II-

15839 obs. STOUFFLET. 34 Trib. 1re inst. Beyrouth 13 févr. 1997, Al Adl 1997 2, 110. 35 Art. 8 arrêté 6060 du 25 nov. 1995.

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règles concernent principalement les personnes autorisées à faire fonctionner le compte (Sous-section 1), la passation en compte (Sous-section 2) les retraits (Sous-section 3), l’obligation mise à la charge du banquier de tenir le compte (Sous-section 4) et les intérêts et commissions prélevés par la banque (Sous-section 5). SOUS-SECTION 1 - PERSONNES AUTORISEES A FAIRE FONCTIONNER LE COMPTE

280 Client. En principe, seul le client c’est-à-dire le véritable titulaire du compte en banque est habilité à faire fonctionner son compte. Cependant, cette restriction n’est pas absolue: elle ne semble concerner que les opérations de débit en ce qu’elle fait supporter les dettes aux titulaires. En revanche, il est admis qu’une personne tierce puisse effectuer les versements qu’elle entend sans que le banque ne puisse lui opposer son défaut de qualité (36). La liberté avec laquelle peut s’effectuer l’opération de virement, indépendamment de sa cause ou de la qualité de son donneur d’ordre œuvre en se sens. Cependant, cette position doit être nuancée: la liberté qui prédomine l’ordre de virement même ne doit pas préjudicier au destinataire de bonne foi du virement. En effet, dans la pratique nous rencontrons certaines opérations de virement dans un but d’évasion fiscale, de blanchiment d’argent ou autres. Or, le destinataire du virement peut légitimement ignorer l’origine illicite des fonds ainsi virés voire, l’origine du virement en lui-même. Aussi-est-il préférable de soumettre la réalisation définitive d’un tel virement à l’acceptation du destinataire (37). Quoi qu’il en soit, les opérations de débit ne peuvent émaner que du véritable titulaire du compte. Lorsque celui-ci se présente au banquier, la présentation d’une pièce d’identité peut être exigée. En revanche, lorsque l’opération de débit est à distance comme c’est le plus souvent le cas, la banque devra impérativement vérifier la signature ou voire les pouvoirs du mandataire légal ou conventionnel.

281 Vérification de la signature. La vérification de la signature est effectuée par sa comparaison avec le spécimen préalablement déposé à la banque par le client ou son mandataire. Manuscrite, à la griffe, ou imprimé, cette signature est aussi électronique. Ainsi en sera t-il en cas d’utilisation d’un code secret pour le paiement au moyen d’une carte de crédit dans un magasin équipé d’un terminal d’ordinateur (38). Dans l’exécution de son obligation de vérification, le banquier n’est pas tenu dans les mêmes termes qu’un expert, il doit simplement constater la « conformité apparente » au spécimen de la signature. La jurisprudence considère que la non-conformité de la signature ne peut être reprochée à la banque que si elle est manifeste c’est-à-dire si elle est révélée au premier regard (39). Il n’en demeure pas moins que certaines circonstances appellent une meilleure vigilance du banquier à peine de responsabilité (40).

282 Responsabilité. Le banquier qui ne procède pas à la vérification supporte le poids du paiement effectué et voit sa responsabilité engagée sauf à se retourner contre le tiers (41). La responsabilité du banquier peut cependant être accompagnée de la responsabilité du client pour faute notamment, lorsque le vol de la formule sur laquelle le chèque est établi, résulte d’une grave négligence du client (42). La question se pose de savoir si la responsabilité de la banque doit être retenue quand même le paiement indu a été fait en l’absence d’une faute reprochée à la banque? Ainsi par exemple lorsqu’un banquier effectue un paiement en fonction d’une signature en conformité apparente au spécimen, faut-il engager sa responsabilité si la signature s’avère réellement fausse? La jurisprudence française semble unanime sur ce point: se basant sur les articles 1239 c. civ. et 1937 c. civ. auxquels correspondent les articles 293 et 705 c. oblig. c. (43), elle considère que le banquier en sa qualité de dépositaire des fonds reste tenu de l’obligation de restitution des fonds au déposant ou sur son ordre (44).

283 Mandataire du titulaire du compte. Le mandataire peut être légal, juridique ou conventionnel. Suivant le cas, ses pouvoirs seront fixés par la loi, le juge ou par le titulaire du compte. Il devra alors déposer un                                                             36 GAVALDA et STOUFFLET, 116 n° 245. 37 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 286 n° 299. 38 Cass 1er. civ. 8 nov. 1989, D 1990, J, 369 note GAVALDA. 39 Aix 26 mars 1971 D 1971, somm. 118 ; Rouen 16 janv. 1948, D. 1948, J, 197. 40 Présence d’un cachet masquant partiellement la signature: Trib. com. Lyon 8 oct. 1954, D. 1955, J, 143 ; montant important d’un chèque,

Cass. com. 10 oct. 1956, D 1957, J, 19. 41 Cass. com. 4 nov. 1976, JCP G 1977, II – 18750. 42 Cass. com. 10 juin 1980 Bull. civ. IV 1980 n°252 p 204 et contra Cass. com. 4 nov. 1976 cité par GAVALDA et STOUFFLET, 117 n°

248. 43 Art. 1239: « Le paiement doit être fait au créancier, ou à quelqu’un ayant pouvoir de lui, ou qui soit autorisé pas justice ou par la loi à

recevoir pour lui – le paiement fait à celui qui n’aurait pas pouvoir de recevoir pour le créancier, est valable, si celui-ci le ratifie ou s’il en a profité » ; art. 1937: « Le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu’à celui qui a été indiqué pour la recevoir ».

44 Sur la responsabilité de la banque pour avoir effectué un paiement sur ordre d’une personne sans qualité v Cass. civ. 20 avr. 1939, JCP G 1939, II-1267 ; Cass. com. 9 févr. 1993, JCP E 1993, II-439 note STOUFFLET.

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spécimen de sa signature auprès de la banque. Sauf restrictions régales ou stipulations contraires, le mandat n’empêche pas le mandant c’est-à-dire le client de faire fonctionner le compte. A ce propos, il est à signaler que les relevés de comptes sont en principe renvoyés au client sauf convention contraire. Le mandat s’éteint par l’arrivée du terme conventionnel ou au moment de la notification au banquier de sa révocation (art. 2005 c. civ; art. 804 c. oblig. c.) ou de la renonciation du mandataire. Cependant, les chèques émis avant la révocation doivent être payés. Une action en répétition de l’indu a été reconnue au banquier contre le mandataire ayant émis un chèque après sa révocation dans l’ignorance de cette révocation (45). Cependant, si le banquier a commis une négligence préjudiciable au mandataire, sa responsabilité sera engagée.

284 Décès du titulaire du compte. Le décès du titulaire du compte met fin au mandat (art. 808 c. oblig. c. ; art. 2003 c. civ.), mais le banquier demeure tenu par le mandat tant qu’il n’a pas été informé du décès à charge pour lui de prouver son ignorance (46). Les banques ont accepté certains mandats post-mortem conférant au mandataire l’exécution d’une mission après le décès du mandat. La jurisprudence admet la validité de tels mandats à condition qu’ils ne transgressent pas les règles d’ordre public sur la dévolution successorale (47). SOUS-SECTION 2 - PASSATION EN COMPTE DES OPERATIONS

285 Mécanisme de l’entrée en compte. Les créances du client contre la banque entrent au crédit de son

compte, ses dettes au débit. Cette entrée est automatique. On appelle « remises » les sommes passées en compte. Une inscription en compte les constate. Un avis de crédit ou de débit avertit le client. La question se pose de savoir quelles sont les créances concernées? Dans le compte courant, toutes les créances des parties entrent en compte sauf si elles ont stipulé une réduction de la portée de leur convention. Ce principe de généralité ne se retrouve pas dans le compte de dépôt. Les opérateurs ne font entrer en compte que les créances qu’ils choisissent.

286 Créances entrant en compte. Traditionnellement, on distingue l’entrée des créances en compte de leur inscription en compte. Une créance entre en compte par l’un ou les effets de la convention c’est-à-dire qu’elle est voulue par l’accord les parties. Dans la plupart des cas, l’accord est donné lors de la convention d’ouverture du compte; il est alors convenu que toutes les créances à naître seront intégrées par avance au compte. L’entrée en compte se fait alors automatiquement. L’inscription n’est qu’une écriture comptable qui a pour objet de régulariser une entrée en compte antérieure. Elle n’a pas pour fonction d’informer les tiers des imperfections susceptibles d’affecter les droits du titulaire du compte (48). Le titulaire du compte peut effectuer un dépôt en espèces ou recevoir d’un tiers un versement. Il peut aussi remettre à la banque des créances de tiers, des chèques, traites. En pratique, le compte est alors immédiatement crédité mais « sous réserve d’encaissement » ce qui signifie que la banque se charge du recouvrement des créances mais que si elle n’y parvient pas - effet impayé par exemple - une écriture inverse débitera le compte du même montant.

287 Règlement des créances. L’entrée en compte est un procédé de règlement des créances. Dès lors, pour

entrer en compte, il faut que la créance réunisse les conditions requises pour être payée: certitude, liquidité et exigibilité, mais aussi fongibilité dans la mesure où le règlement en compte implique une fusion avec d’autres créances. Si la créance ne satisfait pas à ces conditions elle ne peut être réglée en compte. S’il s’agit d’un compte de dépôt, elle est le plus souvent laissée en dehors du compte. S’il s’agit d’un compte courant, la créance ne pourra pas être réglée; néanmoins, elle sera affectée au compte.

288 Compte disponible et compte différé. Le compte courant et parfois le compte de dépôt comportent deux

parties: le disponible et le différé. Dans le disponible sont inscrites les créances présentant les caractères requis pour être payées (créances susceptibles d’exécution). Le disponible peut recevoir une créance à terme; sans doute aussi une créance sous condition suspensive mais point une créance éventuelle. Du règlement des créances résulte la conséquence que le solde provisoire est immédiatement disponible. Le « différé » est la partie du compte où sont inscrites les créances dont le paiement est différé jusqu’au jour

                                                            45 Cass. com. 18 juill. 1979 JCP G 1979, II-1938 concl. GULPHE ; RTDcom 1979, 784 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE. 46 Cass. soc. 22 juin 1978, JCP G 1978 IV-265. 47 Cass. civ. 23 janv. 1980 Bull. civ. I 1980 n°36 ; 28 juin 1988, Bull. civ. I n°209 cité par GAVALDA et STOUFFLET, 123 n°251. 48 Cass. com. 29 janv. 2008, RDBF, mai-juin 2008 comm. 94, obs. BONNEAU.

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où elles présenteront les caractères requis pour être réglées. Pour entrer en différé, une créance doit ne pas être simplement éventuelle (49).

289 Ecritures. Une fois intégrées, les créances et dettes deviennent des articles du compte. L’inscription qui

constate ce phénomène s’appelle la passation. La date et la nature de l’opération sont alors indiquées sur le compte. Un solde s’établit tout naturellement après chaque opération. Un compte ne doit comporter ni rature ni surcharge. Lorsqu’il s’avère nécessaire de notifier une écriture antérieure, la banque procédera par écriture en sens inverse: c’est la contrepassation. Pour chaque opération effectuée, la banque envoie à son client un avis d’opéré. Elle lui envoie également un relevé périodique de son compte.

290 Date d’entrée en compte. Cette date fixe à un moment déterminé quelle est la position créditrice ou

débitrice du client. C’est la date de naissance de la créance qui doit être prise en compte ou plus précisément celle à laquelle elle a acquis les qualités nécessaires à son entrée dans le compte. Peu importe que l’écriture soit intervenue ultérieurement. Elle n’est que la constatation matérielle de l’opération (50). Il ne faut pas confondre la date d’entrée en compte avec la date de valeur qui consiste en un décalage du calcul des intérêts et du jour où les opérations sont effectuées.

291 Fusion dans le compte. L’inscription d’une créance à un compte courant a un effet extinctif dit effet novatoire, en ce sens que la créance inscrite à un compte se fond dans le compte par un mécanisme qui présente une certaine ressemblance avec la compensation. Elle perd ses caractéristiques particulières dans la mesure où elle n’est plus identifiable. Ainsi, les sommes appartenant à un tiers et déposées en compte ne peuvent être revendiquées par le tiers qui peut seulement se présenter comme créancier (51). SOUS-SECTION 3 - RETRAITS

292 Procédés de retrait. Le titulaire du compte dispose personnellement des fonds inscrits sur son compte. Un mandataire peut être désigné à cet effet. Outre la possibilité pour le titulaire de retirer directement les sommes constituant le solde créditeur de son compte par chèque tiré à son ordre ou à l’ordre d’un tiers et par virement, d’autres procédés ont été développés par la pratique. Ainsi est-il, par exemple, de l’avis de prélèvement qui permet à des créanciers de recouvrir directement auprès de la banque après autorisation du débiteur. De même, la carte de crédit aboutit à un règlement direct des factures signées par le titulaire de la carte et à une inscription au débit de son compte. SOUS-SECTION 4 - TENUE DU COMPTE

293 Tenue matérielle. Le banquier doit tenir le compte de son client et exécuter sa mission avec « ponctualité

et exactitude ». Pour chaque opération, il en inscrit la nature, la date, le montant du crédit ou de débit, le solde provisoire qui s’en dégage, etc. Les créances et les dettes sont portées au compte dont elles deviennent des articles de crédit ou de débit. Le banquier doit se conformer aux instructions de son client et les exécuter sans retard ou omission sous peine de responsabilité, en cas de dommage pour le client ou pour un tiers. On enseigne traditionnellement que « le banquier ne peut intervenir, ni pour empêcher son client d’accomplir un acte irrégulier, ni pour refuser d’exécuter les instructions données par son client au motif que celles-ci lui paraissent inopportunes » (52) et ce, sauf anomalies de fonctionnement que la banque doit relever (53). Par conséquent, « le devoir de non ingérence interdit à l’établissement de crédit d’intervenir pour empêcher son client d’accomplir un acte illicite » (54).

294 Erreurs. En cas d’erreur dans les opérations, le banquier doit procéder à la rectification sans rature ou biffage par une écriture de contrepassation. Ainsi en est-il, par exemple, si le banquier porte en débit une somme qu’il devait inscrire au crédit du compte. La contrepassation est une facette de la répétition de l’indu lorsque la banque débite un compte qui avait été débité sans raison. Aussi les conditions de la répétition de l’indu doivent être réunies: la banque doit avoir crédité le compte par erreur. Lorsque la banque paie un

                                                            49 Cass. com. 6 févr. 1996, Banque n° 570 mai 1996, 94 obs. GUILLOT. 50 Cass. com. 20 mars 1962, JCP G 1962, II-12747 note RIVES-LANGE; 22 oct. 1996, JCP E 1996, I-635 n°8 obs. GAVALDA et

STOUFFLET. 51 Cass. civ. 20 avr. 1983 Bull. civ. I n° 127 ; Banque 1984, 487 obs. MARTIN. 52 BONNEAU, Droit bancaire, n° 405. 53 Cass. com. 16 mars 2010, RDBF juillet-août 2010, comm. 119 note CREDOT et SAMIN. 54 Cass. com. 14 oct. 2008 Banque et droit n° 123 janv.-févr. 2009, 21 obs. BONNEAU.

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tiers par erreur, celui-ci doit rembourser sauf faute de la banque ou si le tiers a reçu ce qui lui était dû ou s’il a de bonne foi dépensé la somme (55).

295 Relevés de compte. Les relevés de compte sont des relevés périodiques adressés par la banque à sa

clientèle destinés à l’informer de l’état de son compte. Ils précisent les différentes opérations de débit et de crédit effectuées sur une période déterminée, ils fixent la position provisoire du compte à une date déterminée, ils indiquent certaines conditions de banque (taux d’intérêts, commission, etc.). En outre, les relevés jouent un rôle important dans la preuve des opérations effectuées et dans celle de l’acceptation par le client des conditions de banque. En effet, l’approbation du client des écritures qui y figurent révèle son acceptation. A défaut, le banquier assume la charge de la preuve (56).

296 Approbation par le silence. L’approbation expresse par le client ne pose pas de difficultés particulières.

La question s’est posée de savoir si le silence gardé par le client après réception des relevés de compte vaut approbation des comptes? S’appuyant sur l’usage, la jurisprudence décide que le silence vaut approbation du relevé de compte (57) même si le client n’est pas commerçant (58). Cette présomption d’accord n’est qu’une présomption réfragable (59) au résultat de laquelle s’opère un renversement de la charge de la preuve. La banque n’a plus à prouver sa libération au titre des débits intervenus. C’est au client de démontrer son absence de libération. Cette solution s’impose a fortiori si le relevé mentionne qu’à défaut d’opposition dans un certain délai, l’accord du client est réputé acquis (60). A défaut de délai conventionnel, l’opposition du client pourra s’exercer dans le délai de prescription du droit commercial c’est-à-dire dans le délai de dix ans (art. 262 c. com. lib.).

297 Limites. L’approbation a une portée limitée. Le relevé de compte ne constitue pas en lui-même un arrêté

définitif du compte. Il permet de constater la matérialité des opérations mentionnées au relevé mais ne peut nullement renseigner sur leur nature juridique. De même, le client est toujours en droit de contester leur légitimité, démontrer, par exemple, que la banque a agi sans mandat, que le virement a été effectué sans consentement ou sur ordre d’une personne qui n’est pas son représentant (61). De même, le titulaire du compte sera toujours en mesure d’engager la responsabilité du banquier notamment pour inexécution de son devoir d’information voire de conseil ou pour dépassement de mandat (62). SOUS-SECTION 5 - INTERETS ET COMMISSIONS Nous évoquerons, tour à tour, les intérêts (Paragraphe 1) et les commissions (Paragraphe 2) perçus par la banque. Paragraphe 1 - Intérêts Nous envisagerons respectivement les variantes de l’intérêt (Sous-paragraphe 1), l’hypothèse de l’intérêt conventionnel (Sous-paragraphe 2), son calcul (Sous-paragraphe 3) et la question de sa capitalisation (Sous-paragraphe 4). Sous-paragraphe 1 - Variantes

298 Intérêts créditeurs. Les intérêts sont créditeurs lorsque le solde du compte est créditeur et que les intérêts

courent au profit du client. En principe, les intérêts ne courent pas s’agissant les compte à vue, compte de dépôt, et compte courant. Ils courent s’agissant les comptes à terme et d’épargne. En principe, le taux de l’intérêt créditeur est librement fixé par les parties et varie selon les durées du dépôt. Cependant, cette liberté est restreinte du fait de l’existence de la réglementation bancaire.

                                                            55 Cass. civ. 8 juill. 1979, JCP G 1979, II-19238 concl GULPHE ; Cass. com. 19 nov. 1991, JCP G 1993, II-22012 note DONNIER. 56 Cass. civ. 25 janv. 1977, Bull. civ. I n° 42 ; Cass. com. 2 juin 1980 Bull. civ. IV n° 226 cités par GAVALDA et STOUFFLET n° 259. 57 Cass. com. 13 avril 2010, RDBF juillet-août 2010, comm. 120 note CREDOT et SAMIN. 58 Cass. civ. 30 déc. 1997, Rec. Zein vol. 10, 351 n° 109. 59 Cass. com. 19 déc. 2000, RDBF n° 3 mai-juin 2001, 151 n° 101 obs. CREDOT et GERARD et les réf. citées. 60 Cass. com. 29 janv. 1985, JCP G 1985, IV-137 ; 9 déc. 1986, JCP G 1986, II-20918 note CROZE ; 10 mai 1994, JCP E 1994, 376 n° 9

relatif à un non commerçant. 61 Cass. com. 27 mars 2000 cité par CREDOT et GERARD obs. sous Cass. com. 19 déc. 2000, arrêt préc. 62 A titre d’exemple v. arrêté lib. n° 7630 du 27 juillet 2000.

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299 Intérêts débiteurs. Les intérêts sont débiteurs lorsqu’ils courent au profit de l’établissement de crédit, le solde du compte étant débiteur. Si le solde du compte est débiteur, c’est parce que la banque a accordé un crédit à son client que l’on appelle habituellement un découvert en banque, exprimant le résultat qu’est le solde du compte. Les banques avaient l’habitude pour les découverts de retenir comme base d’indexation ou de révision le taux de base bancaire c’est-à-dire un taux de référence fixé par l’établissement et modifié en cas de changement dans les conditions de refinancement. La Cour de cassation déclarait nulle cette clause de révision parce que contraire à l’article 1129 c. civ. qui correspond en droit libanais à l’article 190 c. oblig. c. (63). Mais après la nouvelle interprétation de cet article par l’Assemblée plénière (64), les chambres de la Cour de cassation ont fini par admettre la validité de la clause de révision se référant au taux de base (65) a fortiori s’il est avéré que le client l’a accepté. Si le taux d’intérêt n’est pas déterminé par les parties, il le sera en fonction de l’usage suivi par les banques et suivant la règle de l’offre et de la demande. Le client peut toujours contester le taux ainsi pratiqué par la banque dans les termes de la convention de compte. Il en est autrement si le client a déjà approuvé le solde débiteur du compte clôturé. En effet, le solde clôturé accepté par le client ne peut faire l’objet d’aucun recours ou révision (66). Sous-paragraphe 2 - Intérêt conventionnel

300 Stipulation d’intérêts. Il est tout à fait légitime pour la banque de réclamer des intérêts en contrepartie du

découvert consenti à son client. La question se pose de savoir si les intérêts doivent courir de plein droit? En matière de comptes de dépôts, la Cour de cassation a répondu par la négative au motif que l’article 1905 c. civ. énonce que les intérêts ne sont dûs que s’ils ont été stipulés (67). La sanction qui y est attachée n’est pas des moindres dans la mesure où l’absence de la stipulation écrite entraîne absence de tout intérêt pour la banque et non pas substitution du taux légal au taux appliqué par la banque sauf à considérer que le client qui a rendu son compte débiteur a accepté de rémunérer la banque. En ce sens, l’article 766 alinéa 1 c. oblig. c. énonce: « Dans le prêt de consommation il n’est pas dû d’intérêts, s’il n’en a pas été stipulé. Mais l’emprunteur qui a payé spontanément des intérêts non stipulés ou supérieurs à ceux qui ont été stipulés, ne peut les répéter ni les imputer sur le capital ». En matière de compte courant, la Haute cour française décide qu’il n’est pas besoin d’une stipulation expresse d’intérêts comme le suggère l’article 1905 c. civ. Cette solution coutumière a toujours été consacrée par la jurisprudence française (68). En droit libanais, cette solution est consacrée dans l’article 302 c. com. lib. aux termes duquel: « Les remises sont de plein droit productives d’intérêts au profit du remettant et à la charge du récepteur ». Ainsi, le solde débiteur d’un compte courant produit intérêts de plein droit sans qu’une stipulation soit nécessaire. Les intérêts courent sur le solde provisoire dont le montant dépend des créances entrées en compte. Chaque entrée en compte modifie le solde provisoire et par là même l’assiette de calcul des intérêts.

301 Stipulation du taux d’intérêts. Aux termes de l’article 767 c. oblig. c.: « Lorsque les parties ont stipulé des intérêts sans en fixer le taux, l’emprunteur devra payer les intérêts aux taux légal. En matière civile, le taux de l’intérêt stipulé doit être fixé par écrit lorsqu’il est supérieur à l’intérêt légal; s’il n’a pas été fixé par écrit, l’intérêt n’est dû qu’au taux légal (art. 1907 al. 2 c. civ.). En outre, conformément à l’article 4 de la loi libanaise n° 5439 du 20 septembre 1982, le taux d’intérêt des différents contrats conclus par les banques ou sociétés financières est toujours réputé être un taux commercial (69).

302 Clause de variation. Souvent les banques insèrent une clause de variation par laquelle elles se réservent le

droit de modifier le taux d’intérêt qui peut se référer au taux de base c’est-à-dire au taux déterminé par la seule banque. La Cour de cassation française décide que l’article 1129 c. civ. exigeant la détermination de la quotité de l’objet (art. 189 et 190 c. oblig. c.) n’est pas applicable à la détermination du prix. Par conséquent, le taux d’intérêt convenu peut varier en fonction de l’évolution du taux de base de la banque                                                             63 Cass. civ. 1er, 2 mai 1990, JCP G 1991, II- 21655 note STOUFFLET. 64 Cass. Ass. plén. civ. 1er déc. 1995, JCP, G, 1996, II-22565 concl. JEOL note GHESTIN. 65 Cass. com. 9 juill. 1996, JCP G 1996, II-22721 note STOUFFLET. 66 Beyrouth 30 nov. 2000, Al Adl 2001, 163. 67 Cass. civ. 23 juill. 1974, D 1975, 586 note STOUFFLET ; 4 déc. 1990 Banque 1991, 326 obs. RIVES-LANGE. 68 Cass. civ. 4 déc. 1990, préc. ; 23 juillet 1974 préc. ; Cass. com. 11 juill. 1984, RTDcom. 1984, 703 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE. 69 Le taux de l’intérêt est fixé en matière commerciale à 9% (art. 257 c. com. lib.). Mais le code des obligations et des contrats ne contient

aucune disposition similaire en matière civile. Néanmoins, on considère que ce taux est de l’ordre de 9% également par application de l’article 1er d’une ancienne loi ottomane du 4 avril 1887 ; Cass.lib.13 oct. 1967, Baz 1967,255 ; 4 nov. 1969, Baz 1969, 292, TYAN n°1119, 270 ; BOUSSABER, Le taux d’intêret au Liban Al Adl 1981, GHSOUB, Le taux d’intérêt en droit libanais Al Adl 1999,209.

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(70) et que seul l’abus commis dans sa mise en œuvre peut être sanctionné. La jurisprudence libanaise quant à elle annule ladite clause par application des articles 189 c. oblig. c. (71) et 84 c. oblig. c. rendant nulles les conditions purement potestatives (72) sauf, si le client a reçu les relevés de compte sans formuler aucune protestation ou réserve à l’égard du taux ainsi appliqué, il est alors réputé avoir accepté le taux unilatéralement modifié par la banque (73).

303 Intérêts post-clôture. Une fois le compte clôturé, une période déterminée peut s’écouler jusqu’au paiement

effectif, la question s’est posée de savoir quel taux d’intérêt fallait-il appliquer: le taux conventionnel ou le taux légal ? La jurisprudence décide que le taux conventionnel prend en principe fin avec le contrat de compte (74) et qu’il convient d’appliquer le taux légal sauf, si un accord est intervenu entre les parties, pour maintenir, après la clôture du compte, les intérêts au taux conventionnel (75). Sous-paragraphe 3 - Calcul de l’intérêt

304 Date de valeur. En principe, la créance doit être prise en considération pour le calcul des intérêts à la date

de son entrée en compte. Un usage bancaire non prohibé par la loi (76) retient une date différente dite « date de valeur » qui est postérieure pour les articles de crédit et antérieure pour les articles de débit (77). Par exemple, un chèque porté au crédit du compte le 20, aura une date de valeur le 23 et un chèque inscrit au débit du compte la même date aura une date de valeur le 17. En réalité, le jeu des dates de valeur a pour objectif de rémunérer le service rendu par la banque pour l’exécution de l’opération considérée (78). Il faut des délais nécessaires à la circulation des moyens de paiement à l’intérieur du système bancaire (79). Pour la cour de cassation (80), les délais d’encaissement constituent la seule justification des dates de valeur de sorte que seules les opérations d’encaissement en nécessitant peuvent en être affectés: c’est le cas des remises de chèque à l’encaissement ( 81 ). Ainsi la date de valeur ne se confond pas avec celle de l’encaissement (82).

Or, cette justification ne vaut pas pour des opérations de dépôts, de virement, de remises d’espèces et des retraits où l’encaissement est immédiat. A ce propos, la jurisprudence considère que le client ne peut consentir à l’application de dates de valeur dénuées de cause: l’absence de cause rend sans valeur opératoire leur acceptation (83). Il en résulte que ces opérations doivent être comptabilisées à leur date, y compris pour le calcul des intérêts. Ainsi, cette solution, ne condamne pas toutes les dates de valeur mais celles qui ne sont pas justifiées par un délai de traitement ou d’encaissement.

305 Prescription. La question s’est posée de savoir si la restitution d’intérêts indûment prélevés par application

de dates de valeur dépourvues de cause impliquait préalablement l’annulation de la stipulation d’intérêts, et si le délai de prescription de la demande en restitution des intérêts était celui de la prescription quinquennale ou au contraire de la prescription décennale applicable en matière commerciale? La Cour de cassation française affirme que « L’action en restitution des intérêts perçus indûment par application de dates de valeur dépourvues de cause peut être engagée dans un délai de cinq ans à partir de la perception, peu important l’absence de demande en nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels » (84).

                                                            70 Cass. com. 9 juill. 1996, JCP G 1996, II-22721 note STOUFFLET. 71 Mont-Liban 6 déc. 1995, Al Adl 1997, 84. 72 Trib. 1re inst. 1re ch. Beyrouth, 16 mars 2009, Al Adl 2011/2, 850. 73 Mont-Liban 6 déc. 1955 ; Trib. 1re inst. 1re ch. Beyrouth 16 mars 2009 ; Trib. 1re inst. 3e ch. Beyrouth, 25 oct. 2007 Al Adl 2011/3, 1311. 74 Trib. 1re inst. 6e ch., Mont-Liban, 22 mars 2011, Al Adl 2011/3, 1359. 75 Cass. lib. 4e ch., 18 janv. 2011, Cassandre 2011/1, 79 ; Cass. 17 mars 1981, Bull. civ. IV n°142 p111; 11 juin 1991, Bull. civ. IV n° 216,

152 ; contra. BONNEAU, 223 n° 380. 76 Aix-en-Provence 29 sept. 1990, Banque n° 512 janv. 1991, 96 obs RIVES-LANGE. 77 Sur la validité du principe de l’indication d’une date de valeur, cass. com. 25 oct. 2011, Banque et droit n° 141 janv.-fév. 2012 chro. D.

banc. p31 note BONNEAU. 78 LE CALEZ, Les dates de valeurs et l’usure: touche pas à mon taux, D 2002 chr. , 1891. 79 Rapport du Comité des usages, rapport CNC pour 1985 p 437 cité par CREDOT et DERARD, Banque et bourse n° 4 nov.- déc.1987, 126. 80 Cass. com. 6 avr. 1993 Bull. civ. IV n° 138, 94 ; JCPG 1993, II-22062 et E, II-444 note STOUFFLET ; Cass. com. 29 mars 1994, Bull.

civ. IV n° 134 p 104 ; JCP E 1994, I-376 n° 10 obs. GAVALDA et STOUFFLET ; RTDcom. 1994, 532 obs. CABRILLAC et TEYSSIE ; Cass. com. 10 janv. 1995, Bull. civ. IV n° 8, 7, JCPG 1995 II-22475 note AUCKENTHALER ; RTDcom. 1995, 454 obs. CABRILLAC.

81 Cass. com. 2 juin 2010, Banque et droit n° 133, sept.-oct. 2010, 34 obs. BONNEAU. 82 Cass. com. 25 oct. 2011, RDBF mars-avr. 2012, comm. 36, note CRÉDOT et SAMIN. 83 Cass. com. 31 mai 2011 RDBF, nov.-déc. 2011, comm. 190 note CREDOT et SAMIN. 84 Cass. com. 16 mars 2010 RDBF juillet-août 2010, comm. 126 note CREDOT et SAMIN.

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Sous-paragraphe 4 - Capitalisation des intérêts

306 Conditions. La capitalisation des intérêts encore appelée anatocisme est régie par l’article 768 c. oblig. c. aux termes duquel: « Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par un contrat spécial postérieur à leur échéance, pourvu que, soit dans la demande, soit dans le contrat, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour six mois, sauf les règles et les usages particuliers au commerce » (art. 1154 c. civ.). De l’article 768 résulte que la capitalisation des intérêts ne peut avoir lieu que si deux conditions sont réunies: la capitalisation doit avoir fait l’objet d’un accord expresse et seuls les intérêts dûs au moins pour six mois entiers peuvent être capitalisés (85). Les dispositions de l’article 1154 c. civ. et 768 c. oblig. c. sont d’ordre public (86). Néanmoins, le juge peut écarter son application et refuser d’ordonner la capitalisation des intérêts, si c’est par la faute du créancier et par suite du retard ou obstacle apporté par lui qu’il n’a pu être procédé à la liquidation de la dette (87). La capitalisation s’applique sans distinction aux intérêts moratoires qu’ils soient judiciaires ou conventionnels (88). En outre, le calcul des intérêts capitalisés ne s’effectue pas nécessairement selon le taux légal (89). Néanmoins, une dérogation est admise à cette règle, elle concerne les comptes courants dont la capitalisation des intérêts se produit de plein droit (art. 302 c. com. lib.) (90). Ainsi en matière de dépôt, la capitalisation des dépôts doit se plier aux exigences de l’article 1154 c. civ. (91). Paragraphe 2 - Commissions

307 Liberté des parties. Les banques perçoivent différentes commissions en contrepartie des services fournis

par la banque: « commissions de mouvement », « commissions de tenue du compte », etc. Les commissions sont librement déterminées par les parties. La jurisprudence n’exige pas une acceptation formelle du client. Elle voit si ce dernier a été informé des commissions mises à sa charge et le répute alors les avoir acceptées sauf protestation ou réserve de sa part (92). SECTION 3- INCIDENTS DU COMPTE Les incidents qui peuvent affecter le fonctionnement normal d’un compte sont principalement sa saisie (Sous-section 1), l’avis à tiers détenteur (Sous-section 2) et la prescription (Sous section 3). SOUS-SECTION 1 - SAISIE DU COMPTE

308 Secret bancaire. Contrairement au droit français, la loi libanaise du 3 septembre 1956 relative au secret

bancaire empêche la saisie des comptes. Son article 4 est ainsi rédigé: « Aucune saisie ne peut avoir lieu sur les fonds et biens déposés auprès des banques sauf autorisation écrite de leurs titulaires ». Le secret levé, la saisie pourra avoir lieu sur le solde du compte (art. 887 nouv. c. prov. c.) ou sur les fonds gardés dans un coffre loué par le débiteur (art. 917 nouv. c. proc. civ. lib.). SOUS-SECTION 2 - AVIS A TIERS DETENTEUR

309 Mécanisme. L’avis à tiers détenteur est une procédure d’exécution simplifiée afin de recouvrir les impôts

directs et taxes similaires. Le trésor public y recourt pour recouvrer les créances fiscales et assimilées. Elle est inspirée de la saisie exécution. Elle ne trouve pas d’application en droit libanais en raison de la loi sur le secret bancaire.

                                                            85 Cass. civ. 10 juin 1981, Bull. civ. I n°196. 86 Cass. civ. lib. 12 déc. 2000 Al Adl 2001, 66 ; Cass. civ. 21 juin 1990 DP 1924, 1, 102 ; 1er juin 1960, Bull. civ. I n°305. 87 Req. 16 juin 1942, DA 1943, J, 11 ; Cass. civ. 14 mai 1992 Bull. civ. I n°142. 88 Cass. civ. 10 mai 1978, Bull. civ. I n°187. 89 Cass. civ. 14 mai 1991, Bull. civ. I n°155. 90 Cass. com. 22 mai 1991 (2 arrêts), Banque 1991, 758 obs. RIVES-LANGE ; RTDcom. 1991, 418 obs. CABRILLAC et TEYSSIE, RDBB

n° 26 juillet / août 1991, 141 obs CREDOT et GERARD. 91 Cass. com. 4 déc. 1990, RDBB n° 26 juill. / août 1991, 141 obs. CREDOT et GERARD ; RTDcom. 1991, 276 obs. CABRILLAC et

TEYSSIE ; JCP E 1992, II-288 note BELLOIR – CAUX. 92 Paris 17 déc. 1990 D. 1991 J. 351 note MARTIN cité par GAVALDA et STOUFFLET, n° 268 ; Cass. com. 13 mars 2001, RDBF n° 3

mai-juin 2001, 152 n °102 obs. CREDOT et GERARD.

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SOUS-SECTION 3 - PRESCRIPTION 310 Droit commun. Le compte bancaire ne fait pas exception aux règles générales applicables à l’extinction

des créances par prescription. Celle-ci joue au profit de l’Etat. Le délai est de dix ans conformément à l’article 262 c. com. lib. Il est toutefois nécessaire d’apporter certaines précisions: c’est seulement le solde du compte qui est susceptible de prescription. En revanche, les créances entrées en compte se peuvent plus être prescrites puisqu’elles se trouvent ainsi payées. De même, la prescription sera interrompue par chaque nouvelle entrée d’une créance en compte. SECTION 4 - CLOTURE DU COMPTE Nous envisagerons les causes (Sous-section 1) et les effets (Sous-section 2) de la clôture du compte. SOUS-SECTION 1 - CAUSES DE LA CLOTURE

311 Durée déterminée. Il arrive qu’un terme soit fixé par les correspondants à l’existence du compte. Le terme

doit alors être respecté. La violation par l’une des parties de ses obligations notamment, en cas de perte de confiance, permettrait à l’autre de demander la résiliation du contrat en conformité avec l’article 241 c. oblig. c. (art. 1184 c. civ.). Le compte étant à exécution successive, la résiliation ne jouera que pour l’avenir en laissant subsister les effets passés. En pratique, c’est la banque qui résiliera le contrat en dehors de toute demande judiciaire. Il reviendra alors au client de se pourvoir en justice s’il estime la résiliation injustifiée.

312 Durée indéterminée. Quand aucun terme n’a été stipulé, ce qui est la situation la plus fréquente, il faut

appliquer les règles relatives au contrat à durée indéterminée: chacun des contractants peut mettre fin à la convention par sa seule volonté sans avoir à motiver sa décision, sauf à engager sa responsabilité en cas d’abus (93). A ce propos, la banque doit agir sans précipitation excessive. Elle doit se conformer au délai contractuel de préavis ou, à défaut, observer un délai de préavis raisonnable, sous peine de voir sa responsabilité engagée à l’égard des tiers (94).

313 Modification de la situation juridique des correspondants. La convention de compte a un caractère

fortement personnel. Il est donc normal que les événements modifiant la situation des correspondants puisse entraîner la clôture du compte. Dans la pratique, c’est surtout de la situation du titulaire du compte qu’il s’agira. Pour une personne physique, le décès constitue une cause certaine de clôture du compte. Les héritiers peuvent convenir avec la banque de maintenir le compte ouvert pour les besoins de la liquidation successorale. Il en est de même en cas de survenance d’une cause d’incapacité. Le représentant légal peut demander que le compte reste ouvert. Il fonctionnera alors suivant le régime légal du titulaire du compte. Pour une société, la dissolution produit le même effet, mais il convient de rappeler que la personnalité juridique est maintenue pendant la durée de la liquidation. Le compte n’a donc pas à être clôturé durant cette période. Quant à la transformation de la société, elle n’entraîne généralement pas création d’une personne juridique nouvelle et n’influe pas dans ce cas sur l’existence du compte.

314 Faillite. La faillite frappe le débiteur d’une incapacité généralisée. Elle emporte en tout cas dessaisissement

pour le failli au profit des syndics de l’administration de tous ses biens, même de ceux qui peuvent lui échoir pendant la durée de la faillite. Le failli ne peut plus notamment aliéner aucun de ses biens, il ne peut plus effectuer aucun paiement ni en recevoir, il ne peut contracter aucune obligation (art. 501 c. com. lib.). Ainsi la faillite devrait entraîner la clôture automatique du compte bancaire. Cela est vrai d’autant plus que l’article 2 de la loi sur le secret bancaire consacre expressément la levée du secret bancaire au cas où le titulaire du compte serait déclaré failli. SOUS-SECTION 2 - EFFETS DE LA CLOTURE

315 Exclusion des nouvelles opérations. Le client ne peut accomplir de nouvelles opérations notamment

émettre des chèques. Le titulaire du compte clôturé doit en principe restituer à la banque les formules de chèques dont il dispose encore. Si le client a émis des chèques avant la clôture, ceux-ci seront payés à

                                                            93 Cass. com. 26 janv. 2010, RDBF juillet-août 2010 comm. 121 note CREDOT et SAMIN. 94 Cass. com. 20 mai 1980, D 1981, IR 85 obs. VASSEUR ; Paris 13 mars 1975, RTDcom. 1975, 888 ; JCP G 1975, IV – 318 ; Trib. com.

Paris 22 févr. 1971, RTDcom. 1971, 752 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE.

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condition qu’il y ait une provision suffisante. La banque peut toujours contrepasser les effets impayés. Les commissions résultant du fonctionnement deviennent sans objet.

316 Sort du solde créditeur. Si après liquidation des opérations en cours, un solde créditeur apparaît, il sera

versé au client ou à ses ayants – droit. Le solde est soumis à la prescription décennale (art. 349 c. oblig. c.), les intérêts à la prescription quinquennale (art. 350 c. oblig. c. ; art 2277 c. civ.) sauf s’ils sont portés au compte, auquel cas, ils seront soumis à la prescription décennale, ils constituent alors non plus des intérêts mais un nouveau capital qui s’ajoute à l’ancien (95). La prescription court à la date de clôture du compte et au profit du trésor public.

317 Solde débiteur. Lorsque le compte est clôturé laissant apparaître un solde débiteur, celui-ci sera réglé par

le client ou à défaut par ses ayants-droit. En outre, le débiteur devra les intérêts jusqu’au règlement effectif de la totalité du débit. Le taux applicable à l’intérêt est le taux légal sauf convention contraire des correspondants (96). SECTION 5 - REDRESSEMENT ET REVISION DU COMPTE Nous envisagerons le redressement (Sous-section 1) et la révision (Sous-section 2) du compte. SOUS-SECTION 1 - REDRESSEMENT DU COMPTE

318 Présentation. Aux termes de l’article 305 alinéa 3 c. com. lib.: « Les actions en redressement du compte

pour erreur, omissions, doubles emplois ou autres rectifications doivent être engagées dans le délai de six mois ». Ce texte est relatif au redressement du compte et non à sa révision (97). Le redressement consiste à corriger les erreurs matérielles portées au compte, erreur, omission, doubles emplois (98). L’action en redressement ne peut avoir lieu que dans les conditions notamment de délai de l’article 305 c. com. lib. (99). Le délai de forclusion de six mois court dès avant la clôture du compte à dater de chacun des arrêtés périodiques sauf dans les cas où il apparaîtrait manifestement comme provisoire ( 100 ). Ce délai de forclusion ne s’applique qu’à l’action en redressement (101). L’action en redressement a un domaine limité, elle ne s’applique que pour les causes qu’elle énumère (102). La demande en redressement doit mentionner les articles contestés ainsi que les preuves invoquées: Si le juge estime qu’il y a lieu à redressement, il y procède, au besoin après expertise (103). SOUS-SECTION 2 - REVISION DU COMPTE

319 Présentation. La révision remet en cause les écritures du compte, elle vise à modifier l’ensemble du

compte parce que contraire au consentement des parties. Le législateur libanais n’ayant ni évoqué ni interdit l’action en révision du compte, elle ne doit pas être exclue (104) surtout si le demandeur « était erroné à son détriment » (105). L’action en révision reste soumise à la prescription décenale de l’article 262 c. com. lib. prévue en matière de commerce (106).

                                                            95 Comp. Cass. com. 20 janv. 1998, Bull civ. IV n° 32. 96 Cass. com. 9 nov. 1982, JCP G 1983, IV-31 ; 29 janv. 1985, JCP G 1985, IV – 136. 97 HADATHI, Du redressement des comptes, Rev. jud. lib. 1975, 1151. 98 Cass. lib. 3 mai 1970, Al Adl 1970, 430 ; Rev. jud. lib. 1971, 1292 ; comp. Cass. lib. 7 déc. 1972, Al Adl 1973, 174. 99 Cass. lib. 13 mai 1970 préc. 100 TYAN, 1019 n° 853. 101 Beyrouth 9e ch., 7 sept. 2010, Cassandre 2010/9, 1426. 102 Beyrouth 6 mars 1969, Assurances – Banques – transports 1969, 457 ; can. com. lib. 13 mai 1970, Ibid 1970, 429. 103 Cass. civ. 16 déc. 1918 DP 1922, 1, 167. 104 Trib 1re inst Beyrouth 29 mars 1968, Rec. Hatem fasc. 132, p 39. 105 Cass. civ. 23 mai 2000, JCP G 2000, IV-2214. 106 Cass. civ. 3 mai 1970, arrêt préc.; Liban-nord 2 mars 1973, Al Adl 1974, 104 ; Trib. 1re inst. Mont-Liban 14 avr. 1999, Al Adl 1999, 499 ;

Trib. 1re inst. Beyrouth 14 mai 1970 Al Adl 1971, 157.

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COMPTE COURANT

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CHAPITRE 2 - COMPTE COURANT 320 Présentation. Aux termes de l’article 298 c. com. lib., « il y a compte courant toutes les fois que deux

personnes, appelées à se faire des remises réciproques de valeurs, conviennent de transformer leurs créances en simples articles de crédit et de débit, formant les éléments d’un compte unique, de sorte que le solde final de ce compte, lors de sa clôture, constitue seul une créance exigible et disponible ». Ainsi, le compte courant permet aux parties en relations contenues et effectuant un grand nombre d’opérations de simplifier le règlement de leurs créances et dettes réciproques (1). A cet effet, elles décident de ne plus régler individuellement celles-ci conformément à leurs caractéristiques et régimes propres mais de les porter à un compte unique afin de les régler par fusion en solde (2). De fait, toute créance certaine, liquide et exigible se fond avec les autres créances dans un solde fluctuant et provisoire. Par cette fusion, la créance est payée (3) et n’a donc plus à faire l’objet d’un règlement quelconque: c’est là, l’effet de règlement du compte courant. Si les parties acceptent réciproquement cette façon de régler leurs dettes réciproques c’est parce que naissent constamment, tantôt au profit de l’une, tantôt au profit de l’autre, des créances réciproques, en sorte que le créancier de l’une peut considérer globalement qu’il sera payé par le fait même que, à son tour, il sera débiteur d’une autre créance; c’est là l’effet de garantie que l’on reconnaît généralement au compte courant (4). Le mécanisme du compte courant repose sur l’effet extinctif de l’entrée en compte des créances et la formation d’un bloc constitutif d’une créance unique soumis à un régime unitaire. Pour expliquer ce mécanisme les auteurs ont eu recours à diverses théories (5). Nous envisagerons, tour à tour, l’ouverture du compte (Section 1), son fonctionnement (Section 2) son indivisibilité (Section 3), son solde provisoire (Section 4) ses arrêt et liquidation (Section 5), et sa clôture (Section 6). SECTION 1 - OUVERTURE DU COMPTE COURANT

321 Pluralité de comptes courants. Une même personne peut être titulaire de plusieurs comptes courants. En

principe, chaque compte ouvert est indépendant de l’autre. Il en résulte que la compensation entre les comptes n’est nullement possible (6). Il en est autrement en cas d’unité de compte ou de compensation dont l’existence est soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond (7). La convention de compensation autorise la banque à procéder à la compensation entre les différents comptes après clôture des comptes et si le client après notification se refuse à payer (8). En outre, le droit de compenser peut procéder du fait de l’existence d’un lien de connexité entre les comptes. Ce lien permet à la banque d’exercer le droit de rétention sur lesdits comptes favorisant la compensation (9). Détachée et indépendante de la compensation du droit commun, la compensation entre dettes connexes emprunte ses conditions de mise en jeu à l’exception d’inexécution dont elle est la conséquence (10).

322 Eléments du compte courant. On enseigne traditionnellement que le compte courant suppose la réunion

de deux éléments: l’intention des parties et les remises (11). En l’absence d’une convention expresse, il appartiendra aux juges du fond, en vertu de leur pouvoir souverain d’appréciation de dire s’il existe ou non un compte courant entre les parties; cette appréciation n’étant pas soumise au contrôle de la Haute cour (12).

                                                            1 Trib. 1re inst. 1re ch. Beyrouth, 7 mars 2011, Al Adl 2011/4, 1816. 2 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 221 n° 229. 3 Cass. civ. 25 janv. 1955, JCP G 1955 II-8547 bis. 4 RIVES-LANGE et CONTAMINE RAYNAUD, 222 n° 230. 5 ESMEIN, Essai sur la théorie juridique du compte courant, RTDciv. 1920, 79 note S 1923, 1, 225 ; HAMEL, op. cit. n° 364 ; ESCARRA

et RAULT, n° 468 ; BONNEAU, 204 n° 338 ; v motifs Cass. com. 13 déc. 1978 D. 1980 IR 13 obs. VASSEUR ; JCP I 1981, 3048 n° 49 obs GAVALDA et STOUFFLET ; RIPERT et ROBLOT, 370 n° 2332 ; RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 223 n° 252 ; BONNEAU, 204 n° 338 ; HOUIN, note sous Cass. civ. 13 juill. 1942, JCP G 1943, II-2157 ; LARGUIER note sous Rouen 24 Avril 1948, JCP G 1948, II-4464 ; M-Th CALAIS-AULOIS, Compte courant, JCL. Banque-Crédit-Bourse, fasc. 210 n° 20 ; STOUFFLET, Le compte courant, Rep. Com. Dalloz n° 14 ; PERCEROU, Rep. Com. Dalloz 2ème éd. v Compte courant ; RIPERT et ROBLOT, Traité de droit commercial, T II n° 2315.

6 Réf. Beyrouth 8 juill. 1987, Rec. Hatem fasc. 192, 114. 7 Cass. lib. 28 avr. 1971, Al Adl 1971, 408. 8 Beyrouth 20 avr. 1995, Rev. jud. lib. 1995, 180. 9 Cass. civ. 13 juill. 1942, JCP G 1943, II-2157 note HOUIN. 10 Mont-Liban, 15 déc. 1993, Al Adl 1994, 189 note HAJJAR ; Rec. Hatem, fasc. 211, 534s. 11 GAVALDA et STOUFFLET, 136 n°291 ; RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 227 n° 237; IPPOLITO et de JUGLART,

182 n°171; RIPERT et ROBLOT, 363 n° 23116; BONNEAU, 207 n° 340; M-Th CALAIS-AULOIS art. préc. n°26 : Cass. com. 9 avr. 2002, RDBB n° 4 juillet-août 2002, 182 n°124.

12 Cass. lib. 24 mars 1971, Rec Chamsedine, Droit commercial 1985, 214.

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Ces éléments, généralement désignés sous les noms d’éléments intentionnel (Sous-section 1) et matériel ou objectif (Sous-section 2) se suffisent à eux-mêmes. SOUS-SECTION 1 - ELEMENT INTENTIONNEL – ACCORD DES PARTIES

323 Nécessité du consentement. Si les parties veulent faire compenser leurs créances et dettes réciproques hors

la compensation légale par le mécanisme du compte courant, un accord préalable est nécessaire. Les parties doivent avoir « la volonté de travailler en compte courant » (13). A défaut, il n’y a pas compte courant (14). Le compte n’est alors qu’une simple récapitulation des créances réciproques qui conservent leur individualité et s’éteignent par le jeu de la compensation légale.

324 Preuve de l’accord. L’intention des parties peut être expressément exprimée. Dans cette hypothèse, il est

très rare que les parties se réfèrent aux éléments du compte courant. Leur intention s’induira de l’emploi des mots « compte courant » ou de clauses qui se réfèrent à certaines règles du compte courant. Il appartient au juge de vérifier la qualification du compte, plus généralement d’en rechercher la nature exacte, que les parties l’avaient ou non qualifié. Plus souvent, le consentement des parties est implicite et résulte des circonstances dans la mesure où le compte courant n’est soumis à aucun formalisme (15). A cet égard, il est nécessaire de constater la volonté de réunir des créances réciproques dans un même compte et celle de régler leurs créances par leur fusion en fonction du solde qui apparaîtra à la clôture du compte (16).

325 Parties au contrat. D’après une terminologie longtemps en usage dans les banques, le compte courant était

un compte ouvert à un commerçant, tandis que les comptes ouverts à des clients non-commerçants étaient des « comptes de dépôts » ou « comptes de chèques ». Mais rien n’interdit à des non-commerçants de passer une telle convention en vertu du principe de la liberté contractuelle, la jurisprudence a déjà admis la validité de la convention de compte courant passé entre un notaire et son client en l’occurrence un agent de change (17), mais la preuve du compte courant doit être apportée (18). En revanche, même civil, le compte courant demeure soumis aux dispositions des articles 298 à 306 c. com. lib. (19). Ces dispositions constituent le droit commun de cette variété d’actes juridiques en dehors desquelles il n’existe pas de dispositions légales réglementant la matière (20). La notion de compte courant doit être distinguée de celle de compte courant d’associé. On désigne ainsi les comptes constatant les dépôts des fonds effectués par un associé dans les caisses de la société en vue d’accroître le montant des capitaux permanents de la société (21). Les associés sont alors crédités de leurs avances ou de leurs dividendes échus. Ils sont débités de leurs prélèvements (22). SOUS-SECTION 2 - ELEMENT MATERIEL – REMISES RECIPROQUES Les remises constituent l’élément matériel du compte courant. On envisagera la notion de remise (Paragraphe 1) et les caractères de ces remises (Paragraphe 2). Paragraphe 1 - Notion de remise

326 Définition. On appelle « remise » toute créance d’une partie sur l’autre, qui entre dans le compte pour y

être réglée. La créance elle-même n’est pas la remise, elle devient la remise dans la mesure où elle perd son individualité et ses caractères propres en entrant dans le compte et cesse donc d’être elle-même (23). La remise étant une créance d’un correspondant sur l’autre, il doit s’agir d’une créance de somme d’argent ou                                                             13 Trib. civ. Versailles, 27 mai 1953, Banque 1954, 594 ; Cass. com. 13 janv. 1970 Bull. 1970 IV, n°16 ; RTDcom. 1971, 152. 14 Cass. lib. 2 mai 1968 Rev. jud. lib. 1968, 698 ; Rec Chamsedine, 210 ; Mont-Liban 16 oct. 1989, Rep. drt banc., 711 mfn 02601 ;

Beyrouth 31 oct. 1974, Al Adl 1975, 237. 15 Cass. com. 5 déc. 1995, Bull. civ. IV 995 n°284. 16 Cass. com. 13 janv. 1970, Bull. civ. IV, n°160, 16 ; 13 févr. 1996, Banque, mai 1996, 96, obs. GUILLOT. 17 Angers 18 avr. 1891 D. 1893, 2, 49 ; S 1891, 2, 159 ; Cass. civ. 23 juin 1974 Bull. 1974, I n° 243 ; RTDcom. 1975, 155 n°10 obs.

CABRILLAC et RIVES-LANGE. 18 Nîmes 2 sept. 1998, Banque, janv-fév 1999, 59 obs. GUILLOT, Paris 9 nov. 1949, D. 1950, 113 ; Gaz Pal 1949, 2, 406. 19 Cass. lib. 31 déc. 1956, Rec. Chamsedine, 1985, 208. 20 FABIA et SAFA, Code de commerce annoté, art. 298 note 6 ; TYAN, Droit commercial, n° 849. 21 URBAIN – PARLEANI, Le compte courant d’associé, Paris 1986. 22 Le compte d’associé dans les livres de la société est rarement qualifiable de compte courant. Cette qualification suppose des remises

réciproques et enchevêtrées, qui en l’occurrence, font généralement défaut. 23 Beyrouth 11 janv. 1974, Rec. Chamsedine 1985, 215.

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à la rigueur de choses fongibles comme des titres au porteur peu importe sa cause: paiement d’un prix de vente, prêt d’argent, ouverture de crédit, intérêts de titres, etc. En effet, la créance doit être certaine, liquide, exigible et fongible pour être susceptible d’entrer en compte et par suite de constituer une remise. Il n’est pas nécessaire que les effets de commerce, les marchandises qu’ont donné naissance à cette créance, aient été transférés en propriété (24). En cas de faillite du récepteur ayant reçu une remise en titres ou en effets de commerce avec affectation spéciale à des paiements déterminés, le remettant est en droit de les revendiquer contre cette faillite conformément aux dispositions de l’article 608 alinéa. 1 c. com. lib. Paragraphe 2 - Caractères des remises Les remises doivent répondre à trois caractères: généralité (Sous-paragraphe 1), réciprocité (Sous-paragraphe 2) et alternance (Sous-paragraphe 3). A défaut de l’un de ses caractères, le compte ne pourra être valablement qualifié de compte courant même si telle est la volonté des parties. Sous-paragraphe 1 - Généralité des remises

327 Présentation. Le compte courant doit enregistrer toutes les créances que les parties ont l’une sur l’autre

(25). C’est le principe de l’affectation générale des créances encore appelé principe de généralité du compte courant (26). En vertu de ce principe, chaque partie s’oblige à faire entrer en compte toutes les créances certaines et liquides dont elle est titulaire à l’encontre de son cocontractant (27). Ainsi, n’est pas un compte courant celui qui comporte pour les parties la faculté d’exclure unilatéralement toute créance. Le principe d’affectation générale permet au compte de jouer son rôle d’instrument de garantie. Etant toutes affectées en compte, les créances réciproques se servent naturellement de garantie, les dettes de l’une des parties est garantie par ses propres créances sans que l’on puisse toutefois parler de sûreté au sens technique du terme (28). Ce principe a pour conséquence que l’entrée en compte de la créance n’est pas conditionnelle et soumise au bon vouloir du contractant mais automatique sans nécessiter chaque fois l’accord spécial du créancier. Ce principe comporte certaines limites. Par exemple, lorsque qu’il s’avère que la créance qui n’a pas été portée au compte, n’était pas en vue des parties lors de la conclusion de la convention de compte courant (29). Le même principe conduit à exclure toute créance de caractère délictuel ou quasi-délictuel (30). De même, sont exclues du compte courant, les « sommes bloquées » déposées par le client en garantie du cautionnement donné par la banque. Le blocage des sommes fait naître entre les parties une nouvelle convention distincte du compte courant (31). Egalement, la règle de la généralité étant édictée dans l’intérêt commun des deux parties, elle peut selon l’article 299 alinéa 1 c. com. lib. être aménagée par les parties. (32). Elles peuvent l’écarter (33). Elles peuvent aussi convenir de l’affectation spéciale d’une créance, par exemple à la provision d’un chèque (34) ou d’une lettre de change ou à la garantie d’une opération (35). Il en est de même lorsque la créance est assortie de sûretés (36) ou de garanties cambiaires (37). Lorsque l’affectation spéciale est décidée dans l’intérêt du client, l’établissement de crédit qui ne respecte pas l’affectation convenue, engage sa responsabilité contractuelle à l’égard de son client et sa responsabilité délictuelle à l’égard du tiers qui devait bénéficier de cette affectation (38).

                                                            24 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 230 n° 24 note 3. 25 JU Kesrouan, 21 mai 2009, Cassandre 2009/5, 934. 26 De BOUETIEZ et de KERORGUEN, La généralité du compte courant, Banque 1955, 276. 27 Req. 28 déc. 1937, Gaz. Pal. 1938, 1, 345 ; Cass. com. 10 juin 1975, Bull. civ. IV n°162 ; 8 juill. 1997, JCP E 1998, 321 n° 8 obs

GAVALDA et STOUFFLET. 28 STOUFFLET, Compte courant, art. préc. n° 22. 29 DE JUGLART et IPPOLITO, 143 n° 184. 30 DE JUGLART et IPPOLITO, Ibid. 31 Beyrouth 2 août 1973, Al Adl 1974, 187 ; comp. Cass. civ. 21 nov. 1968, Baz 1968, 262 constatant l’inexistence d’une convention de

blocage des sommes au profit du compte courant. 32 Art. 299 al. 1 c. com. lib. édicte: « L’étendue du compte courant dépend de la volonté des parties, qui peuvent englober soit toutes leurs

opérations, soit seulement celles d’une espèce déterminée ». 33 Saint Quentin 16 mai 1933, S 1934, 2, 37. 34 Req. 12 août 1873, D. 1875, 1, 262 ; 29 mars 1886, S 1886,1, 301. 35 Cass. com. 19 avr. 1985, Banque 1985, 854 obs. RIVES-LANGE. 36 Cass. com. 9 juill. 1985 Banque, n° 457 janv. 1986, 86 obs. RIVES-LANGE; Cass. com. 12 mai 1987, Banque n° 475, sept. 1987, 852

obs. RIVES-LANGE. 37 Beyrouth 20 juin 1996, Al Adl 1997, 93. 38 Cass. com. 19 avr. 1985, Banque n° 453 sept. 1985, 854 obs. RIVES-LANGE ; Paris 19 mars 1990, RDBB n° 21 sept-oct. 1990, 203 obs.

CREDOT et GERARD.

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Sous-paragraphe 2 - Réciprocité des remises 328 Notion. Il n’y a de compte courant que si les remises sont réciproques (39). Cette condition signifie que

chaque contractant doit être tantôt remettant, tantôt récepteur (40). Ainsi, les remises ne doivent pas être en sens unique et ne provenir que d’une partie (41). C’est ainsi qu’il n’y a pas de réciprocité des remises lorsque, dans un compte de dépôt, le client tire des chèques jusqu’à épuisement du solde ou si, dans un compte, une partie fait des versements en s’interdisant d’effectuer aucun retrait (compte bloqué, par exemple). Un compte qui fonctionnait tout d’abord sans réciprocité de remises peut devenir un compte courant si cette réciprocité se produit ensuite (42). Inversement, un compte courant peut perdre son caractère parce qu’à partir d’une certaine date, une seule des parties a fait des remises (43). Mais il n’est pas nécessaire qu’il y ait eu continuellement des remises réciproques. Il est en effet admis que la simple possibilité de remises réciproques suffit à constituer la réciprocité (44). La réciprocité des remises est une condition nécessaire mais non suffisante: encore faut-il que les parties aient expressément ou tacitement convenu de la perte des individualités des remises afin de fusionner dans un ensemble indivisible (45). Cependant, la possibilité de remises réciproques ne doit pas être confondue avec la possibilité de découverts réciproques.

329 Remises réciproques et découverts réciproques. Aux termes de l’article 299 alinéa 2 c. com. lib.: Le

compte courant peut être « à découverts réciproques » ou « à découvert unilatéral ». Le compte courant « simple » ou « à découvert unilatéral » est celui dans lequel le banquier stipule à l’avance qu’il ne devra jamais être à découvert: la somme des crédits du client devra toujours être au moins égale à la somme de ses débits (46). L’article 299 alinéa 2 précise: « Dans ce dernier cas [découvert unilatéral] l’une des parties n’est tenue de faire des remises à l’autre qu’autant qu’elle est nantie d’une provision suffisante, le compte ne devant en aucun cas se blancer par un solde créditeur à son profit ». Le compte courant « réciproque » ou « à découvert réciproque » est celui dont le solde peut être tantôt débiteur, tantôt créditeur au profit de l’une ou de l’autre partie (47). Sous-paragraphe 3 - Alternance des remises

330 Enchevêtrement. La qualification de compte courant est subordonnée à l’alternance des remises encore

appelée enchevêtrement. Les remises doivent être « alternées et enchevêtrées » c’est-à-dire suivant un rythme d’alternance et non de simple succession (48). Pour certains auteurs (49), la condition d’alternance n’est pas distincte de la réciprocité des remises: s’il y a véritablement réciprocité des remises, il y aura nécessairement enchevêtrement des remises. Telle n’est cependant pas la position de la Cour de cassation qui prend soin de ne pas confondre l’alternance avec la réciprocité des remises (50). SECTION 2 - FONCTIONNEMENT DU COMPTE COURANT

331 Présentation. Lorsque le compte courant produit ses effets, les auteurs et les tribunaux ont coutume de dire

que le compte « fonctionne », qu’il est en « cours de fonctionnement », ce qui laisse entendre que le compte est en mouvement continu. Il faut cependant apporter la nuance suivante: un compte courant est une convention- cadre, il n’est réputé fonctionner que dans la mesure où une créance entre en compte c’est- à- dire lorsqu’il y a des remises. Cela dit, ce fonctionnement présente certaines particularités: les unes, relatives à la manière dont les créances réciproques des parties deviennent des remises et de ce fait perdent

                                                            39 Cass. com. 9 avril 2002, RDBF juillet/août 2002, 182 n°124 obs. CREDOT et GERARD ; Beyrouth 23 juill. 1998, Al Adl 2000, 219 ;

Beyrouth 6 mars 1971, Al Adl 1971, 684. 40 Cette condition a été posée pour la première fois par la Cour de cassation française le 2 juillet 1880, S 1881, 1, 177 note WAHL ; 26 mai

1999, RDBB n° 74 juillet / août 1999, 120 obs. CREDOT et GERARD. 41 Cass. com. 10 juin 1949 JCP G 1949, II-5106. 42 Req. 29 juill. 1929 S 1930, 1, 214. 43 Cass. com. 5 janv. 1965, JCP G 1965, II-14177 ; 16 févr. 1965, Banque 1965, 894 obs. MARIN. 44 Cass. com. 23 oct. 1973, JCP G 1974, II, 17761 note STOUFFLET ; Cass. com. 10 juin 1949 préc. ; 17 déc. 1991, Banque 1992, 529 obs.

RIVES-LANGE ; 23 mars 1993 R.TDcom. 1994, 80, obs. CABRILLAC et TEYSSIE ; v M-Th CALAIS-AULOIS art. préc. n° 55. 45 Beyrouth 6 mars 1971, Al Adl 1971, 684. 46 Beyrouth 6 mars 1971 Al Adl 1971, 684. 47 M-Th CALAIS-AULOIS art. préc. n° 55. 48 Beyrouth 6 mars 1971 arrêt préc. 49 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 242 n° 199. 50 Cass. com. 29 févr. 1984, Bull. civ. IV n° 84, 68 ; 28 mai 1999 JCP E 2000, 1042 obs. GAVALDA et STOUFFLET.

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une part de leur existence juridique propre pour s’incorporer dans le compte et former un ensemble indivisible (Sous-section 1) les autres, concernant les intérêts produits par le compte (Sous-section 2). SOUS-SECTION 1 - REMISES EN COMPTE COURANT Nous envisagerons les conditions (Paragraphe 1) et les effets (Paragraphe 2) des remises. Paragraphe 1 - Conditions des remises

332 Affectation générale. Il convient de rappeler que le compte courant doit enregistrer, en règle générale,

toutes les créances que les parties ont l’une sur l’autre. C’est le principe de l’affectation générale qui repose sur la volonté présumée des parties (51). Toute créance est affectée de plein droit sauf volonté contraire et non pas l’inverse.

333 Ouverture de crédit en compte de dépôt et en compte courant. La comparaison de l’ouverture de

crédit en compte de dépôt et l’ouverture de crédit en compte courant permet de faire la différence. Lorsqu’il y a ouverture de crédit en compte de dépôt, le crédité épuise progressivement le montant du crédit par ses retraits (chèques, par exemple) et quand il a épuisé son crédit, il ne peut plus solliciter de nouvelles avances au titre du même contrat: par exemple, un client obtient de son banquier une ouverture de crédit de 10.000.000 L.L. le client retire 5.000.000 L.L. puis rembourse 4.500.000 L.L.: malgré ce remboursement, il ne dispose plus que d’un crédit de 5.000.000 L.L. Lorsqu’il y a ouverture de crédit en compte courant, les versements du créditeur (le banquier) ne sont pas des avances, mais des « remises », et les remboursements du crédité (le client) ne sont pas des paiements partiels mais des « remises ». En conséquence, le client est toujours en mesure d’exiger de nouvelles remises du banquier, tant qu’il n’a pas dépassé le montant total du crédit de 10.000.000 L.L. et que l’engagement du banquier n’est pas arrivée à son terme. S’il en a été fixé un: le client retire 5.000.000 L.L. puis rembourse 4.500.000 L.L.: il pourra à nouveau retirer 9.500.000 L.L. (et non pas 5.000.000 L.L. seulement), car le banquier ne lui a effectivement avancé à ce moment que 500.000 L.L. Chaque créance qui naît au profit d’un des correspondants, au profit du remettant contre le récepteur, se traduit en une somme d’argent, qui constitue une remise et figure au compte sous la forme d’un montant (52).

334 Date d’entrée en compte. La question de la prise en compte de la date à laquelle une opération est passée

au compte courant d’un client revêt une importance certaine surtout lorsqu’elle intervient au moment du dépôt de bilan. La chambre commerciale de la Cour de cassation retient la date à laquelle « la créance certaine, liquide et exigible est entrée en compte immédiatement et non la date postérieure à laquelle a été opérée la régularisation comptable » (53).

335 Arrêtés de compte. Il ne faut pas confondre la clôture du compte courant et les arrêtés périodiques du

compte. L’arrêté de compte, ordinairement semestriel ou trimestriel, vise à informer les clients de l’état de leurs comptes et des intérêts qui sont appliqués. Ces arrêtés de compte ne sont constitutifs de clôture définitive du compte que si le client arrête définitivement les opérations et si le solde n’est pas reporté (54). Paragraphe 2 - Effets des remises Les remises en compte courant produisent novation (Sous-paragraphe 1) et extinction de la créance (Sous-paragraphe 2). En outre, elles permettent au banquier de contrepasser les effets impayés (Sous-paragraphe 3). Sous-paragraphe 1 - Novation

336 Définition. Le législateur libanais attache expressément à la remise des créances dans le compte courant un

effet novatoire. Aux termes de l’article 303 c. com. lib.: « Les créances passées en compte courant perdent                                                             51 Cass. Req. 28 déc. 1937, Gaz. Pal. 1938, 1, 345 ; Cass. com. 10 juin 1975, Bull. 1975, IV n° 162, 14 ; RTDcom. 1976, 383 obs.

CABRILLAC et RIVES-LANGE. 52 Par exemple, le client dépose une somme d’argent, le banquier devient débiteur de sa restitution: le client est crédité ; le banquier paye un

chèque, il exécute ainsi à due concurrence son obligation de restitution: le client est débité. 53 Cass. com. 27 juin 1995, Banque n° 566 janv. 1996, 80 obs. GUILLOT ; 22 oct. 1996, Banque n° 577 janvier 1997, 89 obs. GUILLOT. 54 Liban-Nord 25 févr. 1971, Al Adl 1971, 751.

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leurs caractères spéciaux et leur individualité propre. Elles ne peuvent plus faire l'objet, à titre distinct, d'un paiement, d'une compensation, d'une poursuite ou d'une voie d'exécution, ni se prescrire séparément. - Les sûretés personnelles ou réelles attachées aux créances passées en compte, disparaissent, sauf les conventions différentes des parties ». La doctrine classique enseigne que la remise en compte éteint la créance ancienne avec toutes les actions et exceptions qui y sont attachées. Une personne « travaillant en compte courant » avec une autre n’a plus le droit de réclamer le paiement de la créance qui a fait l’objet d’une remise. La remise transforme la créance en article de compte. On trouve donc là l’effet extinctif de la novation. Sous-paragraphe 2 - Extinction de la créance

337 Principe. Du principe de l’extinction des créances portées en compte, résulte les conséquences suivantes: -

l’action en paiement est éteinte et le bénéficiaire du titre exécutoire éventuel perdu – la créance civile perd son caractère en passant dans un compte courant commercial (55) – les intérêts attachés à la créance entrée en compte cessent d’être dûs; désormais l’article du compte portera intérêts même si la créance passée n’en comportait pas (56) – la prescription extinctive de la créance est interrompue; seul le solde arrêté du compte demeure prescriptible (57).

338 Extinction des sûretés. L’article 303 alinéa 2 c. com. lib. pose la règle selon laquelle l’entrée en compte de

la créance entraîne la disparition des sûretés personnelles ou réelles qui y étaient attachées. Il en est de même des privilèges qui s’éteignent automatiquement (58). Une autre conséquence de l’assimilation à un paiement de la remise en compte courant est l’extinction des garanties (59). Egalement l’article 303 alinéa 2 consacre une règle traditionnelle en réservant aux parties en compte courant la faculté de maintenir par une convention les sûretés attachées aux créances passées en compte courant: elles sont alors transférées au solde éventuellement créditeur du compte (60). Plus explicitement, les parties peuvent convenir de porter les créances concernées dans un compte annexe (61). Sous-paragraphe 3 - Contrepassation des effets impayés

339 Mécanisme. Lorsque le client remet à la banque un effet de commerce dont il est bénéficiaire, il devient

créancier à l’égard de la banque du montant de cet effet. Bien que le paiement n’ait pas encore eu lieu, la banque crédite immédiatement son correspondant. La créance du client à l’égard de la banque est donc entrée en compte. Une remise a été effectuée. Mais, si par la suite, l’effet revient impayé, la banque n’ayant rien reçu, l’article du compte devient sans objet. La banque pourra en conséquence procéder à une contrepassation c’est-à-dire qu’elle débitera son client de la somme qu’elle avait d’abord inscrite à son crédit lors de la remise de l’effet (62). L’article 301 alinéa 1 c. com. lib. énonce: « Lorsqu’une remise est constituée par un effet de commerce, elle est présumée, sauf disposition contraire, n'être faite que sous réserve de l'encaissement. Si l'effet n'est pas payé à son échéance, le récepteur a la faculté…d'en contrepasser le montant au débit du remettant ». Il en résulte que la remise n’est faite que sous réserve de l’encaissement (63). Parfois, cependant, cette façon de procéder n’est pas la plus avantageuse pour la banque: il se peut que le solde du client après contrepassation reste débiteur et que l’insolvabilité du client soit à redouter. Aux termes de l’article 301 alinéa 1 c. oblig. c.: « … si l’effet n’est pas payé à son échéance, le récepteur a la faculté tout en le conservant à titre de garantie et en exerçant les droits qui y sont attachés, d’en contrepasser le montant au débit du remettant ». La contrepassation par la banque a donc un caractère purement facultatif et le banquier, nonobstant la contrepassation, a la faculté de conserver l’effet à titre de garantie et d’exercer contre les signataires de celui-ci les actions cambiaires ou autres qui y sont attachés. L’option n'est soumise à aucune forme et sa date est déterminée souverainement par les juges du

                                                            55 Req. 1 mars 1887 D. 1887, 1, 161. 56 Cass. com. 11 janv. 1984 D. 1985, IR 340. 57 Cass. civ. 10 janv. 1872, 1, 102 comp. Cass. com. 22 déc. 1981 Bull. civ. IV 1989, n°455, 363. 58 Cass. civ. 12 juin 1936 DH 1936, 411 ; Cass. com. 10 juin 1949, JCP G 1949, II-5106 note CABRILLAC ; 31 janv. 1980, D 1981, IR 17

obs. VASSEUR. 59 Cass. civ. 25 avr. 1910 D. 1912, I, 364 ; S 1913, I, 261 ; Cass. 10 juin 1949, préc. ; Cass. com. 19 mars 1980 D. 1981, IR 17 obs.

VASSEUR ; Cass. civ. 22 mars 1973 RTDcom. 1973, 309 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE. 60 Cass. civ. 12 juin 1936 DH 1936, 411. 61 Req. 11 juill. 1933, Gaz. Pal. 1933, 2, 716. 62 ANTAKI, La contrepassation des effets de commerce dans le compte courant, EP Orient 1968/5 408. 63 Cass. civ. lib. 21 avr. 1988, Al Adl 1989, 252 ; Rev. jud. lib. 1988, 397 ; 28 mars 1988, Rev. jud. lib. 1988, 397 ; 14 nov. 1968, Baz 1968,

262.

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fond (64). C'est en débitant le compte du remettant que le banquier marque sa volonté d'opter pour la contrepassation. Aucun délai n'est imposé au banquier escompteur pour contrepasser. Il en conserve la possibilité tant que la prescription n’est pas accomplie. L'option du banquier pour la contrepassation est irrévocable. Après avoir contrepassé, il ne pourrait porter à nouveau l'effet au crédit du compte puisqu'il est dépourvu de droit sur le titre (65). Il faudrait l'accord des deux parties pour que soit rétractée la contrepassation (66).

340 Faillite du récepteur. Si le banquier récepteur de l'effet impayé tombe en faillite, et qu'à ce moment, le

compte du remettant se solde en faveur de celui-ci, les créanciers du récepteur pourront trouver avantage à ne pas contrepasser, et à payer au remettant le solde par dividende, puis exercer contre le ou les autres débiteurs de l'effet les droits afférents (67). Le droit à contrepassation est d’ailleurs reconnu même au cas où le remettant a été déclaré en faillite avant le non-paiement des effets: d'abord, parce que la contrepassation n'est pas assimilable à une compensation à laquelle le dessaisissement ferait obstacle, mais, est l'annulation d'une écriture qui apparaît sans cause; ensuite, parce que la jurisprudence récente admettrait même la compensation après faillite quand il y a connexité suffisante entre les créances réciproques (68).

341 Contrepassation en cas de faillite du remettant. Aux termes de l’article 301 alinéa 2 c. com. lib.: « En

cas de faillite du remettant, le récepteur ne peut, nonobstant toute convention contraire, contrepasser les effets reçus par lui qu'une fois leur échéance arrivée et constaté le défaut de paiement. Lorsque des effets ont été ainsi contrepassés, le récepteur doit diminuer sa production à la faillite du remettant au fur et à mesure des versements opérés par les signataires des effets ». De la lecture de ce texte, il résulte que le remettant a la faculté soit de produire à la faillite soit de contrepasser. Le banquier escompteur est en droit de produire à la faillite du remettant pour le montant de l’effet escompté. Le banquier a le droit de conserver à titre de garantie l’effet contrepassé et de poursuivre les signataires autres que le remettant sans avoir à diminuer sa production à la faillite de celui-ci, tant qu’il n’aura pas encaissé le montant total de sa créance sur le remettant sous les deux réserves suivantes: d’une part, le récepteur, en cas de faillite du remettant, ne peut contrepasser le montant des effets reçus avant l’échéance de ceux-ci et avant que le défaut de paiement n’ait été constaté et ce, nonobstant toute convention contraire; d’autre part, il oblige le récepteur à diminuer sa production à la faillite du remettant au fur et à mesure des versements effectués par les signataires de ces effets. SOUS-SECTION 2 - INTERETS DU COMPTE COURANT Le régime des intérêts du compte courant (Paragraphe 1) déroge au droit commun sur un point: les intérêts courent de plein droit sur la position créditrice du compte courant. On se demandera par la suite si les intérêts peuvent être capitalisés (Paragraphe 2). Paragraphe 1 - Régime des intérêts

342 Cours de plein droit des intérêts. Aux termes de l’article 302 c. com. lib.: « Les remises sont de plein

droit productif d’intérêt au profit du remettant et à la charge du récepteur ». Ainsi, ce texte consacre le principe même des intérêts et décide qu’ils courent de plein droit c’est-à-dire sans besoin d’aucune formalité: mise en demeure, protêt ou autres. En outre, cet article pose le postulat selon lequel l’intérêt peut ne pas être stipulé. En effet, l’élément productif d’intérêt n’est pas la convention écrite ou orale prévoyant les intérêts mais les remises. Ce qui veut dire que les simples remises créent au profit du remettant le droit aux intérêts. Les intérêts courent non point à dater de leur exigibilité mais à compter de la date de réception des sommes d’argent (69). Cette production d’intérêts indépendamment de toute stipulation écrite distingue le compte courant du prêt à consommation. En effet, dans ce dernier cas, l’article 766 c. oblig. c. énonce: « Dans le prêt de consommation il n’est pas dû d’intérêts, s’il n’en a pas été stipulé ». Ici, la stipulation est nécessaire pour prétendre au principe même de l’intérêt c’est-à-dire que les parties doivent convenir expressément que la somme prêtée est productive d’intérêts. Le droit français ne contient pas de texte similaire mais une                                                             64 Cass. com. 19 déc. 1967, Bull. civ. III, n° 423, RTD. com. 1968. 385, obs. BECQUE et CABRILLAC. 65 Montpellier 11 févr. 1964, JCP G 1964, II-13649, note RIVES-LANGE. 66 Cass. com. 27 févr. 1961, Bull. civ. III, n°106 ; Banque 1963, 201, obs. MARIN; RTDcom. 1961 944, obs. HOUIN. 67 FABIA et SAFA, ibid. n° 7. 68 FABIA et SAFA, sous art. 501 et 502 c. com. lib. note 132 et s. 69 Cass. lib. 31 déc. 1956, Rec. Chamsedine, 1985, 220.

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jurisprudence constante se fondant sur l’usage bancaire admet que la position débitrice d’un compte courant notamment bancaire, donc, le découvert, est productif de plein droit d’intérêts (70). Cependant, cette solution est limitée: d’une part, le cours de plein droit des intérêts ne met pas en échec la réglementation des dépôts à vue par les banques. Ainsi, la position créditrice pour le client d’un compte courant bancaire ne produit pas d’intérêts (intérêts dits créditeurs) que dans la mesure très restreinte où cette réglementation l’autorise. D’autre part, le taux doit être fixé par la convention, à défaut, il sera fixé par les usages ou à défaut il s’agira du taux légal.

343 Taux de l’intérêt. Aux termes de l’article 302 c. com. lib.: « Les remises sont de plein droit productives

d’intérêts.. au taux fixé par la convention ou les usages, ou, à défaut, au taux légal ». Il en résulte que le taux peut être fixé de deux manières: dans le cadre d’une stipulation et en dehors d’une stipulation écrite.

344 Stipulation du taux. La question se pose de savoir si le montant du taux est astreint à une certaine limite

ou s’il est libre? En droit libanais, seul le taux légal fait l’objet d’une délimitation. L’article 257 c. com. lib. énonce: « Le taux légal de l’intérêt en matière commerciale est de 9% ». L’article 257 n’ayant limité que le taux de l’intérêt légal, on doit admettre que celui de l’intérêt conventionnel est devenu libre tout au moins en matière commerciale (71).

345 Acceptation du taux. Le client qui proteste contre la modification unilatérale du taux conventionnel

d’intérêts et reçoit les relevés de compte lui permettant d’identifier le taux d’intérêt ainsi pratiqué par la banque mais néanmoins continue à travailler avec la banque, est réputé avoir accepté le contenu des relevés dont le taux d’intérêts inclus (72). Le silence gardé par le client après réception des relevés de compte sans protestation est interprété comme une acceptation tacite du client (73).

346 Variation du taux. La jurisprudence libanaise sanctionne par la nullité, la clause par laquelle la banque se

réserve le droit de fixer et de modifier unilatéralement le taux d’intérêt parce qu’elle est contraire aux dispositions de l’article 189 c. oblig. c. aux termes duquel l’objet doit « être suffisamment déterminé ». Or cette détermination se fait non en fonction de la volonté unilatérale de la banque mais par la réunion de volontés de toutes les parties concernées (74). Cependant, si le client reçoit les relevés de compte sans réserves de sa part, il est réputé avoir accepté les taux pratiqués par la banque. Cette acceptation et les effets qui en découlent couvre la nullité tirée de la violation de l’article 189 sus-visé (75). La jurisprudence française va dans le même sens (76).

347 Absence de stipulation du taux. A défaut de stipulation écrite, le taux sera déterminé en fonction des

usages de la place commerciale. Le cas échéant, le tribunal retiendra le taux légal de 9% tel que fixé par l’article 257 c. com. lib. Le taux légal ne s’applique que sur le solde définitif constitutif de la dette finale conformément aux articles 298 et 304 c. com. lib. et non point sur les montants du compte arrêté évoqué à l’article 305 c. com. lib. (77). En outre, en aucun cas, l’absence de stipulation du taux ne remettra en cause l’existence du compte courant (78).

348 Taux de l’intérêt post- contractuel. La cessation des relations contractuelles met fin au rapport

contractuel, il en résulte que l’on ne peut appliquer le taux prévu dans le contrat expiré (79). Il y a lieu d’appliquer le taux légal fixé en matière commerciale à 9% en vertu de l’article 257 c. com. lib. et ce,

                                                            70 Cass. civ. 24 juill. 1974 préc. ; Cass. com. 20 juill. 1983, JCP G 1983, IV-314 ; 15 juillet 1986, RTDcom. 1987, 87 D. 1987 somm. 91 obs.

VASSEUR ; 22 mai 1991 JCP E 1991, II-190 note STOUFFLET; D. 1991, 428 note GAVALDA. 71 FABIA et SAFA, sous art. 257 n° 12 bis ; Cass. lib. 22 févr. 1973, Rev. jud. lib .1973, 917 ; 27 nov. 1973, Al Adl 1974, 274 Rec. Hatem,

fasc. 148, 19 ; 4 févr. 1974 Rev. jud. lib. 1974, 1198. 72 Beyrouth 8 mars 1988, Rev. jud. lib. 1988, 702 ; Rec. Hatem, fasc. 206, 244. 73 Cass. civ. lib. 30 déc. 1997, Rec. civ. Sader 1997, 206. Contra. Beyrouth 9e ch.4 janv. 2011, Cassandre 2011/1,192.: Beyrouth 9e ch,2 sept.

2010,Cassandre 2010/9,1424. qui considère que la seule réception des relevés de compte non acceptés par le client sans protestation de ce dernier n’emporte pas en elle même acceptation du client. Cette même chambre estime que la clause relative aux modalités de l’envoi et de la réception des relevés est valable, elle fait présumer la réception des relevés par le client sauf preuve contraire. Beyrouth 9e ch., 23 mars 2010, Cassandre 2010/3, 639.

74 Mont-Liban 6 déc. 1995, Al Adl 1997, 84 note SAKR. 75 Mont-Liban 6 déc. 1995, précité. 76 Ass. plén. 1 déc. 1995, D. 1996, 13 concl. JEOL, note AYNES ; JCP G 1996, II-22565 concl. JEOL note GHESTIN. 77 Beyrouth 26 mai 1959, Rec. Chamsédine, 1985, 219 ; Bekaa 29 janv. 1965, Ibid, 208. 78 Cass. lib. 24 mars 1971, Rec. Chamsédine, 1985, 217. 79 Cass. 4e civ. lib. 17 nov. 2009, Cassandre 2009/11, 1804 ; JU Beyrouth 24 oct. 1994, Al Adl 1996, 225.

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conformément à l’article 305 alinéa 2 c. com. lib. (80). Néanmoins, si les parties ont expressément écarté l’application du taux légal, il y a lieu d’appliquer celui qui est pratiqué sur le marché bancaire (81) tel que déterminé par l’Association des banques du Liban (82) sauf clause contraire fixant un taux conventionnel. Dans ce cas, ce taux sera applicable après la cessation des relations jusqu’au paiement effectif total de la créance (83).

349 Taux commercial. Aux termes de l’article 4 de la loi n°5439 du 20 septembre 1982 relative aux

exemptions fiscales et dispositions visant à développer le marché financier libanais: « Nonobstant tout texte contraire, le taux d’intérêt est commercial s’agissant, les prêts consentis par les banques et établissements financiers inscrits sur la liste des établissements financiers, qu’ils soient garantis ou non par des sûretés personnelles ou réelles dont les hypothèques foncières ». Ainsi le contrat de prêt peut être civil mais son intérêt sera toujours commercial. Par conséquent, ce texte paralyse et rend inapplicables la loi du 24 juin 1939 sur l’usure et l’article 661 c. pén. lib. sanctionnant l’usure (84). Paragraphe 2 - Capitalisation des intérêts

350 Compte non clôturé et compte clôturé. L’article 768 c. oblig. c. (art. 1154 c. civ.) ne s’applique pas au

compte courant en cours de fonctionnement. En effet, la production des intérêts se fait de plein droit et leur inscription vaut paiement s’inscrivant directement dans le capital. En revanche, après la clôture du compte, l’inscription de l’intérêt au débit du client ne vaut pas paiement et les dispositions de l’article 768 c. oblig. c. d’ordre public, doivent s’appliquer (85). C’est une coutume contra legem, multiséculaire que la jurisprudence ne s’est pas résolue à condamner (86).

351 Montant des intérêts. La question se pose de savoir si le montant total des intérêts peut dépasser celui du

principal? La réponse est affirmative dans la mesure où aucun texte ne l’interdit (87). SECTION 3 - INDIVISIBILITE DU COMPTE COURANT Nous évoquerons la règle de l’indivisibilité (Sous-section 1) ses conséquences (Sous-section 2) et ses limitations (Sous-section 3). SOUS-SECTION 1 - REGLE DE L’INDIVISIBILITE

352 Notion. Aux termes de l’article 304 c. com. lib.: «Avant la clôture du compte courant, aucune des parties

ne sera considérée comme créancière ou débitrice de l'autre. L'arrêté de compte seul fixe l'état de leurs relations juridiques, produit de plein droit la compensation globale de l'ensemble des articles de crédit et de débit et détermine le créancier et le débiteur ». Ainsi, les contractants décident de regrouper leurs créances réciproques – principe de généralité – en un seul compte en vue d’opérer un règlement global, ce qui implique l’effet de paiement de la remise. Ce règlement global ne prend pas la forme d’une compensation au fur et à mesure de l’entrée des créances dans le compte: le compte courant est indivisible (88). Le droit français ne connaît pas de texte similaire mais la jurisprudence a maintes fois consacré ce principe. Le principe de l’indivisibilité s’exprime en deux règles: d’une part, toutes les remises en compte courant perdent leur indivisibilité pour former un bloc unique soumis à un régime particulier. Cette règle se prolonge logiquement dans cette idée que les remises, une fois entrées dans le compte ne peuvent plus être

                                                            80 Beyrouth 9e ch., 23 avr. 2009, Cassandre 2009/4, 729 ; Liban-Nord 25 avr. 1994, Rev. jud. lib. 1994, 148. 81 Mont-Liban 20 juill. 1995 Al Adl 1996, 124 note SAKR. 82 Beyrouth 9e ch., 15 juill. 2008, Cassandre 2008/7, 1646. 83 Cass. 4e civ. lib. 17 nov. 2009 préc. ; Beyrouth 9e ch., 3 févr. 2011, Cassandre 2011/2, 462 ; 27 août 2009, Cassandre 2009/8, 1477. 84 A ce propos, signalons que la Haute cour décide que la sanction de l’usure ne consiste pas dans la nullité de la stipulation d’intérêts mais

dans l’imputation des perceptions excessives sur les intérêts normaux alors échus et subsidiairement sur le capital de la créance, et si la créance est éteinte en capital et intérêts, dans leur restitution avec intérêts au taux légal du jour où elles auront été payées ; Cass. com. 11 oct. 2011, Banque et droit n° 141, janv.-fév. 2012, chro. D.bancaire 33 note BONNEAU.

85 Cass. civ. 12 déc. 2000, Al Adl 2001, 66 ; Rec. civ. Sader 2000, 751 sp. 753 ; Nîmes 20 déc. 1972, D. 1973, 466 note GAVALDA; Aix-en-Povence, 24 mai 1977, JCP G 1979, 1, 2965, n° 50 obs. GAVALDA et STOUFFLET.

86 STOUFFLET, Ibid. 87 Cass. lib. 6 juin 1991, Rep. drt banc., 736 mfn 02620 ; 7 juin 1983, Al Adl 1983, 337 ; Beyrouth 9e ch., 6 août 2009, Cassandre 2009/8,

1478 ; Beyrouth 20 déc. 1984, Rep. drt banc., 592 mfn 02505 ; 14 déc. 1982, Al Adl 1983, 60 ; JU Beyrouth 10 avr. 1997, Al Adl 1998, 494.

88 FABIA et SAFA, Le compte courant en droit libanais, Al Mouhami 1962, 1 ; ANTAKI, Le principe de l’indivisibilité du compte courant et ses exceptions, EP Orient 1967/3, 877.

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extraites: c’est aussi en ce sens que le compte ne peut être divisé. C’est ce que la doctrine contemporaine désigne par l’expression « impossibilité d’extraire une créance (ou un article) du compte » (89). D’autre part, les divers articles du compte sont indépendants les uns des autres et participent aux règles générales du compte courant; la remise en compte ne constitue pas un paiement. Mais tous les articles étant inséparables, puisque le compte est indivisible, on peut facilement garantir par une sûreté le solde du compte. SOUS-SECTION 2 - CONSEQUENCES

353 Absence d’exigibilité jusqu’à la clôture du compte courant. La balance ne pouvant s’établir qu’à la

clôture du compte, aucune personne n’est créancière ni débitrice de l’autre (90). Le solde provisoire ne représente pas une créance susceptible d’exécution (91). Il ne peut donner lieu d’action en paiement (92). Le défaut d’exigibilité empêche que la prescription court avant la clôture du compte ou que s’opère une compensation entre le solde provisoire et une créance demeurée en dehors du compte (93).

354 Inapplication des nullités de droit. À défaut de droit susceptible d'exécution appartenant à la partie en

faveur de laquelle s'établit le solde provisoire, une remise en compte courant ne s'analyse pas en un paiement de ce solde. Dès lors, il n’y a pas lieu d’appliquer aux remises en compte courant la nullité de droit prévue à l'article 507 c. com. lib. sur la faillite de certains paiements accomplis en période suspecte (94), seule pourrait être appliquée la nullité facultative de l'article 508 c.com.lib. applicable à tous les actes à titre onéreux.

355 Insaisissabilité du compte courant. La jurisprudence considère que le solde provisoire constitue une

créance ou une dette selon la position du correspondant, apportant ainsi une certaine limitation à la règle de l’indivisibilité (95). La saisie du solde provisoire est donc possible (96). En droit libanais, et sous réserve du secret bancaire, l’article 887 nouv. c. proc. civ. admet la saisie du solde du compte courant sans autre précision. La généralité des termes permet de saisir tout solde, dont le solde provisoire. SOUS-SECTION 3 - LIMITATIONS A LA REGLE DE L’INDIVISIBILITE

356 Limitation jurisprudentielle. La jurisprudence elle-même fut incapable de se tenir au principe de

l’indivisibilité qu’elle avait proclamé. Par exemple, elle a admis qu'une sûreté constituée pour garantir un solde pouvait tomber sous le coup des inopposabilités de la période suspecte, lorsqu'elle se reportait à une dette antérieure à sa constitution (97). De même, jugé que si les versements effectués dans un compte courant font l’objet d’une demande individuelle dans le cadre d’une action en faillite, la cour peut valablement retenir une exception au principe de l’indivisibilité du compte courant (98).

357 Limitation conventionnelle. Les parties sont libre d’apporter des limites à l’application et aux effets de

l’indivisibilité sous réserve de ne pas inclure dans leur convention de compte courant des clauses mettant en échec la nature de ce contrat (art. 298 c. com. lib.), et de ne pas contrevenir aux dispositions impératives relatives à la contrepassation des effets non échus et l’imputation du produit des effets contrepassés (art. 301 al. 2 c. com. lib.). SECTION 4 - SOLDE PROVISOIRE Le solde provisoire est créditeur (Sous-section 1) ou débiteur (Sous-section 2).                                                             89 RIPERT et ROBLOT, 375 n° 2339; RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, n° 220. 90 Cass. 2e civ. lib., 17 déc. 2009, Cassandre 2009/12, 2056 ; Beyrouth 12 déc. 1968, Al Adl 1969, 538. 91 Beyrouth 19 déc. 1950, Rec. Chamsédine 1985, 209 ; JU Beyrouth 20 avr. 1953, Rec. Chamsédine, Ibid, 204. 92 Cass. com. 25 nov. 1974 ; Bull. civ. IV n° 298 ; RTDcom. 1975, 572 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE. Dans le même sens, Cass.

civ. 13 févr. 1996 Banque n° 570 mai 1996, 94 obs. GUILLOT. Sur la licéité d’une convention contraire, v Cass. com. 24 févr. 1975, Bull. civ. IV n° 55, RTDcom. 1975, 883 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE.

93 Cass. civ. 16 janv. 1940 D. 1942, 93 note HAMEL ; JV Metn, 12 nov. 2009, Al Adl 2011/3, 1409. 94 Comp. Cass. civ. 10 mai 1865, DP 65, 1, 230, S 1865, 1, 277 ; Cass. req. 22 févr. 1932, Gaz. Pal. 1932, 1, 833 ; Cass. com. 19 mars 1979,

JCP G 1979, I-2965, n° 44, obs GAVALDA et STOUFFLET. 95 Cass. com. 13 nov. 1973, Bull. civ. IV n° 325 ; RTDciv. 1974, 675 PERROT ; RTDcom. 1974, 136 obs. CABRILLAC et RIVES-

LANGE; Banque 1974, 311 obs. MARTIN. 96 Sur les difficultés de détermination de l’assiette de la saisie, v° RIVES-LANGE la saisissabilité du compte courant, D. 1974 chs. 102. 97 Cass. civ. 15 janv. 1940 et 1er oct. 1940, DC 1942, 93, note HAMEL. 98 Cass. civ. lib. 21 juill. 1988, Rev. jud. lib. 1988, 406 ; Beyrouth 8 déc. 1938, Rev. jur. lib. mixte v° Compte courant, n° 7.

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COMPTE COURANT

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SOUS-SECTION 1 - SOLDE PROVISOIRE CREDITEUR

358 Le solde provisoire constitue une créance disponible. Le correspondant dont le solde fait apparaître une

position créditrice dispose d'une véritable créance. Celle-ci est disponible et il pourra l'utiliser à sa guise. Le correspondant se trouve alors dans la position d'un véritable créancier. Les tribunaux l'ont reconnu dans des hypothèses très diverses (99). Un virement d’un compte à un autre compte serait également possible. De même, le solde provisoire est productif d'intérêts. Une sûreté stipulée par les parties dans la convention de compte peut garantir la créance que représente ce solde.

359 Le solde provisoire ne permet pas l’exercice d’une action en justice. La Cour de cassation considère que

l’existence d’un solde provisoire ne permet pas à la partie d’intenter une action en justice (100). En réalité, le correspondant n'est privé que de la faculté d'agir en justice. C'est pourquoi la prescription doit s'appliquer au solde provisoire, étant entendu que toute entrée en compte d'une nouvelle créance transformant le solde, interrompera la prescription et fera courir un nouveau délai (101). SOUS-SECTION 2 - SOLDE PROVISOIRE DEBITEUR

360 Période suspecte. Lorsque le solde provisoire fait apparaître une position débitrice, les mêmes principes

conduisent à mettre à la charge du correspondant une dette certaine, liquide et disponible. Une sûreté pourrait donc être consentie en garantie de cette dette. Le problème le plus important qui se pose alors est celui de la sûreté constituée au cours de la « période suspecte » qui précède le prononcé du règlement judiciaire ou de la liquidation du bien. En effet, la sûreté consentie en garantie d’un compte courant au cours de son fonctionnement peut être considérée sous certaines conditions, si le solde provisoire est débiteur, comme constituée pour une dette antérieure et, à ce titre, tomber sous le coup de l’article 507 alinéa 4 c. com. lib. qui frappe d’une nullité de droit lorsqu’elles ont été constituées depuis l’époque de la cessation des paiements, ou dans les vingt jours qui ont procédé cette époque c’est-à-dire pendant la période suspecte, « la constitution d’une hypothèse conventionnelle ou judiciaire, d’un gage ou d’un antichrèse sur les biens du débiteur pour garantie d’une dette préexistante. SECTION 5 - ARRET ET LIQUIDATION DU COMPTE Nous évoquerons, tour à tour, l’arrêt du compte (Sous-section 1) et sa liquidation (Sous-section 2). SOUS-SECTION 1 - ARRET DU COMPTE

361 Compte arrêté. L’article 305 c. com. lib. prévoit: «Le compte est arrêté et liquidé aux échéances fixées par

le contrat ou par les usages locaux, et, à défaut, à la fin de chaque semestre - La créance du solde constitue une créance liquide et exigible qui, du jour de la liquidation, produit intérêts au taux fixé par le compte courant, si ce solde est reporté à nouveau, ou au taux légal dans le cas contraire ». Ce texte est relatif aux comptes arrêtés par le tribunal (102). Jugé qu’un compte n’est arrêté au sens du présent article que s’il a été discuté, approuvé et ratifié par les deux parties dans des conditions impliquant leur volonté commune de fixer définitivement leur situation respective. Il en résulte que ne remplissent pas ces conditions les documents délivrés périodiquement par les banques pour faire le point de la situation d’un compte avec les intérêts acquis fussent-ils intitulés « arrêtés de compte » (103). Il en est de même en cas de retrait des fonds déposés par le client qui n’entraîne pas, en principe, la clôture du compte. Celui – ci est dit « soldé » et non clôturé (104). En outre, un compte inactif c’est-à-dire n’ayant pas enregistré d’opérations depuis un long délai n’est pas automatiquement clôturé (105).

                                                            99 Req. 12 nov. 1872, D. 1874, 1, 78 ; S. 1873, 1, 59 ; Agen 3 oct. 1979 D 1980, IR 200 obs. VASSEUR ; Cass. civ. 6 déc. 1988, Banque

1989, 339 obs. RIVES-LANGE ; Cass. civ. 21 juill. 1931, DP 1932, 1, 49 note HAMEL ; Paris 25 oct. 1967, Banque, 1968, 545 obs. MARIN; comp. Cass. com. 10 mai 1989 RTDcom. 1989, 695.

100 Cass. com. 25 nov. 1974, Bull. civ. IV n° 298 ; RTDcom. 1975, 883 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE. 101 RODIÈRE et RIVES-LANGE n°139 ; RIVES-LANGE, n°198 - Contra, GAVALDA et STOUFFLET n° 384. 102 Beyrouth 8 juill. 1955, Rev. jud. lib. 1955, 915. 103 Cass. civ. 7 juill. 1984, Bull. civ. I n° 236. 104 ESCARRA et RAULT, T. 6 n° 389. 105 Cass. com. 23 mars 1993 JCP E 1993, pan 659 et Chr. Dr. bancaire, I – 302 n° 10.

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COMPTE COURANT

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362 Exception de compte arrêté. L'exception de compte arrêté n'est ouverte que si les parties ont eu l'intention

de régler définitivement leurs relations. Cette intention fait généralement défaut pour les arrêtés périodiques qui tendent seulement à établir la position du compte à une date donnée (106). Toutefois, les circonstances pourraient impliquer une intention commune de règlement définitif, indispensable, pour que puisse être invoquée l’exception (107). L'approbation du client n'est pas nécessairement expresse. Le silence conservé au reçu du relevé du compte peut s'analyser en une acceptation d’un règlement définitif si le relevé révèle bien son caractère. En tout cas, il est indispensable que les deux parties aient été à même de discuter les éléments du compte, ce qui implique l'envoi au client d'un relevé complet des opérations (108). SOUS-SECTION 2 - LIQUIDATION DU COMPTE

363 Opérations de liquidation. La liquidation du compte courant consiste à déterminer et à évaluer les remises

réciproques incorporées dans le compte jusqu’à sa clôture. Il en résulte que si pour une raison ou une autre, on n’arrive à déterminer ces remises ainsi que leurs montants que postérieurement à la date de clôture du compte, par voie d’expertise, les effets de ces remises doivent rétroagir au jour de la clôture du compte. En effet, c’est à la date de la clôture que la créance est soldée et produit intérêts (109).

364 Intérêts. La créance du solde constitue une créance liquide et exigible qui, du jour de la liquidation, produit

intérêts au taux fixé pour le compte courant si ce solde est reporté à nouveau ou au taux légal dans le cas contraire, sauf accord des parties prévoyant un taux différent (110). SECTION 6 - CLOTURE DU COMPTE COURANT Nous envisagerons les causes (Sous-section 1) et les effets (Sous-section 2) de la clôture du compte courant. SOUS-SECTION 1 - CAUSES DE CLOTURE Aux termes de l’article 306 c. com. lib.: « Le contrat de compte courant prend fin à l’époque fixée par la convention et, à défaut d’un terme convenu, à la volonté de l’une des parties. Il prend également fin par le décès, l’incapacité ou la faillite de l’une d’elles ». La jurisprudence interprète les causes de manière restrictive (111).

365 Compte à durée déterminée. Si les parties ont prévu une durée déterminée au compte courant, il sera

clôturé de plein droit à l’expiration de cette durée sauf prorogation de la convention de manière expresse ou tacite, notamment, en continuant de se faire des remises réciproques sans nouvelle convention. La résiliation anticipée est constitutive de faute génératrice de réparation en cas de préjudice subi.

366 Compte à durée indéterminée. Dans le cas le plus fréquent où le compte est ouvert sans détermination de

durée, la clôture peut être provoquée unilatéralement par l’une des parties (112). Il s’agira le plus souvent de la banque (113). Il suffit de faire notifier sa volonté au correspondant (114). S’agissant d’un compte courant bancaire, le banquier devrait sauf faute caractérisée observer un préavis raisonnable (115) sous peine de responsabilité (116).

                                                            106 Cass. civ. 1er 17 juill. 1984, Bull. civ. I, 1984, n° 236. 107 Cass. civ. 2e 25 févr. 1954 Bull. civ. II, n° 81 ; Banque 1955, 312 ; 21 mai 1959, D. 1959, J, 526. 108 Toulouse 10 mai 1990, JCP G 91, IV-76. 109 Cass. civ. lib. 1er mars 1983, Rev. jud. lib. 1980/1987, 184 ; 17 mai 1968, Rec. Chamsédine, 1985, 207. 110 JU Beyrouth 14 févr. 1958, Rev. jud. lib. 1958, 247 ; Beyrouth 26 mai 1959, Rev. jud. lib. 1959, 152. 111 Beyrouth 27 juin 1991, Rev. jud. lib. 1990/1991, p 1024 ; Trib. 1re inst. Beyrouth 14 avr. 1999, Al Adl 1999, 499. 112 Paris 3 nov. 1949, D 1950, 113 ; ve aussi FABIA et SAFA sous art. 304 c. com. lib. n° 36. Ets. 113 Pour un exemple: Beyrouth 9e ch., 26 nov. 2009, Cassandre 2009/11, 1906. 114 Beyrouth 9e ch., 2 sept. 2010, Al Adl 2011/3, 1244 ; Mont-Liban 6 déc. 1995 Al Adl 1997, 84 note SAKR ; Trib. 1re inst. 14 avr. 1999, Al

Adl 1999, 499. 115 Cass. com. 20 mai 1980 D 1981, IR 185, obs VASSEUR. 116 JU Beyrouth 24 oct. 1994, Al Adl 1996, 225.

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367 Décès et incapacité. La simple survenance du décès ou de l’incapacité de la personne emporte clôture du compte courant même si la banque ignorait le décès de son client (117). Le décès emporte alors liquidation et libération du solde lequel produit des intérêts au taux légal sauf convention contraire. Au décès de la personne physique il faut assimiler la dissolution de la personne morale titulaire du compte.

368 Faillite. La faillite entraîne la clôture du compte courant (118). La demande de concordat préventif (art. 459

et s c.com.lib.) formulée par l'une des parties au compte courant, et l'obtention de ce concordat, ne mettent pas fin au compte courant de plein droit, car elles n'entraînent aucune incapacité du débiteur et ici évitent la faillite; mais l'autre partie pourrait à cette occasion provoquer la clôture du compte courant si tels faits étaient prévus par la convention comme devant entraîner cette clôture ou si le compte ayant été ouvert sans limite de durée, elle usait de son droit d'en requérir la clôture à tout moment (119). Le droit français rejette « toute distinction selon que les contrats ont été ou non conclus en considération de la personne » (120).

369 Liquidation. La question se pose de savoir si la liquidation entraîne, par elle même, la clôture du compte

courant? Le droit libanais est silencieux sur ce point. Le mandat du liquidateur comprend tous les actes nécessaires afin de réaliser l’actif et acquitter le passif (art. 928 c. oblig. c.). A cet effet, le liquidateur peut contracter des emprunts et autres obligations (sauf restrictions) mais seulement dans la mesure strictement requise par l’intérêt de la liquidation (art. 931 c. oblig. c.). En outre, l’article 939 c. oblig. c. oblige le liquidateur après la fin de la liquidation à remettre les comptes, livres, papiers, documents de la société dissoute au greffe du tribunal ou autre lieu sûr désigné par le tribunal sauf si les intéressés lui indiquent, à la majorité, la personne à laquelle il doit remettre ces documents. Ainsi rien ne nous permet de dire que le prononcé d’une liquidation judiciaire met fin immédiatement au fonctionnement du compte courant. Au delà, les textes semblent permettre au liquidateur de continuer à travailler en compte courant dans l’intérêt de la liquidation.

370 Non fonctionnement du compte. La question se pose de savoir si le non fonctionnement du compte

pendant une période longue peut être considéré comme un cas de clôture tacite? La jurisprudence répond par la négative (121). La position de la doctrine est nuancée (122). En réalité, pour décider s’il y a clôture tacite, il faut moins s’attacher à la durée pendant laquelle les remises ont cessé qu’à l’improbabilité de remises futures (123). La durée de l’absence de remises ne doit être considérée que comme preuve de l’improbabilité des remises et non comme critère de droit (124). Il en est de même de l’absence de réciprocité des remises qui peut révéler une clôture du compte. SOUS-SECTION 2 - EFFETS DE LA CLOTURE La clôture du compte courant a pour effet de fixer le solde du compte (Paragraphe 1) et de rendre exigibles les intérêts et commissions (Paragraphe 2). Elle rend nuls ou annulables les actes accomplis durant la période suspecte (Paragraphe 3) mais n’empêche pas la banque de procéder à la contrepassation des effets impayés (Paragraphe 4). En outre, les créances du solde pourront être réclamées avant leur prescription (Paragraphe 5). Si le client ne paie pas, la banque procèdera à la saisie (Paragraphe 6). Paragraphe 1 - Fixation du solde du compte

371 Créance. La clôture du compte courant fait apparaître un solde à quoi correspond pour la partie créditrice

une créance. Mais cette créance n’est pas nécessairement définitive, il faut que toutes opérations en cours et tous droits attachés au fonctionnement du compte soient complètement liquidés conformément aux dispositions de l’article 305 c. com. lib. A défaut d’accord sur le solde définitif, celui-ci sera fixé par le juge (125), in concreto, tenant compte de l’intention des parties et de leur relation habituelle (126). A ce propos, le

                                                            117 JU Beyrouth 14 févr. 1958 Rec. Chamsédine 1985, 218. 118 Cass. civ. 20 avr. 1948 D. 1948, 375 ; S 1948, 1, 129 ; RTDcom. 1948, 697 obs. HOUIN. 119 FABIA et SAFA art 305 et 306 note 36v. 120 Cass. com. 8 déc. 1987 D 1988, 52 note DERRIDA; JCP G 1988 II-20927 note JEANTIN ; RTDcom. 1988, 97 obs. CABRILLAC et

TEYSSIE. 121 Beyrouth 9e ch., 11 mars 2010, Cassandre 2010/3, 633 ; Trib. 1re inst. Beyrouth 14 avr. 1999, Al Adl 1999, 499. 122 ESCARRA et RAULT, T IV, 278 n° 450 ; RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 248 n° 265 ; DE JUGLART et IPPOLITO,

215 n° 203. 123 Cass. com. 23 mars 1993, RDBB 1993, 156 obs. CREDOT et GERARD ; RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD. 124 GAVALDA, JCP G 1963, I-1703, n° 10 ; RIVES-LANGE, Les problèmes juridiques posés par l’opération d’escompte, n° 393s. 125 Trib. 1re inst., 1re ch., Beyrouth 19 janv. 2011, Al Adl 2011/3, 1308.

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juge peut déduire l’acceptation de l’absence de contestation du solde durant la procédure judiciaire (127) ou de l’approbation du solde provisoire à une date déterminée (128). En revanche, cette créance est liquide et exigible (art. 298 c. com. lib.) (129). En principe, l’exigibilité de la créance ne court qu’à la clôture du compte courant (Art. 298 c. com. lib.). La clôture produit intérêts au taux convenu ou à défaut, au taux légal (130). Elle permet à la banque de poursuivre le client débiteur (131).

372 Preuve du montant du solde. Parfois, la banque fait accepter à son client une clause en vertu de laquelle

les livres et écritures de la banque constitueront le seul et unique moyen de preuve pour fixer son solde débiteur, dont le client reconnaît la validité et consent d’ores et déjà au solde qui s’en dégagera. La jurisprudence reconnaît la validité d’une telle clause (132) à la condition que les livres de la banque soient tenus conformément aux textes et lois en vigueur (133). En l’absence de pareille clause, les livres de la banque ne sont pas opposables au client non commerçant. Au surplus, si le client est commerçant, la prise en considération de ces livres n’est pas impérative, elle est laissée à la libre appréciation des juges (134). Paragraphe 2 - Intérêts et commissions

373 Intérêts post-contractuels. Dès la clôture du compte, les commissions dues à l’occasion du

fonctionnement de ce compte cessent de l’être (135). En revanche, le problème particulier des intérêts après clôture ne fait pas l’unanimité. Sauf convention contraire, le taux contractuel de l’intérêt n’est plus applicable à compter de la clôture du compte, le taux légal y est substitué (136). La capitalisation des intérêts n’est plus possible que dans les conditions de l’article 768 c. oblig. c. (137) ou 1154 c. civ. (138) et non dans les termes des articles 302 et 305 c. com. lib. En effet, ces articles constituent des exceptions à l’article 768 c. oblig. c. qui ne peuvent trouver application que si le compte courant continue à fonctionner et non pas en cas de sa clôture (139). Paragraphe 3 - Période suspecte

374 Inopposabilité de la période suspecte. Les actes accomplis par le débiteur pendant la période suspecte

suscitent la méfiance car le débiteur a pu être tenté de prolonger sa situation de façon ruineuse, d’avantager certains créanciers au détriment des autres etc. Aussi pour éviter ces hypothèses, le législateur a-t-il déclaré inopposables à la masse des créanciers certains actes de la période suspecte. Dans l’hypothèse qui intéresse la banque, il s’agit des paiements et des constitutions de sûreté.

375 Les paiements en cours de période suspecte. L’article 507 alinéa 3 c. com. lib. frappe de nullité de droit à

l’égard de la masse les paiements anticipés, sous quelque forme qu’ils aient été faits par le débiteur depuis l’époque de la cessation des paiements telle qu’elle a été fixée par le tribunal ou dans les vingt jours qui ont précédé cette époque. L’entrée en compte d’une créance anticipée pourrait tomber sous le coup du texte. La jurisprudence en a décidé autrement. Même non échue, la créance figure déjà au compte (140). Toutefois, si le correspondant avait connaissance de l’état de cessation des paiements du remettant au moment de la remise, une nullité facultative pourrait être prononcée en vertu de l’article 508 c. com. lib. (141).

                                                                                                                                                                                         126 Beyrouth 9e ch., 15 juin 2010, Cassandre 2010/6, 1191. 127 Beyrouth 9e ch., 16 mars 2010, Cassandre 2010/3, 620. 128 Cass. civ. lib. 20 avr. 2010, Cassandre 2010/4, 730. 129 Beyrouth 19 mars 1992, Rev. jud. lib. 1992, 88. 130 Cass. civ. lib. 12 déc. 2000 Al Adl 2001, 66. 131 Trib. 1re inst. 3e ch., Beyrouth, 25 oct. 2007 Al Adl 2011/3, 1312. 132 Cass. civ. lib. 31 oct. 1974, Rec. Chamsédine, 1985, 205. 133 Beyrouth 21 avr. 1967, Rec. Hatem, fasc. 71, 56. 134 Beyrouth 28 oct. 1970, Rec. Hatem, fasc. 112, 55. 135 STOUFFLET, préc. n° 121. 136 Cass. com. 17 mars 1981, Gaz. Pal. 1981, 2, Pan. 275 note AP: 11 juill. 1984, Gaz. Pal. 1985, 1, Pan. 5 obs. PIEDELIEVRE ; Cass. civ.

20 oct. 1987 D. 1987 IR 217 ; v aussi Trib. 1re inst. 6e ch. Mont-Liban 22 mars 2011 Al Adl 2011/3, 1359 ; Beyrouth 26 mai 1959, Rec. Chamsédine, Droit commercial 1985, 219.

137 Cass. civ. 12 déc. 2000, Al Adl 2001, 66. 138 Nîmes 20 déc. 1972, D 1973, 466 note GAVALDA ; Aix-en-Provence, 24 mai 1977, JCP G 1979, I-2965 obs. GAVALDA et

STOUFFLET ; Paris 14 mars 1978, RTDcom. 1978, 764. 139 Beyrouth 19 mars 1992 Rev. jud. lib. 1992, 88. 140 Cass. civ. 22 avr. 1884, D. 1885, 1, 230. 141 Art. 508 c.com.lib : « Tous autres paiements faits par le débiteur pour dettes échues et tous autres actes à titre onéreux par lui passés

après la cessation de ses paiements et avant le jugement déclaratif de faillite, pourront être annulés, si, de la part de ceux qui ont reçu du débiteur ou qui ont traité avec lui, ils ont eu lieu avec connaissance de la cessation de ses paiements ».

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376 Les sûretés en cours de période suspecte. La sûreté constituée en période suspecte sera déclarée nulle

relativement à la masse des créanciers soit en application de l’article 507 alinéa 4 c. com. lib. (142) – nullité de droit- si le solde provisoire était débiteur au moment de la constitution (143) soit en application de l’article 508 du même code -nullité facultative- si le créancier avait connaissance de la cessation des paiements.

377 Cautionnement. Parfois le compte courant est garanti par une caution pour la totalité ou partie de son

solde. Le cautionnement peut être conclu à durée indéterminée : la clôture du compte fixera le solde définitif et par là le montant de la dette garantie. Jusqu’à la clôture du compte, il n’y a ni créance ni dette, la caution ne peut donc être poursuivie (144). Cela ne prive pas les banques de stipuler expressément qu’elles pourront poursuivre le recouvrement du solde provisoire débiteur sur la caution et sur le correspondant avant la clôture du compte. Toutefois, par le jeu du droit des contrats la caution pourra révoquer son engagement. La révocation ne l’oblige plus pour le futur mais en revanche pour le passé: elle demeurera tenu de la dette principale telle que déterminée au jour de la révocation. Plus souvent, le cautionnement sera à durée déterminée, la caution ne sera alors tenue que de la dette déterminée pour la durée contractuellement fixée par les parties. Quelle que soit la modalité de la durée, déterminée ou indéterminée, deux problèmes se posent: d’une part, il faut déterminer la dette principale au jour de la révocation du cautionnement ou au terme fixé. A cet effet, il faut tenir compte de la liquidation des opérations en cours (145); d’autre part, il faut voir si la garantie n’est pas éteinte en totalité ou en partie par des remises subséquentes et si, de ce fait, des avances nouvelles n’ont pas déterminé le solde définitif (146). Paragraphe 4 - Contrepassation après clôture

378 Intérêt de la question. La contrepassation revêt pour la banque un très grand intérêt lorsque son

correspondant est déclaré en état de règlement judiciaire ou de liquidation des biens tout en conservant une position créditrice dans le compte courant. A supposer qu’un effet ait été escompté par la banque et que, de ce fait, le compte du client se trouve crédité de 10,000,000 L.L. son solde provisoire créditeur est ainsi de 30,000,000 L.L. Il est mis en faillite et par la suite, l’effet revient impayé. Si l’on appliquait les règles communes, il faudrait considérer que la banque a contre son correspondant une créance de 10,000,000 L.L. montant de l’effet impayé. Mais elle devrait, pour le règlement de cette créance subir les concours des autres créanciers, ce qui ne lui laisserait espérer qu’une satisfaction minime, un « dividende ». En revanche, elle devrait verser intégralement au syndic le montant de sa dette de 30,000,000 L.L., solde définitif du compte courant. Cette solution serait très désavantageuse pour la banque. La contrepassation ouvre des perspectives beaucoup plus favorables: la banque compensera sa créance de 10,000,000 L.L. avec sa dette résultant du solde et ramènera ainsi sa dette de 30,000,000 L.L. à 20,000,000 L.L. elle aura donc été intégralement désintéressée malgré le règlement judiciaire de son débiteur.

379 Possibilité de la contrepassation après clôture. L’article 301 c. com. lib. permet au récepteur de l’effet

impayé de le conserver à titre de garantie « et en exerçant les droits qui y sont attachés, d’en contrepasser le montant au débit du remettant ». La jurisprudence française admet la contrepassation lorsque l’effet impayé est arrivé à échéance avant le prononcé du règlement judiciaire ou de la liquidation des biens (147). Cette solution est justifiée par l’effet de la clause « sauf encaissement » qui est présumée stipulée toutes les fois que les effets de commerce sont remis au banquier pour recouvrement ou pour escompte (148). En

                                                            142 Art 507 alinéa 4 c. com. lib.: « Sont nuls de droit, relativement à la masse, lorsqu’ils auront été faits par le débiteur, depuis l’époque de

la cessation des paiements telle qu’elle a été fixée par le tribunal ou dans les vingt-jours qui ont précédé cette époque: 4- la constitution d’une hypothèque conventionnelle ou judiciaire, d’un gage ou d’un antichrése sur les biens du débiteur pour garantie d’une dette préexistante ».

143 Trib. 1re inst. Beyrouth 10 nov. 2000, Al Adl 2000, 530. 144 Cass. com. 25 nov. 1974, RTDcom. 1975, 572 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE. 145 A cet effet, la Cour de cassation invite les juges du fond à rechercher « si le compte ayant continué de fonctionner, le débit du solde

provisoire existant à la date de la révocation du cautionnement n’a pas été effacé au moins en partie, par des remises subséquentes du débiteur principal, et si de ce fait, la somme réclamée après la clôture définitive du compte ne résulte pas, dans une mesure à déterminer, d’avances effectuées par la banque postérieurement à la révocation de l’engagement de la caution » Cass. civ. 26 janv. 1977 RTDcom. 1977, 340 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE.

146 Cass. com. 8 oct. 1974 Bull. IV, 195 n°239, RTDcom. 1977, 561 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE. 147 Cass. civ. 16 mars 1852, 3 arrêts D 1852, 1,77 ; S 1852, 1, 258. 148 SYNVET, La contrepassation en compte courant: un vieux problème toujours d’actualité, in Mélanges DERRUPPE, GLN Joly 1991 p

193. Toulouse 23 nov. 1989, Banque 1990, 311 obs. RIVES-LANGE ; GAVALDA et STOUFFLET n° 328, 155.

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COMPTE COURANT

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revanche, cette faculté est exclue pour des effets non échus à la date du jugement déclaratif (149). La banque ne pouvant alors faire valoir une créance certaine: c’est seulement si l’effet est impayé à l’échéance que la créance de la banque contre son client prendra naissance (150). Toutefois, une clause autorisant la banque à contrepasser les effets non échus lors du jugement déclaratif est valable. La Cour de cassation a admis la validité de la clause en considérant que les parties pouvaient parfaitement prévoir la survenance de la faillite comme cause de résolution des opérations en vertu desquelles les effets de commerce avaient été remis au banquier (151).

380 Effets de la contrepassation. Si la contrepassation est réalisée avant le jugement déclaratif de faillite (ou le

jugement d’ouverture d’une procédure collective) du remettant de l’effet de commerce, la contrepassation de l’effet revenu impayé vaut paiement et prive ainsi en raison de l’effet novatoire de l’entrée en compte courant le banquier de tous ses droits sur les effets contrepassés, et donc de la possibilité d’exercer des recours cambiaires, en particulier contre les avalistes (152). En revanche, si la contrepassation est réalisée après le jugement, elle ne vaut plus paiement et le banquier conserve ses recours cambiaires (153) notamment si la contrepassation ne lui a pas donné entière satisfaction. Aussi, la banque pourra exercer les recours cambiaires et simultanément produire dans le règlement judiciaire ou la liquidation des biens pour obtenir le paiement complet de ce qui lui est dû mais seulement dans la limite de ce qui lui est dû (154) par application d’une théorie, dite des « co-obligés ». Au Liban, cette jurisprudence est consacrée par le texte de l’article 301 c. com. lib. (155). Paragraphe 5 - Prescription

381 Durée. La créance du solde d’un compte courant clos ne se prescrit pas par le délai de cinq années évoqué à

l’article 350 alinéa 1 c. oblig. c. aux termes duquel: « sont prescrits par cinq ans: les arrérages, intérêts, dividendes,… et, plus généralement les prestations payables par année ou à des termes plus courts » En effet, cet alinéa concerne les situations d’obligations périodiques exigibles annuellement ou en moins d’un an, alors que le solde du compte courant est exigible dans des termes différents qui le soumettent à la prescription de dix années à dater de la clôture du compte (156) et ce, conformément aux articles 262 c. com. lib. et 349 c. oblig. lib. (157) aux termes desquels: « en principe, la prescription s’accomplit par le délai de dix années ». En revanche, les intérêts constitutifs d’obligations périodiques se prescrivent par cinq années en vertu de l’article 350 du même code (158) sous réserve des intérêts capitalisés qui, à titre de principal, sont soumis à la prescription décennale. La prescription quinquennale ne s’applique qu’aux intérêts des créances dont le principe ou la quotité ne sont pas contestés par le débiteur (159). Si la prescription éteint toute dette d'une des parties envers l'autre (art. 360 et 361 c. oblig. c.), elle donne au contraire naissance à une créance fiscale sur la partie libérée. Paragraphe 6 - Saisie

382 Solde débiteur. Aux termes de l’article 887 nouv. c. proc. civ., le solde du compte courant peut faire

l’objet d’une saisie mais sans préjudice aux dispositions de la loi sur le secret bancaire (160). 383 Titre exécutoire. La question se pose de savoir si la convention de compte courant est un titre exécutoire et

à ce titre, est susceptible d’exécution devant le juge de l’exécution? Aux termes de l’article 847 nouv. c. proc. civ. et de l’article premier de la loi du 4 mai 1968 relative à l’exécution des contrats et engagements écrits: « Tout créancier d’un droit personnel ou réel né d’un contrat ou d’un engagement prouvé en vertu d’un titre a droit de demander l’exécution de ce titre à l’encontre de son débiteur directement par                                                             149 Cass. civ. 19 mars 1930, DH 1930, 225 ; 31 mars 1930, D 1930, 1, 119 note CHERON ; S 1931, 1, 130. 150 RIPERT et ROBLOT, 385 n° 2353. 151 Cass. civ. 14 oct. 1940 et 7 juill. 1942, DC 1943, 70 note CHERON. 152 Cass. com. 30 sept. 2008, Banque et droit n° 122 nov.-déc. 2008, 19 obs. BONNEAU. 153 Com. civ. 19 nov. 1988 ; D 1889, 1, 409, D 1889, 1, 159 ; La jurisprudence est constante depuis: Cass. com. 5 nov. 1991 JCP G 1993, 1,

3686 n° 23 obs. GAVALDA et STOUFFLET ; Com. 25 mai 1965, D 1965, 529, 2 arrêts. 154 Comp. Req. 19 mars 1928 D 1928, 1, 167 note CHERON ; 19 nov. 1988, D 1989, 1, 409. 155 Comp. Cass. civ. 13 févr. 1906, D 1907, 1, 169 note THALLER ; Com. 25 mai 1965, D 1965, 529, 2 arrêts, JCP 1966, II-14477 note

GAVALDA. 156 JU Kesrouan, 21 mai 2009, Cassandre 2009/5, 934. 157 Cass. lib. 26 mars 1969, Rec. Chamsédine, 1985, 214 ; Beyrouth 20 juill. 1967, Ibid, 216. 158 Beyrouth 9e ch., 23 mars 2010, Cassandre 2010/3, 638. 159 Cass. civ. 7 févr. 1967 D. 1967, 505. 160 Cass. civ. 28 juin 1972, Rec. Chamsédine, 1985, p 204.

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COMPTE COURANT

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l’intermédiaire du Bureau exécutif compétent ». Il en résulte que le titre n’est susceptible d’exécution que dans la mesure où il renferme un engagement ferme de la part du débiteur de payer une somme déterminée dans son montant et exigible. Or, la convention de compte courant n’est pas une reconnaissance de dette, le solde peut être toujours créditeur. En outre, par la convention de compte courant, les parties visent à régler une relation future basée sur les remises réciproques futures et donc éventuelles. Il en résulte que cette convention ne porte pas en elle-même sur une dette certaine et exigible, elle ne constitue pas un titre exécutoire dans le sens donné par la loi et ne doit pas être susceptible d’exécution (161).

384 Relevés de compte. Tant que le compte n’est pas clôturé, le relevé de compte n’est pas susceptible

d’exécution dans la mesure où il ne représente que le solde provisoire et non pas définitif. Une fois le compte clôturé, le relevé de compte en principal et intérêts devrait être susceptible d’exécution sous réserve des conditions suivantes: les relevés de compte doivent être périodiquement envoyés au client dans les termes de la convention; ils doivent contenir le taux d’intérêt et de commission et le cas échéant, le taux d’intérêt de pénalité en cas de dépassement du plafond autorisé et ce, conformément à l’arrêté n° 7630 du 27 juillet 2000 émané du gouverneur de la BDL; En outre, les relevés doivent être signés par le client (162). Parfois, la jurisprudence se base sur le silence du client pour conclure au caractère exécutoire du relevé (163).

385 Compte courant garanti d’une hypothèque. Un contrat d’hypothèque foncier en garantie du solde d’un

compte courant ne saurait justifier en lui-même l’exécution directe du relevé considéré comme un titre exécutoire, que dans la mesure où il est contracté en garantie d’une dette certaine, déterminée et exigible. Si le contrat d’hypothèque est prévu pour garantir une dette future, il sera valable comme hypothèque mais ne saurait en lui même servir d’un titre exécutoire en ce qui concerne la dette qu’il a pour objet de garantir (164).

                                                            161 Cass. lib. 27 avr. 1993, Al Adl 1993, 94 ; Liban-Nord 4e ch., 27 nov. 2008 Al Adl 2010/2, 713 ; Beyrouth 30 juill. 1970 Rev. jud. lib.

1972, 213. 162 Cass. lib. 17 mai 1968, Al Adl 1968, 686 n° 695 ; Trib. 1re inst. Beyrouth 11 mai 1970, Al Adl 1971, 153 n° 104 ; Trib. 1re inst. Beyrouth,

14 avr. 1999 Al Adl 1999, 499 ; Trib. 1re inst. Bekaa, 19 nov. 2007, Al Adl 2011/3, 1361. 163 Cass. lib. 24 mars 2000, Rec. civ. Sader 2000, 67 sp. 69 ; Cass. lib. 17 mai 1968, Rec. Chamsédine, 1985, 207 ; 31 oct. 1974, Al Adl 1975,

209 ; Rec Hatem fasc 158, 30 ; Liban-Nord 4e ch., 27 nov. 2008 préc. 164 Cass. civ. lib. 17 mai 1967, Al Adl 1968, 686.

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COMPTE DE DEPOT

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CHAPITRE 3 - COMPTE DE DEPOT 386 Définition. Le compte de dépôt dit aussi compte ordinaire de dépôt ((1) est un compte ouvert par un

banquier à un client et principalement alimenté par des dépôts de fonds dont les retraits s’opèrent normalement par des tirages de chèques ») (2). Il est généralement défini comme un compte qui a pour but « d’enregistrer les opérations de caisse qui diminueront ou augmenteront le dépôt initial » (3). Nous en envigagerons les caractéristiques (Section 1) et le régime (Section 2).

SECTION 1 - CARACTERISTIQUES 387 Compensation. Dans le compte de dépôt, la créance d’intérêts dont la banque est titulaire n’est pas

automatiquement payée (et donc éteinte) par sa seule inscription en compte, elle n’est éteinte que par compensation (4). Si le solde est déjà débiteur (ou insuffisamment créditeur) il n’y a point compensation, la créance demeure avec toutes ses caractéristiques et son régime juridique propre, notamment, elle ne peut être capitalisée qu’aux conditions de l’article 1154 c. civ. Ainsi, le compte de dépôt n’entraîne l’extinction des créances qui y sont portées que par compensation. C’est là une différence majeure avec le compte courant.

388 Disponible et différé. Le compte de dépôt ne comporte pas de différé mais seulement un disponible (5).

Pour entrer en compte, les créances doivent être certaines, liquides et exigibles, à défaut, elles restent en dehors du compte (6).

389 Généralité du compte. Dans le compte courant, les créances entrent en principe dans le compte

directement sans que soit nécessaire l’accord des parties. En revanche, un tel accord est en principe nécessaire pour qu'une créance entre en compte de dépôt, et le créancier peut laisser à son gré la créance hors du compte (7). Il faut toutefois observer que très souvent cet accord a été donné par avance, lors de la conclusion de la convention de compte et que, dès lors, l'entrée en compte de la créance présente un caractère automatique. Aussi pour qu'une créance reste hors du compte, le client doit l'indiquer par avance à son banquier (8).

390 Réciprocité des remises. La réciprocité des remises ne caractérise pas le compte de dépôt: ce n’est pas un

« élément nécessaire » de ce compte (9). Cette affirmation semble reposer sur le fait qu’il paraît difficile de caractériser les remises du banquier (10) d’autant plus que le compte de dépôt ne peut pas être en principe débiteur (11).

391 Indivisibilité. Le compte de dépôt n’est pas soumis au principe d’indivisibilité dont les conséquences

restent substantielles en matière de compte courant (12). SECTION 2 - REGIME JURIDIQUE 392 Solde du compte. Le solde du compte de dépôt est soumis à un régime qui se rapproche du solde du

compte courant: il est en principe insaisissable, il est à la disposition du client qui peut émettre des chèques sur le compte dont le solde est créditeur. C'est le solde qui est soumis aux règles de prescription. C'est également lui qui est productif d'intérêts même si le régime des intérêts du solde d'un compte de dépôt n'est pas entièrement identique à celui des intérêts du solde d'un compte courant. Autrement dit, le solde est indivisible, non exigible et disponible (13). A la clôture du compte, la banque doit restituer le solde                                                             1 CORNU, Vocabulaire juridique, PUF 1996, v Compte de dépôt, ou compte de chèques. 2 GAVALDA et STOUFFLET, 159 n° 337 ; STOUFFLET, Comptes ordinaires de dépôts JCL Banque-Crédit-Bourse, vol 1 fasc. 200. 3 RIVES – LANGE et CONTAMINE – RAYNAUD, 262 n° 276. 4 Cass. com. 4 déc. 1990 Banque 1990, 428 obs. RIVES-LANGE. 5 RIVES– LANGE et CONTAMINE – RAYNAUD, 263 n° 278 . 6 On a cependant observé que la pratique bancaire recourt parfois à la technique du différé pour le compte de dépôt ; v BELOT, Compte de

dépôt et compte courant en matière bancaire, Rev. jurisp. com. 1985, 41 et sp, 44. 7 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, Ibid. 8 BONNEAU, 211 n° 346. 9 RIVES – LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, Ibid. 10 BELOT, art. préc., 45 n° 13. 11 BONNEAU, 212 n° 348. 12 GAVALDA et STOUFFLET, n° 338, 160. 13 BONNEAU, 213 n°352.

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COMPTE DE DEPOT

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créditeur; l’appropriation indue de ce solde caractérise le délit d’abus de confiance, peu important que durant le fonctionnement du compte, la banque ait eu la libre disposition des fonds (14).

393 Intérêts débiteurs. Les intérêts ne courent pas de plein droit. Une stipulation expresse est nécessaire (15) et

ils ne sont capitalisables que dans les conditions particulières fixées à l’article 1154 c. civ. (16) ou 768 c. oblig. c.

                                                            14 Cass. crim. 20 juill. 2011, RDBF nov.-déc. 2011, comm. 185 note CREDOT et SAMIN. 15 Cass. com. 4 déc. 1990, Banque 1991, 324 obs. RIVES-LANGE. 16 Cass. civ. 1er, 4 déc. 1990, Banque 1991 p. 428 obs. RIVES-LANGE.

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COMPTES SPECIAUX

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CHAPITRE 4 - COMPTES SPECIAUX On distingue les comptes épargne (Section 1), les comptes multiples (Section 2) et les comptes à titulaires multiples (Section 3). SECTION 1 - COMPTES EPARGNE

394 Compte épargne et plan d’épargne. Il existe des formes de dépôt en faveur des épargnants destinés à

favoriser la concurrence des banques aux caisses d’épargne et à orienter l’épargne vers certaines formes de placement. Ainsi par exemple, le compte épargne logement, les comptes épargne à long terme ou plans d’épargne (1). Le compte épargne – logement vise à encourager tout citoyen libanais, majeur ou mineur, résident ou non résident à l’épargne, en prévision (et dans l’intention) d’un crédit futur pour l’achat, la construction ou la rénovation de sa demeure au Liban (2). Les comptes d’épargne à long terme ou plans d’épargne sont ouverts auprès des banques par les personnes physiques ou les associations à but non lucratif (art. 166 c. monn. créd.). Il arrive qu’un grand parent souscrive un plan d’épargne logement au nom de l’un de ses petits-enfants mineur et verse, par virement, de sommes au crédit dudit plan, la jurisprudence considère les opérations comme constitution d’un don manuel au profit du mineur, elle en déduit que, le souscripteur ne peut, dès lors, récupérer les sommes versées sans l’accord préalable du titulaire du plan ou de sous-représentant légal (3). La simple ouverture d’un compte épargne ne suffit pas en elle-même pour que le compte ainsi ouvert soit juridiquement qualifié de compte épargne. Encore faut-il que les parties aient voulu « travailler » en compte épargne (4). La seule volonté d’ouvrir un compte épargne ne suffit pas, les parties doivent conférer au dépôt la nature d’épargne (5).

395 Dépôt. Le dépôt de fonds dans le compte épargne nécessite une remise. Cette remise n’est pas soumise à

une forme particulière. Elle peut avoir lieu en espèces ou par virement. Néanmoins, dans ce dernier cas, le virement doit nécessairement être effectué en la même devise du compte épargne (6).

396 Ouverture de crédit. Des articles 166 et 167 c. monn. créd., il résulte que le compte épargne est un contrat

réel dans la mesure où il constitue un contrat de dépôt qui repose sur la remise de la chose déposée par l’épargnant. Il n’en demeure pas moins que la banque peut valablement ouvrir un compte épargne en contrepartie d’un crédit accordé à son client ou même en contrepartie d’obligations à sa charge devenues exigibles ou profit du bénéficiaire (7).

397 Livret d’épargne. L’ouverture du compte épargne donne lieu à la délivrance par la banque d’un livret

personnel au titulaire du compte. Le livret d’épargne constitue le titre de créance du déposant (art. 168 c. monn. créd.). Il en résulte que la créance ne peut exister indépendamment du livret (8). Celui-ci représente la créance avec laquelle ils forment un tout indivisible (9). Constituant un véritable titre de créance, le déposant peut valablement sur base dudit livret enclencher par devant le juge des référés une procédure de référé provision (10).

398 Force probante. Le livret d’épargne n’est pas un acte authentique mais un acte sous seing-privé (11). Il

jouit d’une force probatoire absolue à l’égard de la banque (12). Cela, d’autant plus que le livret émane de la banque par l’intermédiaire de ses propres employés de sorte que le juge peut valablement ne retenir que ledit livret comme moyen de preuve à l’exclusion de tout autre moyen (13). Le livret est prévu dans l’intérêt des deux parties: la banque exige le livret pour payer et le client s’en prévaut pour protéger son compte de

                                                            1 BOUTEILLER, Comptes spéciaux, JCL Banque-Crédit-Bourse, vol 1 fasc 230. 2 Arrêté n° 6180 du 31 mai 1996. 3 Cass. 1e civ. , 6 janv. 2010, RDBF mai-juin 2010, comm. 82 note CREDOT et SAMIN. 4 Art. 167 c. monn. créd.: « sont des dépôts d’épargne les fonds déposés en vue de se constituer un capital ». 5 Beyrouth 16 juin 1998 Al Adl 1998, 256. 6 Trib. 1re inst. Beyrouth, Rec. Zein, vol 10, 343 n° 94. 7 Trib. banc. spéc. 6 juill. 2000, Al Adl 2000, 500. 8 BOUZAMEL, Le régime juridique du livret d’épargne en droit libanais, 1991. 9 Cass. lib. 5 mars 1998, Rec. civ. Sader 1998, 59 ; Beyrouth 23 janv. 1989, Rec. Hatem, fasc. 197, 448 ; Trib. banc. spéc. 6 juill. 2000,

préc.; 7 mars 1997, Al Adl 1998, 293 ; Trib. 1re inst. 3e ch., 4 mars 2010, Al Adl 2010/2, 750. 10 Beyrouth 13 juin 1988, Rec. Chamsédine, 1995, 225. 11 Beyrouth 31 mars 1988, arrêt préc.. 12 Cass. lib. 5 mars 1998 ; Beyrouth 23 janv. 1989 ; Trib. banc. spec. 6 juill. 2000, arrêts préc. ; Trib. 1re inst. 3e ch., 4 mars 2010, préc. qui

est d’ordre public,Beyrouth 12 févr. 1997, Rev. jud. lib. 1997, 908. 13 Trib. 1re inst. Beyrouth 23 mars 1987, Rec. Hatem, fasc. 195, 309.

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COMPTES SPECIAUX

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sorte qu’aucune opération ne puisse avoir lieu sans présentation de ce livret (14). Aussi, il n’est requis du client pour prouver les dépôts que de se prévaloir des écritures qui sont apportées sur le livret dans la mesure où la loi lui confère une force probatoire absolue (15).

399 Opérations sur livret. Les versements et les retraits ne peuvent être effectués que sur présentation du livret

au guichet émetteur sur lequel seront transcrites toutes opérations, le retrait par chèques ou virements étant interdits (art. 169 c. monn. créd.). Il en sera ainsi même si la personne se présentant au guichet dispose d’une procuration à cet effet de la part du titulaire (16). Il en résulte que la banque ne peut verser des fonds en l’absence du livret (17) ni effectuer de virement à partir du compte épargne (18) sous peine de responsabilité (19) et de restitution de l’ensemble des sommes qu’elle aurait ainsi versées (20). En revanche, lorsqu’il résulte des circonstances, que le client s’est désisté de son droit de présenter le livret pour chaque opération, la responsabilité de la banque ne saurait être engagée. En effet, les dispositions de l’article 169 c. monn. créd. étant prévues à l’origine dans l’intérêt des parties (21), elles ne sont pas d’ordre public. Les parties peuvent donc valablement convenir de ne pas recourir au livret pour chaque opération (22). Mais jugé que faute d’obtenir l’accord du client, la banque ne peut unilatéralement adopter une réglementation mettant en échec le fonctionnement du livret tel que prévu par les articles 168 et 169 c. com. créd. (23).

400 Unité de compte et compensation. En l’absence de convention expresse, les comptes ouverts auprès d’une

banque au nom d’un même titulaire ne font pas l’objet de compensation entre eux (24). Il en est surtout ainsi du compte épargne dont le mécanisme repose exclusivement sur des opérations de versements et de retraits de fonds. En effet, les comptes d’épargne ont été créés par le législateur avec la finalité d’aider ou de développer l’épargne publique (25). Cependant, la spécificité du compte épargne ne le soustrait pas à la compensation légale des articles 329 et s. c. oblig. c. (art. 330 et 332 c. oblig. c.) dans la mesure où aucun texte de loi ne l’interdit de manière expresse (26). Ainsi les parties peuvent valablement conclure un accord de compensation entre les comptes. Un tel accord est pleinement valable (27). La compensation nécessitant le retrait des fonds inscrite au compte épargne, celle-ci ne peut valablement s’effectuer que sur présentation du livret d’épargne (28). De même, la compensation sera valable en cas d’acceptation expresse ou tacite du client (29). En outre, la Cour de cassation libanaise relevant la différence de texte avec le droit français relève que le code de la monnaie et du crédit n’interdit pas les conventions débouchant sur une compensation conventionnelle dite compensation in futurum soumise alors aux dispositions dudit code (30).

401 Garantie. S’il est vrai que le compte épargne et le compte courant sont deux comptes complètement

indépendants l’un de l’autre et régis respectivement par des conditions distinctes, il n’en demeure pas moins qu’il n’existe en droit libanais aucun texte législatif interdisant à la banque et au client de convenir expressément entre eux que l’un des comptes garantira l’autre, de sorte que le montant de l’un ne soit restitué qu’après paiement de l’autre et ce, afin de faciliter les opérations commerciales et bancaires. La jurisprudence admet la validité de cet accord en précisant qu’il n’est contraire ni à l’ordre public ni aux articles 168 et 169 c. monn. créd. (31). Il en résulte que les parties peuvent convenir du blocage de tout ou partie du compte épargne en paiement des débits enregistrés sur d’autres comptes appartenant au même titulaire du livret d’épargne (32). Jugé que le simple blocage du compte d’épargne ne signifie pas que les

                                                            14 HAJJ-CHAHINE, Force probante des écritures comptables portées au livret d’épargne, Beyrouth 1993, vol 15, 50. 15 Cass. lib. 5 mars 1998 arrêt préc. 16 Beyrouth 13 juin 1988, Rec. Hatem, fasc. 196, 386. 17 Beyrouth 13 juin 1988, Rec Hatem, fasc 196, 386. 18 JU Beyrouth 12 mars 1998, Rev. jud. lib. 1998, 347. 19 Trib. 1re inst. Beyrouth 22 janv. 1996, Rev. jud. lib. 1996, 1003. 20 Trib. 1re inst. Beyrouth 7 nov. 1991 Rec. Hatem fasc 206, 241 ; Rec. Chamsédine, 1995, 214. 21 Cass. lib. 5 mars 1998, arrêt préc.. 22 Trib. 1re inst. Mont-Liban 10 avr. 1991, Rec. Chamsédine, 1995, 216 ; Rec. Hatem fasc. 204, 88. 23 Mont-Liban 23 janv. 1989, Rec Hatem, fasc. 206, 238s. 24 SOUMRANI, Compensation du compte épargne avec les autres comptes de l’épargnant, EP Orient 1992 vol 45, 73. 25 Réf. Beyrouth 23 mars 1988, préc. ; 29 févr., Rec. Hatem, fasc. 194, 232s sp, 237 note SOUMRANI; Al Adl 1988, 231 ; TYAN, 1002 n°

843. 26 Beyrouth 13 mars 1989, Rec Chamsédine 1995, 210. 27 JU Beyrouth 23 mars 1988, Al Adl 1988, 69. 28 JU Beyrouth 19 févr. 1988, Al Adl 1988, 231. 29 Beyrouth 16 févr. 1995, Rec. Hatem, fasc. 213, 709 ; Al Adl 1995, 143 ; Rec. Chamsédine 1995, Ibid, 211. 30 Cass. lib. 28 mai 1992, Rec. Hatem, fasc. 213, 706. 31 Cass. lib. 27 mai 1993, Rec. Hatem, fasc. 212, 631ets ; Rec. Chamsédine, 1995, 222. 32 Beyrouth 13 mars 1989, Rec. Hatem, fasc. 207, 284 ets note BOUZAMEL; Rec. Chamsédine, 1995, 209.

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parties ne veulent plus travailler en compte d’épargne. La nature de ce compte reste inchangée sauf volonté contraire expresse (33).

402 Circulation du livret d’épargne. Aux termes de l’article 168 c. monn. créd., le livret d’épargne n’est pas

transmissible (34) ni par cession (35) ni par endossement (36). 403 Exemptions. Aux termes de l’article 171 c. monn. créd., les comptes épargne sont exemptés de l’impôt sur

le revenu institué par le décret-loi n 144 du 12 juin 1959 (37). Néanmoins, les intérêts sont désormais soumis à une taxe de 5% en vertu de l’article 51 de la loi n° 497 du 30 janvier 2003 relative au budget de 2003.

404 Responsabilité. La banque qui ne se conforme pas aux règles régissant le compte épargne se voit infligée

les sanctions disciplinaires des articles 208 et 209 c. monn. créd. Les sanctions n’empêchent pas la poursuite de la banque devant les tribunaux compétents notamment, sur le terrain de la responsabilité (38). SECTION 2 - COMPTES MULTIPLES

405 Présentation. Exerçant différentes activités civiles ou commerciales, une même personne peut légitimement vouloir séparer les opérations bancaires qui s’y rapportent (39). A cet effet, elle pourra demander l’ouverture de plusieurs comptes dans un même établissement de crédit soit dans la même agence soit dans les agences différentes. Dans cette hypothèse, la première question qui vient à l’esprit est de savoir si la multiplicité des comptes altère leur indépendance? En principe, les divers comptes ouverts à la même personne sont indépendants les uns des autres et leurs soldes sont autant de créances ou de dettes distinctes (Sous-section 1). Cependant, les parties peuvent créer un lien entre les comptes (Sous-section 2). SOUS-SECTION 1 - AUTONOMIE DES COMPTES

406 Principe. La multiplicité des comptes n’altère pas leur indépendance. Chaque compte fonctionne de manière propre et indépendante par rapport à l’autre, abstraction faite du lieu, de la tenue des comptes et de la même et unique identité de leur titulaire (40). Cette solution est justifiée par la volonté du titulaire des comptes qui a voulu les faire fonctionner de manière indépendante.

407 Conséquences. Ce principe a des conséquences pratiques fort importantes: - la compensation entre les comptes ne joue pas en cas de redressement judiciaire du client sauf éventuellement après clôture des comptes (41). - La provision d’un chèque ne sera pas appréciée en fonction de la situation d’ensemble du client mais en fonction du seul compte sur lequel le chèque est tiré (42). - Les intérêts ou agios sont calculés de manière distincte au regard de la position de chacun des comptes. Ainsi, par exemple, la banque ne peut refuser le paiement des intérêts d’un compte créditeur sous prétexte qu’un autre compte est débiteur (43).- Si un compte-créditeur fait l’objet d’une saisie, celle-ci ne saurait être levée au motif que le client est titulaire dans la même banque d’un autre compte créditeur.- Si le banquier n’affecte pas les différentes remises dans les différents comptes suivant les ordres de son client, sa responsabilité sera alors engagée même à l’égard des tiers (44).                                                             33 Trib. 1re inst. Beyrouth 16 mars 1995, Al Adl 1996, 179 note ABOU NAKOUL. 34 Cass. civ. lib. 20 nov. 1989, Rev. jud. lib. 1989, 41. 35 Cass. civ. lib. 5 mars 1998 arrêt préc. 36 Trib. 1re inst. Beyrouth 16 mars 1995, préc. ; JU Beyrouth 16 déc. 1993, Grands arrêts Vol. 10 p. 49. 37 Beyrouth 16 juin 1998, arrêt préc. 38 Trib. 1re inst. Beyrouth 7 nov. 1992, Rev. jud. lib. 1992, 739. 39 PARLEANI, Pluralité de comptes en banque ouverts à un même client, JCl Banque-Crédit-Bourse, vol 1 fasc. 250. 40 Cass. req. 13 mai 1879, D. 1880, 1, 29 ; 13 janv. 1925, DH 1925, J 97 ; Cass. com. 14 avr. 1975, Bull. civ. IV n° 98, 82 ; RTDcom. 1975,

881 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE. 41 CABRILLAC et RIVES-LANGE, RTDcom. 1975, 881 sous Cass. com. 14 avr. 1975. 42 Paris 26 juill. 1938, Gaz. Pal. 1938, 2, 556 ; Rouen 15 mai 1979 D. 1980 IR 125 obs. VASSEUR. 43 Paris 3 déc. 1963, JCP G 1964, II-13714 note GAVALDA ; Banque 1964, 116 obs. MARIN ; RTDcom. 1964, 596, obs. BECQUET et

CABRILLAC. 44 Cass. com. 18 mai 1954, Bull. civ. II n° 182, 137.

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SOUS-SECTION 2 - INTERDEPENDANCE DES COMPTES Paragraphe 1 - Accord de compensation des comptes

408 Notion. L’accord de compensation des comptes intéresse des comptes qui sont juridiquement distincts (45).

Par cet accord, les parties décident la fusion d’un compte débiteur avec un compte créditeur d’où l’appellation encore donnée à ce type d’accord de « lettre de fusion ». Ici, non seulement le client autorise la banque à compenser le solde créditeur de l’un des comptes avec le solde débiteur d’un autre compte mais, et surtout, il la rend maître de l’opportunité d’une telle compensation à tout moment. Tant que la banque n’a pas exercé cette faculté de compensation, les comptes restent juridiquement distincts. L’exercice de cette faculté entraîne la clôture de l’un des comptes au moins.

409 Limites. Si la jurisprudence admet la validité de cette accord et son opposabilité aux tiers, en revanche, son efficacité semble limitée. Pour certains auteurs (46) l’accord est mis en échec par la saisie. En effet, cet accord ne peut valablement s’appliquer que si les soldes des comptes sont disponibles or, une fois l’acte de saisie signifié à la banque, ils deviennent indisponibles. L’accord de compensation ne peut donc plus être appliqué à compter de cette date. Cependant, d’autres auteurs (47) estiment que la convention de compensation engendre une affectation des comptes à leur garantie réciproque qui crée un lien de connexité autorisant la compensation, nonobstant la saisie-arrêt frappant l’un des comptes sans qu’il y ait aucune raison de décider différemment que la saisie soit collective ou individuelle. D’autre part, l’efficacité de l’accord de compensation est discutée en cas de redressement judiciaire du titulaire du compte. Si on convient de ce qu’un tel accord ne peut pas être conclu pendant la période suspecte, les opinions divergent en ce qui concerne sa mise en œuvre: certains la réfutent (48) d’autres, l’admettent et prônent donc son opposabilité à la masse (49) allant même jusqu’à dire que l’accord de compensation peut être mis en œuvre « nonobstant le prononcé du redressement judiciaire du client » en raison de la connexité des dettes qui résulte de l’affectation des soldes à la garantie réciproque des parties (50). Paragraphe 2 - Accord de fusion des comptes

410 Notion. L’accord de fusion des comptes, dit également « lettre d’unité de compte », est le contrat en vertu duquel un même client ouvre auprès d’une banque plusieurs comptes réputés constituer de simples rubriques, sections ou sous-comptes d’un compte unique (51). Il en est de même de la convention de centralisation de trésorerie intra-groupe par nivellement automatique signée par une société mère pour elle-même, au nom et pour le compte de ses filiales, en parfaite connaissance de cause (52). Dès lors, tout se passe comme si un seul compte avait été ouvert. Il n’y a donc jamais qu’une position et qu’un compte unique à la fois entre les parties et à l’égard des tiers. Cependant, la simple ouverture de plusieurs comptes n’induit pas en elle-même à l’unité entre les comptes. Un accord explicite doit être signé à cet effet entre les parties lequel doit être interprété de manière restrictive (53). Ainsi l’accord de fusion des comptes est fondamentalement différent de l’accord de compensation. Dans le premier, les comptes demeurent distincts avec la faculté reconnue au banquier de réunir les soldes: la fusion n’est pas automatique, alors que dans le second, bien que formellement ouvert, les différents comptes ouverts ne constituent jamais que des sections ou rubriques d’un seul compte tenu par un même titulaire: la fusion est donc automatique. D’autre part, l’accord d’unité de compte a des effets plus étendus que la compensation. En pratique, il est toujours difficile de savoir si on est en présence d’un accord de compensation ou de fusion, il reviendra alors au juge de s’enquérir sur la commune intention des parties.

411 Effets. Les effets de l’accord de fusion entre les parties consiste à créer un compte unique. Les différents

comptes ainsi ouverts devront être appréciés en fonction de la situation globale du client. Par conséquent, le                                                             45 BONHOMME, Variations sur la compensation en compte, in Mélanges CABRILLAC, Dalloz-litec 1999, 425. 46 MARTIN, Des techniques d’affectation en garantie des soldes de comptes bancaires, D 1987 Chr XLI, 230 n°12. 47 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 183 n° 190. 48 MARTIN, n°11. 49 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, n° 183 note 7. 50 Cass. com. 9 mai 1995 Bull. civ. IV n° 130, 117 ; JCP G 1995, II-22448 rapport REMERY ; RDBB n° 52 nov.- déc. 1995, 221 obs.

CAMPANA et CALENDINI ; v aussi Cass. com. 3 juin 1997 JCP G II-22891, rapport REIMERY. 51 Cass. com. 4 oct. 1994, RTDcom. 1995, 168 obs. CABRILLAC. 52 Paris 5e ch., 15 déc. 2011, RDBF janv.-févr. 2012 comm. 1. 53 Cass. com. 16 mai 1960, Gaz. Pal. 1960, 2, 207 ; 24 janv. 1962, RTDcom. 1962, 483 obs. HOUIN.

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paiement d’un chèque se fera au vu des soldes fusionnés dans différents sous-comptes. Les intérêts seront calculés sur la base du solde résultant de la fusion des sous-comptes. L’action en paiement du solde débiteur de l’un des comptes couvert par la lettre d’unité de compte portera sur le solde global des comptes si celui-ci est débiteur et la banque ne peut réclamer le solde débiteur d’une des rubriques et pratiquer une saisie sur le solde créditeur d’une autre rubrique. La saisie ne peut porter que sur le solde global de l’ensemble des comptes (54). De même, les sûretés consenties à l’un des sous-comptes garantiront le solde fusionné. En outre, l’accord d’unité de compte est en principe opposable aux tiers. Il pourra être invoqué à l’égard d’un créancier saisissant ou d’un porteur de chèque (55). Le banquier pourra invoquer la fusion des soldes des comptes en un solde unique à la date du redressement judiciaire du client (56). En revanche, si l’accord d’unité de compte a été conclu en période suspecte, sa validité sera appréciée de la même manière que l’accord de compensation: si on prouve que le banquier connaissait, à la date de l’accord l’état de cessation des paiements du client, l’accord sera nul. SECTION 3 - COMPTES A TITULAIRES MULTIPLES Un même compte peut avoir plusieurs titulaires. Mise à part l’hypothèse, plutôt rare, du compte dont l’un des titulaires est nu-propriétaire et l’autre usufruitier, la pratique distingue surtout deux espèces de compte à titulaires multiples: le compte collectif ou indivis (Sous-section 1) et le compte joint (Sous-section 2). SOUS-SECTION 1 - COMPTE INDIVIS

412 Notion. Plusieurs personnes peuvent disposer d’un compte unique (57). Il en est ainsi par exemple des associés de fait qui peuvent ouvrir un compte indivis pour les besoins de leur activité commerciale exercée dans le cadre d’une société créée de fait. De même, un compte à l’origine individuel peut devenir collectif. Ainsi, le compte du de cujus devient à son décès indivis entre les héritiers. Conformément au droit commun, les comptes indivis ne peuvent fonctionner que sous la signature de tous les titulaires. Le retrait effectué par un seul titulaire engage la responsabilité de la banque (58). Cependant, si les co-titulaires veulent éviter les contraintes d’une telle règle, ils peuvent valablement désigner un mandataire de l’un d’entre eux voire un tiers. Si le compte est débiteur, les indivisaires seront tenus conjointement c’est-à-dire que le banquier doit diviser son action en paiement entre les co-titulaires. Au contraire, ils seront tenus solidairement dans deux hypothèses: si la solidarité passive et l’indivisibilité est stipulée comme c’est le plus souvent le cas et, si le compte a le caractère commercial notamment parce que les titulaires sont commerçants. Dans cette dernière hypothèse, la solidarité sera présumée. A la clôture du compte, le banquier ne peut pas se dessaisir du solde qu’avec l’accord de tous les indivisaires à moins qu’il soit justifié d’un partage régulier. SOUS-SECTION 2 - COMPTE JOINT

413 Relation avec la banque. Le compte joint est réglementé en droit libanais par la loi du 19 décembre 1961 relative à l’ouverture d’un compte joint. Il se caractérise par la solidarité qu’il instaure dans les rapports entre les co-titulaires du compte et la banque (59). Cette solidarité a un aspect actif dans la mesure où chacun des co-titulaires est créancier de la totalité du solde créditeur du compte et peut faire fonctionner seul le compte. C’est une application de la solidarité active prévue par les articles 11s c. oblig. c. (art. 1197 c. civ.). Chaque co-titulaire en sa qualité de dépositaire solidaire a le droit de disposer individuellement de l’ensemble des sommes portées au compte (60). La convention de compte joint ne se présume pas (61) et la solidarité qui en découle ne débouche pas sur un mandat apparent entre les associés, puisque chacun d’eux dispose d’un droit propre et personnel (62). Cette solidarité a aussi un aspect passif parce que chacun de ces titulaires est débiteur solidaire de la totalité du solde débiteur du compte (63).

                                                            54 Cass. com. 22 juin 2010, Banque et droit n° 133 sept.-oct. 2010, 35 obs. BONNEAU ; Cass. com. 2 mars 2010, Banque et droit n° 132,

juill.-août 2010, 19 obs. BONNEAU. 55 Paris 18 déc. 1967, Banque 1968, 383 obs. MARIN ; RTDcom. 1968, 385. 56 Paris 13 nov. 1990, RDBB n° 24, mars-avr. 1992, 62 obs CREDOT et GERARD; Nîmes 30 nov. 1966, Banque 1967, 198 obs MARIN. 57 BOUTEILLER, Comptes ayant plusieurs titulaires JCL Banque – Crédit – Bourse, vol 1, fasc 240. 58 Paris 7 juill. 1981 D. 1982, IR 355, VASSEUR ; RTDcom .1982, 595. 59 Mont-Liban 24 mai 1999, Al Adl 2000, 471. 60 Cass. lib. 22 avr. 1999, Rec. civ. Sader 1999, 111 sp, 113. 61 Cass. civ., Bull. civ. I n° 179, 122. 62 Cass. civ. lib. 22 avr. 1999, Rec. Zein vol 10, 363 n° 137. 63 Cass. civ. 6 mars 1996, Bull civ. I n°116, 82 excluant les dettes contractées dans l’intérêt exclusif de l’un des co-titulaires du compte joint.

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414 Relation entre les co-titulaires. La solidarité n’affecte pas les rapports personnels des titulaires du compte.

Les droits de chacun d’entre eux sont régis par la convention qui les unit (64). L’article 11 c. oblig. c., bien que permettant au créancier de demander le paiement de la totalité de la dette, ne lui permet pas pour autant de disposer de la totalité de la créance ; il est réputé être mandataire des autres créanciers en ce qui concerne la portion de la part qui lui revient. Ainsi le compte joint ne constitue pas une exception au régime matrimonial des libanais reposant sur la séparation des biens que dans la mesure où il permet à chacun des époux durant la vie conjugale, de dépenser pour les besoins de cette vie sauf convention contraire. Cependant, si cette vie commune se termine et qu’il y a séparation, chacun des époux restitue ce qu’il aurait personnellement apporté au solde du compte dans le respect des règles du droit commun (65). Dans cette optique, il y a lieu de considérer que chacun des époux pouvant se faire ouvrir un compte personnel sans le consentement de l’autre, le banquier dépositaire ne doit restituer les fonds déposés qu’à celui au nom duquel le dépôt a été fait (66).

415 Relation avec les tiers. A l’égard des tiers, la solidarité ne se présume pas sauf convention expresse. Par

conséquent, la seule qualité de co-titulaire d’un compte joint ne peut pas être source d’une obligation de solidarité passive à l’égard du bénéficiaire d’un chèque (67). Cependant, l’article 4 de la loi du 19 décembre 1961 a prévu un tempérament: « En cas de faillite de l’un des co-titulaires du compte-joint, la totalité du solde créditeur compte joint est réputée appartenir au co-titulaire failli sauf preuve contraire ». Le législateur a donc prévu une présomption de propriété des fonds au co-titulaire failli dans l’intérêt des créanciers. Présomption réfragable en cas de preuve contraire. Le législateur n’a pas fixé les modes de preuve. Il en résulte qu’elle est libre et peut être faite par tous moyens.

416 Compte joint et compte conjoint « et/ou ». Parfois les comptes à plusieurs titulaires sont ouverts

accompagnés des formules « et » , « ou » ou même « et/ou », la question se pose de savoir qu’elle est la portée de chacune des formules ainsi employées? Le compte conjoint (« et ») est ouvert au nom de plusieurs titulaires en vertu duquel ces derniers sont tenus d’une même obligation indivisible; il y a lieu d’appliquer l’article 72 c. oblig. c. aux termes duquel: «Lorsqu’il y a plusieurs créanciers, d’une obligation indivisible, sans qu’il y ait entre eux solidarité, le débiteur ne peut demander l’exécution qu’au nom de tous et s’il y est autorisé par eux ». En revanche, le compte joint (« ou ») se caractérise par la solidarité entre les titulaires du compte régie par l’article 11 c. oblig. c. Aussi lorsque deux parties ouvrent un compte en utilisant cumulativement les formules « et/ou », chacun des co-titulaires peut individuellement clôturer le compte et retirer la totalité des sommes déposées. De même, la banque est en droit de payer à n’importe quel co-titulaire ou à tous les co-titulaires réunis tout ou partie des sommes déposées sans engager sa responsabilité (68).

417 Compensation du compte joint. Par application des articles 6 et 7 de la loi du 19 décembre 1961, la

compensation du compte joint avec d’autres comptes tenus par les différents co-titulaires ne peut valablement se réaliser qu’après acceptation unanime de tous les co-titulaires (69). L’acceptation donnée, la banque peut valablement procéder à la compensation du compte débiteur avec les autres comptes déterminés dans la convention de compensation (70).

418 Révocation. La convention de compte joint est toujours révocable et « perd ce caractère par la seule

manifestation de volonté de l’un de ses titulaires, indépendamment des dispositions internes prises par la banque pour en informer les autres titulaires » (71). Cette révocation n’est pas sans conséquence: la solidarité active ayant cessé, le compte ne peut plus fonctionner qu’avec l’accord de tous ses titulaires. Ainsi jugé, qu’en l’absence de stipulation attribuant aux co-titulaires d’un compte joint des parts inégales sur le solde individis entre eux, la liquidation doit se faire par moitié (72).

                                                            64 Douai 16 mars 1992, RDBB, n˚ 33, sept. 1992, 206 obs. CREDOT et GERARD; Versailles 1re ch, 30 avr. 1998 D 1998 IR 167. 65 Mont-Liban 24 mai 1999, arrêt préc.. 66 Cass. civ. 3 juill. 2001, RDBF n° 5 sept.-oct. 2001, 280 n° 177 obs. CREDOT et GERARD. 67 Cass. com. 8 mars 1988, Banque n° 485, juill.- août 1988, 821 obs. RIVES-LANGE ; D 1989, somm. 391 obs. VASSEUR. 68 Beyrouth 22 déc. 1992, Rec. Hatem, fasc. 208, 375 ; Rec. Chamsedine, 1995, 194 sp. , 196. 69 Cass. civ. 22 avr. 1999, op. cit. 70 Beyrouth 20 avr. 1995, Rev. jud. lib. 1995, 180. 71 Cass. civ. 16 juill. 1988, RDBB n° 12, mars-avril 1989, 64 obs. CREDOT et GERARD; Com. 30 janv. 1990, RDBB n° 19, mai - juin

1990, 127 obs. CREDOT et GERARD. 72 Cass. civ. 9 janv. 1996, Bull. civ. I n° 17, 11.

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419 Clôture. A la clôture, le compte joint continue à fonctionner avec le ou les titulaires survivants. En effet, l’article 3 de la loi du 19 décembre 1961 prévoit: « En cas de décès de l’un des titulaires du compte joint, le ou les co-titulaires disposent de la totalité de ce compte sans aucune restriction ». En outre, l’article précise que la banque n’est tenue de fournir aucun renseignement aux héritiers du co-titulaire décédé, sauf « clause contraire expressément prévue au contrat du compte joint ». A ce propos, l’article 3 prévoit que les dispositions du présent article doivent être reproduites littéralement dans le contrat d’ouverture du compte joint. Cette même solution s’applique au droit français: le décès du titulaire d’un compte joint ne met pas fin au fonctionnement du compte en l’absence de décès du co-titulaire survivant (73) caractérisant le compte joint.

420 Litiges. Aux termes de l’article 5 de la loi du 19 décembre 1961, en cas d’action judiciaire entre les co-

titulaires du compte joint, la banque doit bloquer le compte dès notification de ladite action. Le compte reste bloqué jusqu’au prononcé d’un jugement susceptible d’exécution. La contestation sérieuse sur la propriété des sommes inscrites sur le compte joint exclut la compétence du référé (74).

421 Interdiction bancaire. La question se pose de savoir, au cas où l’un des co-titulaires d’un compte collectif

émet un chèque sans provision, qui sera frappé par l’interdiction bancaire? Il faut distinguer deux hypothèses: si l’un des co-titulaires est désigné responsable du compte collectif, il sera seul frappé de l’interdiction bancaire même s’il n’est pas le signataire du chèque sans provision. Il ne pourra plus émettre de chèques ni sur le compte collectif ni sur ses comptes personnels, contrairement aux autres co-titulaires qui ne sont interdits bancaires qu’en ce qui concerne le compte collectif. Si en revanche, aucun des co-titulaires n’a été désigné responsable du compte collectif, l’interdiction bancaire s’applique au compte collectif et à tous les comptes détenus individuellement par chaque co-titulaire (art. L 131-80 c. monét. fin.).

422 Secret bancaire. Le compte-joint est soumis au même titre que les autres comptes bancaires au secret bancaire de la loi du 3 septembre 1956. La levée du secret n’est valablement faite que si elle émane de tous les titulaires du compte joint (art. 7 L 1961) (75).

                                                            73 Cass. com. 15 janv. 2002, RDBB n° 2 mars-avril 2002, 66 n°41 obs. CREDOT et GERARD. Cette règle résulte de la solidarité active

prévue par l’article 11 c. oblig. c.: art. 1197 c. civ. 74 Mont-Liban 12 oct. 2000, Al Adl 2000, 484. 75 JU Kesrouan 8 mai 1986, Rec. Hatem, fasc. 190, 883s.

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TITRE III - OPERATIONS DE CREDIT 423 Présentation. L’article L 313-1 c. monét. fin. définit l’opération de crédit comme « tout acte par lequel une

personne agissant à titre onéreux, met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend, dans l’intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu’un aval, un cautionnement, ou une garantie ». Le code de la monnaie et du crédit libanais classe les emplois des banques en opérations à court terme et en opérations à moyen ou long terme (art. 157 c. monn. créd.). Les crédits à court terme sont essentiellement les concours momentanés apportés par les banques à la trésorerie de leurs clients ou les crédits dont le remboursement se trouve anormalement assuré par le dénouement, dans un délai ne dépassant pas une année, des opérations pour lesquelles ils ont été consentis (art. 158 c. monn. créd.). Les crédits à moyen ou long terme sont ceux qui engagent le banquier à titre de prêteur, dans le financement d'opérations ou de projets qui, de par leur nature, ne permettent pas au client de rembourser, dans le délai d'une année, les sommes qu'il a empruntées pour les réaliser (art. 159 c. monn. créd.). L’octroi de crédit à titre onéreux fait l’objet d’un monopole consenti aux banques et autres établissements dûment homologués par la BDL (1). Ce monopole protège non seulement l’intérêt général et celui des établissements de crédit mais aussi celui des contractants emprunteurs. Toute personne qui s’adonne aux opérations de crédit sans agrément préalable sera taxée d’exercice illicite de l’activité bancaire (2). La distribution du crédit est organisée et contrôlée parce que d’une part, le pourvoyeur de fonds est presque toujours le public, soit qu’il apporte directement son concours, soit qu’il participe à cette distribution par l’intermédiaire des organismes bancaires ; et d’autre part, parce que le crédit joue le rôle déterminant tant dans le développement économique du pays que dans la création de la masse monétaire, ce qui justifie les mesures de réglementation bancaire et de contrôle qualitatif (visant à faciliter l’octroi du crédit à certains secteurs de l’économie pour permettre d’assurer la relance de l’activité) et quantitatif (visant à limiter la quantité de crédit accordé afin d’éviter une inflation monétaire résultat d’un excès dans la création de la monnaie) du crédit. Nous proposons d’examiner le cadre préliminaire de l’ouverture de crédit (Chapitre 1) avant de présenter les deux volets qu’impose la matière: celui du crédit interne (Chapitre 2) et celui du crédit international (Chapitre 3). Par la suite, nous évoquerons les diverses garanties des crédits bancaires (Chapitre 4).

                                                            1 Comp. Cass. com. 19 nov. 1991, D. 1993, somm. 53, obs. VASSEUR ; Banque 1992, 427 obs. RIVES-LANGE ; JCP E 1992, 1, 154 n° 5

obs. GAVALDA et STOUFFLET ; RDBB 1992, 111. 2 Cass. com. 27 févr. 2001, RDBB, n° 2 mars-avril 2001, 73 obs. CREDOT et GERARD. V aussi Cass. com. 20 oct. 1998 RDBB 1998,

224.

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CHAPITRE 1 - OUVERTURE DE CREDIT L’ouverture de crédit passe par la conclusion préalable d’une convention d’ouverture de crédit (Section 1) que nous évoquerons avant d’aborder les questions de son exécution (Section 2) et de sa fin (Section 3). SECTION 1 - CONVENTION D’OUVERTURE DE CRÉDIT Nous examinerons, tour à tour, la notion (Sous-section 1) et la nature (Sous-section 2) de cette convention. SOUS-SECTION 1 - NOTION

424 Définition. Aux termes de l’article 310 alinéa 1 c. com. lib.: « Par le contrat d’ouverture de crédit, le

créditeur s’engage à tenir à la disposition du crédité certaines sommes, que celui-ci pourra utiliser en tout ou par fractions successives, suivant ses besoins, pendant un délai déterminé ». Ainsi, l’ouverture de crédit est la convention par laquelle un banquier s’engage à l’égard de son client de mettre à sa disposition un crédit déterminé (1). Le crédit n’est pas encore accordé mais il le sera si le client le demande (2). Le client reste libre d’utiliser ou non la somme mise à sa disposition. Seul l’emploi des sommes mises à la disposition du client réalise le crédit (art. 310 c. com. lib.). Mais le banquier, lui, est obligé d’accorder le crédit. Le client n’aura aucune obligation, ni d’utiliser le crédit promis ni bien entendu de payer les intérêts stipulés. A noter, toutefois, qu’il contracte ordinairement l’obligation de verser une rémunération en contrepartie de l’engagement ferme pris par celui-ci: on parle alors de « commission d’engagement » d’un taux évidemment beaucoup plus faible qu’un taux d’intérêt. Le crédit peut être mis à la disposition du client pour une opération déterminée.

425 Crédit en faveur de tiers. L’article 313 c.com.lib. consacre expressément la possibilité de consentir une

ouverture de crédit à un tiers bénéficiaire, avec stipulation de paiement à faire ou d’engagement à prendre par le banquier donneur de crédit, au profit d’une personne autre que son client, par exemple, sous forme d’accréditif, lettre de crédit ou d’ouverture de crédit documentaire (3). Cependant, le code de commerce ne contient pas une réglementation complète du crédit ouvert en faveur des tiers. Cette réglementation est à chercher dans la convention des parties - qui peut comporter diverses modalités - et dans les usages.

426 Ouverture de crédit et compte courant. Ordinairement, l’ouverture de crédit est convenue en compte

courant, le banquier s’oblige à laisser son client disposer de son compte courant dans les limites d’une position débitrice définie dans la convention. Cette modalité est si fréquente que son adoption est présumée par l’article 310 alinéa 2 c. com. (4) consacrant le crédit « revolving » sauf convention contraire. (5) Dans cette hypothèse, la jurisprudence considère qu’il existe deux conventions liées entre elles: la convention de compte courant et celle d’ouverture de crédit (6). L’ouverture de crédit en compte courant avantage tant le client que la banque. D’une part, le client qui use du crédit et fait ensuite des remises rembourse des avances; ce remboursement va lui permettre de bénéficier d’un nouveau découvert égal aux sommes remises et ce, jusqu’à concurrence du montant du crédit accordé par la banque; cela résulte du principe de l’indivisibilité qui régit le compte courant tant qu’il fonctionne. D’autre part, les remises du client garantissent la créance de la banque dans la mesure où elles se compensent continuellement dans le compte avec les autres articles du compte.

427 Ouverture de crédit et convention de compte. L’existence d’un crédit n’implique pas par elle-même celle

d’un compte (7). L’acte constatant la réalisation d’une ouverture de crédit n’est pas un compte entre les parties pouvant impliquer renonciation à se prévaloir de la nullité des prélèvements opérés sans cause par le jeu de l’exception de compte arrêté (art. 1269 c. proc. civ. fr. et art. 305-3 c. com. lib.). Aussi, un découvert

                                                            1 VALETTE, Conventions de crédit, régles communes, JCl Banque – Crédit- Bourse, vol. 2 fasc. 500 n° 8s. 2 RIVES-LANGE et CONTAMINE – RAYNAUD, 445 n° 460. 3   Article 313 c. com. lib.: «Quand un crédit bancaire a été affecté à des paiements en faveur d'un tiers et que ce crédit a été confirmé par

la banque au bénéficiaire, il ne peut plus être révoqué ni modifié sans son consentement. La banque est directement et définitivement engagée envers lui pour les acceptations d'effets et les paiements en cause… ». 

4 Trib. 1re inst., 1re ch., Beyrouth, 7 mars 2011, Al Adl 2011/4, 1816. 5   L’article 310 dispose que: « Sauf convention contraire, les remboursements ou remises faites par le crédité pendant la durée du contrat

augmentent d’autant le disponible à son profit ». 6 Cass. com. 25 févr. 1992, RTDcom. 1992, 841 obs. CABRILLAC et TEYSSIE ; GRUA, n° 63, n° 328. 7 Cass. civ. 30 mars 1943, D. 1944, 13 note L P.

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en compte peut exister sans ouverture de crédit (8). Il suffit d’imaginer que le client décide unilatéralement de rendre son compte débiteur. Les deux conventions n’ont pas toujours exactement les mêmes parties: ainsi, lorsqu’un compte a été ouvert à un époux et qu’un contrat de crédit a été signé par les deux époux, l’époux signataire du seul contrat de crédit n’est pas tenu au paiement du solde débiteur du compte (9).

428 Titre exécutoire. Aux termes de l’article premier de la loi du 4 mai 1968 relative à l’exécution des contrats

et engagements écrits et de l’article 849 nouv. c. proc. civ. lib.: « Chaque créancier d’un droit personnel ou réel né d’un contrat ou d’un engagement prouvé en vertu d’un titre peut demander l’exécution de ce titre à l’encontre de son débiteur directement par devant le bureau exécutif compétent ». Ainsi, le titre n’est susceptible d’exécution directe que si le débiteur s’est engagé en vertu du contrat ou de son engagement unilatéral à payer une somme exigible et déterminée dans son montant. Or, le contrat d’ouverture de crédit bien que signé par le débiteur ne porte pas sur une somme d’argent déjà exigible et déterminée; il vise à réglementer les conditions de concours financiers futurs, éventuels, c’est-à-dire qui ne sont pas encore déterminées au moment de sa conclusion. Par conséquent, le contrat d’ouverture de crédit n’est pas susceptible d’exécution directe (10). Il convient d’ajouter que l’appréciation du caractère exécutoire ou non du contrat d’ouverture de crédit est une question de fond qui, à ce titre, ne relève pas de la compétence du chef du bureau exécutif mais de la juridiction du fond (11). SOUS-SECTION 2 - NATURE DE LA CONVENTION

429 Promesse et tolérance de crédit. L’ouverture de crédit constitue une promesse (12). Parfois, il s’agira d’un

accord de principe car le banquier conserve souvent un certain droit de ne pas répondre aux appels de fonds. Tel est le cas des ouvertures de crédit d’escompte, qui laissent généralement le banquier libre de refuser les effets qui ne présentent pas des garanties suffisantes (13).Plus rarement, il ne s’agira ni d’un accord de principe, ni même d’un contrat. Tel est le cas quand le crédit procède d’une simple tolérance de découvert en compte, car celui qui tolère, à la différence de celui qui contracte, n’entend pas s’engager pour l’avenir. En effet, on désigne par le mot « tolérance » le concours ponctuel accordé très épisodiquement par le banquier, par exemple, pour aider son client à faire très occasionnellement une échéance difficile. Un tel concours, par son caractère occasionnel, n’est générateur d’aucune obligation pour le banquier qui l’a accordé sans obligation préalable et qui ne contracte pas ainsi l’obligation de le renouveler (14). Le concours occasionnel peut être caractérisé par le refus préalable de la banque d’accorder une autorisation de découvert (15). Par conséquent, une banque ne peut se voir reprocher d’avoir rompu abusivement un crédit dont l’existence n’est pas démontrée (16).

430 Crédit et prêt. La question de savoir si la notion de crédit se distingue de celle de la notion de prêt est

controversée ( 17 ); cela rapproche le prêt et la promesse de crédit qui se réalise par ce prêt. Ce rapprochement est en tout cas consacré par la tendance de la jurisprudence à étendre aux opérations de crédit en général des textes qui ne visent que le prêt. Ainsi, sont appliquées aux opérations de crédit, les dispositions relatives à la condition écrite du taux d’intérêt et à l’usure. Cette interprétation extensive des textes sur le prêt permet de compléter la réglementation du contrat de crédit, qui ne fait l’objet que de dispositions éparses. Dans l’état actuel de la jurisprudence, la nature du contrat de prêt dépend de la qualité du prêteur: s’il est un professionnel du crédit, le contrat est consensuel (18) et dans les autres cas, le contrat

                                                            8 Cass. com. 10 juill. 1990 Bull. civ. IV n° 203. 9 Cass. com. 25 févr. 1992, Bull. civ. IV n° 87. 10 Cass. lib. 27 avr. 1993, Al Adl 1993, 94 ; Mont-Liban 12 déc. 1988 Rep. drt banc., 701 mfn 02593 ; Beyrouth 30 juill. 1970, Rev. jud. lib.

1972, 213. 11 Cass. lib. 12 déc. 2000, Rec. civ. Sader 2000, 751 sp. 753 ; Al Adl 2001, 66. 12 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 445 n° 460 ; DE JUGLART et IPPOLITO, 269 n° 224 ; RIPERT et ROBLOT, 407 n°

2378. 13 GRUA, Les contrats de base de la pratique bancaire, Litec 2000, 229 n° 325. 14 Cass. civ. 4 janv. 1951 somm. 17 ; 30 déc. 1952, JCP G 1952, II-7490 ; Trib. 1re inst. Beyrouth 3 juin 1967, Rec. Hatem, fasc. 133, 41. 15 Cass. com. 19 juin 2007, RDBF nov.-déc. 2007 comm. 212 note CREDOT et SAMIN. 16 Cass. com. 15 avr. 2008, RDBF juill.-août 2008, comm. 101 note CREDOT et SAMIN. 17 Pour: GAVALDA ET STOUFFLET, Droit de la banque, 555 n° 423 ; RIPERT et ROBLOT, 269 n° 224 ; GRUA, 228 n°324 ; ces auteurs

contestent le caractère réel du crédit puisque la remise est incertaine. De même, on estime que l’obligation du banquier est une obligation de faire alors que l’obligation du prêteur est une obligation de donner. Contre: DE JUGLART et IPPOLITO, 269 n° 221 qui considèrent que la promesse du banquier ne fait que différer la réalisation du prêt mais le banquier et son client sont d’ores et déjà engagés.

18 Cass. 1re civ., 5 juill. 2006 Bull. civ. n° 358 ; 19 juin 2008, JCPG 2008, 10150 note CONSTANTIN ; Cass. com. 7 avr. 2009, Banque et droit, juillet-août 2009, note BONNEAU.

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est réel (19). 431 Contrat préliminaire de prestation de services. Il est communément admis que la convention d’ouverture

de crédit est unilatérale. Par là, il faut comprendre que le banquier est obligé d’exécuter son obligation de consentir le crédit mais le client reste libre d’utiliser ou non le crédit consenti, de demander ou non l’exécution de l’obligation du banquier. Ainsi cette convention ne produira pas d’effet si le client renonce à y recourir. C’est donc à juste titre que certains voient dans l’ouverture du crédit un avant-contrat qu’ils nomment « contrat préliminaire » (20) servant de cadre aux opérations à venir par lesquelles le client utilisera le crédit à lui ouvert: escompte ou acceptation d’effet, paiement de chèque, virement, etc. La jurisprudence considère que lorsque la banque ouvre à son client un compte sur lequel elle autorise un découvert ou sur lequel sont prévues des remises réciproques pour l’exécution d’une autorisation de crédit, elle rend par ce fait une prestation de service (21).

432 Intuitus personae. La convention est conclu intuitu personae, même si le crédit est greffé d’une sûreté

réelle. Par conséquent, le banquier est libre d’accorder ou non le crédit. La Cour de cassation française a pu ainsi décidé que: « Hors le cas où il est tenu par un engagement antérieur, le banquier est toujours libre, sans avoir à justifier sa décision qui est discrétionnaire, de proposer ou de consentir un crédit quelle qu’en soit la forme, de s’abstenir ou de refuser de le faire » (22). Cela découle de sa nature même qui fait naître une obligation de caractère strictement personnel non susceptible d’exécution au profit d’un tiers (23). C’est pourquoi également, la convention ne peut être valablement cédée sans l’accord préalable du banquier (24). Néanmoins, le refus du banquier sera sanctionné s’il est fondé sur un scoring (25) en violation des textes ou si le refus est fondé sur des considérations de race, de sexe ou de religion, etc. (26) ou s’il n’est pas motivé s’agissant les demandes sollicitées par les entreprises (art. L. 313-12-1 c. monét. fin.).

433 Nature civile ou commerciale. Le contrat d’ouverture de crédit est, suivant le cas, de nature civile ou de

nature commerciale. Jugé que lorsque la société s’engage à payer le crédit consenti à l’un de ses associés et l’inscrit dans son compte commercial, le crédit devient commercial ainsi que le compte y relatif; par conséquent, il produit des intérêts de plein droit au profit de la banque dans les termes de l’article 302 c. com. lib. relatif au compte courant (27). SECTION 2 - EXECUTION DE LA CONVENTION D’OUVERTURE DE CREDIT

La convention de crédit prouvée (Sous-section 1) oblige le crédité à rémunérer le banquier (Sous-section 2)

qui n’est pas à l’abri de toute responsabilité (Sous-section 3). SOUS-SECTION 1 - PREUVE DE LA CONVENTION

434 Droit commun. Le problème de la preuve se pose lorsque la banque après avoir consenti antérieurement un

découvert à son client décide d’arrêter son concours financier. Le banquier prétendra alors que son client bénéficiait d’une simple tolérance qui ne procède pas de la volonté du banquier de s’engager pour l’avenir, alors que le client soutiendra que la banque lui a accordé une véritable ouverture de crédit. La différence est de taille dans la mesure où la tolérance peut être révoquée à tout moment sans pour cela que le banquier se voit reprocher un abus quelconque (28). La réglementation bancaire ne prévoit aucune règle de preuve spécifique. Il faut revenir aux règles de droit commun. Ainsi, lorsque l’opération est commerciale pour le client - l’opération étant toujours commerciale pour la banque - il pourra apporter la preuve de ces

                                                            19 Cass. 1re civ., 7 mars 2006, JCPE 2006, 2195 note PIEDELIEVRE. 20 GAVALDA et STOUFFLET, 525 n° 423. 21 Cass. com. 3 mars 1999 RTDcom 1999, 729 obs. CABRILLAC. 22 Cass. Ass. plén. 9 oct. 2006 D 2006, 2933 note HOUTCIEFF ; JCPG 2006, II-10175 note BONNEAU. 23 GAVALDA et STOUFFLET, n° 437 ; en ce sens, Trib. com. Boulogne-sur-mer 24 sept. 1982, D 1983 IR 467 ; RTDcom. 1984, 123.

Contra Cass. crim. 29 mai 1984, JCP G 1985, 3221 n° 33 obs. GAVALDA et STOUFFLET, arrêt critiqué. 24 Cass. com. 15 mars 2011, Banque et droit n° 137 mai-juin 2011, 27 obs. BONNEAU. 25 Pratique consistant à évaluer de manière automatisée les risques présentés par le client selon des critères préalablement définis. V. CNIL,

délib. n° 2006-019 du 2 février 2006, RDBF juillet-août 2006, n° 147 note CAPRIOLI. 26 DECOQ, GERARD et MOREL-MAROGER, n° 170, 124. 27 Cass. lib. 31 mars 1998, Rec. civ. Sader 1998, 424. 28 Cass. com. 14 févr. 1977 Bull. civ. IV n° 42 ; 13 janv. 1982 Gaz. Pal. 1982, 1, pan. 178 obs. PIEDELIEVRE ; Versailles 9 mai 1984,

RjCom. 1986, 227. Contra. Aix-en-Provence 26 mai 1976 D. 1977 IR 451 obs. VASSEUR.

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allégations par tous les moyens (29). L’écrit comme condition de validité n’est exigé que pour les matières civiles et seulement lorsque le taux dépasse le taux légal fixé à 9 %. La preuve doit porter sur la convention elle-même et sur son contenu.

La preuve de la l’ouverture du crédit est une question de fait qui relève du pouvoir souverain des juges du

fond. Par exemple, la jurisprudence considère que l’octroi ou le renouvellement répété de découverts pendant une période déterminée peut établir la volonté du banquier de consentir une ouverture de crédit pour l’avenir (30). En l’absence d’écrit, le montant du crédit est déterminé d’après « le découvert moyen » consenti par le banquier pendant un certain temps, abstraction faite des pointes de trésorerie (31). SOUS-SECTION 2 - REMUNERATION DU BANQUIER

435 Intérêts. L’ouverture du crédit porte intérêts sur les sommes avancées au taux fixé par les parties à partir du

jour de l’utilisation. Cependant, la production d’intérêts n’a lieu en droit français qu’à la double condition que le taux de l’intérêt soit écrit et accepté par le client (32). En droit libanais, la question de l’exigence d’un écrit mentionnant le taux de l’intérêt conventionnel est régie par l’article 767 c. oblig. c. ainsi rédigé: « Lorsque les parties ont stipulé des intérêts sans en fixer le taux, l’emprunteur devra payer les intérêts au taux légal. – En matière civile, le taux de l’intérêt doit être fixé par écrit lorsqu’il est supérieur à l’intérêt légal; s’il n’a pas été fixé par écrit, l’intérêt n’est dû qu’au taux légal ». Il en résulte que l’écrit comme condition de validité n’est exigé que pour les matières civiles et seulement lorsque le taux dépasse le taux légal fixé à 9 %. En revanche, le taux d’intérêt est toujours de nature commerciale conformément aux dispositions de l’article 4 de la loi n°5439 du 20 septembre 1982 relative aux exemptions fiscales et dispositions visant à développer le marché financier au Liban (33). Par conséquent, ce taux n’est jamais usuraire.

436 Taux fixe ou variable. La chambre commerciale de la Cour de cassation a admis la validité de la pratique

bancaire, très répandue, portant référence à un taux de base variable fixé unilatéralement par le prêteur; elle ne la condamne qu’en cas d’abus (34). SOUS-SECTION 3 - RESPONSABILITE DU BANQUIER

Nous évoquerons cette responsabilité envers le crédité (Paragraphe 1), les tiers (Paragraphe 2), et les

cautions (Paragraphe 3). Paragraphe 1 - Responsabilité à l’égard du crédité

437 Rupture du crédit. Si le banquier résilie de manière irrégulière la convention et renonce brutalement au

concours financier qu’il apporte à son client, sa responsabilité contractuelle pour abus sera engagée, et il devra réparation du préjudice (35). La rupture d’un crédit à durée indéterminée peut ne pas être légitime dans certaines circonstances nonobstant le respect du délai de préavis (36). Le lien de causalité entre la faute et le préjudice invoqué est souvent difficile à établir car la rupture du crédit a le plus souvent pour seule conséquence la dégradation d’une situation déjà compromise (37). Un « classique » du contentieux bancaire

                                                            29 Orléans 26 oct. 1971, JCP G 1972, II-17082 note STOUFFLET ; Nîmes 21 nov. 1971, RTDcom. 1972, 433 obs. CABRILLAC et RIVES-

LANGE ; Aix-en-Provence 31 mars 1978 RTDcom. 1978, 148 obs CABRILLAC et RIVES-LANGE. 30 Cass. com. 8 mai 1978, D. 1979, IR 141 obs. VASSEUR: Rennes 4 mai 1976 et Aix-en-Provence 31 mars 1978 préc. ; Paris 30 mars

1977, D. 1978, IR 81, obs. CABRILLAC et 106, obs. VASSEUR ; Paris 19 mars 1985, Banque 1985, 855 obs. RIVES-LANGE ; Poitiers 14 juin 1979 préc. ; Paris 26 sept. 1989, Gaz. Pal. 1990, 1, 211.

31 Cass. com. 16 janv. 1990, Banque 1990, 538 obs RIVES-LANGE ; RTDcom. 1990, 440 obs. CABRILLAC et TEYSSIE ; RDBB 1990, 238 obs CREDOT et GERARD; 18 juin 1996, RDBB 1997, 116 ; Paris 31 janv. 1991, D. 1992, 298 note TRIDI.

32 Cass. civ. 24 juin 1981, Bull. civ. I n° 233 ; D. 1982, 397 note BOIZARD (1er espèce) ; JCP G 1982, II-19713 note VASSEUR, (3 esp); 14 févr. 1995 D. 1995, 340 note PIEDELIEVRE ; JCP G 1995, II-22402 note CHARTIER.

33 Art.4L5439/1982:  « Nonobstant tout texte contraire, en ce qui concerne le taux de l’intérêt, sont considérés commerciaux tous les prêts consentis par les banques et établissements financiers inscrits sur la liste des établissements financiers qu’il s’agisse de prêts non garantis ou garantis par des sûretés personnelles ou réelles dont les garanties foncières ». 

34 Cass. com. 9 juill. 1996, Bull. civ. IV n° 205 ; JCP G 1996, II-22721 note STOUFFLET ; déjà dans le même sens, Paris 12 janv. 1996 D. 1996, somm. 324 obs. MAZEAUD.

35 Orléans 26 oct. 1971, JCP G 1972, II-17082 note STOUFFLET ; Paris 7 mai 1979, RTDcom. 1979, 777 ; Toulouse 10 mai 1984, Banque 1984, 967 obs. RIVES-LANGE.

36 Paris 18 déc. 2001, RDBB n° 3 mai-juin 2002, 122 n° 79 obs. CREDOT et GERARD. 37 Cass. com. 24 nov. 1992, JCP G 1993, II-2 1993, 2e esp, note VIDAL ; 25 juin 1996, JCP G 1996, II-22687 rapport REMERY.

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est constitué par le grief adressé par le débiteur à sa banque d’avoir refusé à tort des paiements, eu égard au découvert dont il prétend avoir bénéficié. Les juges du fond sont alors amenés à apprécier la réalité du découvert prétendu par rapport au découvert observé, qu’une analyse du fonctionnement du compte sur une période signification permet de révéler.

438 Refus de renouvellement du crédit. Le refus de renouvellement d’un crédit peut être abusif (38). Jugé

qu’une banque abuse de son droit en refusant l’escompte d’effets dont elle a d’abord accepté la remise, sans motif sérieux, alors qu’elle avait précédemment escompté des effets tirés sur les mêmes débiteurs (39). A l’inverse, ne commet pas de faute, la banque qui refuse l’octroi d’un nouveau crédit de campagne, dès lors qu’à la suite de ceux antérieurement accordés, une rupture de ce processus s’était produite lors de l’octroi d’un crédit à moyen terme (40).

439 Manquement aux devoirs généraux. La Cour de cassation connaît depuis un certain temps un autre type

d’action en responsabilité contre les banques, contractuelle, engagée par le crédité ou par ses cautions, fondée explicitement ou implicitement sur un manquement de devoir de conseil (41). D’autres arrêts sanctionnent les banques pour manquement au devoir de vigilance (42) on de mise garde. A ce propos, la Haute cour décide que c’est à celui qui est tenu d’une obligation d’information ou de conseil de rapporter le preuve de son exécution (43). Paragraphe 2 - Responsabilité à l’égard des tiers

440 Soutien abusif de crédit. Quand un crédit est consenti à une entreprise, il peut causer préjudice aux tiers,

soit qu’il permette de prolonger une exploitation déficitaire et engendre donc une aggravation du passif, soit qu’il donne à l’entreprise une fausse apparence de solvabilité qui inspire confiance et porte certains tiers à contracter avec elle (44). Aussi, la question s’est posée de savoir si la banque pouvait être tenue responsable du fait de l’octroi du crédit (45)? Le principe de la responsabilité délictuelle du banquier en pareille hypothèse n’a jamais soulevé de doute (46). Seul est fautif l’octroi de crédits à une entreprise en situation irrémédiablement compromise ou l’octroi de crédits nécessairement ruineux pour l’entreprise (47). Il en est de même si l’établissement de crédit a fautivement retardé l’ouverture de la procédure collective de son client, étant entendu que dans ce cas, il n’est tenu de réparer que l’aggravation de l’insuffisance d’actif qu’il a ainsi contribué à créer (48). La faute bancaire doit être particulièrement délimitée parce que d’une part, le risque d’entreprise existe et d’autre part, parce que la banque qui finance l’entreprise encourt également un risque inévitable, celui-ci même lié à son crédit. Il faut donc se garder d’imputer à la légère, faute aux banques, des crédits dont elles sont les premières victimes en cas de défaillance de leurs bénéficiaires (49). La jurisprudence exige pour mettre en œuvre une telle responsabilité « un manquement grave, un défaut manifeste de vigilance ou de discernement ». Par conséquent un emprunteur ne peut venir reprocher au prêteur de lui avoir accordé le crédit qu’il a lui-même sollicité. Le banquier n’a pas en effet à s’immiscer dans les affaires de ses clients (50). La faute bancaire d’octroi de crédit à une entreprise en situation irrémédiablement compromise ne suffit pas obligatoirement à retenir la responsabilité de la banque. Encore faut-il apporter la preuve du lien de causalité, la faute ne présumant pas la causalité du préjudice (51). De même, la causalité du préjudice par rapport à la faute, exclut que le créancier fautif soit tenu de réparer plus que le dommage créé par l’aggravation de l’insuffisance d’actif dont il est à l’origine pour avoir permis une

                                                            38 LE TOURNEAU, L’éthique des affaires et du management au XXIe siècle, Essai Dalloz Dunod 2000, 116. 39 Paris 16 févr. 2001, RDBB n° 3 mai/juin 2002, 222 n° 81 obs. CREDOT et GERARD. 40 Cass. com. 15 janv. 2002, RDBB, n° 3 mai/juin 2002, 122 n° 80 obs. CREDOT et GERARD. 41 LEGEAIS, L’obligation de conseil de l’établissement de crédit à l’égard de l’emprunteur et de sa caution, Mélanges AEDBF France T II,

257 ; CREDOT, L’octroi de crédits et l’obligation de conseil du banquier, Droit et patrimoine, janvier 1994, 34 ; LIKILLIMBA, Le soutien abusif d’une entreprise en difficulté Coll. FNDE Litec, préf. MESTRE, 1 n° 66 ; STOUFFLET, art. préc., 24 n° 17.

42 Cass. com. 15 juin 1999, RDBB 1999, 186, note CREDOT et GERARD. 43 Cass. com. 13 sept. 2011 Banque et droit n° 140 nov.-déc 2011, chr. Dr.bancaire, 20 obs. BONNEAU. 44 GRUA, Responsabilité civile du banquier, service du crédit, JCL Banque-Crédit-Bourse vol. 1 fasc. 151, n° 15et s. 45 LEGEAIS, Responsabilité du banquier en matière de crédit, RDBF mars-avril 2010, Etude 4 ; STOUFFLET, Retour sur la responsabilité

du banquier donneur de crédit, Mélanges CABRILLAC Dalloz Litec 1999, 517ets. 46 Cass. com. 10 oct. 2000, RDBF n° 1 janv.-fév. 2001, 12 n° 7 obs. CREDOT et GERARD. 47  Cass. com. 22 mai 2001 ; RDBF sept.-oct. 2001, 282 n° 179 obs. CREDOT et GERARD. 48 Cass. com. 16 mars 2010, RDBF juill-août 2010, comm. 128 note CREDOT et SAMIN. 49 CREDOT et GERARD, obs. préc. 50 Cass. com. 22 mai, juris-data n° 2001 – 009855. 51 Orléans 31 mai 2001, RDBF n° 3 mai-juin 2002, 132 n° 78 obs. CREDOT et GERARD.

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OUVERTURE DE CREDIT

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survie artificielle du crédité (52). Enfin, observons que dans la mesure où la prescription de l’action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance (53), le dommage résultant d’un manquement à l’obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter se manifestant par l’octroi des crédits, le délai de prescription de l’action en responsabilité du banquier dispensateur de crédit court à compter de la date de conclusion des contrats de crédit (54). Paragraphe 3 - Responsabilité à l’égard des cautions

441 Conditions. La jurisprudence française reconnaît à la caution le droit de poursuivre la banque en

responsabilité pour défaut d’information ou pour inexécution de l’obligation de mise en garde. En outre, la caution pourra exiger sa condamnation du fait de l’octroi du crédit au débiteur cautionné. L’aboutissement d’une telle action en responsabilité implique au préalable la preuve que la caution, au moment où elle s’est engagée, ignorait la situation compromise du cautionné (55). A cet effet, si la caution est dirigeant ou associé de la société débitrice cautionnée, son action sera le plus souvent rejetée en raison de sa situation lui permettant d’obtenir et d’accéder à tous les renseignements utiles pour apprécier l’opportunité de ses engagements (56). SECTION 3 - FIN DE LA CONVENTION D’OUVERTURE DE CREDIT

La convention prend fin pour des causes tenant à sa durée (Sous-section 1) ou pour des événements

affectant la situation financière du crédité (Sous-section 2). SOUS-SECTION 1 - DUREE DE LA CONVENTION

442 Durée indéterminée. Si les parties n’ont fixé aucun terme extinctif à l’ouverture de crédit, le droit commun

reconnaît à chacune d’elles le droit de résilier unilatéralement et à tout moment le contrat à durée indéterminée. Le terme du crédit à durée indéterminée sera fixé par le juge (57). Cependant, la jurisprudence a pris en compte le fait qu’une rupture brutale d’un crédit par une banque peut mettre le client en grande difficulté. Aussi, les tribunaux ont-ils toujours considéré que commet une faute dans l’exercice de son droit de résiliation de la convention le banquier qui, sans raison sérieuse, n’accorde pas au bénéficiaire du crédit un délai suffisant pour lui permettre de prendre les dispositions qu’appelle la perte du bénéfice du crédit (58). Cette jurisprudence est confortée en droit français par l’article L 313-12 c. monét. fin. aux termes duquel: « Tout concours à durée indéterminée autre qu’occasionnel, qu’un établissement de crédit consent à une entreprise ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l’expiration d’un délai de préavis fixé lors de l’octroi du concours ».

443 Durée déterminée. En raison de l’existence d’un terme, l’ouverture de crédit ne saurait normalement

s’éteindre avant sa survenance sauf convention contraire acceptée par les parties. A l’expiration du terme, le banquier retrouve sa pleine liberté de ne pas renouveler l’ouverture du crédit. Le droit de ne pas renouveler est absolu. (59). SOUS-SECTION 2 - SITUATION DU CREDITE

444 Insolvabilité. L’article 311 alinéa 1 c. com. lib. énonce: « Le contrat d’ouverture de crédit peut être

dénoncé par le créditeur, si le crédité devient insolvable ou s’il l’était déjà au moment du contrat à l’insu du créditeur ». Il en résulte que la simple insolvabilité est une cause de résiliation du contrat. Ainsi, dès que la banque constate que le débiteur ne peut pas payer ce qu’il doit, elle est en droit de dénoncer les crédits. Il

                                                            52 Cass. com. 11 mai 2010, RDBF nov.-déc. 2010, comm. 207 note CREDOT et SAMIN ; 16 mars 2010 RDBF 2010 comm. 128. 53 Cass. civ. 9 juill. 2009 Banque et droit n° 128, nov.-déc. 2009, 37 obs. BONNEAU ; RTDcom. 2009, 794 obs. LEGEAIS. 54 Cass. com. 26 janv. 2010, Banque et droit n° 131 mai-juin 2010, 21 obs. BONNEAU. 55 Cass. com. 22 mai 2007 pourvoi n° 05-21703 et 28 nov. 2006 pourvoi n° 05-15380 cités par DECOQ, GERARD, MOREL-MAROGER

n° 198, 142. 56 DECOQ, GERARD, MOREL-MAROGER, Ibid et les réf. jurisp. citées. 57 Cass. com. 26 janv. 2010, Bull. civ. n° 22. 58 Cass. civ. 13 janv. 1987 D. 1987 IR 17 ; RDBB 1987, 53 obs. CREDOT et GERARD ; Cass. com. 22 avr. 1980 D. 1981, IR 1 obs.

DERRIDA ; Paris 13 mars 1975 RTDcom.1975, 888 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE ; Paris 28 oct. 1967, Banque 1968, 61 obs. MARIN ; Nîmes 24 nov. 1971, Banque 1972, 297 obs. MARIN.

59 Paris 13 déc. 1976 cité par GAVALDA et STOUFFLET, Chr. droit banc. JCP G 1978, I-2902 n° 49.

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OUVERTURE DE CREDIT

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n’est pas nécessaire qu’il soit en état de cessation des paiements ou déclaré failli. Cependant, il faut bien relever que la banque devra prouver l’existence de l’état d’insolvabilité; l’insolvabilité doit être réalisée. Ainsi, échappe au domaine de cet article le risque d’insolvabilité.

445 Faillite du client. L’article L 621-28 c. com. fr. reconnaît à l’administrateur judiciaire la faculté d’exiger,

pendant la période d’observation, l’exécution des contrats en cours c’est-à-dire des contrats conclus avant l’ouverture de la procédure, la question s’est posée de savoir s’il bénéficie d’une telle faculté en matière d’ouverture de crédit? La Cour de cassation considère que l’administrateur judiciaire peut exiger le maintien des crédits en cours au jour du jugement d’ouverture (60) au motif que le texte ne fait aucune distinction selon les contrats conclus ou non en considération de la personne. Si la banque insiste pour résilier la convention d’ouverture du crédit, il reviendra alors au seul juge-commissaire la compétence de trancher (61); étant entendu que la banque peut dans tous les cas refuser la continuation du crédit au cas où le client a un comportement répréhensible ou que sa situation est irrémédiablement compromise (62). Le droit libanais ne contient aucune disposition similaire. L’exécution des contrats en cours ne peut se réaliser que sur autorisation du juge – commissaire et sous la supervision de ce dernier.

446 Diminution des garanties. Aux termes de l’article 311 alinéa 2 c. com. lib.: « Au cas de diminution

notable des garanties réelles ou personnelles, fournies par le crédité, le créditeur a le droit d’obtenir un supplément de garantie ou, suivant le cas la réduction ou la clôture du crédit ». En principe, c’est la banque qui apprécie les caractères « notable » de la diminution et « supplémentaire » de la garantie. Mais cette appréciation n’est pas discrétionnaire. D’une part, la loi fixe un cadre juridique des garanties à fournir en fonction du prêt demandé, la banque ne pourra pas exiger un supplément aux garanties prévues par la loi sous peine de tomber dans l’abus générateur pour elle de responsabilité; d’autre part, son appréciation reste soumise au contrôle des juges en cas d’action en responsabilité.

447 Altération de la confiance. L’ouverture de crédit reposant sur la confiance réciproque entre le créditeur et

le crédité prend fin de plein droit chaque fois que se produit un événement susceptible d’altérer cette confiance: décès, incapacité, etc.

                                                            60 Cass. 8 déc. 1987, JCP G 1988, II-20927 note JEANTIN ; D. 1988, 52 note DERRIDA, Banque 1987, 97 obs. RIVES-LANGE. 61 Cass. com. 21 déc. 1987, Gaz. Pal. 1988, 1, 168 ; Banque 1988, 237 obs. RIVES-LANGE. 62 Cass. com. 8 déc. 1987 préc.

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CREDITS INTERNES

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CHAPITRE 2 - CREDITS INTERNES Nous envisagerons, tour à tour, les crédits à court terme (Section 1) et les crédits à moyen et long terme

(Section 2). SECTION 1 - CREDITS A COURT TERME

448 Présentation. Les crédits à court terme ont pour fonction d’apporter une aide financière à leur bénéficiaire

pour une période maximale d’un an (art. 158 c. monn. créd.). Ces crédits sont multiples. Certains crédits sont principalement accordés en raison de la crédibilité du client: avances et découverts constitutifs du prêt du code des obligations et des contrats. D’autres crédits ont pour objectif de mobiliser la créance commerciale. Il en est ainsi de l’escompte, du crédit de mobilisation des créances commerciales, de l’affacturage, de l’avance sur marché ou de la cession des créances professionnelles. Dans d’autres types de crédit, le banquier au lieu de passer immédiatement à la caisse préfère un engagement éventuel, ainsi il se porte caution, c’est un crédit par signature. Les prêts à court terme se présentent sous des modalités très variées justifiées exclusivement par la technique contractuelle: avances, découverts, crédits de courrier, etc. Toutefois, au point de vue juridique, ses différentes appellations sont constitutives de prêts. Nous proposons de les regrouper en trois formes: prêt (Sous-section 1) avance en compte (Sous-section 2) et crédits par signature (Sous-section 3). SOUS-SECTION 1 - PRET

449 Notion. Le prêt bancaire est un contrat de prêt d’argent qui obéit aux règles générales de droit commun

édictées dans les articles 1892 et s c. civ. et les articles 754 et 766 et s c. oblig. c. C’est un contrat qui se réalise par la remise des fonds au bénéficiaire (art. 754 c.oblig.c.). Celui-ci s’engage en contrepartie, à servir l’intérêt convenu et à rembourser dans les délais impartis soit en une fois soit par des versements échelonnés, mensuels, trimestriels (art. 767 c.oblig.c.) etc. Comme la plupart des opérations bancaires, le contrat de prêt peut avoir une nature civile ou commerciale selon la qualité de l’emprunteur, mais à l’égard du banquier, il est toujours commercial. En outre, il est aujourd’hui définitivement acquis « que le prêt consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel » mais simplement consensuel (1) mais alors que la Haute cour décidait que la preuve du contrat de prêt requiert seulement que soit établi l’accord de volontés ( 2 ), aujourd’hui, elle affirme « qu’il appartient au prêteur qui sollicite l’exécution de l’obligation de restitution de l’emprunteur d’apporter la preuve de l’exécution préalable de son obligation de remise des fonds » (3).

Le prêt peut ou non être accompagné d’une ouverture de crédit. Il peut être rédigé par écrit comme faire l’objet d’un accord oral. La preuve de l’existence du prêt sera rapportée par tous moyens dans la mesure où le banquier est généralement considéré comme un commerçant. Traditionnellement considéré comme un contrat unilatéral, la doctrine moderne le regarde comme un contrat synallagmatique (4).

450 Réalisation. Le contrat de prêt se réalise par la remise du bien prêté. C’est en cela d’ailleurs qu’il se

distingue d’autres types de crédit qui n’impliquent aucun versement préalable de la part du prêteur tels que les découverts en compte. Il ne doit pas davantage être confondu avec l’ouverture de crédit. Il est vrai que l’exécution de cette dernière peut entraîner la réalisation d’un ou plusieurs prêts mais, d’une part, le crédit en résultant ne prend pas nécessairement la forme juridique d’un prêt; d’autre part, même lorsqu’il s’agit d’un prêt véritable, celui-ci n’est que la conséquence de l’ouverture de crédit convention cadre. La remise opérée par le banquier transfère à l’emprunteur la propriété des fonds avancés (art. 759 c. oblig. c. ; art 1893 c. civ.), l’emprunteur devant restituer seulement l’équivalent (art 1902 c. civ.) ou « chose semblable » (art. 761 c. oblig. c.). Il n’est pas question ici d’évoquer les applications de droit commun du contrat de prêt ; on se bornera à relever les particularités bancaires de ce contrat.

451 Remise des fonds prêtés. La remise des fonds prêtés ne relève pas de la formation du contrat de prêt

                                                            1 Cass. 1re civ. 28 mars 2000, Bull. civ. 2000 I, n° 105 ; CAPITANT, TERRE, LAQUETTE, GAJ civ., t2, 11e éd., 570s ; Cass. com. 7 avr.

2009, Banque et droit n° 126, juillet-août 2009 chron. Dr. Bancaire, 18 obs. BONNEAU. 2 Cass. 1re civ., 27 juin 2006, juris-data n° 2006 – 034288. 3 Cass. 1re civ. 14 janv. 2010, RDBF mars-avril 2010, comm. 45 note LAGARDE. Sur la prise en compte des listings informatiques émanés

de la banque, v. MOULY-GUILLEMAUD, La sentence « nul ne peut se constituer de preuve à soi même » ou le droit de la preuve à l’épreuve de l’unilatéralisme, RTDciv. 2007, 253.

4 ATTARD, Le prêt d’argent, contrat unilatéral ou synallagmatique, PUAM 1999.

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CREDITS INTERNES

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bancaire mais de son exécution. La formation du contrat fait naître à la charge du banquier l’obligation de payer la somme convenue (5). Ainsi prêté, le montant des fonds peut être inscrit au compte créditeur (6) ou au compte débiteur au cas où a la banque a autorisé un tel débit. Il peut même être versé directement au bénéficiaire du paiement que doit effectuer l’emprunteur.

452 Affectation des fonds. Le contrat de prêt conclu entre la banque et le client peut fixer une affectation

particulière des fonds. Si le client ne respecte pas cette affectation, le banquier sera en mesure de demander la résolution du contrat de prêt et donc la restitution des fonds. En principe, la responsabilité du banquier du fait du détournement de l’affectation ne sera pas engagée sauf, le cas exceptionnel, où le banquier s’était engagé à surveiller l’utilisation des fonds dans l’intérêt d’un créancier crédité (7). Cependant, il faut bien insister sur l’autonomie juridique du contrat de prêt d’une part, et du contrat dont le prêt a permis la réalisation d’autre part. Ainsi, L'acquisition d'un bien au moyen de fonds empruntés se réalise par deux con-trats distincts: le contrat de vente d’une part, le contrat de prêt de l'autre. Sauf dispositions législatives contraires, les deux contrats sont juridiquement distincts. Ils sont conclus entre des contractants différents. Ils diffèrent par leur objet et par leur cause. L'obligation de l'emprunteur a pour cause l'obtention du prêt, non le contrat de vente. Aussi, dès lors que le prêteur s'est libéré de son obligation de versement des fonds, l'emprunteur doit s'acquitter de son obligation de remboursement. Celui-ci ne peut lui opposer les exceptions d'absence de livraison ou d'exécution défectueuse qu'il est en mesure de faire valoir à l'encontre de son vendeur ou de son prestataire de services (8). Pas davantage la nullité que la résolution de la vente ne saurait rejaillir sur le contrat de prêt et inversement (9).

453 Terme. Selon les termes du contrat, le prêt accordé sera à durée déterminée ou indéterminée. Dans la

première hypothèse, le banquier ne pourra pas exiger le remboursement avant le terme convenu. Selon l’article 109 c. oblig. c. (art. 1187 c. civ.), le terme est toujours présumé en faveur du débiteur (10) ce qui lui permet d’effectuer des remboursements anticipés (11) pour éviter d’avoir à payer des intérêts. Théoriquement, le banquier peut refuser de se faire rembourser avant le terme contractuel dans la mesure où celui-ci est fixé également en sa faveur. Mais dans la pratique, il est très rare qu’un banquier refuse un tel remboursement anticipé. Si le prêt est à durée indéterminée le banquier pourra y mettre fin à son gré (12). L’emprunteur qui ne rembourse pas à l’échéance, peut demander au juge un délai de grâce en vertu de l’article 115 c. oblig. c. (art. 1244 al. 1 c. civ.). Cette faculté est exclue si le banquier agit au titre cambiaire en paiement du billet à ordre (13). Ce délai de grâce ne doit pas être confondu avec le délai de restitution évoqué à l’article 763 c. oblig. c. (art. 1900 c. civ.) s’agissant le prêt de consommation. Cet article dispose que: « - Si aucun terme n’a été fixé, l’emprunteur doit restituer à toute requête du prêteur. – S’il a été convenu que l’emprunteur paierait seulement quand il pourrait ou en aurait les moyens, le prêteur peut demander au juge de fixer un terme pour le paiement ». Ce faisant, cet article consacre le terme judiciaire: si aucune date n’a été prévue pour le remboursement, le juge peut en fixer une à la demande du prêteur eu égard aux circonstances et à la commune intention des parties. La date du terme de l’engagement doit se situer à une date postérieure à celle de la demande en justice (14).

                                                            5 Cass. civ. 1, 28 mars 2000, Bull. civ. I, n° 105, 70; JCP G 2000 II-10296 et E, 898, concl. SAINTE-ROSE; D 2000, Cahier droit des

affaires, 240, obs. FADDOUL et, 482 note PIEDELIEVRE ; RDBB n° 3 mai / juin 2000, 161 obs. CREDOT et GERARD ; 1086, obs. GAVALDA et STOUFFLET ; RTDcom. 2000, 991, obs. CABRILLAC ; v aussi LEVENEUR, Classification des contrats: le rétrécissement de la catégorie des contrats réels est engagé, JCP G 2000, 1531.

6 Comp. 4 mai 1993, Bull. civ. IV n° 162. 7 GRUA et VIRATELLE, L’affectation d’un crédit ou d’un dépôt en banque, JCP G 1995, I-3826. 8 CALAIS-AULOY sous Cass. civ. 20 nov. 1974, JCP G 1975, II-18109. 9 Cass. com. 4 fév. 1992, RDBB n° 31 mai / juin 1992, 116 obs. CREDOT et GERARD ; 5 mars 1996, D. 1996, somm. 327 obs.

LIBCHABER). Le principe de l'indépendance du contrat de prêt et du contrat de vente comporte des exceptions lorsque les contrats de prêt et de vente ont été conclus par l'intermédiaire d'une même personne, v Cass. com. 19 janvier 1993, RTDcom. 1993 707, obs. BOULOC; lorsque le vendeur et le prêteur ont agi de concert, v Cass. com. 18 mai 1993, Rev. Contrats-Concurrence-Consommation octobre 1993, n°182, note RAYMOND ; par un arrêt récent la Cour de cassation est allée encore plus loin en admettant la caducité du prêt intimement lié au contrat principal: (Cass. civ. 1er juill. 1997, Bull. civ. I, n° 224, 150 ; D. 1998, J, 32, note ANYES.

10 Douai 7 déc. 1990, RDBB 1992, 31. 11 MIRBEAU-GAUVIN, Le remboursement anticipé de prêt en droit français, D. 1995 Chr. 46 ; HABIRE-VERGNIERES, Les clauses de

remboursement anticipé, RDBB n° 57 septembre/octobre 1996, 184. 12 Sous réserve des dispositions de l’article L 313-12 c. monét. fin. qui impose, sauf exception, le respect d’un préavis pour interrompe un

concours à durée indéterminée, autre qu’occasionnel, accordé à une entreprise. 13 Art. 365 c. com. lib. par renvoi de l’article 405 du même code: « Toutefois les garants contre lesquels un recours est exercé dans les cas

prévus par les deux derniers alinéas, 2 et 3, qui précèdent, pourront dans les trois jours de l'exercice de ce recours, adresser au président du tribunal de commerce de leur domicile une requête pour solliciter des délais. Si la demande est reconnue fondée, l'ordonnance fixera l'époque à laquelle les garants seront tenus de payer les effets de commerce dont il s'agit, sans que les délais ainsi octroyés puissent dépasser la date fixée pour l’échéance. L’ordonnance ne sera susceptible ni d’opposition ni d’appel », v. art. 182 c. com. fr.

14 Cass. com. 26 janv. 2010, RDBF mai-juin 2010 comm. 83 note CREDOT et SAMIN.

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CREDITS INTERNES

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454 Garanties et assurances. Selon la crédibilité ou plus exactement la solvabilité de l’emprunteur, la banque

demande des garanties de remboursement: sûreté personnelle tel le cautionnement, mais aussi sûreté réelle telle l’hypothèque. Aussi, la pratique bancaire distingue une variété d’avances greffées de certaines garanties: avances sur marchandises où les marchandises seront données en gage; avances sur titres qui sont des prêts garantis par un nantissement de valeurs mobilières ou encore, des avances sur créances c’est-à-dire des prêts garantis par le gage des créances. Le banquier peut également exiger de l’emprunteur la souscription préalable d’une assurance garantissant le remboursement des sommes prêtées, notamment en cas de décès, d’invalidité ou de chômage. La question se pose de savoir si la déchéance du contrat de prêt pour non-paiement des échéances emporte cessation des garanties d’assurance? Sauf clause contraire, les contrats de prêt et d’assurance restent juridiquement autonomes. Le contrat d’assurance a pour objet moyennant le paiement de primes par l’assuré, le versement par l’assureur d’une prestation en cas de réalisation d’un risque; le contrat de crédit a pour objet le versement de fonds que l’emprunteur devra rembourser aux échéances convenues. Par conséquent, ces contrats devront être exécutés de manière indépendante sans aucun lien entre eux (15).

455 Rémunération. Le banquier prête l’argent en contrepartie d’un prix: l’intérêt. En plus des intérêts dont le

régime juridique a été précédemment évoqué, le banquier perçoit des commissions diverses pour les services qu’il rend: commission de réalisation du prêt, commission du plus fort découvert qui frappe les points d’utilisation des crédits ouverts en compte pendant une période déterminée, commissions afférentes à l’encaissement des effets escomptés, etc. (16). SOUS-SECTION 2 - AVANCES EN COMPTE

456 Découvert. Le banquier qui consent une avance en compte permet à son client de rendre son compte

débiteur dans la limite d’un maximum qui, dans la plupart des cas, est donné au client à titre d’indication sans que le banquier s’engage à prolonger son concours pendant une période déterminée. Les intérêts se calculent en fonction des sommes prélevées. Les avances en compte sont reportées selon la forme et la durée que prennent ces concours. La pratique en connaît une multitude (facilité de caisse, crédits de courrier et crédits de campagne, etc.) la plus importante étant le découvert. Le découvert dit aussi « avance en compte » est l’autorisation donnée par la banque au titulaire d’un compte le plus fréquemment, un compte courant, de rendre ce compte débiteur. C’est un prêt de monnaie scripturale (17). Il est généralement revolving et à durée indéterminée mais la banque n’est pas obligée de payer des chèques dès lors que leur montant conduit au dépassement du découvert autorisé (18). Ce type de crédit est étroitement lié au compte en cours de fonctionnement. Par conséquent, la clôture du compte met fin au découvert qui pouvait y être antérieurement attaché; on ne saurait concevoir un découvert détaché du compte (19). Mais la dénonciation de l’autorisation de découvert n’emporte pas dénonciation de la convention de compte courant (20). Paragraphe 1 - Escompte

457 Définition. L’escompte ne fait pas l’objet d’une réglementation spéciale dans le code de commerce

libanais; celui-ci le soumet aux dispositions du code des obligations et des contrats en vertu de l’article 314 c. com. lib. (21). L’escompte est l’opération de crédit par laquelle le banquier (escompteur) en contrepartie de la cession d’une créance (22) le plus souvent représentée par un titre cambiaire, consent à un client (le remettant) une avance de fonds remboursée grâce au recouvrement de la créance (23). De la sorte, le client disposera du montant de la créance sans attendre son échéance. Le banquier sera remboursé de son avance par le recouvrement des effets qui sont à lui cédés en pleine propriété (24).

                                                            15 Cass. civ., 10 déc. 2009, Banque et droit n° 129 janv.-févr. 2010, 17 obs. BONNEAU. 16 RIPERT et ROBLOT, 414 n° 2388. 17 GAVALDA et STOUFFLET, 218 n° 442. 18 Cass. com. 7 avr. 2009, Banque et droit n° 126 juillet-août 2009 chron. Dr. bancaire. 17 obs. BONNEAU. 19 CREDOT et GERARD obs. sous. Cass. com. 7 juin 1994, RDBB n° 46, 263. 20 Cass. com. 7 avr. 2009, préc. 21 Art 314: « Les opérations de banque non visées dans le présent titre sont régies par les dispositions du code des obligations concernant

les divers contrats auxquels elles donnent lieu ou dans lesquelles elles se résolvent ». 22 L’objet de la créance est très varié. Il peut s’agir d’une simple créance ou d’un effet de commerce, des bons du trésor, des coupons, etc. 23 GAVALDA et STOUFFLET, 202 n° 413. 24 FERRONNIERE et DE CHILLAZ, 646 n° 399.

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458 Absence de monopole. L’opération d’escompte ne fait l’objet d’aucun monopole. L’escompteur peut ne pas être un banquier (25).

459 Nature juridique. Si les auteurs s’accordent à dire que l’escompte n’est pas un simple endossement mais

un véritable contrat, en revanche, ils se divisent sur la qualification juridique de ce contrat (26). La nature juridique de l’escompte a même divisé les chambres de la Haute cour. Ainsi, la chambre commerciale en décidant que le bénéfice du change des effets escomptés et libellés en devises étrangères doit revenir au banquier (27), considère indirectement que l’escompte entraîne un transfert de propriété. En revanche, la chambre criminelle a analysé l’escompte en un prêt garanti par les effets de commerce et l’a soumis à la législation sur l’usure (28). En réalité, que l’escompte soit une opération de crédit relève de l’évidence. Le banquier escompteur anticipe le paiement d’une créance à terme en accordant une avance (29). En revanche, le transfert de propriété qu’il opère ne devrait être regardé comme une opération contractuelle indépendante concomitante ou postérieure, à l’opération de crédit, mais comme un outil nécessaire et indispensable au fonctionnement de l’escompte (30).

460 Titres escomptables. Toutes sortes d'effets de commerce sont escomptables. Le plus souvent, il s'agit de

lettres de change mais l'opération est parfaitement concevable pour des billets à ordre, des warrants ou même des chèques (31). Pour ces derniers, l'affirmation peut surprendre: le chèque n'est qu'un moyen de paiement non de crédit; le paiement en est toujours immédiatement exigible. Quelle pourrait être, dans ces conditions, l'utilité de l'escompte pour le bénéficiaire du chèque? En réalité, l'exécution matérielle du paiement nécessite souvent plusieurs jours et le porteur peut souhaiter recevoir les fonds sans attendre. L’escompte peut avoir pour objet des traites dites pro-forma c’est-à-dire des lettres de change non acceptées par le tiré et qui ne sont pas destinées à être présentées au paiement. Cette pratique est parfaitement licite mais non sans danger pour le banquier notamment s’il s’avère que l’objet ou la cause de la créance fondamentale n’existe pas. Le banquier conserve toute la liberté d’escompter ou non une lettre de change non acceptée. Cela étant, même accepté par le tiré, l’effet peut ne pas être causé. La banque serait face à un effet de complaisance (32). En tout cas, le banquier ne doit certainement pas accepter d’escompter des effets de complaisance sous peine de devenir de mauvaise foi au sens de l’article 331 infine c.com.lib. (33) et par conséquent d’engager sa responsabilité civile ou pénale suivant les circonstances et même, selon la Cour de cassation (34), de se voir confiner au seul recours fondé sur la convention générale d’escompte, action de droit commun à l’exclusion des recours cambiaires. En outre, les effets de commerce doivent entrer dans les prévisions exprimées par les parties dans la convention. Par conséquent, le banquier pourra toujours refuser ceux qui ne correspondraient pas à la description du contrat sauf abus. (35). Enfin, la banque s’engage généralement dans la limite d’un montant maximum de l’ensemble des effets qu’elle acceptera d'escompter sur une période déterminée: c'est le « crédit d'escompte » encore appelé « ligne d’escompte » (36).

461 Remise du titre. Deux techniques permettent la remise à la banque des effets à escompter. Le banquier

                                                            25 Cass. com. 1er oct. 1996, Bull. civ. IV n°218 ; JCP E 1996, 892 note BONNEAU ; D 1997, J, 225 note MARTIN; Chr. droit bancaire, JCP

E 1998, 319 n° 15 obs. GAVALDA et STOUFFLET. 26 V. PERCEROU et DESSERTEAUX, Traité des faillites, T 2 n°850 ; ESCARRA et RAULT T 6 n°609 ; FERRONIERE et CHILLAZ

n°26 ; HAMEL, T 2 n°1038 et s ; RIVES – LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 470 n°481 ; GAVALDA et STOUFFLET, 202 n° 413-1 ; BONNEAU, 372 n° 570.

27 Cass. com. 2 nov. 1953, D 1954, 657 note SAVATIER. 28 Cass. crim. 6 mai 1964 D 1965, J, 468 note GAVALDA. 29 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD ; GAVALDA et STOUFFLET; BONNEAU. 30 RIPERT et ROBLOT, 419 n° 2394. 31 Cass. com. 15 juin 1976, JCP G 1977, II-8694 note BOUSQUET ; RTDcom. 1977, 132 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE ; 17 fév.

1982, D 1983, IR 41 obs. CABRILLAC ; 30 janv. 1996 D 1996, J, 321 note RIVES-LANGE. 32  L’exemple le plus classique est celui d'un commerçant qui, ayant des problèmes de trésorerie, demande à un parent ou un ami d'accepter

une traite tirée sur lui, bien que rien ne le justifie. Il lui promet de lui fournir les fonds pour honorer l'échéance. Enfin, le tireur escompte la lettre de change auprès de son banquier qui ignore l'absence de provision. Comme à l'échéance, le tireur sait qu'il ne peut fournir les fonds, il crée une autre lettre de change d'un montant supérieur pour obtenir de nouvelles sommes (effet de cavalerie). Pour éviter ces situations, le banquier est particulièrement attentif à un ensemble d'indices comme: les effets tirés sur des parents, des amis, une société de groupe; les effets à répétition entre personnes non liées par un mouvement d’affaires continu, les retours d’impayés… Ces effets de complaisance sont nuls et complaisant et complu sont coupables de fautes civiles engageant leur responsabilité à l'égard des tiers selon le droit commun.

33 Art. 331 c. com. lib.: « Les personnes actionnées en vertu de la lettre de change ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs à moins que le porteur, en acquérant la lettre, n’ait agi sciemment, au détriment du débiteur ».

34 Cass. com. 21 juin 1971, D. 1978, J, 113 note DE LEYSSAC. 35 Cass. com. 30 nov. 1999, RDBF n° 1 janv.-fév. 2000, 13 n° 7 obs. CREDOT et GERARD. 36 Paris 29 sept. 1983 D. 1984, IR 265 ; JCP E 1986, 14777 n° 12 obs. GAVALDA et STOUFFLET.

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escompteur peut être désigné en qualité de bénéficiaire. Il s'agit alors d'une lettre de change. Le créancier tire la traite sur son débiteur et désigne la banque comme bénéficiaire. Celle-ci remet les fonds au tireur sans attendre l'échéance. Lorsque cette dernière survient, le tiré paye au porteur c'est-à-dire à la banque, à moins que l'effet n'ait été transmis entre-temps. L'opération d'escompte est réalisée de la même façon qu'à la suite d'un endossement. Cependant, il arrive que le tireur laisse en blanc le nom du bénéficiaire ne sachant pas si le banquier accepte d’escompter. Le banquier escompteur peut ajouter son nom sur l’effet quand il le régularise. Ainsi la lettre de change nulle (art. 316 c. com. lib.) faute d’une des mentions exigées par l’article 315 c. com. lib. (art. 110- 6 c. com. fr.), la question se pose de savoir si cette régularisation est opposable au tiré? Le code de commerce libanais n’évoque pas la question des altérations de la lettre de change. L’application stricte de l’article 316 c. com. lib. conduit à requalifier la lettre de change: « Le titre dans lequel une des énonciations indiquées à l’article précédent fait défaut ne vaut pas comme lettre de change ».

Cependant, cette position est rigide. Aussi faut-il considérer que si la régularisation intervient avant l’acceptation du tiré celui-ci doit demeurer tenu dans les termes du texte originaire (art. 178 c. com. fr.). En revanche, si la régularisation intervient après son acceptation, elle reste opposable au tiré sauf faute de la banque (37). Il est même admis que l’endossement effectué par le tireur supplée à l’absence du nom du bénéficiaire (38). En toute hypothèse, la régularisation doit intervenir avant la présentation au paiement (39). L’effet de commerce peut être endossé au banquier. Il est généralement à blanc. Il s'agit alors d'un endossement translatif. C'est la différence essentielle avec l'endossement effectué pour permettre le recouvrement des effets de commerce. Dans ce dernier cas, le banquier n'est qu'un mandataire chargé du recouvrement et un endossement de procuration suffit. Dans l'opération d'escompte, au contraire, le banquier devient propriétaire de l'effet. De fait, il peut endosser à son tour l'effet au profit de la personne de son choix. Alors qu'à la suite d'un endossement de procuration, l'endossataire ne peut lui-même endosser qu'à titre de procuration, dans l'escompte, le banquier, ayant acquis la propriété de l'effet, peut procéder aussi bien à un endossement translatif qu'à un endossement de procuration. C'est de cette façon qu'il réalise le réescompte déjà décrit.

462 Dénouement. L’opération d’escompte se dénoue lorsque la banque recouvre la créance. Le recouvrement

se réalise lorsque le tiré effectue le paiement au jour d’échéance de l’effet de commerce (à moins que la banque n’ait procédé entre temps à un réescompte). En contrepartie du service rendu, elle va réaliser un bénéfice égal aux sommes qu’elle a prélevées, diminué des frais engagés. Cependant, l’effet risque de revenir impayé à l’échéance. La banque peut alors agir contre les garants notamment, le remettant, en vertu de la convention d’escompte qui la lie à ce dernier c’est-à-dire sur le droit commun (40). La chambre commerciale de la Cour de cassation a fait cette même application en matière d’escompte de chèques (41). Il est certain en effet que cette convention d’escompte garantit l’escompteur, l’escompte ayant les caractères d’une opération de crédit et non d’une spéculation avec les risques que celle-ci comporterait (42). De même, le banquier, porteur à l’échéance d’un effet impayé, peut précisément exercer ces recours cambiaires. Sa position est alors plus forte; il peut agir contre tous les cosignataires de l’effet, solidairement garants du paiement bénéficiant de l’inopposabilité des exceptions (art. 121 c. com. lib.), mais cette action suppose qu’il ait à l’échéance accompli toutes les formalités requises dans les délais légaux et surtout qu’il soit de bonne foi (43).

463 Contrepassation. Le banquier dispose dans le cadre du compte courant d’un moyen très simple de

récupérer les fonds: la contrepassation. La contrepassation est facultative mais, si le client est in bonis, le banquier lui restituera les titres. Si le client fait l’objet d’une procédure collective, la banque qui contrepasse garde la propriété des titres contrepassés et peut donc exercer les recours et déclarer sa créance pour son montant intégral (art. 301 c. com. lib.). Cependant, la contrepassation, lorsque le client est in bonis vaut paiement et, donc fait perdre au banquier les recours cambiaires. Pour éviter cela, le banquier ne

                                                            37 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 475 n° 490 et les réf. citées. 38 Cass. com. 9 mars 1976 Bull. civ. IV n° 85, RTDcom 1976, 754. 39 Ibid, réf. citées. 40 Paris 24 fév. 1982, D1982, 467 note STOUFFLET. 41 Cass. com. 30 janv. 1996 D. 1996, 320, note RIVES-LANGE ; RTDcom. 1996, 302 obs. CABRILLAC. 42 Cette action d’origine contractuelle a un avantage et un inconvénient: elle est toujours possible même lorsque la banque s’est montrée

négligente lors de la présentation de l’effet au paiement ; en revanche, elle est soumise au droit commun donc moins efficace que les recours cambiaires.

43 Cass. com. 9 mars 1991, Banque 1990, 1212.

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contrepasse pas directement à l’échéance de l’effet impayé, mais l’inscrit au débit d’un compte spécial appelé « impayés à récupérer ». Dans ce cas, il n’y a pas paiement et le banquier disposera toujours du recours cambiaire contre les signataires solidairement tenus (44).

464 Rémunération. La rémunération de la banque se compose des intérêts et des commissions. L’intérêt est

versé à l’escompteur en fonction du délai à courir jusqu’à l’échéance de l’effet. Cet intérêt est convenu par écrit entre les parties, à défaut, le taux légal est seul applicable. Il est calculé sur 365 jours (45). En outre, la banque perçoit différentes commissions en contrepartie des services rendus: endos, de traitement, confirmation, service, etc. Paragraphe 2 - Crédit de mobilisation des créances commerciales

465 Présentation. L’escompte a encouru le reproche de contraindre les banques à une trop grande manipulation

de documents. Les constatations ont été à l’origine de la création d’une commission en 1965, commission Gilet, afin de proposer un autre procédé permettant l’octroi de crédit tout en laissant à son bénéficiaire l’initiative des opérations. Ainsi est né le crédit de mobilisation des créances commerciales (CMCC) en vertu de l’ordonnance française du 28 septembre 1967 ( 46 ). Ce texte avait créé un nouvel effet de commerce, la facture protestable remise au banquier, en échange d’une avance accordée par ce dernier. Mais le mécanisme a connu peu d’engouement aussi a-t-il été abrogé en 1981 lors de la création du bordereau Dailly. Seul subsiste aujourd’hui le CMCC non garanti par lequel le banquier consent un crédit à son client au vu des créances que celui-ci détient sur des tiers, sans que celles-ci ne soient transmises au banquier (47). Le client réunit ses factures dans un même document matérialisé par un billet à ordre qu’il remet à son banquier. En contrepartie de cette remise, ce dernier inscrit le montant du billet au compte du client. Seul le billet à ordre est remis à la banque mais non les factures qui sont conservées par le client. Il n’y a donc pas de transfert des créances mobilisées. Ainsi, apparaît la différence fondamentale avec l'escompte: la banque ne fait qu'accorder un crédit sans intervention dans le processus de recouvrement. Egalement, le client doit signer une déclaration d’option par laquelle il opte pour le CMCC et donc pour l’abandon de l’escompte et ceci, afin d’éviter que les mêmes créances commerciales puissent servir simultanément de base aux deux types de crédit. La banque ayant reçu cette déclaration doit la transmettre à la Banque de France dont l’agrément est indispensable, cela pour vérifier que l’option n’est pas contournée par le recours à plusieurs banques: la Banque de France peut réfuter ce type de crédit. En revanche, dès que l’agrément est donné, la convention pourra être conclu et le CMCC se réaliser. La banque qui a autorisé le recours au CMCC doit accorder les crédits à son client et ce, dans les mêmes conditions que celles applicables à toutes les ouvertures de crédit.

466 Recouvrement des créances. Le CMCC dissocie l’opération de crédit et le recouvrement des créances. Il

incombe donc au client d’assurer le recouvrement des créances. Rien n’empêche toutefois de convenir que la banque se chargera du recouvrement des créances mais elle agit alors en qualité de simple mandataire de son client, à la différence de l’escompteur. Dans ce cas, le banquier compensera les sommes dues au titre de crédit et les sommes encaissées pour le compte de son client. Le règlement des factures peut se faire par tous moyens y compris par remise d'effets de commerce. Ceux-ci ne doivent cependant pas être escomptés et, pour éviter toute confusion, les initiales CMCC doivent figurer sur le titre. Paragraphe 3 - Convention d’affacturage

467 Présentation. L’affacturage ou factoring, technique d’origine anglo-saxonne, est utilisée en France depuis

les années soixante. Certains arrêtés rendus par le gouverneur de la BDL l’avaient évoqué: arrêté n° 7305 du 19 juin 1999 abrogé en vertu de l’arrêté n° 7432 du 29 octobre 1999, abrogé à son tour en vertu de l’arrêté n°7835 du 2 juin 2001 relatif à la réserve obligatoire. Aucune loi libanaise ne réglemente cette technique. L’affacturage est l’opération par laquelle le factor, affactureur, ou société d’affacturage, achète à un commerçant ou un industriel, appelé « adhérent » (48) ses factures ou titres – créances - à court terme établis par celui-ci sur ses acheteurs, moyennant le transfert de ces créances et le versement de commissions                                                             44 Cass. com. 3 nov. 1988, Petites affiches, 4 mais 1989 cité par GAVALDA ET STOUFFLET, 207 n° 418. 45 Cass. com. 10 janv. 1995, JCP G 1995, IV-592. 46 Ordonnance n° 67-838 du 28 septembre 1967. 47 BONNEAU, n° 557. 48 La plupart des sociétés d’affacturage nomment leurs clients des « adhérents » parce que l’affacturage repose sur un contrat d’adhésion, v

SALIO, L’affacturage: l’intérêt pour les PME, l’actualité fiduciaire n° 749, février 1992, 51.

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sans recours possible en cas de non recouvrement. Il s’agit d’une opération de crédit au sens de l’article L 313-1 c. monét. fin. puisqu’elle permet au client d’obtenir immédiatement et définitivement des fonds lors du transfert de créances puisque le factor règle les factures de son client. Cette mise à disposition du fonds est en principe définitive dans la mesure où le factor en garantit la bonne fin, ce qui signifie qu’il assume le risque de non-paiement de la créance transférée (49). Sous l’empire des anciens arrêtés, ces opérations étaient limitées aux titres d’obligations en devises étrangères et ne pouvaient être exercées que par les banques, sociétés financières et organismes de placement collectif après agrément de la BDL et sous contrôle de la Commission de contrôle des banques. Sous-paragraphe 1 - Caractéristiques

468 Processus. Le contrat d’affacturage détermine tout d'abord le processus qui devra être suivi dans

l'opération. Les risques que le factor prend à sa charge sont ceux de non-paiement des factures aussi bien pour cause d'insolvabilité du débiteur que par suite de bouleversements politiques. Il supporte également les risques monétaires. En contrepartie, le factor perçoit une rémunération stipulée au contrat. Une commission est prévue pour le règlement des factures ainsi que des intérêts, dans la mesure où le règlement se fait avant l'échéance des factures. La convention de factoring contient toujours le rappel d'une règle essentielle: celle de globalité ou d'exclusivité, en vertu de laquelle l'adhérent s'engage à présenter au factor l'ensemble de ses factures sans se livrer à un choix préalable. Cette règle constitue une garantie importante pour le factor qui évite ainsi de ne recevoir de son client que les créances les plus douteuses. Enfin, une durée peut être fixée à la convention. Dans le cas contraire, étant à durée indéterminée, elle pourrait être dénoncée à volonté par les contractants. Mais, même lorsque la durée est déterminée, le caractère très personnel du contrat, l'intuitus personae, permet au factor d'y mettre fin pour survenance d'événements susceptibles de diminuer sa confiance dans la solvabilité de l'adhérent et augmentant les risques courus.

469 Approbation des factures. Il est essentiel pour le factor de se réserver la faculté d'écarter certaines factures

ou certains débiteurs de son adhérent qui lui paraissent trop peu dignes de confiance. Le principe de globalité ne s'oppose pas à ce choix. Le factor pourrait donc procéder à un examen de chaque cas. Dans la pratique, il préfère fixer pour chaque débiteur de son adhérent une limite de crédit, un « encours maximum » qui ne doit pas être dépassé et dans cette limite, il ne peut refuser les factures proposées (50). Les factures refusées par le factor ne peuvent évidemment faire l'objet du factoring. Il n'est nullement exclu, en revanche, que le factor assure leur recouvrement mais le fondement juridique de son activité sera alors tout différent: il agira en qualité de mandataire chargé du recouvrement. Dès que les factures sont approuvées, le factor en règle le montant à son adhérent. Les parties travaillent en compte courant; le compte de l'adhérent est crédité de la somme correspondant aux factures tandis que la rémunération du factor est portée au débit.

470 Transmission des créances. Les factors concluent une convention cadre de factoring en vertu de laquelle

les adhérents sont tenus de présenter à l’affacturage toutes leurs créances à court terme. En contrepartie, le factor doit régler lesdites factures. A chaque opération, le factor se voit transférer la créance mobilisée (51) par le mécanisme de la subrogation conventionnelle régie par l’article 1250 c. civ. (52). Le factor, subrogé, acquiert la propriété des créances transférées avec tous les droits et sûretés qui y sont attachés. Il perd en revanche tout recours contre l’adhérent puisque celui-ci a été payé. Toutefois, il conserve une action en répétition de l’indu dans l’hypothèse d’inexistence totale au partielle de la créance transmise. Cette subrogation est opposable tant aux tiers qu’au banquier sans autre formalité. Ainsi le factor peut obtenir du banquier de l’adhérent la restitution du montant des factures cédées qu’il aurait encaissé (53). En vue du règlement, l’adhérent remet au factor un bordereau des différentes factures approuvées, accompagnées d’une déclaration de transfert des créances concernées ainsi qu’une demande de paiement en contrepartie d’une quittance subrogative qui y est jointe. En même temps, l’adhérent (fournisseur) avertit

                                                            49 DECOCQ, GERARD, MOREL-MAROGER, 172 n° 243. 50 Paris 20 févr. 1996 D. 1996, 505 note DAGORNE – LABBE. 51 Paris 25 juin 1968, JCP G 1968, II-15637 confirmant TC Pantoise 20 juin 1967 JCP G 1968, II-15610 note GAVALDA. 52 Paris 2e ch, 23 janv. 1970 et Paris 5e ch, 21 janv. 1970, JCP G 1970, II-16837 note GAVALDA ; Paris 14 avr. 1975 RTDcom. 1975, 342

obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE ; Cass. com. 29 janv. 1991, RTDciv. 1991, 530 obs. MESTRE). (Pour un financement qui a été assuré par voie de cession de créances professionnelles v. cass. com. 27 sept.2011, Banque et droit, n° 140, nov.-déc. 2011, chro. Dr.banc. 19 obs.BONNEAU.

53 TC Paris 22 mai 1990, Banque 1990, 990 RIVES-LANGE ; Paris 4 févr. 1992, D. 1992, IR 121.

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son acheteur qu’il devra désormais payer directement au seul factor en sa qualité de nouveau créancier. Cette notification n’est pas une condition d’opposabilité. A la différence de la cession de créance, le transfert est opposable aux tiers du seul fait que la subrogation a existé (54). Par ailleurs, elle n’est astreinte à aucune formalité particulière (55). Le débiteur peut être averti du transfert de n’importe quelle façon dès lors que son information ne saurait être mise en doute. En pratique, l’exemplaire de la facture destiné au débiteur porte une mention apparente indiquant que le paiement doit être adressé au factor. C’est là une condition nécessaire et suffisante (56). Sous paragraphe 2 - Recouvrement des factures

471 Droits du factor. Le factor se substituant à l’adhérent, se charge de recouvrer les

créances auprès des débiteurs. Ainsi, dès qu’il a reçu la notification du transfert, le débiteur ne peut valablement s’acquitter auprès de son premier créancier. Ce paiement serait inopposable au factor qui a acquis tous les droits du créancier et en a averti le débiteur (57). Un paiement effectué entre les mains de l’adhérent est toutefois libératoire (58). Dans cette hypothèse, si celui-ci n’a pas été informé de la subrogation à condition que celui-ci soit de bonne foi, et si le débiteur avait connaissance de l'existence du contrat d'affacturage, les paiements effectués postérieurement à la subrogation ne sont pas libératoires à son égard (59). Le factor doit se retourner contre son adhérent qui a reçu le paiement à cet égard, il est généralement prévu dans le contrat d’affacturage que si l’adhérent reçoit un paiement, il doit en transmettre le montant sans délai au factor. Cependant, en tant que cessionnaire, le factor ne peut acquérir plus de droits que n’en possédait le créancier initial, son cédant. Le débiteur pourra faire valoir à son encontre tous les moyens de défense dont il aurait disposé envers l’auteur des factures. Ainsi, il opposera toutes les exceptions inhérentes à la créance transmise qu’il aurait pu opposer au cédant (60). Il en est de même des exceptions qui ne sont pas en relation directe avec la créance transférée si les conditions étaient réunies antérieurement à la subrogation (61). Le factor qui est devenu propriétaire de la créance n’a en principe aucun recours contre l’adhérent. Cela se justifie par le fait qu’il est lui même garant de bonne fin du recouvrement. Il est toutefois dérogé à cette règle lorsque la créance n’a aucune existence notamment pour absence ou fausse cause. Dans cette hypothèse, il est admis que le factor puisse agir contre l’adhérent en répétition de l’indu (62). Il en est de même lorsque la créance s’avère fictive: dans ce cas, les règles de l’indu s’appliquent et la contrepassation devient possible (63).

472 Conflits entre le factor et divers tiers. L'affactureur peut s'opposer lors du recouvrement à certaines

personnes invoquant un droit sur les créances qui lui ont été cédées (64). Le principe est que celui qui se prévaut du titre le plus ancien est préféré. Ainsi, le banquier mobilisateur dont le bordereau de cession de créances est antérieur à la subrogation de créances dont bénéficie un affactureur l'emporte sur celui-ci (65). Peu importe que l'affactureur ait obtenu du créancier une exclusivité. Peu importe également que la créance litigieuse ait donné lieu à souscription de billet à ordre au profit dudit affactureur (66). En cas de conflit avec le porteur d'une traite acceptée, l’affactureur ne peut prétendre au paiement si le débiteur n'a pas été informé de la subrogation avant l'acceptation (67).

                                                            54 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 535 n° 585. 55 Cass. com. 14 oct. 1975, JCP G 1976, II-18279 note GAVALDA ; RTDcom. 1976, 175 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE ; 3 avr.

1990, D. 1991, 180 note DAGORNE-LABBE. 56 Cass. com. 14 oct. 1975, préc. 57 Cass. com. 22 oct. 1991, Bull. civ. IV, n° 299, 207; D. 1992 somm. 408, obs. AYNÈS; RDBB, n° 31, mai/juin 1992, 115, obs. CRÉDOT

et GÉRARD ; BONNEAU, n°581 p377. 58 Le débiteur est également libéré s’il a accepté une lettre de change avant d’avoir eu connaissance de l’affacturage, Cass. com. 26 avr.

2000, Bull. civ. IV n° 88, 77 ; DA 2000, 290 obs. FADDOUL. 59 Cass. com. 15 oct. 1996, Bull. civ. IV, n° 230, 201 ; D.A, n° 43/1996, 1388 ; Quotidien juridique, n° 88, 31 oct. 1996, 2 ; Cont-Conc-

Cons, janv. 1997, n°2, note LEVENEUR. 60 Cass. com. 9 mai 1977, JCP G 1977, II-18744 note AS ; Banque 1978, 385 ; RTDcom. 1977, 772 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE. 61 Il en est ainsi de l’exception de compensation ; Cass. com. 29 mai 1979 D. 1980 IR 209, obs. VASSEUR ; RTDcom. 1980, 128 ; 3 avr.

1990, RTDcom. 1990, 444 obs. CABRILLAC et TEYSSIE ; D. 1991, 180 note DAGORNE-LABBE. 62 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 534. 63 Cass. com. 7 juin 1997, Bull. civ. IV n° 200 ; RTDcom. 1994, 762 obs. CABRILLAC. 64 GAVALDA, Rép. com. Dalloz, Affacturage n°153 et s. 65 Cass. com. 3 janv. 1996, D. 1996, IR 69 ; JCP E 1996, II-848 note STOUFFLET. 66 Paris, 21 févr. 1990, Banque 1991, 210, obs. RIVES-LANGE ; JCP E 1991, 91 n° 35 obs. GAVALDA et STOUFFLET. 67 V sur ce point: Cass. com. 18 mars 1997, JCP E 1997, pan 489, obs. BOUTEILLET ; RTDcom. 1997, p 492, obs. CABRILLAC ; D.

1997, IR 95; Chr. droit bancaire ; JCP E 1998, 319, n° 17, obs. GAVALDA et STOUFFLET.

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Paragraphe 4 - Avance sur marché

473 Présentation. L’exécution des marchés nécessite de la part des entrepreneurs et fournisseurs,

l’investissement de fonds importants spécialement pour les titulaires de marchés publics en raison de l’insuffisance des avances ou acomptes que leur verse l’Administration (Etat ou autre collectivité publique). A cela, il faut ajouter la lenteur et le retard avec lesquels les paiements sont effectués même après l’achèvement des travaux. Par conséquent, les entrepreneurs avaient besoin d’avances bancaires (crédits de préfinancement pour les études techniques, les achats de matériels ou crédits d’accompagnement pour couvrir les dépenses d’exécution ou encore crédits de mobilisation pour anticiper sur le paiement qu’effectuera l’administration). Or, pour accorder les avances, les banques avaient besoin de garantie, d’où l’idée d’offrir aux banques en contrepartie de leur concours financier, la créance des entrepreneurs sur la collectivité publique relative au marché de travaux qui leur a été attribué en vertu d’un nantissement. Le nantissement de marché est soumis à un régime de droit commun sur le nantissement des créances (68). C’est dans cette optique que la Cour de cassation a considéré que cette sûreté peut garantir n’importe quelle créance et non seulement celles relatives au marché nanti (69) et signifié au débiteur de la créance mise en gage. (70).

474 Droits du banquier nanti. Le banquier nanti sur le marché est traité comme tout créancier gagiste. Ainsi, il

a un privilège sur le prix du marché mais dans la limite des termes de la créance telle qu’elle se présente, avec des causes de résiliation ou de réduction (71).

475 Attribution judiciaire de la créance. La question s’est posée de savoir si le banquier nanti sur un marché

public avait le droit à l’attribution judiciaire de la créance sur le fondement de l’article 2078 c. civ. notamment en présence d’un créancier titulaire d’un privilège préalable? L’Assemblée plénière de la cour de cassation française a dissocié le droit à l’attribution judicaire du droit de rétention et a décidé que tout créancier gagiste pouvait en l’absence de dispositions contraires, obtenir l’attribution judiciaire du gage (72). Paragraphe 5 - Cession Dailly

476 Présentation. La cession Dailly est un mécanisme simplifié de mobilisation de créances institué par la loi

française du 2 janvier 1981. Le mécanisme consiste à céder au nanti un ensemble de créances toutes représentées par un seul et même titre: le bordereau. Ce mécanisme actuellement régi par le code monétaire et financier (art. L 313-23 et s) permet de transmettre un groupe de créances par un même titre et ce, sans accomplir les formalités contraignantes nécessaires à l’opposabilité aux tiers de la cession de créance requises par l’article 1690 c. civ. Sous-paragraphe 1 - Conditions de la cession

477 Convention cadre. Généralement, les parties concluent une convention cadre ayant pour objet d’organiser

pour le futur leurs rapports avant toute opération de cession par bordereau Dailly. La convention décrit la nature de la cession: cession escompte ou cession garantie. Dans le premier cas, l’établissement de crédit s’engage « à acheter la créance du cédant, son client, en créditant son compte du montant de ladite créance diminuée de celui des agios qui sont précomptés ». Dans le deuxième cas, « l’établissement de crédit accepte à se faire céder en pleine propriété les créances en garantie des concours de toute nature qu’il peut consentir à son client » (découvert, engagement de caution, etc.). En outre, elle prévoit la faculté pour la

                                                            68 Art. 2074ets c. civ. et art. 91 al. 5 c. com. fr. 69 Cass. com. 19 déc. 1972, Banque 1973, 401 obs. MARTIN. Le nantissement doit être écrit : RIVES-LANGE et CONTAMINE-

RAYNAUD, 539 n° 591; GAVALDA et STOUFFLET, 338 n° 673. 70 A ces conditions de droit commun, il faut ajouter des conditions prévues par les dispositions du code des marchés publics : art. 187 à 197.

Ainsi, l’acte de nantissement est matérialisé dans un exemplaire spécial et unique de nantissement. L’exemplaire unique est remis au comptable chargé du paiement.

71 T. adm. com. 10 avr. 1954, Banque 1954, 524 ; CE, 18 mars 1959, Banque 1959, 517 rapp. par GAVALDA et STOUFFLET, 338 n° 673. De même, conformément à l’article 193 du code des marchés, les droits du banquier nanti sont primés par les privilèges suivants : le privilège des frais de justice, les privilèges des salaires, les privilèges des ouvriers et des fournisseurs, des entrepreneurs de travaux publics, les privilèges du trésor, le privilège des propriétaires des terrains occupés pour cause de travaux publics. En principe, en dehors de ces privilèges, le banquier nanti ne peut se voir opposer que les oppositions, cessions et nantissements qui sont signifiés au plus tard le dernier jour ouvrable précédant le jour de la signification de son nantissement.

72 Cass. 26 oct. 1984, D 1985, concl. CABANNES, note DERRIDA ; JCP G 1985, II-20342 rapp VIENNOIS, note CORLAY.

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banque de rejeter, après examen du bordereau, tout ou partie des créances présentées (73). Enfin, la convention prévoit, l’engagement du client de présenter à la banque l’ensemble de ses créances en vertu de la clause de globalité ou d’exclusivité et le mandat donné au cédant par le cessionnaire pour recouvrer le montant des créances cédées. Il convient de signaler que depuis que le code civil a mis un terme au monopole du papier (art. 1108-1 et 1316-1 à 1316-4 c. civ.), il semble possible d’établir un bordereau numérique (74).

478 Parties au bordereau. Le recours au bordereau Dailly met en relation un cédant, un cessionnaire et un

cédé. S’agissant du cédant, il peut s’agir soit d’une personne morale de droit privé ou de droit public soit même d’une personne physique mais dans « l’exercice par celle-ci de son activité professionnelle » (art. L. 313-23 al. 1 c. monét. fin.). A défaut, la personne physique ne pourra se prévaloir des règles relatifs au bordereau Dailly mais devra préserver ses droits dans les conditions de droit commun. S’agissant du cessionnaire, il ne peut s’agir que d’un établissement de crédit. A défaut, la cession ne sera opposable au tiers que par la signification faite au débiteur conformément à l’article 1690 c. civ. Enfin, s’agissant du cédé, il doit s’agir d’une personne morale de droit public ou de droit privé ou une personne physique dans l’exercice de son activité professionnelle. A ce propos, la jurisprudence décide que la désignation du débiteur cédé n’est pas une mention obligatoire du bordereau, mais seulement l’un des moyens alternatifs susceptibles de permettre aux parties d’effectuer l’identification des créances cédées (75).

479 Créances cédées ou nanties. Conformément à l’article L-313-23 c. monét. fin., il peut s’agir de « toute

créance que le bénéficiaire de crédit peut détenir sur un tiers, créance contractuelle ou extracontractuelle, non liquide et non exigible (76) et aussi futures, voire « en germes » (77). Mais à la condition toutefois que les créances soient identifiables ou individualisées (78). A défaut, le bordereau ne vaut pas acte de cession (79).

480 Date du bordereau. Si la sanction de l’absence de signature du cédant sur le bordereau Dailly est

controversée (80), en revanche, la jurisprudence s’accorde à dire que la mention de la date est indispensable; la cession prenant effet « entre les parties » et le bordereau devenant « opposable aux tiers » à la date portée sur le bordereau (art. L. 313-27 c. monét. fin.) (81). Le défaut de la date rend la cession sans effet et le bordereau, un simple document (82). Sous-paragraphe 2 - Effets de la cession

481 Transmission de la propriété des créances. La remise du bordereau au cessionnaire par le cédant réalise,

de plein droit, le transfert de la propriété des créances cédées avec tous leurs accessoires, sûretés personnelles ou réelles et même clause compromissoire (83). Aucune formalité n’est exigée (84). Le transfert est directement opposable aux tiers mais depuis la date inscrite au bordereau (85) et cela même si le cédant est mis en redressement judiciaire (86) pourvu que les prestations fournies soient antérieures (87).

482 Recouvrement des créances. En principe, le recouvrement des créances est opéré par le cédant en sa

qualité de mandataire du cessionnaire qui, grâce aux encaissements, rembourse le crédit au banquier qui l’a

                                                            73 Cass. com. 8 déc. 1987, Bull. civ. IV n° 564, 198 ; RDBB n° 7 mai-juin 1988, 90 obs. CREDOT et GERARD. 74 DECOQ, GERARD et MOREL-MAROGER, n° 233, 166. 75 Cass. com. 1er févr. 2011, Banque et droit, n° 137 mai-juin 2011, 28 obs. BONNEAU. 76 Cass. com. 8 janv. 1991 D. 1991, IR 44 ; RDBB 1991, 96 obs. CREDOT et GERARD ; RTDcom. 1991, 271 obs. CABRILLAC et

TEYSSIE . 77 RIVES – LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 506 n° 535. 78 Sur la possibilité d’une créance de dommage-intérêts résultant d’une décision judiciaire encore soumise à voie de recours, de faire l’objet

d’une cession par bordereau Dailly: Cass. com. 1er févr. 2011, Banque et droit n° 137 mai-juin 2011, 28 obs. BONNEAU. 79 Cass. com. 13 oct. 1992, Bull. civ. IV n° 301, 217 ; JCP E 1993, II-395 note STOUFFLET. 80 Certaines décisions nient alors la qualification de cession, Rouen 6 mars 1986 D. 1986, somm. 279 obs. VASSEUR. Contra TGI Colmar

13 mars 1987 D. 1988 somm. 279 VASSEUR rapp. par BONNEAU n° 591, 385. 81 Cass. com. 8 févr. 2000 D. 2000, Cahier droit des affaires, 131 note FADDOUL ; RTDcom. 2000, 425 obs CABRILLAC ; RDBF n° 2

mars-avr. 2000, 75 obs. CREDOT et GERARD. 82 Cass. com. 9 mars 1995, RTDcom. 1995, 632 obs. CABRILLAC. 83 Cass. civ. 5 janv. 1999 Bull. civ. I n° 1. 84 Cass. com. 9 févr. 2010, RDBF mai-juin 2010 comm. 95 note CERLES. 85 Cass. 8 févr. 2000 arrêt préc. 86 BONNEAU, 387 n° 591 et les nombreuses réf citées. 87 Cass. com. 26 avr. 2000, RDBB n° 4, juillet / août 2000, 229 obs. LEGEAIS ; JCP E 2000, 1134 note LEGEAIS ; RTDcom. 2000, 994

obs. CABRILLAC.

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financé. Cependant, l’établissement de crédit peut conforter sa position et empêcher le débiteur de la créance cédée de se libérer du signataire du bordereau en lui « notifiant » le transfert des créances. Cette notification n’est astreinte à aucune forme particulière (88) mais elle doit comporter les mentions à l’article L 313-23 c. monét. fin. La notification rend la banque seule titulaire de la qualité d’agir contre le débiteur cédé (89). L’acceptation du bordereau Dailly ne fait pas obstacle à ce que le débiteur cédé puisse invoquer les exceptions tirées de ses rapports personnels avec le cessionnaire (90). Dans l’hypothèse où le bordereau n’est pas accepté par le cédé, ce dernier pourra toujours se prévaloir à l’égard du cessionnaire des clauses de son contrat (91) ou les exceptions en relation directe avec la créance cédée dans la mesure où la cession n’en efface pas les créances (92).

483 Recours du cessionnaire. En principe, le cédant doit payer au cessionnaire le crédit qu’il lui a consenti

moyennant transfert des créances. En cas d’inexécution de l’obligation de paiement, le cessionnaire pourra se retourner non seulement contre les débiteurs cédés mais aussi contre le cédant et ce dans les termes du droit commun. (93).

484 Faillite ou procédure collective. La cession ou le nantissement sont opposables dans une procédure

collective du signataire du bordereau si la date de ce bordereau est antérieure à l’ouverture de la procédure, sauf si le représentant des créanciers parvient à démontrer que le bordereau a été antidaté (94). Néanmoins, une telle cession est annulable lorsque le bordereau a été établi en période suspecte notamment si le banquier cessionnaire ou créancier nanti a eu connaissance de la cessation des paiements ( 95 ). Plus récemment, la Haute cour décide que la date du bordereau antérieure à l’ouverture de la procédure collective du cédant n’affecte pas les droits de la banque cessionnaire même si le contrat générateur de la créance cédée est exécuté durant le cours de la procédure (96). SOUS-SECTION 3 - CREDITS PAR SIGNATURE

485 Présentation. Les crédits par signature sont les opérations par lesquelles la banque au lieu d’avancer des

fonds, avance sa signature. Elle s’engage envers un tiers en garantie de l’exécution de l’engagement de son client. Elle se borne, en quelque sorte, à prêter sa signature sans mise à disposition future ou immédiate de fonds. On présentera rapidement quelques unes des formules de crédit par signature sans approfondir leur régime qui relève essentiellement du droit cambiaire ou du droit commun, tel qu’aménagé par les parties. Il s’agit essentiellement du cautionnement bancaire (Paragraphe 1), du ducroire de banque (Paragraphe 2), de l’aval (Paragraphe 3), et du crédit par acceptation (Paragraphe 4). Paragraphe 1 - Cautionnement bancaire

486 Nature. Le cautionnement est un contrat par lequel une personne s’oblige envers un créancier à exécuter

l’obligation du débiteur, si celui-ci ne l’accomplit pas (art. 1053 c. oblig. c.). Mais le cautionnement bancaire est un cautionnement solidaire réglementé par les articles 23 et 24 c. oblig. c. par renvoi de l’article 1059 du même code (97) relatifs au cautionnement commercial. Le cautionnement est conclu à titre onéreux. En contrepartie de son intervention, la banque touche une commission qui varie selon les risques et l’importance de l’opération. Etant toujours commercial à l’égard de la banque, il peut être prouvé à son

                                                            88 Sur la validité d’une notification orale, Paris 15 oct. 1993 RTDcom. 1994, 82 obs. CABRILLAC et TEYSSIE. 89 Cass. com. 8 févr. 1991, RTDcom. 1991, 271 obs. CABRILLAC et TEYSSIE. 90 Cass. com. 22 févr. 1994, RJDA juillet 1994 n° 824. 91 Paris 26 janv. 1996, RTDcom. 1996, 310. 92 Versailles, 10 nov. 1987, D. 1988, somm. 281, obs. VASSEUR. 93 En droit français, le conflit entre le banquier cessionaire Dailly et le sous-traitant est tranché en faveur du second : le sous-traitant prime le

cessionaire Dailly. Cette solution, consacrée par la jurispudance, se fonde sur les dispositons de l’article I3-I de la loi du 31 décembre 1975 qui, en décidant dans son alinéa 1 que « l’entrepreuneur principal ne peut céder ou nantir les créances résultant du marché ou du contrat passé avec le maître de l’ouvrage qu’à concurrence des sommes qui lui sont dues au titre des travaux qu’il effectue personnellement » interdit la mobilisation de la créance portant sur les travaux sous-traités. Cette règle comporte néanmoins une exception ; l’entrepreneur peut, selon l’alinéa 2 du même texte, qui renvoie à l’article 14, céder ou nantir le montant total de sa créance sur le maître de l’ouvrage s’il a obtenu préalablement et par écrit le cautionnement personnel et solidaire d’un établissement agrée : Cass.com. 27 avr. 2011, Banque et droit n° 138 juill.-août 2011, chr.Dr.bancaire. 17 obs. BONNEAU.

94 GAVALDA et STOUFFLET, 225 n° 461. 95 GRENOBLE, 3 nov. 1987 D. 1989, somm. 194, obs. VASSEUR ; RTDcom. 1989, 508 obs. CABRILLAC et TEYSSIE. 96 Cass. com. 22 nov. 2005, Banque et droit 2006, 67 obs. BONNEAU ; RDBF janv.-févr. 2006, 18 note cerles ; RTDcom. 2006, 169 obs.

LEGEAIS. 97 V. art. 2011et s. c. civ.

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encontre par tous les moyens de preuve (98). 487 Exceptions. Conformément aux règles de droit commun, la caution peut opposer au créancier toutes les

exceptions que le débiteur principal pouvait lui-même lui opposer. A cela, il faut ajouter deux exceptions qui lui sont propres: l’impossibilité pour elle d’être subrogée aux droits du créancier lorsque cette impossibilité est due au fait du créancier (art. 1089 c. oblig. c. et art. 2037 c. civ.) et le terme dont la déchéance ne s’étend pas à la caution.

488 Obligation au paiement. Aux termes de l’article 23 alinéa 1 c. oblig. c.: « Il y a obligation solidaire entre

débiteurs lorsque plusieurs débiteurs sont tenus d’une même dette et que chacun doit être considéré, dans ses rapports avec le créancier, comme débiteur de la totalité de cette dette ». Il faut en déduire que les codébiteurs solidaires ne peuvent se prévaloir du bénéfice de division (art. 2003 c. civ.). L’application de cette règle aux cautions solidaires n’a jamais fait de doute (99). Les cautionnements consentis par les banques sont toujours stipulés solidaires. On rappellera en outre que la solidarité existe de plein droit en matière cambiaire ( 100 ) et, plus généralement en matière commerciale, en vertu de la présomption coutumière de solidarité. Le bénéfice de discussion est pareillement écarté (101). L’étendue de l’engagement de la caution est d’interprétation stricte (102).

489 Recours de la caution. La caution qui a désintéressé le créancier pourra se retourner contre le débiteur

principal pour le principal, les intérêts et les frais (art. 1080 c. oblig. c. ; art 2038 c. civ). En outre, la caution qui a procédé au paiement se trouve subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre son débiteur (art. 1084 c. oblig. c. ; art. 2029 c. civ.) (103). Paragraphe 2 - Ducroire de banque

490 Présentation. Par la convention ducroire, un intermédiaire entre un créancier et un débiteur, garantit au

premier, moyennant une rémunération supplémentaire le cas échéant, l’exécution du contrat passé. Cette clause figure spécialement dans le contrat de commission (art. 284 c. com. lib). Le commissionnaire se constituant ducroire par exemple, contre l’insolvabilité du tiers acquéreur. En matière bancaire, il s’agira pour la banque de garantir le vendeur contre l’insolvabilité de l’acheteur par diverses formes cambiaires moyennant une commission et qui fait généralement perdre au banquier son recours contre le tireur non fautif.

491 Mécanisme. L’opération se réalise par diverses modalités parmi lesquelles l’aval du tiré accepteur et le

forfait escompté. Dans le premier cas, le tireur d’une lettre de change l’escompte auprès d’une banque qui donne, en outre, son aval au profit du tiré accepteur. Il en résulte que la banque devient obligée de la même manière que le tiré. Elle perd donc son recours contre le tireur non fautif dans la mesure où du fait de son aval, elle n’est plus escompteur mais caution du tiré. Ce faisant, la banque consent deux crédits: un crédit par mobilisation de créances dans son rapport avec le tireur en vertu du contrat d’escompte et un crédit par signature dans son rapport avec le tiré en vertu du contrat d’aval. Dans le deuxième cas, le tireur ou un endosseur demande à un établissement de crédit de « faire le forfait de la signature du tiré » (104). Il faut bien préciser qu’il ne s’agit pas d’un aval. Le forfait a seulement pour effet d’interdire à la banque tout recours contre le tireur sous réserve de la faute du tireur notamment parce qu’il n’aurait pas fourni de provision (105). Ce faisant, ici aussi la banque accorde deux crédits: l’un au tireur au titre de l’escompte et l’autre au tiré à titre du forfait dans la mesure où l’engagement de la banque de ne pas agir contre le tireur donne à celui-ci une confiance dans le tiré.

                                                            98 Cass. com. 21 juin 1988, JCP G 1989, II-21170. 99 Cass. req. 16 mars 1898, DP 1898, 1, 301 ; S 1902, 1, 331. 100 Art. 369 c. com. lib.: « Tous ceux qui ont tiré, accepté, endossé ou avalisé une lettre de change sont tenus solidairement envers le

porteur ». 101 Art. 1073 al. 1 c. oblig. c.: « La caution ne peut demander la discussion du débiteur: … lorsqu’elle s’est engagée solidairement avec le

débiteur principal ». 102 Art. 1059 et 1054 al 3 c. oblig. c. et art. 2015 c. civ. qui énonce expressément « on ne peut étendre l’engagement de la caution au delà les

limites dans lesquelles il a été contracté. » 103 JU Beyrouth, 6 oct. 2009 Al Adl 2010/2, 813. 104 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 562 n° 612. 105 BANCOL et LAGELLEE - CHARRETTE, Ducroire de banque, JCL Banque - Crédit - Bourse, fasc 600.

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Paragraphe 3 - Aval L’aval est un engagement cambiaire donné par une personne, le donneur d’aval, qui apporte sa garantie au paiement de l’effet par un débiteur de la lettre de change. Il peut être donné sur la lettre de change elle-même ou par acte séparé (art. 346 al. 1 c. com. lib.). Sous-paragraphe 1 - Aval apposé sur la lettre de change

492 Conditions. L’aval doit être écrit. La signature doit être manuscrite et précédée d’une mention « bon pour

aval » ou « bon pour garantie » ou par toute formule équivalente (art. 346 al. 2 c. com. lib.) telle que encore « bon pour cautionnement pour le compte de ». L’aval doit indiquer pour le compte de qui il est donné. A défaut de cette indication, il est réputé donné pour le tireur (art.347 c.com.lib; art. L.511-21 c.com.fr.). Cette règle supplétive destinée à éviter la nullité de l’engagement irrégulier est une règle de fond et non une règle de preuve (106). Par conséquent, la seule mention d’aval portée sur une traite sans indication du débiteur garanti ne peut constituer un commencement de preuve par écrit de l’existence d’un cautionnement contracté en faveur du tireur porteur (107). Si le nom de la personne en faveur de qui est fait l’aval, l’avaliste, est censé avaliser le tireur de la traite, l’aval peut garantir l’engagement du tiré accepteur, du tireur, d’un endosseur, d’un autre avaliseur et d’une manière générale de toute personne obligée par les liens cambiaires. Parfois, le signataire est représentant d’une personne morale. Il est alors important de savoir si la signature engage le patrimoine personnel de son auteur ou celui de la personne morale qu’il représente. A ce propos, une jurisprudence constante décide que le représentant s’engage personnellement par sa simple signature, dès lors qu’elle n’est pas accompagnée d’autres indications sur la lettre de change (108).

493 Endossement. L’endossement peut être translatif, il se réalise alors par la signature de l’endosseur

(porteur) au recto de la traite (art. 346§3 c. com. lib.) ou à son verso, accompagnée, alors, en général par la formule « à ordre » bien que la loi ne l’exige pas, ensuite par la remise matérielle du titre à l’endossataire c’est-à-dire le banquier. L’endossement peut être pignoratif, il consiste à affecter une lettre de change à une garantie. Le plus souvent, ce type de gage est utilisé par un porteur de traites à échéances lointaines qui a besoin de trésorerie immédiate. Il va alors donner en gage à son banquier une (des) traite (s), ce qui va lui éviter de les escompter et pouvoir obtenir ainsi un crédit à court terme. L’obtention de ce crédit à court terme lui évite de faire courir des agios sur une période plus longue. Dans cette hypothèse, le banquier conserve le gage (109). Donc, c’est à lui de présenter l’effet au paiement, d’exercer les recours cambiaires si besoin est, faute de quoi il engagerait sa responsabilité envers le constituant du gage. Le banquier n’a aucun droit de propriété sur la traite il n’a qu’un droit de garde. L'endossement peut être de procuration. C’est un mandat de recouvrement de forme cambiaire donné à la banque. Le mandataire est donc chargé de réaliser l’ensemble des tâches matérielles inhérentes à l’encaissement de la traite. La banque doit vérifier la régularité apparente de la traite, la présenter à l’acceptation, au paiement, remettre les fonds encaissés à l’endosseur et recevoir les indemnités qui lui sont dues.

494 Paiement. Dès que la traite est présentée au paiement, le tiré doit la payer. Aucun délai de grâce ne peut

être obtenu. Une «résistance abusive » à payer peut même entraîner des dommages-intérêts. Les intérêts moratoires courent à partir de l'échéance. La présentation de l'effet avant échéance n'est pas une faute. En revanche, le porteur ne peut exiger le paiement avant échéance. Si le tiré paie avant échéance, il le fait à ses risques et périls. Le porteur ne peut refuser un paiement partiel. S'il le faisait, il serait privé à due concurrence de ses recours contre les garants. Le tiré peut exiger que ce paiement soit mentionné sur la traite que conserve le porteur et qu'une quittance lui soit remise. En pratique, le règlement s'effectue par échange entre banques comme les effets sont le plus souvent domiciliés. Les effets font l'objet d'une compensation entre banques, qui ont recours à l'informatique.                                                             106 Cass. ch. Réunies 8 mars 1960, JCPG 1960, II-11616 note ROBLOT ; D. J, 209 note HAMEL v. GORE, L’aval de la lettre de change sans

indication du débiteur garanti D 1957, chron., 105 spéc. 107. 107 Cass. com. 26 mai 2010, RDBF janv.-févr. 2011, comm. 3 note CREDOT et SAMIN. 108 Cass. com. 13 sept. 2011, n° 10-20. 504 ; v. QUIQUEREZ, « Piqûre de rappel » sur l’aval personnel d’un dirigeant, RDBF mars-avr.

2012, étude 7. 109 Cass. civ. lib. 11 juin 1979 Al Adl 1970, 22.

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Sous-paragraphe 2 - Aval spécial ou par acte séparé 495 Conditions. L’article 346 alinéa 1 c. com. lib. (art. L 511-21 c. com. fr.) admet que l’aval puisse être donné

par un acte distinct de l’effet de commerce. Pour valoir engagement cambiaire, un tel aval doit répondre à des conditions plus précises que s’il est donné sur l’effet lui-même. L’acte d’aval qui résulte nécessairement d’un écrit signé par le donneur d’aval (110) doit en outre comporter:-1- l’indication du lieu où il est intervenu (111), faute de quoi, l’aval donné par acte séparé ne vaut pas aval (112) -2- les termes « bon pour aval » ou une autre formule équivalente exprimant sans équivoque la volonté de s’obliger cambiairement (art. 346-2 c. com. lib.) -3- la mention de la date, du montant, de la nature et de l’échéance du ou des effets avalisés (113). Faute de remplir ces conditions, l’acte ne peut valoir engagement cambiaire. Il peut cependant être constitutif d’un cautionnement de droit commun s’il remplit les conditions pour faire preuve d’un tel engagement (114).

496 Aval et cautionnement. L'aval par acte séparé est parfois difficile à distinguer d'un cautionnement de droit

commun de la dette pour le paiement de laquelle la lettre de change a été tirée (115). Seule une recherche d'intention peut apporter la solution. Même lorsque les conditions de forme sont remplies, il y a cautionnement et non aval si le signataire a manifesté clairement son intention de ne pas s'engager cambiairement (116). De même, un acte antérieur à la création d’effets de commerce, correspondrait-il formellement aux conditions d'un aval par acte séparé, ne peut être constitutif que d'un cautionnement de droit commun que l'émission ultérieure des effets ne peut avoir transformé en acte d’aval (117). Si l’acte ne répond pas au formalisme cambiaire, fût-il qualifié aval, il ne peut valoir comme tel. Il est cependant possible de voir dans un tel acte un cautionnement de droit commun ou au moins, suivant les circonstances, un commencement de preuve d'un tel cautionnement (118). Paragraphe 4 - Crédit par acceptation

497 Définition. L’acceptation est l’engagement pris par le tiré sur la lettre de change de payer le montant de

cette lettre au porteur quand celui-ci la lui présentera à l’échéance (art. 343 al. 1 c. com. lib.). Cet engagement résulte de la signature apposée sur le titre. Mais cette signature, le tiré ne l’apposera que s’il est débiteur du tireur et s’il a reçu la provision de ce dernier, sinon, il pourra apposer au porteur qui lui présentera la lettre à l’acceptation, l’exception de défaut de provision (119). C’est dans ces mêmes termes que la banque accepte la lettre de change moyennant une commission et compte alors sur la provision que lui fournira le tireur pour payer à l’échéance. Dans ce cas de figure, la banque est certes tenue cambiairement mais en réalité elle ne paiera pas la traite car, en principe, c’est le client qui « fera les fonds avant l’échéance et la présentation des effets » (120). Elle n’engage donc que sa signature. Sa signature couvre bien un crédit dans la mesure où le tireur pourra, s’il le veut, escompter une traite acceptée par une banque (121).

498 Mentions. L'acceptation est écrite sur la lettre de change. Elle est exprimée par le mot «accepté » ou tout

autre mot équivalent, elle est signée du tiré. La simple signature du tiré apposée au recto de la lettre vaut acceptation (art. 340 c. com. lib.). Elle est pure et simple, mais le tiré peut la restreindre à une partie de la

                                                            110 Cass. com. 11 févr. 1986 JCP G 1986, IV-109 et E, I-15333 ; Gaz. Pal. 1986, 2, somm. 507 obs. PIEDELIEVRE, qui casse un arrêt ayant

qualifié aval par acte séparé un document non signé du prétendu donneur d’aval et n’émanant pas de lui. V aussi Cass. com. 26 nov. 1996, D 1997 somm. 262, obs. CABRILLAC ; RTDcom. 1997, 119 obs. CABRILLAC ; Banque n°577 janvier 1997, 90, obs GUILLOT ; JCP E 1997, II-906 note BONNEAU qui confirme un arrêt ayant considéré qu’au regard de l’article 130, la signature de l’avaliste ne peut résulter de la mention d’un numéro dans le texte d’un télex, s’agirait-il d’une « clé informatique ».

111 Paris 28 avr. 1987, DS 1987 IR 131. 112 Cass. com. 11 janv. 1972, RTDcom. 1972, 662 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE. 113 Cass. civ. 7 janv. 1847, DP 1847, 1, 103 ; 7 mars 1944, D. 1945, 73 note HAMEL. 114 Lyon 8 juin 1976 JCP G 1977, IV-44 ; DS 1977, IR 192, obs CABRILLAC et RIVES-LANGE. 115 Par ex. Caen 17 juin 1873 DP 1875, 2, 128. 116 Amiens 17 déc. 1975, JCP G 1976, G IV-326 ; DS 1976, somm. 56 ; RTDcom. 1977, 333, obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE. 117 Cass. com. 3 nov. 1975, Bull. civ. IV n° 249 ; DS 1976, somm. 25. 118 ROUEN 21 sept. 1973 DS 1974, 246 note ROBLOT ; RTDcom 1974, 128 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE ; Lyon 8 juin 1976 préc.

contra ROUEN 14 déc. 1973, DS 1974 somm. 35. 119 L’utilité de l’acceptation est certaine. Si le tiré se reconnaît débiteur du tireur, il y aura un débiteur de plus sur la lettre, le tiré, le débiteur

principal restant le tireur. Dès lors qu’il a apposé sa signature sur la lettre, le tiré, qu’il soit ou non réellement débiteur du tireur, est tenu d’un obligation cambiaire abstraite détachée de la créance originaire ou provision. Il est tenu envers le porteur.

120 GAVALDA et STOUFFLET, 279 n° 558. 121 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 563 n°614. Dans le ducroire, le banquier s’interdisait tout recours contre le tireur pour

asseoir le crédit du tiré. Ici, il accepte une traite du tireur pour lui permettre de l’escompter et c’est donc au tireur qu’il fait crédit.

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somme. Toute autre modification apportée par l'acceptation aux énonciations de la lettre de change équivaut à un refus d'acceptation. Toutefois, l'accepteur est tenu dans les termes de son acceptation (art. 341 c. com. lib.). Si le tiré qui a revêtu la lettre de change de son acceptation a biffé celle-ci avant la restitution de la lettre, l'acceptation est refusée. Sauf preuve contraire, la radiation est réputée avoir été faite avant la restitution du titre. Toutefois, si le tiré a fait connaître son acceptation par écrit au porteur ou à un signataire quelconque, il est tenu envers ceux-ci dans les termes de son acceptation (art. 344 c. com. lib.).

499 Présentation. La lettre est présentée à l'acceptation du tiré au lieu de son domicile par le porteur ou même

par un simple détenteur (art. 346 c. com. lib.). Dans toute lettre de change, le tireur peut stipuler qu'elle devra être présentée à l'acceptation, avec ou sans fixation de délai. Il peut aussi stipuler que la présentation à l'acceptation ne pourra avoir lieu avant un terme indiqué. Tout endosseur peut stipuler que la lettre devra être présentée à l'acceptation, avec ou sans fixation de délai à moins qu'elle n'ait été déclarée non acceptable par le tireur (art. 337 c. com. lib.). Le tiré peut demander qu'une seconde présentation lui soit faite le lendemain de la première. Les intéressés ne sont admis à prétendre qu'il n'a pas été fait droit à cette demande que si celle-ci est mentionnée dans le protêt. Le porteur n’est pas obligé de se dessaisir entre les mains du tiré de la lettre présentée à l’acceptation (art. 339 c. com. lib.). Les lettres de change à un certain délai de vue doivent être présentées à l'acceptation dans le délai d'un an à partir de leur date. Le tireur peut abréger ce dernier délai ou en stipuler un plus long. Ces délais peuvent être abrégés par les endosseurs (art. 338 c. com. lib.).

500 Paiement. Quand le tireur a indiqué dans la lettre de change un lieu de paiement autre que celui du

domicile du tiré, sans désigner un tiers chez qui le paiement doit être effectué, le tiré peut l'indiquer lors de l'acceptation. A défaut de cette indication, l’accepteur est réputé s'être obligé à payer lui-même au lieu du paiement. Si la lettre est payable au domicile du tiré, celui-ci, peut indiquer dans l'acceptation une adresse du même lieu où le paiement doit être effectué (art. 342 c. com. lib.). A défaut de paiement, le porteur, même s'il est le tireur, a contre l'accepteur une action directe résultant de la lettre de change pour tout ce qui peut être exigé en vertu des articles 370 et 371 c.com.lib. (122). SECTION 2 - OPERATIONS DE CREDIT A MOYEN ET LONG TERME

Ce type de crédit sert en principe à financer les investissements: achat de matériel, construction

immobilière, etc. Nous en envisagerons le prêt à moyen et long terme (Sous-section 1), le crédit bail (Sous-section 2), les crédits mobilisables (Sous-section 3), la titrisation (Sous-section 4) et les crédits aux consommateurs (Sous-section 5). SOUS-SECTION 1 - PRET A MOYEN ET LONG TERME A côté du prêt, figure classique, il existe deux modalités particulières, le prêt crédit différé et le prêt participatif.

501 Les prêts crédits différés. C’est une opération qui s’articule sur deux contrats: un contrat de crédit différé,

qui s’analyse en une promesse de crédit, et un contrat de prêt subordonné à des versements antérieurs et à l’expiration d’un délai d’attente à l’issue duquel seulement le prêt est accordé. Concrètement il s’agit d’un fonds financé par les versements des clients en échange desquels, ils obtiennent à tour de rôle un crédit alimenté par les fonds collectés. À la suite d’un certain nombre d’abus, le crédit différé a été encadré par la loi du 24 mars 1952 à travers la fixation d’un statut pour les entreprises qui le pratiquent. Ce procédé est réservé aux prêts à l’accession à la propriété immobilière ou à la réparation, l’agrandissement et la modernisation d’immeubles appartenant aux emprunteurs. Le contrat doit être écrit et contenir des mentions obligatoires relatives aux droits et obligations des parties, et aux règles déterminant le montant du prêt promis et sa date d’attribution. En outre, les prêts sont obligatoirement garantis par une inscription hypothécaire.

                                                            122 Art 370 c. com. lib.: - « Le porteur peut réclamer à celui contre lequel il exerce son recours: 1- le montant de la lettre de change non

acceptée ou non payée, avec les intérêts s'il en a été stipulé 2 - Les intérêts au taux légal à partir de l'échéance ; 3 - Les frais du protêt, ceux des avis donnés ainsi que les autres frais. Si le recours est exercé avant l'échéance, déduction sera faite ». Article 371 c. com. lib.: « Celui qui a remboursé la lettre de change peut réclamer à ses garants: 1- intégrale qu'il a payée ; 2- Les intérêts de la dite partir du jour où il l'a déboursée ; 3- les frais qu’il a faits ».

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502 Prêts participatifs. Les prêts participatifs sont réglementés par les articles L 313-3 à 14 c. monét. fin. (123). Ils ont pour objectif de soutenir les petites et moyennes entreprises commerciales et industrielles ayant des difficultés de liquidité. Ils ne peuvent être consentis qu’à des entreprises commerciales ou industrielles (124). Ils ne peuvent être consentis que par les personnes limitativement énumérées par l’article L 313-13 c. monét. fin.: Etat, établissement de crédit, sociétés commerciales, les sociétés et mutuelles d’assurances (et les institutions relevant du titre II et du titre III du livre IX du Code français de la sécurité sociale), et OSEO (125) établissement public à caractère industriel et commercial, spécialement créé pour aider au financement des petites et moyennes entreprises. Les prêts participatifs constituent de véritables prêts d’une durée limitée, qui doivent être remboursés ou remplacés à l’échéance par une technique de substitution (126). Ils procurent des fonds moyennant une participation aux bénéfices de l’emprunteur. Cependant, le prêteur n’est pas pour autant actionnaire, il demeure étranger à l’entreprise où il a investi (127). En ce sens que les prêts participatifs ne participent pas au capital social. La rémunération des fonds prêtés qui est soumise aux dispositions du code de la consommation sur l’usure, consiste dans un intérêt fixe qui peut être majoré par la convention des parties notamment par le jeu d’une clause de participation au bénéfice net de l’emprunteur (art. L. 313-17 c. monét. fin.). Il en résulte que le prêteur bénéficie d’un droit à un prélèvement prioritaire sur le bénéfice distribuable avant toute autre affectation. En cas d’ouverture d’une procédure collective, les prêts participatifs ne sont remboursés qu’après désintéressement de tous les autres créanciers privilégiés ou chirographaires (art L 313-15 c. monét. fin.) Cela se justifie par le fait que le prêteur a vocation à partager les bénéfices de l’emprunteur, il doit donc laisser passer devant lui les autres créanciers (128). SOUS-SECTION 2 - CREDIT-BAIL

503 Présentation. Le crédit-bail ou leasing, technique d’origine anglo-saxonne, est régi par la loi libanaise n°

160 du 27 décembre. 1999 relative à la réglementation des opérations de crédit-bail ratifiant le décret-loi n° 607 du 8 mai 1999. L’article 1 de la loi n° 160/1999 définit le crédit-bail (mobilier) comme « les opérations de location de biens d’équipement et de matériels d'outillage et de machines achetés par le bailleur en vue de les louer tout en en conservant la propriété à condition de donner au locataire le droit d’en acquérir la propriété, moyennant un prix convenu dont les conditions sont précisées au moment de la conclusion du contrat tenant compte, des versements effectués à titre de loyers » (art. L. 313-7, 1 c. monét. fin.). Les opérations de crédit-bail font l’objet de monopole au profit des sociétés de crédit-bail et des sociétés financières. Les sociétés doivent obtenir l’agrément préalable et figurer sur la liste établie par la BDL. Le crédit-bail connaît deux variantes: la cession-bail encore appelée lease-back (129) et le crédit bail adossé. Le lease-back est la procédure par laquelle une firme propriétaire d’un bien d’équipement (ou d’un immeuble professionnel) le cède à une société de crédit-bail, qui le remet immédiatement à sa disposition par une opération de crédit-bail. Le crédit bail adossé est l’opération par laquelle la société de crédit-bail achète un bien d’équipement à un fournisseur puis lui redonne aussitôt en location avec l’autorisation de sous-louer le bien au client utilisateur. On parle de crédit-bail adossé car la convention passé entre le crédit-peneur et l’utilisateur final c’est-à-dire, la sous-location, s’appuit sur une opération de crédit-bail réalisée en amont. Il faut préciser que cette sous location ne constitue pas juridiquement un crédit bail mais relève de la simple location (130). Il existe deux grands types de crédit-bail qui se distinguent par leur objet: crédit-bail mobilier et crédit-bail immobilier. Paragraphe 1 - Crédit-bail mobilier Nous envisagerons la formation (Sous-paragraphe 1) et l’exécution (Sous-paragraphe 2) du contrat.

                                                            123 v. BALI, Le réveil de la société en participation par les finances éthiques, RDBF janv.-févr. 2011 étude 3. 124 Cass. com. 7 mars 1995, RTDcom. 1995, 634 obs. CABRILLAC. 125 OSEO a été créé par une ordonnance n° 2005-732 du 30 juin 2005. Cet établissement est à la fois sollicité pour garantir des prêts

bancaires accordés aux PME et accorder des prêts participatifs en complément des prêts fournis par les banques. Son statut a été substantiellement modifié par la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière afin de financer plus efficacement les petites et moyennes entreprises.

126 RIPERT et ROBLOT, 438 n° 2420 et les réf. J.p. citées. 127 Paris 8 juill. 1987 RDBB 1987, 134 obs. DEKNEWER – DEFOSSEZ. 128 GAVALDA et STOUFFLET, 255 n° 529. 129 Cette appellation est jugée illégale par certains auteurs, CABRILLAC et MOULY, 542 n° 534. 130 Cass. com. 21 mai 1979, DS 1980, 611 note de LEYSSAC.

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Sous-paragraphe 1 - Formation du contrat 504 Contrat d’achat-vente. La société de crédit-bail doit acheter le bien décrit par son client auprès du

fournisseur désigné. A défaut, il n’y aura pas de crédit-bail. Juridiquement, ce contrat est conclu entre la société de crédit-bail en sa qualité d’acheteur et le fournisseur en sa qualité de vendeur. L’effet relatif du contrat empêche l’association de l’utilisateur à ce contrat. Cependant, en pratique, l’utilisateur n’est pas totalement étranger à ce contrat, il intervient d’abord au stade du choix du matériel qui doit être acheté par la société de crédit-bail. Pour expliquer l’intervention de l’utilisateur, on a eu recours à l’idée de mandat. L’existence de ce mandat, certaine pour les uns (131), est discutée par d’autres (132) au motif que le locataire agit en fait pour son compte et non pour celui de la société de crédit-bail. Cela n’empêche pas la jurisprudence d’admettre que le locataire pourrait agir contre le vendeur en qualité de mandataire (133). En outre, la garantie des vices cachés est due en principe par le fournisseur vendeur à la société. Or très souvent, la société de crédit-bail transfert au crédit preneur cette garantie et ce, par le biais d’une stipulation pour autrui, d’une délégation ou d’une subrogation (134). Complétant ce transfert, une clause du contrat de crédit-bail vient exonérer la société de crédit-bail de toute responsabilité à l’égard de l’utilisateur locataire pour les vices du matériel.

505 Publicité des opérations de crédit-bail. La société de crédit-bail conserve la propriété du bien loué. Afin

d’éviter que les tiers ne soient trompés par l’apparence de « prospérité » que la présence du bien dans le patrimoine de l’utilisateur peut créer, le législateur libanais a mis à la charge de la société de crédit-bail une obligation de faire une publicité légale de toutes ses opérations de leasing (135). Si le crédit-preneur est un commerçant, la publicité devra être demandée et portée au registre de commerce dans le ressort duquel se trouve le siège principal du crédit-preneur. A défaut, elle s’effectuera à la demande du crédit-bailleur dans le registre alphabétique spécial des établissements civils tenu auprès du greffe du tribunal de première instance de Beyrouth et ce, quel que soit le lieu de résidence ou de l’activité du crédit-preneur. A défaut de publicité, les opérations de crédit-bail sont inopposables aux tiers (136). Le crédit-bailleur devra revendiquer le matériel lui appartenant entre les mains de son sous-locataire (137) et établir que tous les créanciers du crédit-preneur ont eu connaissance de ses droits antérieurement à l’ouverture de la procédure collective ( 138 ), preuve difficile, voir impossible ( 139 ). A défaut, le bien deviendra le gage des créanciers et l’administrateur pourra procéder à sa vente (140) et en faire bénéficier les créanciers des fonds provenant de la vente dudit bien (141) . En outre, seuls les tiers, créanciers et ayants cause du client du crédit-bailleur, peuvent se prévaloir du défaut de publicité parce que celle-ci est destinée directement à leur rendre opposable le droit du crédit-bailleur (142). En revanche, dès lors que le contrat a été régulièrement publié, le crédit-bailleur dispose d’un droit de revendication (143), opposable au syndic de faillite. C’est ce qui résulte de l’article 8 de la loi 166/1999 ainsi rédigé: « En cas de faillite du locataire, et nonobstant tout texte contraire, la faillite n’a aucun effet sur la propriété du loueur sur les choses ». Sous-paragraphe 2 - Exécution du contrat

506 Droits et obligations du bailleur. La société de crédit-bail reste propriétaire du bien loué. C’est donc elle

qui supporte, en principe, les risques de la chose. Cependant, très souvent, une clause insérée dans le contrat transfère les risques à l’utilisateur locataire. Celui-ci assume le bien et, en cas de sinistre, verse l’indemnité reçue à la société de crédit bail. Egalement, la société se voit chargée des diverses obligations inhérentes à tout bailleur dans les termes du droit commun sauf clause aménageant ou supprimant la responsabilité. En outre, l’article 2 de la loi 160/1999 permet au crédit-bailleur de céder les biens visés par

                                                            131 BONNEAU, 349 n° 539. 132 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 577 n° 627. 133 Cass. com. 1er déc. 1980, JCP G 1981, I-67. 134 RIVES-LANGE et CONTAMINE – RAYNAUD, 577 n° 627 et les réf. Citées. 135 Art. 7 al. 2 L 160/1999 ; art. L. 313-10 c. monét. fin. 136 Art. 7 al. 4 L. 160/1999 ; Cass. com. 11 mai 2010, Banque et droit sept.-oct. 2010, 36 obs. BONNEAU. 137 Cass. 11 mai 1982, D 1983, 271 note WITZ; JCP G 1983, II-20074 BEY. 138 Cass. civ. 12 avr. Bull. civ. IV n° 127 ; 1988, RTDcom. 1989, 113 obs. BOULOC ; 16 mars 1993 D. 1993, J, 583 note DERRIDA. 139 BONNEAU, 360 n° 547. 140 Cass. com. 12 avr. 1988, préc. 141 Cass. com. 17 mai 1988, JCP G 1988, II-21117 obs. BEY. 142 Cass. com. 16 mai 1995, JCP G 1995 II-22497 note CLEMENT ; GHESTIN et GOUBEAUX, Traité de droit civil, introduction générale,

LGDJ, 3e éd n° 770 et sp. 759s sp. n° 798 et 790: « L'apparence fournit aux tiers une sauvegarde; eux seuls peuvent s'en prévaloir » ; VOIRIN, note sous TGI Seine, 23 mai 1967 D 1968 p 354.

143 Cass. com. 11 mai 1999 D. 1999 IR 149.

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les opérations de crédit-bail sans préjudicier aux droits du crédit-preneur. 507 Droits et obligations du preneur. Au moment de la conclusion du contrat de crédit-bail, le bien désigné

par le client n’est pas encore acheté par la société de crédit-bail. Pour cette raison, le contrat est généralement précédé par une promesse synallagmatique de location. L’acquisition du matériel fait courir la période de location. A l’expiration de la location, le crédit preneur dispose d’une option: soit résilier le contrat, auquel cas il doit restituer le bien loué en bon état à peine d’abus de confiance; soit, proroger le contrat de location à défaut de trésorerie suffisante, on sera alors en présence d’un contrat de location simple (144); soit enfin exercer l’option d’achat: un contrat de vente est alors conclu au prix fixé dans la convention initiale; étant entendu que, selon l’article 1er de la loi 160/1999 (art. L 313-7,1 c. monét. fin.), ce prix doit tenir compte, au moins en partie, des versements effectués au titre des loyers. Contrairement au crédit-bailleur, le crédit-preneur ne peut pas céder le crédit bail sauf accord écrit du crédit-bailleur (art. 3 L. 160/1999) (145); étant entendu que dans ce dernier cas, le crédit preneur initial reste tenu solidairement avec le cessionnaire de toutes les obligations principales résultant du crédit-bail sauf convention contraire (art. 3 L 160/1999). A l’instant de la livraison du bien loué, constatée en vertu d’un procès-verbal, la garde de la chose est immédiatement transférée au crédit-preneur. Celui-ci supporte toute responsabilité résultant de cette garde et du fait des choses inanimées. De même, il supporte les risques de perte du bien loué même ceux qui résultent d’un événement extérieur à sa volonté (art. 4 L 160/1999). En outre, l’utilisateur du bien loué est tenu dans les mêmes termes que le locataire de droit commun. Ainsi, il doit jouir de la chose en bon père de famille conformément à sa destination et veiller à son entretien. Il doit surtout payer les loyers. Ces derniers peuvent être calculés de manière dégressive ou linéaire. Si le matériel souffre d’une défectuosité quelconque, le locataire ne peut pas se retourner en garantie contre la société de crédit-bail (146). En revanche, le crédit-preneur dispose d’une action directe contre le vendeur en ce qui concerne les obligations que ce dernier assume envers ce crédit-bailleur en sa qualité d’acheteur (art. 5-2 L 160/1999) (147). Le crédit-preneur doit immédiatement informer le crédit-bailleur de toute demande à l’action entreprise contre le vendeur. Le crédit-bailleur a la faculté d’intervenir à l’instance soit pour appuyer les demandes du crédit-preneur soit pour rendre le jugement exécutoire à son égard (art. 5-2 L 160/1999). De même, le crédit-preneur, en sa qualité de délégataire de droit peut agir à l’encontre de toute tierce personne en réparation de tout dommage subi et résultant de l’utilisation normale de la chose louée. Cependant, là aussi, il doit en informer le crédit-bailleur, ce dernier ayant la faculté d’intervenir à l’instance; tout cela, sauf convention contraire des parties (art. 4-4 L 160/1999).

508 Incidence de la résolution du contrat de vente. La question de l’incidence de la résolution du contrat

conclu par la société de crédit-bail sur le contrat la liant à son locataire est tranché en droit libanais par l’article 5 alinéa dernier de la loi 160/1999 ainsi rédigé: « Le locataire reste en tout état de cause lié à l’égard du bailleur de toutes les obligations comprises dans le contrat de crédit bail « quels que soient les événements affectant le contrat d’achat des biens loués dans la mesure où le locataire est subrogé dans les droits et obligations du bailleur résultant du contrat de vente à l’égard du vendeur ». En outre, il convient de signaler que la clause qui stipule le paiement des loyers à échoir en cas de résiliation anticipée du contrat de crédit-bail, est une clause pénale (148). Paragraphe 2 - Crédit-bail immobilier Nous envisagerons la conclusion (Sous-paragraphe 1) et l’exécution (Sous-paragraphe 2) du contrat. Sous-paragraphe 1 - Conclusion du contrat

509 Présentation. Il s’agit d’opérations par lesquelles une entreprise donne en location des biens immobiliers à

                                                            144 Cass. com. 14 avr. 1972, JCP G 1972 II-17269 note ALFANDARI ; Paris 8 janv. 1973 JCP G 1973, II-17503. 145 V. BEY, Cession des contrats de crédit-bail, RJDA, 8-9/1992, 651 sp p562. 146 Art. 5-1 L 160/1999 sauf clause contraire ; art. 5-3 L 160/1999. 147 Au propos, signalons que la Haute cour décide que « dans les chaînes de contrat emportant transfert de propriété, l’acquérance final de la

chose dispose d’une action directive, de nature nécessairement contractuelle, contre chacun des précédents vendeurs, (cass.civ.16 nov.2005 JCPG 2006, 10069 note Trébulle ; Cass.civ. 22 juin 2011, Banque et droit n° 139 sept-oct. 2011 chro.Dr.banc. 19 obs. BONNEAU.

148 Cass. com. 30 nov. 2010, Banque et droit n° 135 janv.-févr. 2011, 31 obs. BONNEAU ; Cass. civ. 21 mai 2008, Banque et droit n° 120, juill.-août 2008, 15 obs. BONNEAU.

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usage professionnel, achetés par elle ou construits pour son compte, lorsque ces opérations permettent aux locataires de devenir propriétaires de tout ou partie des biens loués à l’expiration du bail (art. 313-7 c. monét. fin.). Par immeubles à usage professionnel: il faut entendre « les immeubles utilisés pour l’exercice d’une profession industrielle ou commerciale. En conséquence, seuls les usines, les bureaux d’une entreprise industrielle, les magasins de gros ou de détail, les supermarchés, les cliniques, les hôtels… d’une entreprise commerciale et, d’une façon générale, tous les immeubles utilisés par une entreprise normalement soumise à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels ou commerciaux peuvent faire l’objet d’un crédit bail immobilier. Les immeubles destinés à l’exercice d’une profession libérale, à l’exploitation agricole et naturellement à l’habitation ne peuvent pas être financés dans le cadre de la réglementation propre au crédit-bail. Le contrat de crédit-bail portant sur des immeubles est soumis, à peine d’inopposabilité aux tiers, aux règles de la publicité foncière. Ainsi, les opérations d’une durée supérieure à 12 ans doivent être publiées (149). De même, les sociétés commerciales qui effectuent des opérations de crédit bail doivent tenir une publicité comptable sous la forme d’une mention à l’annexe de leur bilan (art 12 DL lib. 4 juillet 1972). Sous-paragraphe 2 - Exécution du contrat

510 Contenu des obligations. Le contenu des relations entre la société de crédit-bail immobilier et son client

peut varier selon que le bien est la propriété de la société de crédit-bail ou d’une société civile immobilière (150). Dans la première hypothèse, la société de crédit-bail s’engage envers son client à acheter l’immeuble ou à le faire construire et promet de le lui donner par la suite en crédit-bail. Son rôle dans ses opérations est alors limité au paiement du prix de vente ou du coût des travaux. Dans la deuxième hypothèse, la société de crédit – bail détient des parts dans une société civile immobilière laquelle va se charger de l’achat ou de la construction de l’immeuble. Une fois achevée, la société de crédit-bail accorde au crédit-preneur une option d’achat sur les parts qu’elle détient dans cette société. A l’issue de la période de location, le crédit - preneur peut lever l’option, demander le prolongement du bail ou restituer l’immeuble à la société civile. Comme en matière de crédit-bail mobilier ce contrat génère une promesse de bail et une option d’achat. SOUS-SECTION 3 - CREDITS MOBILISABLES Les crédits peuvent être mobilisables à moyen (Paragraphe 1) ou long (Paragraphe 2) terme. Paragraphe 1 - Crédits à moyen terme mobilisables

511 Présentation. Les conditions économiques prévalant en France à l’issue de la guerre ont mis les institutions

spécialisées et les banques de crédit à moyen et long terme dans l’impossibilité de satisfaire aux besoins de crédits que suscitent la reconstruction et la modernisation du pays. Aussi, le financement a été assuré auprès des banques de dépôt par le biais de réescompte. L’utilisation du crédit s’est donc faite au moyen de la souscription par les clients de billets établis à l’ordre des banquiers qui « escomptaient » ces effets dits « effets primaires ». Par la suite, les banques utilisaient leur faculté de mobilisation en remettant les effets primaires endossés par le biais du réescompte au crédit foncier ou au crédit national. Ce même système a été repris par le code monétaire et financier (art. L 313-36 et s) organisant la mobilisation des avances à moyen terme qui ont donné lieu « à la signature, par l’emprunteur, de contrats fixant le montant des avances et les conditions de leur utilisation et de leur amortissement, ainsi que, le cas échéant, à la signature d’effets à échéances diverses ». Dans ce système, la banque qui désire mobiliser ses crédits crée un titre de mobilisation au profit de l’organisme mobilisateur. Ce titre de mobilisation encore appelée « billet global » doit indiquer le montant global des crédits dont la mobilisation est demandée. Ce titre représente les divers droits contre les débiteurs des créances mobilisées à la condition toutefois que « les contrats ou effets aient été mis à la disposition de l’organisme qui assure le réescompte conformément aux conventions intervenues entre les parties » (art. L 313-37).

512 Mécanisme. Ces crédits sont accordés pour une période de deux à sept ans sur le marché interne ou sur le

marché international des eurodevises (euro-crédit et euro-bonds). Ils sont accordés par des établissements de crédit mais également par l’Etat ou des organismes publics ou semi-publics spécialisés. Ils constituent

                                                            149 Art 1-32 L lib. 1966 ; art 10 et 11 DL lib. 4 juillet 1972. 150 En droit français, les articles L. 312-1s c. cons. délimitent le contenu des dispositions protectrices de l’emprunteur en matière

immobilière.

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des prêts et sont régis par les règles de droit commun du code civil. Ils peuvent être garantis par des sûretés personnelles ou réelles. En outre, une clause de subordination peut valablement y être insérée. On rappellera que par cette clause, le prêteur accepte de n’être remboursé, en cas d’insolvabilité de l’emprunteur, qu’après paiement des créanciers chirographaires (151). Paragraphe 2 - Crédits à long terme mobilisables

513 Présentation. Les articles L 515-13 et s c. monét. fin., évoquent la mobilisation des prêts garantis par

une hypothèque de premier rang (art. L 515-13 et L 515-14). Il s’agit en contrepartie d’une cession des prêts aux sociétés de crédit foncier d’émettre des obligations foncières. La cession a lieu par la seule remise d'un bordereau au cessionnaire et il est précisé qu'elle « prend effet entre les parties, et devient opposable aux tiers, à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise ». La remise du bordereau entraîne de plein droit le transfert des accessoires des créances cédées et des sûretés garantissant chaque prêt, y compris les sûretés hypothécaires, ainsi que son opposabilité aux tiers, sans qu'il soit besoin d'autres formalités » (art. L 515-21).

Les obligations foncières bénéficient d'une grande sécurité en raison du privilège que leur reconnaît l'article L 515-19 c. monét. fin. Ce texte donne aux obligataires une primauté absolue même à l’égard de l’Etat. Ceux-ci sont dotés d’un véritable privilège (art. 2095 c. civ.). Les articles L 313-42 et s c. monét. fin., permettent également la mobilisation des prêts garantis par une hypothèque de premier rang: celle-ci est actuellement effectuée auprès de la Caisse de refinancement de l’habitat (ex, Caisse de refinancement hypothécaire) qui la finance par des émissions obligataires. Dans ce système, les banques peuvent souscrire des effets globaux pour représenter les crédits hypothécaires qu'elles ont consentis. L'organisme mobilisateur qui reçoit d'une banque un effet global de mobilisation peut demander que les créances à long terme garanties par des hypothèques et les effets primaires souscrits par les emprunteurs soient mis à sa disposition pour un montant égal à celui du billet de mobilisation. La banque conserve la garde des contrats et effets et se borne à établir sous un dossier ouvert au nom de l’organisme mobilisateur, une liste nominative des créances correspondantes avec l’indication tenue à jour de leur montant. Selon l’article L 313-45 alinéa 1 c. monét. fin : « La mise à disposition au profit du porteur du billet à ordre de créance ou d’effets emporte, sans autre formalité, constitution de gage au profit des porteurs successifs ». Il en résulte que ces titres deviennent ipso facto sans accomplissement des formalités de l’article 2075 c. civ. indisponibles entre les mains de l’établissement prêteur dans la mesure où les créances avec toutes leurs garanties sont constituées en gage au profit des porteurs successifs du billet de mobilisation (152). En outre, il convient d’observer que les créances nanties sont fongibles. La banque doit effectuer le recouvrement des créances dont elle a gardé la disposition au fur et à mesure de l’exigibilité ou du remboursement des créances affectées à la garantie de l’organisme mobilisateur. Mais elle est tenue de remplacer les contrats et effets mis en recouvrement par un montant, égal en capital, d’autres titres de créances hypothécaires, qui sont substitués de plein droit aux anciens par voie de subrogation réelle (153).

514 Droits du créancier gagiste. A défaut de paiement à l’échéance du montant du

billet de mobilisation en capital et intérêts, le porteur obtient à sa demande, la remise de la liste nominative des créances et le cas échéant, des effets mis à sa disposition. Cette remise lui transfère sans autres formalités les créances et les garanties hypothécaires qui lui sont attachées. L’assiette du gage s’étend non seulement au droit de créance, mais à ses sûretés et accessoires, même si lesdites garanties sont établies par des actes séparés. En outre, il convient de signaler que l’opposabilité erga omnes (spécialement en cas de liquidation de biens ou de redressement judicaire de la banque primaire) des droits conférés sur les créances hypothécaires au porteur (organe mobilisateur) est incontestable (154). SOUS-SECTION 4 - TITRISATION

515 Présentation. La titrisation est définie par la loi nº705 du 9 décembre 2005 relative à la « titrisation des

actifs » (155) comme l’opération par laquelle, toute personne cède ses actifs [ou avoirs] ou créances à un

                                                            151 FAUGEROLAS, La subordination des créances, mélanges DERRUPE Litec Joly 1990 ; COURET, JCP E 1990, I-15713. 152 V. art. L 313-46 c. monét. fin. 153 RIPERT et ROBLOT, 439 n° 2121. 154 GAVALDA et STOUFFLET, 258 n° 538 – 1. 155 JO nº57 du 15 déc. 2005, 5940 et s.

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fonds commun appelé, selon la terminologie anglosaxonne, le special purpose vehicule (SPV), dirigé par une société spécialisée, qui finance leur acquisition par l’émission de titres négociables, certificats de titrisation ou titres de créances (156). Dès lors, la titrisation « mute » les créances ou actifs en valeurs mobilières (157). Elle permet de transformer un ensemble de prêts en produits de créances cessibles à des investisseurs financiers et donc, de déplacer la charge et le risque des crédits consentis (158). Paragraphe 1 - Organes de la titrisation La technique de la titrisation est organisée autour de trois opérateurs ayant chacun une fonction propre: le fonds commun des actifs, la société de gestion et la société dépositaire.

516 Fond commun des actifs. Qu’il soit laïc de type occidental ou religieux de type islamique (159), le fonds

commun, qui ne peut effectuer que des opérations de titrisation, est, suivant l’article 3 de la loi 705/2005, dénué de toute personnalité morale (160) mais jouit néanmoins de certaines prérogatives. Il constitue « un patrimoine financier d’affectation distinct et indépendant » (art. 3 L 705/2006) qui, à ce titre, peut faire l’objet d’une liquidation (161). De même, le fonds est identifié par un nom et un domicile. Cela résulte de l’obligation de faire contenir le règlement du fonds des mentions « minimales » obligatoires dont: « l’appellation du fonds, ainsi que les noms et adresses des constituant, directeur, [société de gestion] dépositaire et, le cas échéant, de l’intermédiaire financier » (Art. 7§C-1 L 705/2005). Le fonds « naît » à l’initiative exclusive de la société de gestion, qui en fixe également le règlement (162). Le fonds, son règlement et toute modification ultérieure devront faire l’objet d’un agrément préalable de la BDL. Ce faisant, la société propose aux futurs copropriétaires un règlement « clé en mains » auxquels ils sont libres d’y souscrire ou non. La souscription valant acceptation du règlement (art. 7§c L 705/2005). Néanmoins, la loi libanaise exige que le règlement contienne certaines mentions (163).

517 Société de gestion. La société de gestion est un opérateur incontournable de la technique de titrisation. En

effet, le fonds n’a pas de personnalité morale et ne dispose donc d’aucun organe propre lui permettant de s’exprimer (164). Le fond sera géré par les banques, sociétés financières, les OPCVM et toute société spécialisée dans les opérations de titrisation. Leurs dirigeants doivent réunir en eux les mêmes conditions de technicité et d’honorabilité formulées s’agissant les banques et autres sociétés financières. La société de gestion a une double fonction: juridique et administrative. Elle représente le fonds à l’égard des tiers (art. 10 § 3 de la loi) et gère le fonds (art. 16). Cette double fonction étant exécutée dans les mêmes conditions qu’un « mandataire salarié » (art. 16).

518 Société dépositaire. La société dépositaire est le troisième pilier de l’opération de titrisation. Il peut s’agir

d’une banque, d’un établissement financier ou tout autre établissement » (art. 8 loi 705/2005). La société tient le rôle de caissier et de contrôleur. Les actifs sont déposés à ses guichets (art. 18 al. 1 L 705/2005) et elle doit s’assurer que les opérations effectuées au profit du fonds ou de la société de gestion sont conformes aux lois et règlement du fonds. En outre, elle doit informer les porteurs des parts et la BDL de toute violation des textes et règlements (art. 19 L 705/2005).

                                                            156 NAMMOUR, La loi libanaise sur la titrisation des actifs: convergences et divergences avec le droit français, RDBF mai-juin 2006,

analyse 9. 157 GOYET, Remarques sur la cession de créances au FCC, RJcom , juin 1990, 241s. 158 HOVASSE, La titrisation, JCL Banque et crédit, fasc 2260 nº 1. 159 L’article 1er de la loi consacre expressément la notion de « fonds islamique d’investissement » spécialisé dans l’investissement des

instruments financiers islamiques et autres instruments financiers dans les conditions de la charia islamiya. Ce fonds appelé « fonds islamique de titrisation » par l’article 44 de la loi est, sauf texte contraire, soumis aux dispositions de la loi nº 705/2005 et sous respect des principes qui gouvernent les opérations desdits fonds. Les règles applicables aux titres issus de la titrisation islamique émis ou négociés au Liban sont fixées par la BDL, art. 46 L 705/2005.

160 L’application des règles relatives à l’indivision et aux sociétés en participation est également écartée s’agissant les FCA ; v. art. 4 dernier alinéa L 705/2005.

161 Art. 21 L 705/2006. Au contraire, l’article 10 § 1 de la loi 706/2005 relative aux OPCVM interdit formellement la possibilité d’une liquidation.

162 En pratique, l’association à ce projet de la société chargée de la gestion nous paraît opportun. V. RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, Droit bancaire, 657 nº 719.

163 Par exemple, il doit décrire l’opération de titrisation projetée, si elle est restreinte ou non; la nature des avoirs susceptibles d’être cédés, la possibilité de garantie, la catégorie et caractéristiques des parts. Il doit déterminer le montant des parts émises et autres titres de créances; fixer les dates d’exigibilité et modalités de répartition des dividendes du fonds, etc.

164 A ce propos, l’article 12 de la loi nº 705/2005 énonce clairement que « le fonds ne peut effectuer aucun acte [activité] que par l’intermédiaire du directeur» [société de gestion].

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Paragraphe 2 - Contenu de la titrisation La technique de la titrisation consiste en l’acquisition d’actifs payés par l’émission de titres négociables (165). Dès lors, elle repose sur le transfert au fonds commun de placement (FCP) en opérations de titrisation d’actifs et l’émission de titres représentatifs de ces actifs.

519 Cession d’actifs. La transmission des actifs au FCP peut être effectuée dans le cadre d’une cession d’actifs

selon le contrat classique de cession des créances: une personne physique ou morale cède les actifs qu’elle détient sur sa clientèle au SPV. Celui-ci finance l’acquisition des actifs par l’émission de titres sur le marché financier. L’actif du SPV est constitué des avoirs ainsi acquis et de la trésorerie qu’ils génèrent, tandis que le passif comprend les valeurs mobilières représentatives de ces avoirs (166). La cession des créances non hypothécaires s’effectue par « la seule signature par le constituant d’un bordereau faisant fonction de contrat » (art. 23 L 705/2005). Ce bordereau énumérant les créances, sera remis respectivement à la société de gestion et à la société dépositaire qui devront le signer et en accuser sa réception. Pour son efficacité, le bordereau doit contenir certaines énonciations obligatoires relevées à l’article 24 de la loi. La cession est parfaite de plein droit entre les parties et à l’égard du débiteur et ses ayants-cause par la seule signature du bordereau, « et ce sans besoin d’effectuer toute autre procédure et dans tous les cas, sans besoin de notifier, informer ou demander l’acceptation ou l’intervention du débiteur, de tout garant ou caution de la créance ou de toute autre personne ». Le fonds se subrogeant de plein droit au lieu et place du constituant dès cette date (167). La remise du bordereau signé à la société de gestion emporte transfert définitif de la propriété des créances cédées au FCP (art. 23-al. 2 L 705/2005) ainsi que transfert à la société de gestion pour le compte du FCP des sûretés garantissant chacune d’elles (art. 26-al. 1 L 705/2005). L’effet translatif emporte les conséquences suivantes: 1- Les créances cédées cessent de figurer à l’actif du bilan du constituant (art. 23 al. 3). Toutefois, la cession peut être assortie d’un droit partiel ou total de recours [ou de retour] contre le constituant (auquel cas le constituant doit faire figurer ce droit dans ses bilans) ou d’une garantie de solvabilité. En l’absence de texte, une telle garantie du constituant ne sera pas exigible (art. 27 L 705/2005). 2- Le constituant se trouve dessaisi des créances de sorte qu’il ne peut plus changer ou modifier leurs conditions tant s’agissant le principal que les sûretés. 3- La relation cédant-cédé est transposée dans tous ses droits et obligations à la relation cédé/cessionnaire. A l’égard des tiers, la cession produit tous ses effets à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise (art. 26 al. 2 L 705/2005). Plus particulièrement, les créanciers du débiteur cédé ne pourront plus se prévaloir d’aucun droit sur les créances dans la mesure où elles sont sorties du patrimoine de leur débiteur à la date de la remise du bordereau. En outre, les débiteurs du cédé ne pourront plus se libérer entre les mains du constituant cédant.

520 Créances hypothécaires. La cession des créances hypothécaires est régie par les articles 3 et suivants de la

loi nº705/2005. Par dérogation aux règles de droit commun impliquant en matière immobilière l’inscription du transfert de propriété auprès du registre foncier sous peine d’inexistence même entre les parties (168), l’article 31 de la loi nº 705/2005 admet la titrisation des créances hypothécaires et rend valable leur cession par simple bordereau. Cette disposition facilite la mobilisation des créances hypothécaires; le créancier peut ainsi, en cas de besoin de liquidité pendant la durée des crédits hypothécaires, se refinancer en cédant la créance et la garantie hypothécaire qui en assure le remboursement (169). Toutefois, le bordereau dûment signé par le constituant, la société de gestion et la société dépositaire, doit être notifié au directeur du registre foncier dans le ressort duquel se trouve le bien-fonds hypothéqué. A la réception du bordereau, le directeur du registre foncier procède à l’enregistrement de l’hypothèque au profit du fonds et ce, même en présence d’une saisie-conservatoire (art. 34 L 705/2005). On observera que le défaut d’inscrire la transmission de l’hypothèque auprès du registre foncier n’affecte nullement la validité de la cession des créances pour faute des parties et n’empêche pas l’application des dispositions de la loi 705/2005 (art. 37 al. 2). Entre les parties, la transmission parfaite de l’hypothèque visée dans le bordereau ainsi que la production de tous ses effets ont lieu dès l’instant de son enregistrement auprès du registre foncier (art. 35 L. 705/2005). La cession emporte transfert de toutes les sûretés de la créance (art. 26 par renvoi de l’article 36 L. 705/2005) ainsi que de tout droit ou privilège (art. 38 L. 705/2005) et garantie du constituant. Ces                                                             165 Par titres, nous entendrons au sens large les parts, titres de créances et certificats de titrisation. 166 THIEFFRY et WALSH, Titrisation: Les nouvelles opportunités offertes par l’UEM, Banque et Droit 1997, nº 56, nov.-déc. ,8ets. 167 Art. 26 al 2. A défaut de texte, cette règle ne doit pas être considérée comme étant d’ordre public. Les parties seront en mesure de changer

la date de prise d’effets de la cession. En ce sens: HOVASSE, art. préc. nº 72. 168 V. art. 393 c. oblig. c. et art. 11 de l’arrêté nº 188 du 15 mars 1926 relatif à « La création du registre foncier ». 169 CABRILLAC et MOULY, Droit des sûretés, nº 777, 649.

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garanties supplémentaires sont expressément considérées d’ordre public par l’article 36 de la loi. A l’égard des tiers, l’article 37 alinéa 1 est manifeste de clarté: « La cession de créances hypothécaires dans le cadre d’une opération de titrisation conforme à la présente loi, est réputée opposable à l’égard des tiers sans besoin d’aucune formalité supplémentaire ».

521 Transfert fiduciaire. La transmission des actifs au FCP peut se réaliser dans le cadre d’un transfert

fiduciaire. L’arrêté n° 8898/2004 définit la titrisation fiduciaire comme étant une opération financière par laquelle le fiduciant met ses avoirs fiduciaires à la disposition du fiduciaire afin que ce dernier émette des instruments financiers. Contrairement à la cession d’actifs qualifié de contrat de vente, emportant transfert définitif de tous les attributs de la propriété, le transfert fiduciaire implique un transfert momentané des seuls droits de gérer et de disposer (170). Néanmoins, le fiduciaire jouit inéluctablement d’un droit subjectif né du contrat de fiducie, droit réel ou droit personnel selon les cas. Ce droit subjectif n’est ni diminué, ni démembré et s’il s’agit d’un droit de propriété, on peut affirmer que le fiduciaire est pleinement propriétaire (171). En revanche, l’exercice de ce droit trouve sa limite dans les pouvoirs que le contrat fiduciaire a accordé au fiduciaire. Comme le relève un auteur (172), la finalité imposée par l’acte n’affecte pas la nature du droit subjectif transmis: la banque peut être propriétaire des actifs fiduciaires sans pour autant avoir le pouvoir d’en disposer. D’ailleurs, si le fiduciaire, nonobstant l’interdiction qui lui en est faite dispose des biens, la cession produira ses effets et les droits seront transmis à l’acquéreur. Néanmoins, alors que le fiduciant a droit à la restitution en nature des actifs fiduciaires, les porteurs des parts ne sont créanciers que des sommes d’argent correspondant aux bénéfices et au rachat des parts lorsqu’ils veulent quitter le fonds (173).

522 Actifs transmis. Selon l’article premier de la loi nº 705/2005, les fonds titrisables sont constitués par les

« actifs » [ou avoirs]. Ceux-ci sont définis comme étant « tout bien corporel ou incorporel, meuble ou immeuble, faisant partie du patrimoine du constituant dont les créances qui lui sont dûes ». A son tour, la notion de créance est définie par le même article comme étant « toutes créances sous toutes formes dûes au constituant à charge des personnes physiques ou morales ». La généralité des termes employés par le législateur libanais ne laisse aucun doute: celui-ci pose un principe général de titrisation de tous les actifs et de toutes les créances. Certes, les créances déjà nées pourront être cédées mais également les créances futures. Encore faut-il que ces créances soient identifiées ou à tout le moins identifiables. De même, la titrisation semble ouverte tant aux créances résultant d’opérations de crédit – créances non échues – qu’à celles qui ne résultent pas de telles opérations – créances échues. Egalement, la titrisation sera possible peu importe que les créances acquises soient de même nature, douteuses, litigieuses ou immobilisées.

523 Titres émis par le fonds commun des actifs. L’émission des titres, parts ou certificats de titrisation,

représentatifs des actifs vient rétribuer la cession des actifs. La loi nº705/2005 ne fixe pas de montant minimum aux parts (174) mais exige l’agrément de la BDL. La souscription des parts d’un FCA doit être précédé de la remise d’un prospectus soumis au contrôle préalable de la BDL (art. 39 L. 705/2005). Ce contrat, conclu entre la société de gestion et chacun des souscripteurs est un contrat consensuel qui, dans son exécution, empruntera aux techniques de souscription au capital des sociétés. Les parts peuvent être nominatives ou au porteur (art. 4 al. 3 L. 705/2005). De même, le fonds peut émettre des certificats de titrisation, les titulaires de tels certificats sont réputés être porteurs des parts représentées par ces certificats (art. 4 L. 705/2005). En plus ou au lieu et place des parts, le fonds peut émettre des titres de créance adossés en tout ou partie au patrimoine du fonds. La portion de patrimoine concernée jouira alors d’un droit de « gage général » ou d’une « exclusivité » au profit des porteurs de ces titres sauf si le règlement a retenu des catégories, privilèges ou priorités au sein des titres (art. 5 L. 705/2005). Ces titres peuvent être nominatifs ou au porteur, avec ou sans bons. De même, ils peuvent être greffés d’intérêts payables à dates déterminées ou préalablement défalqués (art. 5 alinéa 2 L. 705/2005). Quelle que soit la nature du support-papier constatant les actifs cédés, les porteurs de ces actifs ont des droits pécuniaires. Ceux-ci peuvent être identiques ou différents (art. 13 L. 705/2005). Plus

                                                            170 DIAB, et BOUSTANY, La titrisation des actifs, éd. Bruylant, Delta, LGDJ 2003, 284. 171 En ce sens, WITZ, Appréciation de la législation libanaise sur des opérations fiduciaires in Feduciary opération, publ. BDL 1997, 411ets,

163 ; KRIEPS, La fiducie bancaire en droit luxembourgeois, in La fiducie ou du trust dans les droits occidentaux francophones, travaux du 3e colloque de Luxembourg, mai 1989, Rev. jurid et polit. Ediena 1990, 156.

172 LUCAS, Les transferts temporaires de valeurs mobilières, pour une fiducie de valeurs mobilières, préf. LORVELLEC, Coll Bibl. dr. privé T 283, LGDJ 1997, 297 n° 575.

173 THEVENOZ, La fiducie, Cendrillon du droit suisse, Helding et Lichtenhahn, Bâle 1995, 280. 174 La BDL fixera ce minimum.

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CREDITS INTERNES

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particulièrement, le fonds peut proposer des parts supportant les « risques du non paiement de la créance » (art. 14 L. 705/2005). La souscription à de telles parts ouvre la voie à une meilleure participation aux intérêts et produits financiers. La loi libanaise n’évoque pas la gestion de la répartition des actifs entre les porteurs des parts. Celle-ci doit être laissée à la volonté des parties. De même, les porteurs des parts bénéficient du droit d’action notamment, à l’encontre de la société de gestion (art. 10 § 5 L. 705/2005). Les parts, titres de créances et certificats de titrisation sont constitutifs de valeurs mobilières (175) qui pourront circuler (176). Plus particulièrement, les parts représentatives des créances peuvent faire l’objet de cession dans les termes du règlement (art. 4 alinéa 2 L. 705/2005). En revanche, les certificats de titrisation et les titres de créances seront négociables (177). Toutefois, les cessions des parts et des titres nominatifs ne sont valablement opposables à l’égard des tiers que si lesdites opérations sont inscrites dans un livre spécifique à ce genre d’opérations à peine de responsabilité des société de gestion et société dépositaire (art. 4 al. 3 et art. 5 al. dernier L. 705/2005). En principe, les parts sont librement transmissibles. Cependant, s’agissant des opérations de « titrisation restreinte », l’article 6 de la loi n’admet la cession qu’au profit des personnes relevées à l’article premier de la loi (banques, établissement financiers, établissements agréés par la BDL) sauf texte législatif ou règlementaire contraire. SOUS-SECTION 5 - CREDITS AUX CONSOMMATEURS La distribution du crédit met les établissements professionnels et spécialisés en relation avec des consommateurs non initiés dont la situation économique forcément désavantagée, les place dans une position de faiblesse. Nous évoquerons le crédit à la consommation (paragraphe 1) et le crédit immobilier (paragraphe 2). Paragraphe 1 - Crédit à la consommation

524 Présentation. Le crédit à la consommation a été refondu en France par la loi du 1er juillet 2010 ayant transposé la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 relative au crédit à la consommation ( 178

). Les dispositions du code de la consommation s’appliquent à toute opération de crédit, peu importe son support juridique: prêts sans affectation, crédits liés à des ventes, location-vente, etc. (art. L 311-1 c. cons.) à l’exception des quelques opérations de crédits expressément exclues par l’article L 311-3 c. cons. A ce propos, il convient d’observer que le prêt doit financer des besoins non professionnels (art. L 311-3 c. cons.) et la protection est limitée aux opérations d’un montant pouvant aller jusqu’à 75000 euros et les crédits d’une durée comprise entre un et trois mois.

525 Protection de l’emprunteur. Les règles relatives au crédit de la consommation encadrent la publicité des

crédits (art. L311-4 et L 311-5 c. cons.) et instaurent un formalisme nécessaire à la conclusion du contrat: le consommateur bénéficie d’une offre préalable au contrat (art. L 311-10 s c. cons.), l’emprunteur dispose d’un délai de rétractation de 14 jours (art. L 311-12 c. cons.), le prêteur se voit imposer de nouvelles obligations d’information (art. L 311-21 et s c. cons.), etc.

526 Crédit renouvelable. Le crédit renouvelable accordé aux consommateurs régi par la loi française du 28 janvier 2005 est encore plus encadré en vertu de la loi du 1er juillet 2010. L’article L. 311-6 nouv. c. cons. le définit comme une ouverture de crédit qui « offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée, aux dates de son choix, du montant du crédit consenti ». En réalité, il s’agit d’une application du crédit revolving de type commercial dans le cadre d’un compte courant. Par ce contrat, la banque s’engage à mettre à la disposition du consommateur le crédit dont il a besoin à charge pour ce dernier de reconstituer le crédit par les versements effectués selon la périodicité convenue. En cas de défaillance de l’emprunteur, la banque dispose d’un délai de forclusion de deux ans pour exercer l’action en paiement (art. L. 311-37 c. cons.) lequel court à dater « du dépassement non régularisé du montant total du crédit » (art.

                                                            175 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 659 nº 719 ; BONNEAU et DRUMMOND, 76 et s nº 85 et s. 176 L’article 11§3 de la loi admet expressément que la société de gestion puisse signer les parts ou certificats de titrisation nominatifs ou au

porteur « par les moyens électroniques suivant la législation en cours ». 177 Art. 4 alinéa 2 et art. 5 dernier alinéa. Le législateur libanais utilise tantôt le terme de « négociabilité » tantôt le terme de « cession » des

titres. 178 V. MARTINON, HUGON, PICOT, LEGEAIS, EDEL, RAMAHANDRIARIVELO, Vers un nouveau droit de la consommation, la

réforme du droit de la consommation, RDBF sept.-oct. 2011, 25 à 31 ; LE BARS, ALBIGES, PECQUEUR, VOLLAIRE, DUNAUD, BERNARDA et LAGARDE, Vers un nouveau droit de la consommation, la réforme du droit du surendettement, RDBF, nov.-déc. 2011, 32 à 39.

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CREDITS INTERNES

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L. 311-52 c. cons.). Le code prévoit différentes dispositions protectrices du consommateur. Ainsi le prêteur a une obligation d’information renforcée (art. L. 311-26 c. cons.), il doit s’assurer régulièrement de la solvabilité de l’emprunteur (art. L. 311-16 c. cons.), l’échéance doit porter sur un remboursement minimal du capital emprunté (art. L. 311-16 c. cons.) etc. Paragraphe 2 - Crédit immobilier

527 Présentation. Les articles 312 et s c. cons. consacrent dans le domaine immobilier différentes mesures protectrices de l’emprunteur en matière immobilière. Le champ d’application de ce texte a été profondément modifié par la loi du 1er juillet 2010. Ainsi, il est désormais applicable aux crédits d’un montant supérieur à 75000 euros ayant pour objet le financement de l’acquisition en propriété ou en jouissance d’un immeuble, y compris lorsque ces opérations visent à permettre la réalisation de travaux de réparation, d’amélioration ou d’entretien du terrain ou de l’immeuble ainsi acquis (art. L 312-2 nouv. c. cons.).

528 Protection de l’emprunteur. Comme pour le crédit à la consommation, l’emprunteur d’un crédit

immobilier est protégé par l’encadrement de la conclusion du contrat. L’article L 312-4 souligne que la publicité doit mentionner l’identité du prêteur, la nature et l’objet du contrat de prêt ainsi que le coût total du crédit. L’emprunteur doit recevoir une offre de prêt écrite et gratuite par voie postale qui doit impérativement comprendre les mentions énumérées à l’article L. 312-8 c. cons. L’offre de prêt doit être maintenue pendant un délai minimum de trente jours à compter de sa réception par l’emprunteur. L’acceptation ne peut être donnée que par lettre qu’après un délai de dix jours à compter de la réception de l’offre. En outre, l’article L. 312-12 du code précise que l’offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de non conclusion dans un délai de quatre mois à compter de l’acceptation du contrat pour lequel le prêt est demandé. Les articles L 312-21 et c. cons. précise les conditions dans lesquelles la banque peut percevoir une indemnité de remboursement anticipée et les mesures qu’elle peut envisager en cas de défaillance de l’emprunteur.

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CHAPITRE 3 - CREDITS INTERNATIONAUX 529 Présentation. L’octroi de crédit en matière internationale a une très grande importance. Les impératifs

même du commerce international exigent pour son développement des crédits et une certitude: des crédits à l’exportateur (vendeur, entrepreneur ou prestataire de services) destinés à financer la production et l’exportation des biens ou services et des crédits à l’importateur (acheteur ou maître d’ouvrage) destinés à financer le paiement du prix. En outre, le commerce international pré-suppose une certitude en raison de l’éloignement des contractants qui rend par ce fait plus lente et souvent plus onéreuse la réalisation du marché. Cette certitude à laquelle aspirent l’exportateur et l’importateur ne revêt pas le même aspect: pour l’un, il s’agit de s’assurer du paiement du prix; pour l’autre, il s’agit de recevoir une exécution conforme à la prestation demandée. Techniquement, les crédits internationaux sont accordés dans le cadre du commerce extérieur soit pour financer l’exportation (Section 1) soit pour financer l’importation (Section 2) notamment par le procédé du crédit documentaire. SECTION 1 - CREDITS A L’EXPORTATION La pratique distingue les crédits-fournisseurs (Sous-section 1) des crédits-acheteur (Sous-section 2). SOUS-SECTION 1 - CREDITS FOURNISSEUR Les crédits – fournisseur permettent à l’exportateur d’obtenir immédiatement le paiement des créances commerciales qu’il détient sur des clients étrangers. Ils consistent en des crédits de préfinancement ou de mobilisation des créances nées sur l’acheteur étranger après livraison. Nous évoquerons aussi une pratique particulière de crédit à l’exportation qui est l’affacturage international.

530 Crédits de préfinancement. Par crédits de préfinancement, il faut entendre celui qui intervient non plus

seulement au stade du paiement mais aussi dans le processus de production en raison des coûts élevés. Ces crédits peuvent être spécialisés, le concours financier sera alors ponctuel pour financer tel marché déterminé. Ils peuvent être revolving, dans ce cas, l’aide financière est accordée à des entreprises que leurs activités habituelles conduisent à conclure des contrats avec l’étranger. Il n’est pas alors nécessaire de présenter un marché particulier ou une commande ferme. Techniquement, le crédit se réalise par un découvert mobilisable. L’exportateur souscrit des billets à ordre à l’ordre de son banquier qui inscrit au compte courant de son client le crédit accordé. Le crédit sera réglé grâce aux fonds reçus par l’exportateur de l’importation lors de la livraison des biens soit par mobilisation des créances nées à cette occasion.

531 Crédits de mobilisation. La mobilisation auprès du banquier de l’exportateur se réalise par l’escompte des

effets de commerce détenus par l’exportateur sur l’importateur représentant les créances de l’exportateur sur celui-ci. Dans cette hypothèse, l’acheteur paiera au banquier le montant de ces effets. Si l’acheteur ne règle pas le montant des effets, la banque pourra toujours se retourner contre son client l’exportateur, sauf forfaitage consistant en un « escompte sans recours d’effets commerciaux avalisés ou garantis par une banque du pays de l’importateur » (1).

532 Affacturage international. L’affacturage international se déroule dans les mêmes termes que l’affacturage

interne. Cependant, il met en relation quatre personnes selon le schéma suivant: l’exportateur libanais transmet sa créance à son factor au Liban. Mais comme ce dernier n’est pas en mesure d’apprécier la solvabilité de l’importateur, il va s’adresser à son tour à un factor du pays de celui-ci, lequel, appréciera la solvabilité du débiteur étranger sous sa responsabilité dans la mesure, notamment, où il va répondre à l’égard du factor de l’exportateur de la solvabilité de l’acheteur étranger. Ce mécanisme met en œuvre plusieurs rapports contractuels distincts les uns des autres: contrat de factoring entre l’exportateur et son factor national; contrat d’achat – vente entre l’exportateur et l’importateur; contrat de mandat entre le factor de l’exportateur et celui de l’importateur en vertu duquel ce dernier recouvre la créance transmise au premier par le fournisseur. L’affacturage international est régi par la convention d’Ottawa du 28 mai 1988 (2). La convention définit l’affacturage comme l’opération par laquelle un fournisseur de biens ou de services, cède à une autre partie, l’entreprise de factoring (dite cessionnaire), les créances nées des contrats avec des clients ne visant pas un

                                                            1 CHAREYRE, Le forfaitage, une alternative compétitive pour le financement des exportations, Banque n°476, oct. 1987, 911. 2 Cette convention a été ratifiée par la France en vertu d’une loi n°91-641 du 10 juillet 1991.

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usage principal d’ordre personnel, familial ou domestique. (3). La convention s’applique lorsque les créances cédées en vertu d’un contrat d’affacturage naissent d’un contrat de vente de marchandises (auxquels sont assimilés les services et leurs prestations : art 1-3e de la convention) entre un fournisseur et un débiteur qui ont leur établissement dans des Etats différents et que soient ces Etats (ainsi que l’Etat où le cessionnaire a son établissement) sont parties à la convention, soit que le contrat de vente de marchandises et le contrat d’affacturage sont régis par la loi d’un Etat contractant (art. 2-1er conv.). La convention se démarque sur la notification des dispositions internes. Comme nous l’avons vu, en matière interne, la notification au débiteur du transfert de créances est facultative. Au contraire, dans la convention d’Ottawa la notification qui doit être faite par écrit (art. 8-1er conv.) est obligatoire (art. 1-2e conv.), faute de quoi, le débiteur peut continuer à payer le fournisseur. C’est là une condition d’opposabilité du transfert des créances. En ce qui concerne les exceptions opposables par le débiteur au factor cessionnaire, le débiteur peut soulever contre le factor tous les moyens de défense qu’il aurait pu opposer contre son fournisseur (art. 9-1e conv.) il reste à signaler que la soumission des parties à cette convention est facultative. Ainsi, elles peuvent valablement exclure son application au contrat d’affacturage international qui les lie. Cependant cette exclusion ne peut pas être partielle, elle ne peut que porter sur l’ensemble de la convention (art. 3-2e conv.). SOUS-SECTION 2 - CREDITS ACHETEUR

533 Ouverture de crédit. Le crédit – acheteur est accordé à un acheteur étranger afin de lui permettre de payer

l’exportateur libanais. Il porte sur la totalité du montant de la créance de ce dernier. L’exportateur libanais ne supporte donc plus le risque financier de non-paiement par l’acheteur, transféré, désormais, à l’établissement du crédit prêteur. Le banquier de l’exportateur promet à l’importateur de lui accorder les crédits nécessaires sous la condition de conclure le contrat commercial. Cette promesse insérée dans le contrat de prêt conclu entre la banque et l’importateur ne pourra plus être révoquée que dans les termes dudit contrat (4). En principe, le contrat de prêt est indépendant du contrat commercial en vertu de la clause dite « Isabel » (5). Néanmoins, cette indépendance souffre d’une certaine limite: d’une part, le banquier peut toujours se réserver le droit d’exiger un paiement anticipé en cas d’annulation, de résolution et d’inexécution du contrat commercial. D’autre part, l’ouverture de crédit ne se réalise pas par une avance directe et effective à l’importateur du crédit conservé mais par sa mise à disposition de l’exportateur. Le crédit ne peut donc se dénouer qu’après notification de l’exportateur.

534 Notification. Le banquier doit notifier l’ouverture de crédit à l’exportateur. Cette notification a un double

emploi. Elle informe l’exportateur de l’existence et des conditions d’ouverture de crédit accordé à l’acheteur. Mais, surtout, elle constitue de la part de la banque un « engagement personnel, autonome et direct à l’égard du fournisseur « comparable à celui qui naît de l’ouverture d’un crédit documentaire (6) sauf limitation conventionnelle (7).

535 Mise à disposition et remboursement. En pratique, le déblocage du crédit est souvent subordonné à

l’obligation mise à la charge du fournisseur de présenter à la banque certains documents attestant soit l’exécution pure et simple du contrat commercial soit l’état d’avancement dudit contrat. Le prêt devra être remboursé par l’importateur-acheteur au banquier. Ainsi jugé que l’acheteur est tenu de rembourser la somme prêtée mise sur son ordre à la disposition de l’exportateur, quelles que soient les difficultés d’exécution de la vente ou les défectuosités de la marchandise (8).

536 Lettre d’engagement. A la demande de la banque, le fournisseur souscrit une lettre d’engagement. Par

cette lettre, indépendante des autres conventions, le fournisseur s’engage à verser à la banque le montant

                                                            3 DANNIZEAU, Convention d’Ottawa du 28 mai 1988 sur l’affacturage international, Banque 1991, 184. 4 v. sous la direction de BLOCH, Financements structurés, RDBF nov.-déc. 2010, dossier. 5 La clause dite « Isabel » est la suivante: « Les prêteurs étant absolument étrangers au contrat passé avec le fournisseur, l’emprunteur ne

pourra se soustraire aux obligations qu’il a souscrites aux termes de la présente ouverture de crédit en opposant aux prêteurs des réclamations ou exceptions, quelles qu’elles soient, tirées dudit contrat notamment de son exécution, ou de quelque autre rapport qui le lierait au fournisseur ».

6 RIPERT et ROBLOT, 448 n° 2425; RIVES LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 698 n° 751. 7   Ainsi la banque peut se réserver le droit de ne pas avancer le crédit au fournisseur en cas de faillite de l’acheteur, d’inexécution du contrat

commercial, etc. 8 Paris 3 nov. 1989 RDBB 1990, 21 note BLOUH ; D. 1991, somm. 226 obs. VASSEUR; BORDEAUX 12 nov. 1992, JCP E 1993, I-243, n

35 ; JCP E 1994, I-332 Chr BOURDEAUX et JANIN.

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des indemnités dont il serait reconnu débiteur à l’égard de l’acheteur du fait de la mauvaise exécution du contrat commercial. Il en résulte que la banque pourra revenir cumulativement sur l’importateur et l’exportateur: l’un, en remboursement du prêt et l’autre, en paiement des indemnités.

537 Crédit-bail international. Le crédit-bail international encore appelé location financière internationale (9)

est un moyen de financement à moyen ou long terme dont la fonction ne se limite pas nécessairement à financer des exportations. Ainsi en est-il, par exemple, de l’hypothèse où le vendeur du bien loué et le locataire sont étrangers alors que la société de crédit-bail est libanaise, on conviendra ici qu’il n’est pas question du côté libanais d’un crédit à l’exportation (10). Le crédit-bail international se démarque du crédit bail interne sur certains points. Par exemple, l’option d’achat n’est pas un élément constitutif de la notion du crédit-bail international; l’article 1-3e de la convention prévoit pour son application « que le crédit preneur ait ou qu’il n’ait pas à l’origine ou par la suite, la faculté d’acheter le matériel ou de le louer à nouveau, même pour un prix ou un loyer symbolique ». De même, l’article 81a) de la convention libère le crédit – bailleur de toute responsabilité liée au matériel à l’égard du crédit – preneur alors qu’en matière interne, le crédit – bailleur garantit les vices cachés de la chose louée sous réserve des clauses de non recours sauf si le crédit – bailleur a participé dans le choix du matériel défectueux.

538 Convention d’Ottawa. Lorsque les parties concluent un crédit-bail international, elles peuvent décider de

soumettre leurs rapports à la convention sur le crédit-bail international signée à Ottawa le 28 mai 1988 (11). La convention d’Ottawa qui ne couvre pas le crédit-bail immobilier international, vise les meubles destinés strictement à un usage professionnel: biens d’équipement, matériel ou outillage (art. 1-1e conv.) et certains biens meubles immatriculés: aéronefs, navires, etc. Elle s’applique dès lors que le crédit-bailleur et le crédit preneur ont leur établissement dans des Etats différents et que, soit ces Etats ainsi que l’Etat dans lequel le fournisseur a lui même son établissement ont ratifié la convention soit que le contrat de vente et le contrat de crédit-bail sont régis par la loi d’un Etat contractant (art. 3-1e conv.). L'établissement susvisé n'est cependant pas obligatoirement l'établissement principal: c'est celui qui, dans la conclusion et pour l'exécution du contrat discuté, location ou achat, a la « relation la plus étroite » avec lui « eu égard aux circonstances connues des parties ou envisagées par elles à un moment quelconque avant la conclusion ou lors de la conclusion de ce contrat » (art. 3-2 conv.). Cette convention présente cependant un caractère facultatif pour ces parties qui peuvent exclure son application, en tout ou en partie (art. 5). SECTION 2 - CREDITS A L’IMPORTATION Nous évoquerons la lettre de crédit standby (Sous-section 1) et le crédit documentaire (Sous-section 2). SOUS-SECTION 1 - LETTRE DE CREDIT STANDBY

539 Présentation. La pratique de la lettre de crédit standby est née de l’interdiction générale faite aux banques

américaines d’émettre des cautionnements sauf pour les opérations dans lesquelles elles ont un intérêt direct. Le principe « no-guaranty » interdit aux banques américaines de se porter caution des obligations d’un tiers. L'émission de sûretés accessoires («suretyship», «guarantees») est traditionnellement réservée aux compagnies d'assurances. Les cautionnements ainsi émis par les banques américaines sont nuls car ultra vires. Pour contourner cette défense, les banquiers américains ont pris l’habitude de garantir leurs clients en émettant des lettres de crédit irrévocables pour les opérations commerciales mais plus encore pour des opérations financières (12).

540 Nature juridique. La lettre de crédit n’est pas un effet de commerce. Elle n’est pas non plus un

cautionnement. Celui qui se porte caution est un débiteur accessoire alors que celui qui tire une lettre de crédit devient un débiteur principal. L’identité de nature juridique entre lettres de crédit standby, crédits

                                                            9 MAZET, La location financière internationale, Rev. jurisp. com. n° spécial févr. 1985, 42. 10  BONNEAU, 416 n° 629. 11 Cette convention a été ratifiée par la France en vertu de la loi n°91-636 du 10 juillet 1991 ; SCHIITZ, La convention d’Ottawa sur le

crédit-bail international, Cont. conc.-cons., mars 1996 chr. 3 ; BEGUIN, Une tentative d’équilibrage contractuel: la convention d’Ottawa sur le crédit-bail mobilier international, in Mélanges GHESTIN LGDJ 2001, 65.

12 KOZOLCHYK, The financial letter of credit, RDAI/1995, 405.

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documentaires et garanties sur demande est généralement admise par la communauté des juristes(13). D’ailleurs, La codification des lettres de crédit a été incluse par la chambre de commerce internationale (CCI) dans les règles et usances en matière de crédit documentaire (RUU/UCP 500 et 600). Cette inclusion est due à leur similitude de forme qui fait que bon nombre de clauses des RUU 600 peuvent s’appliquer aux deux engagements. L'objectif de la CCI était de faire bénéficier les lettres de crédit standby d'un cadre et de règles établies, reconnus par tous et ainsi de les faire échapper à l'arbitraire et à l'absence de réglementation qui prévaut généralement en matière de garanties à première demande.

541 Techniques voisines. Néanmoins, il y a une grande différence entre l'objet d'un crédit documentaire et

celui d'une lettre de crédit standby (14). Le premier est un instrument de paiement d'une opération commerciale, et à ce titre les RUU traitent largement des problèmes relatifs au transport, aux documents d'expédition, de facturation et d'assurance des marchandises. La seconde est un instrument garantissant l’exécution d'une obligation de nature financière, commerciale ou autre, elle n'a pas vocation à jouer, sauf cas de défaillance. Aussi, certains articles des RUU 600 peuvent s'appliquer aux lettres de crédit standby, d'autres pas (15). C’est pourquoi la CCI, en collaboration avec l'Institute of international banking law & practice inc., a édité en 1998 de nouvelles règles, spécifiques aux lettres de crédit standby: les International Standby Pratices – ISP 98. Ces règles soulignent en préambule le fait que les lettres de crédit standby diffèrent des crédits documentaires en ce que l'on ne peut y recourir qu'en cas de défaut du donneur d'ordre, quelle que soit la nature de ce défaut: de performance, de remboursement, de paiement. Elles s'appliquent à toutes les lettres de crédit standby qui y font une référence expresse, cependant, leur application peut-être modifiée ou exclue contractuellement. De même, les lettres de crédit standby et les garanties à première demande ont fait l’objet d’un traitement juridique commun par la commission des Nations Unies pour le droit commercial international (16). Une convention internationale élaborée sous l’égide de la CNUDCI relative aux garanties indépendantes et aux lettres stand-by est entrée en vigueur le 1er janvier 2000 qui prévoit des règles matérielles et des règles de conflit de lois (17).

En outre, cette technique doit être distinguée de l’accréditif qui est un moyen en vertu duquel la banque s’engage de mettre des fonds à la disposition d’un bénéficiaire sur une place commerciale déterminée, généralement auprès d’un correspondant ou d’une de ses agences. (18). L’accréditif se distingue de la lettre de crédit en ce que la banque ne remet aucun titre à son client; le correspondant est informé directement. Il n’y a donc aucun risque de falsification ou de détournement. L’accréditif peut être accordé pour une somme déterminée et s’éteindre dès son épuisement. Il peut être permanent (ou revolving) et donc automatiquement se renouveler pour la même somme et la même période (19).

Nous évoquerons rapidement le mécanisme (Paragraphe 1) et l’émission (Paragraphe 2) de la lettre de crédit standby. Paragraphe 1 - Mécanisme

542 Description. La lettre de crédit standby est un engagement irrévocable, ferme, unilatéral et écrit, pris par

une personne, l’émetteur, généralement un établissement de crédit, de payer sur instruction d’un autre, le donneur d’ordre, une somme déterminée, au bénéficiaire, contre présentation de celui-ci des documents mentionnés dans la lettre de crédit, dans les délais impartis. Les documents peuvent être constitués d'une simple déclaration du bénéficiaire selon laquelle le donneur d'ordre n'a pas rempli ses obligations ou être complétés par d'autres documents plus spécifiques. La banque se borne à vérifier la conformité apparente des documents présentés par rapport à ceux requis aux termes de l'acte. Les lettres de crédit standby sont

                                                            13 M. CABRILLAC MOULY,S PETEL, et S. CABRILLAC. Droit des sûretés, Litec 2010, 344 n°465 qui après avoir défini la garantie à

première demande, soulignent: « Cette définition englobe les diverses dénominations de la garantie indépendante: garantie à première demande, garantie autonomie, garantie abstraite, lettre de garantie ou lettre de crédit standby, garantie bancaire, etc. ».

14  M.CABRILLAC, MOULY0, PETEL et S. CABRILLAC, 352 n°480 ; KLEIN-CORNEDE, La pratique des garanties bancaires dans les contrats internationaux AFB diffusion 1999. 

15 JASINSKI, Crédit documentaire, application aux lettres de crédit stand-by des règles et usances, banque 1988, n°488 ; Puech, Les différentes fonctions du crédit documentaire selon les nouvelles règles et usances 1983, Rjcom. 1985 n° spécial (Les opérations internationales de banques), 18 et s. , spéc. 25 et 26.

16 V° le rapport de la CNUDCI, Lettres de crédit stand by et garanties. Doc A-CN 9-301, 21 mars 1988, n° 24-35. 17 STOUFFLET, La convention des Nations Unies sur les garanties indépendantes et les lettres de crédit stand-by, RDBF, juillet-août 1995,

132 ; MATTOUT, RDBF janv.-févr. 2000, 20. 18 La notion d’accréditif se limiterait à la seule hypothèse où la lettre de crédit est transmise par une banque autre que la banque émettrice ;

BONNEAU, 430 n° 650. 19 GAVALDA et STOUFFLET, 379 n° 729.

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pratiquement toujours assorties d'une date d'expiration. Si elles ne font pas l'objet d'une demande de paiement ou d'une prorogation avant cette date elles tombent automatiquement à leur échéance. Certaines lettres de crédit standby spécifiques destinées à couvrir les obligations de réassurance assumées par des compagnies d'assurance françaises à l'égard de leurs consœurs américaines, font état d'une date d'échéance. Cependant, elles comportent aussi une clause "evergreen". Dans cette clause, assimilable à une tacite reconduction, la banque émettrice stipule que son engagement sera automatiquement renouvelé pour une nouvelle période d'un an sauf si dans un délai variant selon les cas entre 30 et 60 jours avant échéance, la banque notifie son intention de ne pas reconduire l'engagement. L’émetteur s’engage à payer à première demande sans pouvoir se soustraire à son engagement et ce, quels que soient les événements qui affectent ses relations avec le donneur d’ordre auquel il s’est substitué, ainsi que les relations de ce dernier avec le bénéficiaire (20). Paragraphe 2 - Emission

543 Emission directe. La lettre de crédit standby peut être émise directement par une banque libanaise vis-à-

vis du bénéficiaire étranger. La validité et le paiement sont stipulés aux caisses de la banque émettrice. En cas d'appel, le bénéficiaire devra faire parvenir les documents requis à la banque avant l'échéance fixée. Si les documents sont conformes, la banque règle le montant de l'appel par le débit du compte du donneur d'ordre. En cas de documents non conformes, elle ne paye pas et tient les documents à la disposition du bénéficiaire ou lui en fait retour.

544 Emission notifiée par une banque locale. La banque libanaise peut utiliser l’un de ses correspondants à

l'étranger pour qu'il notifie, sans engagement ni responsabilité de sa part, la lettre de crédit standby au bénéficiaire, après authentification du message de transmission. Deux cas doivent être distingués: 1 - La validité et le paiement de la lettre de crédit standby sont stipulés aux caisses de la banque émettrice. Le bénéficiaire adresse ses documents à la banque notificatrice, qui les vérifie, sans engagement, et les fait suivre à la banque émettrice pour paiement. Si les documents sont reconnus conformes, la banque émettrice effectue le paiement chez la banque notificatrice en faveur du bénéficiaire. En cas de non-conformité, elle avise la banque notificatrice qu'elle tient les documents à sa disposition ou lui en fait retour. 2 - La validité et le paiement de la lettre de crédit standby sont stipulés aux caisses de la banque notificatrice. Dès l'ouverture de la lettre de crédit standby par la banque émettrice, celle-ci donne à la banque notificatrice une autorisation de débit en compte ou lui indique une banque de remboursement et cela du fait que la lettre de crédit stand-by est rendue payable aux caisses de la banque notificatrice. Le bénéficiaire lui adresse les documents avant l'échéance. Si les documents ne sont pas conformes, la banque notificatrice demandera un accord préalable de paiement à la banque émettrice ou effectuera un paiement sous réserve au bénéficiaire, puis elle adressera les documents à la banque émettrice qui débitera le compte du donneur d'ordre.

545 Emission confirmée par une banque locale. La banque émettrice adresse la lettre de crédit standby à un

correspondant local en lui demandant d'y ajouter sa confirmation. La validité et le paiement sont stipulés aux caisses de la banque confirmatrice, à qui la banque émettrice donne autorisation de débit en compte ou indique une banque de remboursement. Si les documents sont reconnus conformes par la banque notificatrice, que le compte de la banque émettrice est approvisionné ou que l'appel de fonds à la banque tierce est honoré, la banque notificatrice règle le bénéficiaire et fait suivre les documents à la banque émettrice qui à son tour débite le compte du donneur d'ordre. En cas de remise de documents conformes par le bénéficiaire, la banque confirmatrice paiera obligatoirement celui-ci, qu'il existe ou non la provision au compte de la banque émettrice, ou que l'appel de fonds soit ou non honoré, à charge pour la banque confirmatrice d'obtenir ensuite la couverture par la banque émettrice. En revanche, en cas de non-conformité des documents du bénéficiaire, la banque confirmatrice sera tenue d'obtenir l'accord de paiement de la banque émettrice ou d'effectuer un règlement sous réserves au bénéficiaire. SOUS-SECTION 2 - CREDIT DOCUMENTAIRE

546 Intérêt. Le crédit documentaire est l’opération par laquelle une banque (appelée banque émettrice ou

banque apéritrice) s’engage à la demande d’un acheteur (appelé donneur d’ordre ou ordonnateur) de payer

                                                            20 BONTOUX, Les garanties bancaires dans le commerce international, Banque 1982, 172.

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le vendeur (appelé bénéficiaire), ou d’accepter une lettre de change, contre remise de documents préalablement déterminés (21). De cette manière, la banque obtient garantie non pas sur les marchandises mais sur les documents qu’ils représentent (factures, connaissement, police d’assurance, etc.). La sûreté résultera de la remise des documents (22). En effet, le créancier est réputé avoir les marchandises en sa possession si avant qu'elles soient arrivées il en est saisi par un connaissement. Ces documents sont parfaitement adaptés à une telle fonction de par leurs caractéristiques essentielles: ils confèrent à leur porteur des droits sur les marchandises qu'ils représentent; ils sont aisément transmissibles, surtout s'ils sont rédigés au porteur ou à ordre. C'est à partir de cette notion de représentation des marchandises par les documents que s'est développée la technique des crédits documentaires. Face à l’engouement porté aux crédits documentaires, la CCI a travaillé sur l’uniformisation des règles en matière de ce genre de crédit jusqu’à établir en 1933 un code sur les « Règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires » (RUU) périodiquement révisées, la dernière révision datant de 2006 (23). Les RUU n’ont que la valeur d’un usage de commerce par application de l’article 4 c. com. lib. (24). Par conséquent, elles ne sont applicables que dans la mesure où les parties s’y sont référées ou du moins n’y ont pas expressément dérogé par leur convention, qui demeure libre. En outre, lorsque les parties, dans la convention d’ouverture de crédit, renvoit à l’application des RUU, on ne saurait y appliquer de ces règles au delà de ce qui a été expressément convenu (25). Nous évoquerons, tour à tour, l’ouverture du crédit (Paragraphe 1), sa réalisation (Paragraphe 2), et sa circulation (Paragraphe 3). Paragraphe 1 - Ouverture du crédit L’ouverture du crédit se réalise par la conclusion d’une clause de règlement par crédit documentaire (Sous-paragraphe 1) accompagnée d’une convention entre l’acheteur et la banque (Sous-paragraphe 2) l’engageant envers le bénéficiaire (Sous-paragraphe 3). Sous-paragraphe 1 - Clause de règlement par crédit documentaire

547 Accord préalable. L’ouverture du crédit documentaire suppose un accord préalable entre le vendeur et

l’acheteur en vertu duquel ce dernier s’engage à désintéresser le vendeur par un tel moyen (26). Cet accord préalable fixe les conditions du crédit documentaire à émettre: crédit irrévocable, révocable confirmé, date d’émission, durée de validité, documents à remettre, etc. Ce moyen de paiement peut être de par la volonté des parties un élément déterminant de la conclusion du contrat commercial de sorte que tant que le crédit n’est pas ouvert, le contrat commercial ne peut pas être valablement formé (27). Dans d’autres cas, l’absence d’émission d’un crédit documentaire dans les conditions et délais conventionnels constitue une inexécution du contrat justifiant la résolution du contrat commercial (28). Sous-paragraphe 2 - Convention entre l’acheteur et la banque

548 Convention de crédit. La banque a toute latitude pour refuser cette modalité de paiement. Si elle accepte,

la convention prend la forme d’une ouverture de crédit et se distingue du compte courant (29). Ces conventions peuvent valablement être négociées entre la banque et son client. Par conséquent, elles ne constituent pas des contrats d’adhésion (30).

549 Instructions de l’acheteur. La demande de l’ouverture du crédit doit se faire suivant les termes de la

                                                            21 Mont-Liban 24 avr. 1991, Grds arrêts Abou Eid vol. 9, 14. 22 Sur le danger des conditions non documentaires insérées dans la lettre de crédit, v. BACCAR, Le danger des conditions non

documentaires dans la lettre de crédit commerciale, RDBF nov.-déc. 2009, étude 36. 23 RUU 500 en 1993 et RUU 600 en 2006 en vigueur depuis le 1er juillet 2007. 24 Cass. civ. lib. 4 avr. 1968, Rev. jud. lib. 1968, 1145 ; Rec. Chamsédine, Droit commercial 1985, 201. 25 Cass. com. 1er déc. 1998, obs. GUILLOT, Banque n° 601 mars 1999, 74. 26 BACCAR, La clause d’ouverture du crédit documentaire: une clause sensible, RDBF nov.-déc. 2008, étude 28 ; MATHEY, STOUFFLET,

BACCAR, DOISE et CAPRIOLI, Le crédit documentaire en 2008, RDBF janv.-févr. 2008, Dossier, 57ets. 27 Cass. com. 16 avr. 1991 D. 1992, somm. 303 obs. VASSEUR; JCP G 1992, II, 21871 note GAIN; RTDcom. 1992, 844 obs. CABRILLAC

et TEYSSIE. 28 Paris 9 avr. 1991 D. 1992 somm. 303 obs. VASSEUR. 29 Beyrouth 7 févr. 2002, Al Adl 2002, 349 et s ; 20 févr. 1997, Rev. jud. lib. 1997, 58. 30 Beyrouth Trib. 1re inst. 11 mars 1997, Al Adl 1997 n° 3/4, 74). La convention de crédit est constitutive d’un mandat : Trib. 1er inst.

Beyrouth 30 juin 1994, Rec. Zein, vol. 10, 294 n° 12 ; JU 7 oct. 1993, Grds arrêts Aboueid vol. 10, 41.

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promesse faite à l’exportateur (31). A défaut, ce dernier pourra la refuser. Elle constituera alors un manquement à l’obligation de l’acheteur (32). Le vendeur sera en droit de demander la résolution judiciaire du contrat avec dommages-intérêts, sauf à prouver le cas fortuit (33). Dans la mesure où la lettre de crédit, une fois établie, lie toutes les parties, donneur d’ordre, bénéficiaire et banque, la révision des instructions dans le crédit documentaire qu’il s’agisse de modification ou d’annulation doit, au préalable, obtenir le consentement clair et expresse de toutes les parties en cause (34).

550 Obligations du banquier. Le banquier qui accepte d’accorder un crédit documentaire, doit l’émettre dans

les termes des instructions qui lui ont été données par l’acheteur (35) notamment dans les délais fixés (36). Il lui incombe dès lors une obligation de vérification (37). La banque doit ouvrir le crédit en mentionnant le nom exact du bénéficiaire et le prix exact des marchandises vendues à peine de responsabilité. A défaut, la banque devra réparer le préjudice subi par le vendeur notamment du fait de l’inexécution de l’opération de vente (38). La banque ne peut nullement imposer au vendeur une condition supplémentaire qui n’existe pas dans le contrat d’ouverture de crédit à peine de responsabilité (39). En outre, la banque doit, chaque mois, informer la BDL de la position des crédits et polices documentaires selon un formulaire préétabli par la BDL (40).

551 Obligations de l’acheteur. L’acheteur, donneur d’ordre, doit s’engager à l’égard de la banque de lever les

documents et la rembourser. En principe, le remboursement a lieu dans la même devise prévue par les parties dans le contrat d’ouverture de crédit (41) sauf clause contraire. En outre, l’acheteur doit verser les diverses commissions: commission d’ouverture de crédit, commission de paiement ou d’acceptation et, le cas échéant, les intérêts sur les sommes avancées au bénéficiaire jusqu’à la date de remboursement par le client. En outre, il peut être requis du client d’ouvrir un compte bloqué ou de présenter certaines garanties. Sous-paragraphe 3 - Engagement envers le bénéficiaire

552 Emission de la lettre de crédit. L’obligation mise à la charge de la banque d’émettre la lettre de crédit

encore appelée accréditif prend naissance quand l’acheteur donneur d’ordre reçoit une lettre de crédit (42). Cette lettre de crédit n’est pas un effet de commerce mais un « document bancaire » sous la forme d’une lettre missive. Elle est généralement établie sur un support papier mais rien n’interdit sa pratique par des procédés de télétransmission. Elle contient une description des éléments déterminants de la transaction commerciale. Suivant la dernière version RUU 600, un crédit ne peut désormais plus être révocable, il ne peut être qu’irrévocable. Par conséquent, le banquier se trouve tenu à l’égard du bénéficiaire d’un engagement direct et ferme jusqu’à l’échéance du crédit. Il ne peut l’annuler ou le modifier sans l’accord de toutes les parties en cause notamment, l’acheteur et le vendeur (43).

553 Autonomie de l’engagement bancaire. L’engagement bancaire est complètement autonome et

indépendant du contrat commercial de base qu’il garantit (44). Le banquier demeure tenu d’exécuter l’engagement confirmé au tiers bénéficiaire même s’il est informé par le client donneur d’ordre que ce tiers n’exécute pas correctement les obligations du contrat en vertu duquel il a obtenu l’ouverture du crédit (45). Jugé que le banquier doit payer une fois les documents contractuels présentés sans « pouvoir apprécier si

                                                            31 v. BACCAR, Crédits documentaires: la précision des instructions de l’importateur, solution à la menace d’insécurité, RDBF mai-juin

2010, étude 13. 32 Comp. trib. 1re inst. Beyrouth 30 juin 1994, préc. 33 Beyrouth 14 nov. 1970, Rec. Hatem, fasc. 112, 20. 34 Art. 10 (c) RUU 600, v. BACCAR, La révision des instructions dans le crédit documentaire, RDBF janv.-févr. 2011, étude 1. 35 Mont-Liban 23 avr. 1991, préc. 36 Cass. com. 5 nov. 1991, JCP E 1992, pan. 81. 37 Beyrouth 9 déc. 1965, Rec. Hatem fasc. 64, 73. 38 Beyrouth 21 nov. 1996, Al Adl 1997, 45. 39 Trib. 1re inst. 17 févr. 1968, Rec. Hatem, fasc. 133, 35 ; Rec. Chamsédine, 1985, 200. 40 Art. 2, arrêté 7144 du 30 octobre 1998. 41 Beyrouth 7 févr. 2002, arrêt préc. ; Beyrouth 23 juill. 1998, Al Adl 2000, 219. 42 Cass. com. 20 oct. 1953, S 1954, 1, 121 note LESCOT. 43  Lorsque le crédit est révocable, le banquier ne s’engage point à l’égard du vendeur; il se borne à l’informer de sa qualité de mandataire

chargé par l’acheteur de payer les traites et que celles-ci peuvent être tirées sur lui. Cependant, le banquier n’est pas pour autant totalement exonérer; il doit justifier de l’exécution de son mandat.

44 Trib. 1re inst. Beyrouth 1er févr. 1995, Rec. Zein vol. 10, 294 n ° 10 ; 16 juin 1980, Al Adl 1981, 186 ; Al Adl 1987, 395 note ABOU EID ; ASSHA, L’autonomie de la convention d’ouverture de crédit confirmée en matière documentaire, Rev. jud. lib. 1955, 39.

45 Cass. civ. 3 avr. 1978 RTDcom. 1979, 139 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE.

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l’inexécution de telle ou telle condition est susceptible de porter préjudice à l’acheteur » (46). Néanmoins, cette autonomie n’exonère pas le banquier de son obligation de se conformer aux conditions du contrat d’ouverture de crédit conclu avec l’acheteur (47). Ainsi, il doit vérifier la validité des documents nécessaires à l’existence même du droit (48).

554 Notification du crédit. La notification de la lettre de crédit est importante dans la mesure où les droits du

bénéficiaire ne naissent pas de la convention conclue entre le donneur d’ordre et la banque émettrice (49) mais de la réception de la lettre de crédit. Cette notification est effectuée soit par la banque elle-même soit par son correspondant établi dans le pays du bénéficiaire. A ce propos, la banque tenant le rôle d’intermédiaire entre des contractants éloignés est tenue de faire preuve de diligence dans la transmission à leur destinataire des instructions d’ouverture de crédit documentaire ou tout éventuel amendement (50).

555 Confirmation. Le correspondant de la banque apéritrice peut être appelé à confirmer la lettre de crédit.

L’article 313-1 c. com. lib. énonce: « Quand un crédit bancaire a été affecté à des paiements en faveur d’un tiers et que ce crédit a été confirmé par la banque du bénéficiaire, il ne peut plus être révoqué ni modifié sans son consentement. La banque est directement et définitivement engagée envers lui pour les acceptations d’effets et les paiements en cause ». Le bénéficiaire sera alors titulaire de deux actions directes et indépendantes: l’une, contre le banquier correspondante et l’autre, contre la banque apéritrice en sa qualité de mandataire (51). Paragraphe 2 - Réalisation du crédit documentaire

556 Paiement. La réalisation du crédit signifie le paiement effectué par la banque dans les termes du contrat

d’ouverture de crédit. Si le donneur d’ordre n’a pas précisé la devise de paiement dans laquelle le crédit documentaire doit être ouvert, la banque est libre de payer dans la devise qu’elle entend , étant entendu que l’unité de compte peut être constatée des relations courantes et effectives entre la banque et son client (52). Le paiement est lié à la remise préalable des documents convenus dans le contrat d’ouverture de crédit et ne peut nullement la précéder (53). Nous envisagerons les modes (Sous-paragraphe 1) et les conditions (Sous-paragraphe 2) de la réalisation du crédit. Ensuite, nous examinerons les questions du blocage et de la saisie du crédit (Sous-paragraphe 3). Sous-paragraphe 1 - Modes de réalisation

557 Variantes. Parmi les modes de réalisation du crédit documentaire, les RUU distinguent selon que le crédit

est réalisable par paiement à vue, paiement différé, par acceptation, ou par négociation. En cas de paiement à vue, le banquier règle contre remise des documents par n’importe quel mode (virement, chèque, lettre de change). Lorsque le crédit est à paiement différé, la banque s’engage à « payer ou de faire effectuer le paiement à la date ou aux dates déterminables conformément aux stipulations du crédit ». Cependant, si à la date d’échéance, une fraude est établie, il n’y a d’obligation pour la banque confirmante de payer et pas plus d’obligation pour la banque émettrice de la rembourser (54). Le crédit ne se réalise donc pas à la date d’échéance fixée du paiement (55) et cela même si la banque chargée de la réalisation a accordé au bénéficiaire une avance au moment de la présentation des documents. Cette avance ne réalise pas le crédit documentaire. Elle est inopposable à la banque émettrice qui se trouve libérée de le lui restituer (56). La réalisation du crédit par acceptation suppose que la créance représentative du crédit soit matérialisée par un titre cambiaire notamment une lettre de change. Contre remise des documents, la banque accepte la

                                                            46 Cass. civ. lib. 4 avr. 1968, Al Adl 1969, 482 n° 320 ; Rev. jud. lib. 1968, 1145. 47 Cass. civ. lib. 4 avr. 1968, préc. 48 Trib. 1re inst. Beyrouth 16 juin 1980, préc. 49 Cass. com. 20 oct. 1953, préc. 50 BACCAR, La responsabilité du banquier lors de la transmission d’un accréditif, RDBF sept.-oct. 2010, étude 24. La notification ne fait

naître aucun droit au bénéficiaire contre la banque qui l’informe jusque là de sa qualité de mandataire, Cass. com. 28 janv. 1992 D. 1992, somm. 304 obs. VASSEUR.

51 Cass. lib. 28 mars 1991, Rev. jud. lib. 1990/1991, 766 ; Beyrouth 18 avr. 1963, Al Mouhami 1963, 97. 52 Beyrouth 26 mai 1998, Al Adl 2000, 421. 53 Beyrouth 19 avril 1994, Rev. jud. lib. 1994, 992. 54 Cass. com. 7 avr. 1987, JCP E 1987, II-14973 obs. STOUFFLET ; Banque 1987, 625 obs. RIVES-LANGE ; D. 1987, J, 399, obs.

VASSEUR. Dans le même sens, High Court, RDBF janv.-fév. 2000, 22 n° 19 obs. MATTOUT confirmée par Court of Appeal, 25 févr. 2000, RDBF n° 2 mars-avr. 2000, 84 n° 63 obs. MATTOUT.

55 Cass. com. 7 avr. 1987 Banque n° 473 juin 1987, 625 obs. RIVES-LANGE ; JCP E 1987, II-14973 obs. STOUFFLET. 56 Paris 3 févr. 1992 D. 1992, somm. 305 ; RTDcom. 1992, 432 obs. CABRILLAC et TEYSSIE.

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lettre de change émise par le bénéficiaire sur l’émetteur ou le confirmateur. La lettre de change se substitue alors à la lettre de crédit et peut être escomptée auprès de n’importe quel autre banquier. Exceptionnellement, le paiement se fera par négociation. Le banquier négocie sans recours une ou plusieurs traites tirées à vue ou à terme par le bénéficiaire du crédit sur le donneur d’ordre. Sous paragraphe 2 - Conditions de la réalisation

558 Vérification. Le banquier doit vérifier les documents qui lui sont remis pour s’assurer de leur conformité

aux conditions de la lettre de crédit, sous peine de responsabilité (57). Cette obligation n’est pas facultative mais impérative (58). Cette vérification doit intervenir dans un délai de 5 jours ouvrés maximum (art. 14 b RUU 600). Cette nouvelle disposition revêt une portée pratique considérable. En effet, lorsque la banque constate que les documents qui lui sont présentés ne sont pas conformes en apparence aux conditions de l’accréditif, elle doit (i) notifier son refus au plus tard le cinquième jour ouvré suivant la réception des documents, (ii) indiquer dans son avis de refus toutes les irrégularités qui l’amènent à refuser les documents, et (iii) préciser si elle tient les documents à la disposition de celui qui les a présentés en attente de ses instructions, si elle les lui réexpédie, ou encore – et il s’agit là de deux nouvelles alternatives introduites par les RUU 600 – si elle les tient à disposition jusqu’à réception d’une renonciation du donneur d’ordre (que la banque accepte) à se prévaloir des irrégularités, etc, ou si elle agit en accord avec les instructions précédemment reçues de celui qui a présentés les documents (art. 16 c.). Or, si la banque ne respecte pas ces obligations, elle ne pourra plus faire valoir que les documents ne sont pas conformes avec les termes et conditions du crédit (art. 16 d et f).

559 Délai. Le crédit documentaire ne peut valablement se réaliser si les documents ne sont pas présentés dans le

délai imparti dans la lettre de crédit (59). A défaut, la banque doit s’interdire de payer sauf autorisation du donneur d’ordre (60) ou acceptation du donneur d’ordre constatée par l’absence de toute opposition ou réserve à ce sujet (61). Si le donneur d’ordre découvre avant l’échéance convenue, une fraude consistant en un défaut de sincérité des documents, il peut s’opposer au paiement par la banque émettrice ou confirmatrice (62). Si le contrat de vente conclu entre le vendeur et l’acheteur ne renferme aucune clause faisant obligation au vendeur de présenter les documents à la banque dans le délai de validité du crédit ouvert, il y a lieu de considérer que le vendeur doit présenter lesdits documents dans un bref délai. La vérification du banquier ne doit porter, sauf convention contraire, que sur la présence des documents et leur conformité aux spécifications de l'ouverture de crédit et aux RUU; mais il n'a pas à rechercher si les énonciations de ces documents sont conformes à la vérité, par exemple, quant à la qualité de la marchandise ou à la date de l'embarquement effectif (63). Il s’agit de contrôler la régularité formelle des documents, (64), « l’apparence de conformité ». La banque exerce un contrôle formel abstraction faite des intérêts des parties notamment du donneur d’ordre.

560 Rejet ou levée des documents. Après vérification des documents qui lui sont remis, la banque décide de

lever ou de refuser les documents. La remise de documents inexacts justifie le refus du banquier de payer ou d’accepter. Si malgré la fraude, la banque paie, elle commet une faute dont elle devra répondre, toute clause de non responsabilité étant nulle et non avenue (65). Au contraire, si les documents sont exacts, elle devra les lever sous peine de responsabilité. Si des irrégularités sont avérées, elle doit les faire connaître au bénéficiaire. La banque ne peut opposer au tiers ni les instructions nouvelles reçues du client donneur d’ordre ni les exceptions résultant de ses rapports avec ce client (66). Néanmoins, la jurisprudence permet au bénéficiaire ou au remettant de régulariser les documents à condition qu’une telle régularisation intervienne avant la date d’expiration du crédit (67).

561 Recours. Dès lors que le banquier a mis ces fonds à la disposition du bénéficiaire de manière régulière et

                                                            57 Beyrouth 31 oct. 1963, Al Mouhami 1963, 287 sp., 290. 58 Trib. 1re inst. 18 mai 1993, préc. 59 Trib 1re inst Beyrouth 18 mai 1993, préc. 60 Cass. com. 20 nov. 1990, RTDcom. 1991, 274 obs. CABRILLAC et TEYSSIE. 61 Trib. 1re inst. Beyrouth 18 mai 1993, préc. 62 Cass. com. 7 avr. 1987, JCP G 1987, II-20829 note STOUFFLET. 63 Cass. civ. 26 janv. 1926 DP 1926, 1, 201 note HAMEL. 64 NASSER, Le crédit documentaire, Rev. jud. lib. 1957, 21, Trib. 1re inst. Beyrouth, 16 juin 1980, préc. 65 Cass. civ. 22 déc. 1966, Rec. Hatem. fasc. 71, 55 ; Beyrouth 31 oct. 1963, Rec. Chamsédine 1985, 202. 66 JU Beyrouth 2 août 1951, Rec. Hatem, fasc. 12, 50. 67 Cass. com. 20 nov. 1990 ; GAVALDA et STOUFFLET, chr. Dr. banc JCP E 1991, II-93 n° 38.

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conforme aux conditions de la lettre de crédit, il pourra se retourner contre le donneur d’ordre pour le remboursement et ce, suivant les termes de la convention d’ouverture de crédit. Le crédit consenti par la banque constitue une dette certaine et exigible (68). Ainsi, la banque peut valablement procéder à la vente des marchandises prises en gage de la restitution du crédit ouvert (69). En effet, la banque qui accepte les documents devient détentrice légitime des marchandises et dispose d’un droit de gage sur les marchandises au sens de l’article 265 c. com. lib. En outre, elle peut retenir les documents ainsi présentés (70). Si le crédit est avancé par une banque correspondante – confirmatrice, elle se retournera alors en sa qualité de mandataire contre la banque émettrice, laquelle en tant que créditrice se retournera contre le donneur d’ordre. Celui-ci pourra se retourner contre le vendeur s’il est à l’origine de la mauvaise exécution du contrat (71). Sauf clause expresse, on admet que le banquier n'est pas responsable des manquements commis par son correspondant dans l'exécution de son mandat, à moins qu'il n'y ait eu faute caractérisée dans le choix ou la surveillance de ce correspondant ou dans les instructions qui lui ont été données (72). Sous-paragraphe 3 - Blocage et saisie du crédit

562 Saisie du crédit. La promesse de crédit consentie par le banquier fait naître au profit du bénéficiaire une

créance pouvant faire l’objet d’une saisie par les créanciers du bénéficiaire selon les règles de droit commun (73) sans préjudice, en droit libanais, aux dispositions de la loi sur le secret bancaire. En revanche, le donneur d’ordre ne peut pas saisir le crédit entre les mains du banquier pour l’empêcher d’avancer les fonds au bénéficiaire soit, en invoquant une créance en relation avec le contrat de base (74) soit, en se prévalant d’une créance étrangère à l’exécution du contrat de base (75).

563 Blocage du crédit. Si la jurisprudence refuse à l’acheteur de saisir le crédit promis par le banquier, en

revanche, elle lui permet de le bloquer en cas de fraude (76). Il pourra alors s’adresser soit à la banque directement chargée de la réalisation soit au juge des référés en vue qu’il rende une ordonnance de blocage. Mais en tout état de cause, sa demande ne sera exaucée que s’il rapporte la preuve de la fraude de manière indiscutable c’est-à-dire si la fraude est manifeste (77). La demande de blocage ne peut être satisfaite que tant que la réalisation du crédit n’est pas intervenue (78). Paragraphe 3 - Circulation du crédit

564 Intuitus personae. Le crédit documentaire a un caractère intuitu personae. Il en résulte qu’en cas de décès

du bénéficiaire, ce crédit ne sera pas transmis à ses héritiers. Le même caractère intuitu personae empêche sa cession entre vifs. Toutefois, une clause de « transférabilité » peut être insérée dans la lettre de crédit. Le transfert s’effectuera pour une seule fois au bénéfice du fournisseur du bénéficiaire. Par ailleurs, il faut bien distinguer le transfert du crédit de la cession de son produit. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une simple cession de créance permettant à la banque émettrice d’opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’elle pourrait faire valoir à l’encontre du cédant (79). La jurisprudence estime que cette cession de créance n’est en réalité qu’une nouvelle demande d’ouverture de crédit instituant un nouveau contrat de mandat entre le cessionnaire et la banque cédée (80). Cette relation de mandat donne qualité aux opérateurs de se poursuivre mutuellement devant les tribunaux pour tout litige issu de ladite relation.

                                                            68 JU Beyrouth 9 août 1950, Rec. Chamsédine, 1985, 199. 69 Trib. 1re inst. Beyrouth 30 juin 1994, Rec. Zein vol. 10, 294 n° 11. 70 Beyrouth, 29 oct. 1962, Rec. Chamsédine 1985, 128. 71 Beyrouth 15 déc. 1962 Al Mohami 1962, 117 ; Rev. jud. lib. 1963, 583 ; Rec. Hatem, fasc. 51, 55 ; 31 oct. 1963, Al Mohami 1963, 287 ;

Rev. jud. lib. 1964, 42 ; Rec. Chamsédine, Droit commercial 1985, 200 ; Cass. lib. 22 déc. 1966 Rev. jud. lib. 1967, 43. 72 Beyrouth 15 déc. 1962, Al Mohami 1962, 117 ; Rev. jud. lib. 1963, 563 ; 31 oct. 1963, Rev. jud. lib. 1964, 42 ; Cass. lib. 22 déc. 1966

préc. 73 Cass. com. 5 juill. 1983, Gaz. Pal. 1984 1 pan. 12 obs. MV , Banque 1984, 245 obs. RIVES LANGE ; D 1984, IR 267 obs. VASSEUR ;

RTDcom. 1984 320; GAVALDA et STOUFFLET Ch. Dr. bancaire JCP CI 1983, II-14001 n° 108. 74 Cass. com. 14 oct. 1981 ; JCP G 1982, II-19815 note GAVALDA et STOUFFLET ; D. 1982, J, 309 note VASSEUR ; Banque 1982, 524

note MARTIN ; RTDcom. 24 juin 1986 D. 1987, somm. 218 obs. VASSEUR. 75 Cass. com. 18 mars 1986, JCP G 1986, II-20624 note STOUFFLET , D. 1986, 374 note VASSEUR; RTDcom. 1986, 421 obs.

CABRILLAC et RIVES LANGE ; RDBB 1987, 17 note CONTAMINE-RAYNAUD ; Cass. com. 18 oct. 1988 ; JCP G 1988, IV-402. 76 Cass. com. 4 mars 1954 S 1954, 1, 124 note LESCOT. 77 Cass. com. 24 juin 1997 cité par GAVALDA et STOUFFLET Chr. Dr. bancaire JCP E 1998 319 n°18. 78 GAVALDA et STOUFFLET, 318 n° 641 et les réf. citées. 79 GAVALDA et STOUFFLET, 319 n° 645. 80 Beyrouth 21 nov. 1996, Al Adl 1997, 45 n° 1.

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GARANTIES DES CREDITS BANCAIRES

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CHAPITRE 4 – GARANTIES DES CREDITS BANCAIRES Parmi les divers moyens de s’assurer du remboursement du crédit accordé, la banque dispose d’un outil qui lui est indispensable: la garantie. Celle-ci regroupe deux catégories: les garanties personnelles (Section 1) et les garanties réelles (Section 2). SECTION 1 - GARANTIES PERSONNELLES Par garantie ou sûreté personnelle, on entend tout engagement envers le créancier d’un ou plusieurs débiteurs principaux ou accessoires. La pratique en dénombre une multitude, nous évoquerons les plus usités: la solidarité (Sous-section 1), la délégation (Sous-section 2), le cautionnement (Sous-section 3), la garantie autonome (Sous-section 4), la lettre d’intention (Sous-section 5), l’aval (Sous-section 6) et l’assurance (Sous-section 7). SOUS-SECTION 1 - SOLIDARITE

565 Droit commun. La stipulation de solidarité permet au banquier d’accroître sa garantie. La réglementation

bancaire ne prévoit aucune disposition propre et dérogatoire au droit commun. C’est donc celui-ci qui trouve pleine application, sous réserve, toutefois, de la présomption coutumière de solidarité en matière commerciale (art. 24 c. oblig. c. et art. 1203 c. civ.). La solidarité n’est pas sans intérêt pour la banque, elle lui permet d’éviter les obstacles attachés au cautionnement notamment en cas de redressement judiciaire. Ainsi, il a été jugé que l’extinction d’une créance à l’encontre d’un débiteur en redressement judiciaire, faute de déclaration dans le délai légal, ne libère pas un éventuel codébiteur solidaire (1) alors que la solution est différente quand il s’agit d’une caution (2). Dès lors que le créancier peut réclamer la totalité de sa dette à l’un quelconque des débiteurs co-obligés, selon son choix, sans être tenu de mettre en cause les autres débiteurs ou de les avertir, il bénéficie d’une véritable garantie (3). Ainsi, une personne s’était reconnue débitrice envers la poste d’une certaine somme pour utilisation d’une machine à affranchir, par un acte distinct, intitulé « engagement de remboursement », portant la mention « avec solidarité, lu et approuvé », son conjoint s’était engagé à effectuer un paiement échelonné de la dette, la cour d’appel de Versailles y a vu non pas un cautionnement mais un engagement de codébiteur solidaire (4). SOUS-SECTION 2 - DELEGATION

566 Délégation et indication de payer. La délégation est une opération juridique par laquelle une personne, le

délégué, sur l’ordre d’une autre, le délégant-emprunteur s’engage envers une troisième le délégataire-banque (art. 326 c. oblig. c. et art. 1275 c. civ.). Ainsi, une personne voulant contracter un prêt mais n’ayant pas les fonds nécessaires s’adresse à quelqu’un qui n’est pas nécessairement son débiteur (5) afin de s’engager à l’égard de l’établissement de crédit. La délégation ne constitue pas le mandat de payer appelé par les rédacteurs du code civil « indication de payer » (art. 1277 c. civ.). La délégation n’est pas un paiement: le délégué n’effectue pas un paiement immédiat; il s’oblige seulement, il s’engage à payer. De même, l’indication n’est qu’un mandat, l’indiqué ne souscrit aucun engagement personnel envers le créancier. Il n’est qu’un représentant si bien que le paiement n’est réalisé qu’au nom et pour le compte du débiteur. Dans la délégation, la situation est différente: le délégué s’oblige personnellement et directement envers le créancier de son propre créancier, le délégataire (6). La délégation entraîne ainsi la création d’un lien de droit direct entre le délégué et le délégataire. Le lien de droit va ajouter au créditeur une garantie supplémentaire. En l’absence d’un engagement exprès du débiteur délégué à l’égard du délégataire de payer la dette du délégant, il n’y a pas de délégation au sens de l’article 1275 c. civ. mais tout au plus indication de paiement au sens de l’article 1277 c. civ. (7). L’engagement direct et personnel du débiteur délégué à l’égard du créancier délégataire constitue le critère fondamental de distinction entre la délégation – qu’elle

                                                            1 Cass. com. 19 janv. 1993, JCP G 1993, II-22056 note PETEL. 2 Cass. com. 13 nov. 1990 JCP E 1991, II-114 n° 9ets, et note 14. 3 Pour un exemple, Cass. com. 26 mai 2010, RDBF nov.-déc. 2010 comm. 204 note CREDOT et SAMIN. 4 Cass. civ. 17 nov. 1999 rejetant le pourvoi. contra Versailles 3è ch. 4 avr. 1997, JCP G 2000 IV-1002 ; I-209 n°9 obs. crit. SIMLER. 5 Cass. com. 21 juin 1994 D. 1995 ; RTDcom. 1995, 113 obs. MESTRE. 6 Cass. com. 9 mai 1990, JCP G 1990, IV-257 ; D. 1991, 488 obs. DAGORNE – LABBE . Mais, en sens contraire Cass. civ. 17 mars 1992,

JCP G II-21922 note BILLIAU. 7 Cass. civ. 10 mai 2000, RDBF 2001 comm. 188 note CERLES.

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GARANTIES DES CREDITS BANCAIRES

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soit parfaite ou imparfaite – et l’indication de paiement (8). Toutefois, signalons que l’acceptation par le créancier délégataire de la substitution d’un nouveau débiteur au débiteur d’origine n’a pas pour effet de libérer ce dernier (délégant), qui reste tenu à l’égard du délégataire sauf renonciation expresse par ce dernier à ses droits contre le délégant (9).

567 Délégation imparfaite. Lorsque la délégation prend la forme d’une délégation imparfaite c’est-à-dire sans

novation, le délégant reste tenu vis-à-vis du délégataire. Il ne peut opposer au délégataire les exceptions nées de ses rapports avec le délégé (10). Elle a vocation à constituer une garantie pour le délégataire qui dispose d’un second patrimoine, celui du délégué, contre lequel il pourra exercer ses recours au cas de défaillance du délégant et pourra poursuivre indifféremment le délégué ou le délégant. La délégation peut se révéler dangereuse pour le délégué, tenu d’une obligation personnelle et autonome envers le délégataire, celle de payer la dette du délégant. C’est pour limiter ce risque que, très généralement, le délégué n’accepte de s’engager envers le délégataire qu’à concurrence de ce qu’il pourra devoir au délégant. SOUS-SECTION 3 - CAUTIONNEMENT

568 Présentation. Par le cautionnement, la caution s’engage envers le créancier, à titre de garantie, à remplir

l’obligation du débiteur principal, pour le cas où celui-ci n’y aurait pas lui-même satisfait (art. 1053 c. oblig. c.). Cette définition est celle du cautionnement civil qui, en principe, est la règle (11). Mais le cautionnement peut être commercial, il rend alors la caution codébiteur solidaire (12). En matière bancaire, le cautionnement est commercial par nature (art. 6 c. com. lib. ; art. 632 al. 5 c. com. lib.) (13). Par conséquent, la banque qui s’oblige envers un créancier à exécuter l’obligation du débiteur est personnellement et directement tenue ( 14 ). Le cautionnement constitue l’une des branches les plus importantes du commerce des établissements de crédit (15 ). L’article L 313-1 c. monét. fin. qualifie expressément d’opération de crédit « l’engagement par signature tel qu’un aval ou un cautionnement ». Divers textes prévoient la fourniture d’une caution tantôt de manière systématique dès lors que la personne visée entend bénéficier d’un droit ou d’un statut donné, tantôt à l’initiative du créancier. Parmi ces illustrations, on peut citer les articles 142 et 143 c. com. lib. relatifs à l’hypothèse de la perte d’une lettre de change, dont le bénéficiaire peut néanmoins réclamer le paiement moyennant fourniture d’une caution. Nous évoquerons la validité du cautionnement (Paragraphe 1) l’étendue (Paragraphe 2) et la durée (Paragraphe 3) de l’engagement de la caution, les parties au cautionnement (Paragraphe 4) et son extinction (Paragraphe 5). Paragraphe 1 - Validité du cautionnement

569 Formalisme. Le cautionnement n’est pas un contrat solennel mais consensuel (16). Néanmoins, sa preuve

est soumise aux dispositions de l’article 1054 alinéa 3 c. oblig. c. qui dispose que « le cautionnement ne peut être prouvé que par écrit ». En outre, l’article 1059 du même code précise que: « le cautionnement ne se présume pas; la volonté de cautionner doit résulter clairement de l’acte » (art. 2292 c. civ.). Les dispositions de cet article sont d’interprétation stricte. Aussi la Cour de cassation a-t-elle déjà décidé qu’un engagement ne contenant aucune précision ni sur la nature des dettes garanties, ni sur leur montant, n’était pas suffisamment déterminé et n’était donc pas valable (17). Un acte comportant une mention manuscrite incomplète, voire inexistante, constitue un commencement de preuve par écrit (18) qui doit être corroboré par un ou plusieurs éléments extrinsèques. Les juges du fond apprécient souverainement la valeur probante de ces éléments (19). On notera que le même formalisme s'applique aussi à la procuration; ainsi une

                                                            8 GODON, La distinction entre délégation de paiement et indication de paiement, Defrénois, 2000, art. 37103. 9 Cass. 3e civ., 20 nov. 2007, RDBF janv.-févr. 2008 comm. 14 note CERLES. 10 Cass. com. 22 avr. 1997 Bull. civ. IV n° 98 ; JCP G 1998, II-10050 note LACHIEZE. 11 Cass. civ. 25 oct. 1990, Baz 1990, 275 ; Trib. 1re inst. 1re ch. Beyrouth, 19 janv. 2011, Al Adl 2011/3, 1303 spéc. , 1307. 12 Cass. 4e civ. lib. 7 mai 2009, Cassandre 2009/5, 843 ; JU Kesrouan, 16 sept. 2010, Cassandre 2010/9, 1429 ; JU Metn, 12 nov. 2009, Al

Adl 2011/3, 1409. 13 Cass. civ. lib. 21 mai 1970, Al Adl 1970, 607. 14 Cass. civ. lib. 28 mai 1998, Rec. civ. Sader 1998, 121s sp., 123. 15 WATIEZ, Le cautionnement bancaire, Bibl. dr. com. T IX 1964, 4ets et 161ets ; SIMLER, Cautionnement et garanties autonomes, Litec

2000 ; GAVALDA et PARLEANI, Cautionnement, JCL Banque-Crédit-Bourse, vol. 2 fasc. 740. 16 Trib. 1re inst., 1re ch., Beyrouth, 7 mars 2011, Al Adl 2011/4, 1816. 17 Cass. civ. 19 avr. 1983, JCP G 1983, II-2122 note MOULY et DELEBEQUE ; 15 avr. 1986 D. 1987, 341 note AYNES. 18 Cass. civ. 6 févr. 1980, JCP G 1981, II-19535 ; 16 déc. 1981, Bull. civ. n° 388 ; 22 févr. 1984, Bull. civ. n° 71 ; 18 avr. 1989, D. 1989, IR

137. 19 Cass. civ. 10 mai 2000, Bull. civ. n° 138 ; 28 mars 2000, Bull. n° 106 ; Cass. com. 23 mai 2000, Bull. n° 107.

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procuration en vue d'un cautionnement ne satisfaisant pas aux dispositions de l'article 1326 c. civ., même annexée à l'acte authentique de cautionnement, ne peut valoir que comme commencement de preuve par écrit (20). Ce formalisme s’attache seulement à la caution personnelle à l’exclusion du cautionnement réel (21).

570 Conditions générales. Le cautionnement n’est valable que si l’obligation qu’il garantit est valable (art.

1056 c. oblig. c.). En outre, il doit être causé ( 22 ). L’appréciation des conditions de validité de l’engagement de la caution se fait au jour de l’acte de cautionnement (23). Elle est soumise au pouvoir souverain des juges du fond (24). Comme pour tout contrat, le consentement de la caution ne doit pas être vicié. Ainsi le cautionnement sera annulable en cas de dol (25). Le dol supposant que la caution ait commis une erreur sur la portée de son engagement et que l’intention dolosive soit prouvée (26). De même, le cautionnement sera annulable en cas d’erreur, par exemple, si la caution s’est engagée dans la croyance de l’existence d’autres garants (27). En outre, aux termes de l’article 1061 c. oblig. c.: « Le cautionnement doit être formellement accepté par le créancier » (art. 2291 c. civ.). L’acceptation peut être expresse ou tacite (28). Il en résulte que tant que le créancier ne l’a pas accepté, la caution est en droit de revenir sur son engagement (29). S’agissant du cautionnement donné par une société civile, il n’est valable que s’il entre directement dans son objet social fût-il autorisé par l’unanimité des associés (30) en dépit de l’existence d’une communauté d’intérêts entre la société garante et la société cautionnée.

571 Caractère accessoire. Considérant que toutes les exceptions dont peut se prévaloir le débiteur ont un

caractère personnel et ne sont pas inhérentes à la dette, la jurisprudence méconnaît de plus en plus le caractère accessoire du cautionnement (31). Ainsi après le droit d’invoquer le dol (32), celui de se prévaloir d’un octroi abusif de crédit (33), celui de se prévaloir d’une renonciation par le créancier aux poursuites contre le débiteur (34), la jurisprudence décide que la caution ne peut invoquer le défaut de cause affectant le prêt garanti (35). Paragraphe 2 - Etendue de l’engagement de la caution

572 Engagement principal. Le cautionnement peut être contracté pour une partie de la dette seulement (art.

1065 c. oblig. c.); il peut être limité à une somme fixe ou à une partie déterminée de l’obligation (art. 1066 al. 1 c. oblig. c.). Cependant, lorsque la caution garantit l’exécution de tous les engagements contractés par le débiteur à raison du contrat, elle répond, comme le débiteur principal, de toutes les obligations dont ce dernier peut être tenu de ce chef (art. 1066 al. 3 c. oblic. c.). En principe, c’est l’engagement principal qui fixe les limites du cautionnement pour le principal (36). Le cautionnement consenti en garantie de certaines sommes ne peut être étendu aux sommes non garanties (37). Si le cautionnement est donné en une devise déterminée, le créancier est en mesure de refuser le paiement effectué en une autre devise (38). C’est aux juges du fond qu’il appartient de déterminer dans l’exercice de leur pouvoir souverain l’étendue de l’engagement (39). Ceux-ci doivent se placer au jour de l’engagement de la caution pour apprécier le caractère explicite et non équivoque de sa connaissance de la portée de son engagement (40) parce que la

                                                            20 Cass. civ. 7 nov. 2000, Bull. civ. I n° 277. 21 Cass. civ. 29 févr. 2000, Bull. civ. I, n° 69 ; 4 mai 1999, Bull. civ. n° 144 ; Cass. civ. 13 mai 1998, Bull. civ. I, n° 172. 22 ATIAS, Par la grâce du droit ; la cause de l’engagement de la caution, in Mélanges CABRILLAC Dalloz-Litec 1999, 339. 23 Cass. civ. 9 mai 2001, Bull. civ. I, n° 124. 24 Cass. lib. 22 févr. 1963, Rev. jud. lib. 1967, 836. 25 Cass. com. 16 mars 2010, RDBF mai-juin 2010 comm. 92 note LEGEAIS ; Cass. civ. 14 févr. 2008, RDBF 2008 comm. 38 note

LEGEAIS. 26 Cass. com. 12 janv. 2010 RDBF mars-avril 2010, comm. 51 note LEGEAIS. 27 Cass. civ. 30 nov. 2010, RDBF janv.-févr. 2011, comm. 7 note LEGEAIS. 28 Beyrouth 9e ch., 26 nov. 2009, Cassandre 2009/11, 1906. 29 Cass. lib. 27 avr. 1972, Rev. jud. lib., 874. 30 Cass. com. 8 nov. 2011, RDBF 2012, janv.-févr. 2012 comm. 8 note CERLES ; contra Cass. civ. 1°, 8 nov. 2007 in CERLES, Conditions

de validité du cautionnement délivré par une société civile, RDBF, 2008, étude 1. 31 v. SIMLER, Le cautionnement est-il toujours une sûreté accessoire? in, Mélanges GOUBEAUX, LGDJ 2009. 32 Cass. ch. mixte, 8 juin 2007 ; JCP G 2007, II, 10138, SIMLER ; RTD civ. 2008, 331, obs. CROCQ. 33 Cass. com. 22 sept. 2009 ; JCP G 2009, 492, obs. SIMLER. 34 Cass. com., 22 mai 2007, JCP G 2007, I, 212. 35 Douai, 18 nov. 2010, RDBF mars-avril 2011 comm. 52 note LEGEAIS. 36 Cass. civ. 5 mai 1998, Bull. civ. I, n° 159 ; DA 1998, 1009. 37 Cass. civ. lib. 28 juin 1972, Rec. Hatem, fasc. 130, 18. 38 Beyrouth 18 mai 1999, Al Adl 2001, 86. 39 Cass. civ. 8 févr. 1977, JCP G 1979, II-19095 note JACQUEMONT. 40 Cass. civ. 9 mai 2001, RDBF n° 146 obs. LEGEAIS.

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cause d’un engagement s’apprécie au jour de sa naissance. 573 Protection de la caution. La caution non avertie (41) peut se prévaloir à l’égard de la banque du devoir de

mise en garde (42) et de la responsabilité fondée sur un soutien abusif de crédit (43). Dans ce cas, la caution ne peut demander que la réparation du préjudice s’analysant en la perte d’une chance de ne pas contracter lequel, peut être quasiment égal au montant du cautionnement (44).

574 Cautionnement indéfini. Le problème du cautionnement indéfini dit cautionnement « omnibus » ou « tous

engagements » se pose lorsque la garantie est de portée générale. Il faut alors déterminer les obligations garanties, puisque la caution ne peut pas voir son engagement étendu au delà des limites dans lesquelles il a été contracté. Le cautionnement indéfini est régi en droit français par les dispositions de l’article 2293 c. civ. aux termes duquel: « Le cautionnement indéfini d’une obligation principale s’étend à tous les accessoires de la dette, même aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution. La portée de ce texte a été précisée par la cour de cassation selon laquelle, le cautionnement est indéfini dès lors que la caution garantit pour un montant illimité la dette déterminée du débiteur, le cautionnement est défini dès lors que la caution s’engage à concurrence d’une somme donnée (45). Il appartient aux juges du fond de déterminer dans l’exercice de leur pouvoir souverain l’étendue de l’engagement de la caution (46).La caution est engagée chaque fois qu’il y a certitude qu’elle avait, de façon non équivoque, la connaissance de la nature et de l’étendue de l’obligation contractée (47). Néanmoins, dans les cautionnements omnibus, la caution ne garantit pas les risques indirects (48) à moins que le contrat ne le prévoit expressément.

575 Engagement de la caution sur les accessoires. Aux termes de l’article 1066 alinéa 1 c. oblig. c.:

« Lorsque le cautionnement n’a pas été expressément limité à une somme fixe, ou à une partie déterminée de l’obligation, la caution répond aussi des dommages, intérêts et des dépenses encourus par le débiteur principal à raison de l’inexécution de l’obligation ». Il en résulte que la caution répond impérativement des accessoires occasionnés par l’inexécution de l’obligation principale. Jugé, que le cautionnement indéfini s’étend de plein droit aux accessoires de la dette (49).

576 Garanties de dettes à venir. Aux termes de l’article 1057 c. oblig. c.: « Le cautionnement peut avoir pour

objet une obligation éventuelle (telle que la garantie pour cause d’éviction), future ou indéterminée, pourvu que la détermination puisse être faite par la suite (telle que la somme à laquelle une personne pourra être condamnée par un jugement); dans ce cas, l’engagement de la caution est déterminé par celui du débiteur principal ». Il en résulte que le cautionnement d’une obligation non encore née, est expressément consacré par le législateur libanais (50). Le caractère futur de l’obligation principale est particulièrement évident dans l’hypothèse fréquente du cautionnement d’une ouverture de crédit ou d’une ouverture d’un compte courant. Un tel engagement est pleinement valable (51), alors que l’on ne connaît ni le moment de la naissance effective d’une dette à la charge du débiteur principal par l’utilisation du crédit ouvert, ni le montant de la dette, le crédit pouvant n’être utilisé qu’en partie, ni lorsqu’il s’agit d’un compte courant, le moment de l’exigibilité, qui ne peut être que celui de la clôture du compte (52).

577 Cautionnement d’un ensemble de dettes ou d’un compte courant. Lorsqu'elle garantit un compte

courant, la caution reste tenue jusqu’à sa clôture, son engagement n’est nullement caduc par l’effet de l’arrêté de compte (53). La caution est portée à contester parfois la réalité du solde débiteur qui lui est réclamé. La charge de la preuve incombe au créancier: il appartient donc au banquier de justifier le montant

                                                            41 Cass. com. 22 nov. 2011 RDBF 2012, janv.-févr. comm. 11: une caution conjointe dotée de fortes capacités intellectuelles et s’investissant

dans l’entreprise est avertie. 42 Aix-en-Provence, 12 mai 2011 RDBF 2011, nov.-déc. comm. 197 note CERLES. 43 Versailles, 13e ch., 26 mai 2011, RDBF janv.-févr. 2012, comm. 7 note LEGEAIS. 44 Cass. com. nov. 2011, RDBF janv.-févr. 2012 comm. 13 note LEGEAIS. 45 Cass. com. 12 janv. 2010, 2 arrêts, RDBF mars-avril 2010, comm. 56 note LEGEAIS. 46 Cass. civ. 8 févr. 1977, JCP G 1979, II-19095 ; Cass. com. 8 mars 1971 D. 1972, 262 ; Cass. com. 8 juin 1993, Banque n° 542, nov. 1993,

99 obs. GUILLOT. 47 Cass. civ. 1er 12 nov. 1987, D. 1988 somm. 272 obs. AYNES. 48 Cass. com. 12 mai 1992, Bull. civ. IV n° 176. 49 Cass. com. 3 avr. 2002, obs. AVENAT-RABARDET, D. 2002, 1547. 50 Cass. 4e civ. lib. 9 juill. 2008, Cassandre 2008/7, 1516. 51 Cass. civ. 10 janv. 1870, DP 1870, 1, 60, (2e esp); 13 janv. 1965, Bull. civ. I n° 32 ; JU Metn 12 nov. 2009, Cassandre 2009/11, 1909. 52 SIMLER, ouvrage préc. 172 n° 202 et 214 n° 256 et les nombreuses réf. citées ; JU Metn 12 nov. 2009 préc. 53 Beyrouth 22 mai 1961, Rec. Chamsédine 1985, 197.

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GARANTIES DES CREDITS BANCAIRES

155

qu'il réclame. Jugé que l’approbation des relevés de compte par le débiteur est inopposable à la caution en l’absence de convention contraire (54) à moins qu’il y ait chose jugée contre le débiteur (55) ou que le contrat de cautionnement stipule, ce qui est souvent le cas, que la preuve du solde débiteur se fera par les livres des parties (56). Lorsqu’une caution garantit le solde d’un compte courant, le montant dû par elle dans la limite de son engagement s’établit au solde définitif du compte après liquidation des opérations en cours (57). Ce solde ne résulte pas des arrêtés de compte (58). La caution est tenue de garantir le solde débiteur dudit compte au jour de l’expiration du cautionnement sauf à ce que toute remise postérieure vienne en déduction du montant de la dette (59). De même, elle est tenue des dettes nées avant que le cautionnement ne prenne fin, même qu’ultérieurement par l’effet de la clôture du compte (60). L’exigibilité de la caution ne saurait résulter de l’ouverture de la procédure de faillite du débiteur principal, laquelle, ne rend pas exigible les créances non échues (61). Le défaut d’exigibilité du solde débiteur provisoire du compte courant permet à la caution en se fondant sur les articles 2290 c. civ. (62) et 2313 c. civ. (63) d’opposer aux créanciers toutes les circonstances qui diminuent la dette du débiteur principal. En particulier, la caution qui a garanti la dette du solde du compte courant n’est tenue du solde provisoire de ce compte, existant au jour de la révocation du cautionnement que dans la mesure où ce solde n’a pas été diminué par des remises subséquentes (64).

578 Résiliation du compte courant. Si la caution reste tenue lors de la clôture du compte courant du solde

débiteur existant au jour de la résiliation, c'est seulement dans la mesure où ce solde n'a pas été effacé par des remises effectuées par le débiteur postérieurement à la résiliation (65). En effet, en vertu d’une jurisprudence bien établie (66), la caution peut se prévaloir de toutes les remises faites au crédit du compte du débiteur cautionné postérieurement à la dénonciation du cautionnement, afin de n’être tenue que dans la limite de la position débitrice dudit compte au jour de la révocation de la garantie, déduction faite de toutes les remises créditrices ultérieures passées ou compte (67). Parfois, l’acte de cautionnement comporte une clause spécifique aux termes de laquelle il est stipulé qu’en cas de dénonciation de son engagement avant clôture du compte courant, les obligations de la caution au titre dudit compte seraient déterminées par le solde qui se dégagerait au moment de sa clôture, sans pouvoir excéder le montant de sa position débitrice à la date d’effet de la révocation du cautionnement (68).

579 Exigibilité des intérêts. Le solde d’un compte courant clôturé produit de plein droit des intérêts au taux

légal si les parties n’en sont pas autrement convenues, jusqu’au règlement total de la dette et la caution doit les régler (69). En aucun cas, la caution ne peut être tenue de payer des intérêts à un taux supérieur à celui des agios dûs par le débiteur (70).

580 Cautionnement des actes des fondateurs de société en formation. En attendant l’acquisition définitive

de la personnalité morale, les fondateurs d’une société en formation sont appelés à effectuer certaines opérations avec les tiers. Les fondateurs répondent personnellement des actes ainsi accomplis jusqu’à leur reprise par la société. Se pose alors le problème des cautionnements garantissant les engagements pris pendant cette période? La jurisprudence admet la validité du cautionnement accordé pour garantir les dettes de la société en formation au motif que le cautionnement d’une dette future est valable (71). Elle décide que

                                                            54 Paris 17 mars 1975, Gaz Pal 1976, 1, somm. 51; JCP G 1976, I, 2801, Chr. dr. bancaire, n° 73. 55 SIMLER, 381 n° 458 et 415 n° 507. 56 Cass. com. 25 nov. 1974, Bull. civ. IV n° 298 ; JCP G 75, IV-15; DS 1975, IR 29; RTDcom. 1975, 572, obs. CABRILLAC et RIVES-

LANGE ; Cass. civ. 17 juin 1975, Bull. civ. I, n° 199 ; JCP G 1975, IV-257. 57 Cass. com. 6 nov. 1990 Bull. civ. IV n° 260 ; Def. 1991, 1124 (1re esp) obs. AYNES. 58 Liban-nord, 25 févr. 1971, Rev. jud. lib. 1971, 602. 59 Cass. com. 24 oct. 1989, Bull. civ. IV n° 256. 60 Cass. com. 24 oct. 1989 préc. 61 Cass. com. 16 avr. 1996, Bull. civ. IV n° 119. 62 Anc. art 2013, v. art 1064 c. oblig. c. 63 Anc. art. 2036 ; v. art 1077 c. oblig. c. 64 Cass. civ. 20 déc. 1983, Bull. civ. I n° 306 ; 28 oct. 1997 JCP G 1998, I-103, n° 9 obs. SIMLER ; RTDciv. 198, 150 obs. BANDRAC. 65 Cass. com. 22 nov. 1972 Gaz. Pal. 1973, 1, 213, note MARTIN. V aussi Cass. com. 30 mai 1978, JCP G 1980, II-19325, note SIMLER,

(1re esp) – Cass. 1re civ. 17 mai 1983 Bull. civ. I, n° 146, 128 ; Cass. com. 12 mai 1998 JCP G 1998, IV-2470 Bull. civ. IV, n° 151, 122. 66 Cass. com. 24 oct. 1989, Bull. civ. IV n°256. 67 GUILLOT, obs sous Cass. com. 11 avril 1995, Banque n° 564 nov. 1995, 93. 68 Cass.com. 6 nov. 1990, Bull. civ. IV n°260. 69 Cass. com. 20 juill. 1983, Bull. civ. IV n° 229 ; Cass. civ. 20 oct. 1987, Bull. civ. I n° 273; 9 févr. 1988, RTDciv. 1988, 796 obs.

BANDRAC. 70 Cass. com. 6 mai 1986 D 1987, somm. 449 obs. AYNES. 71 Cass. civ. 3 déc. 1980 D 1981 IR 102 VASSEUR.

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GARANTIES DES CREDITS BANCAIRES

156

lorsque l’engagement a été repris par la société, la caution n’a plus de recours contre l’associé qui avait contracté au nom de la société en formation (72).

581 Dettes résultant d’activités nouvelles. Aux termes de l’article 1066 alinéa 2 c. oblig. c.: « La caution ne

répond pas des obligations nouvelles contractées par le débiteur principal après la constitution de l’engagement qu’elle a garanti ». Le principe est donc que les dettes nouvelles sont écartées de l’engagement de la caution. Néanmoins, l’alinéa 3 du même article prévoit une exception: « Lorsque la caution a expressément garanti l’exécution de tous les engagements contractés par le débiteur à raison du contrat, elle répond, comme le débiteur principal de toutes les obligations dont ce dernier peut être tenu de ce chef » (73), dont les obligations nouvelles issues dudit contrat. En présence de cautionnements généraux de débiteurs commerçants, certains arrêts décident que la garantie doit couvrir des activités totalement différentes entreprises après cessation de celles exercées au moment de l’engagement (74) ou parallèlement à celles qui existaient à l’époque de l’acte (75). Paragraphe 3 - Durée de l’engagement de la caution

582 Durée déterminée ou déterminable. L’article 1065 c. oblig. c. prévoit que « le cautionnement peut être à

terme, c’est-à-dire pour un certain temps, ou à partir d’une certaine date ». Ainsi, le cautionnement est consenti pour une durée déterminée fixée en fonction du crédit ouvert par le banquier ou accordé sans limitation de temps. Si la caution veut s’engager pour une durée moindre que le débiteur principal, elle fixera alors un terme à son engagement. Dans ce cas, le créancier n’est nullement obligé de la poursuivre durant ce même terme. Jugé que la clause qui fixe un terme à l’engagement de la caution n’oblige pas le créancier à engager des poursuites contre elle dans ce délai (76). En cas de doute, la caution aura la faculté de pouvoir y mettre fin à tout moment, et pour le surplus, il faut et il suffit que l’engagement, faute d’être déterminé, soit déterminable (77). Lorsque le cautionnement est à durée déterminée, et si la dette est née au cours de la période considérée, la demande ultérieure du créancier est recevable, dès lors que l’exercice de l’action n’était soumis par le contrat à aucun délai (78). Quand le cautionnement couvre une avance jusqu’à son remboursement, la caution ne peut révoquer la garantie (79).

583 Payez ou prorogez. Parfois, la caution reste tenue en dépit de l’expiration du délai de son engagement c’est

ce qui résulte de la formule « payez ou prorogez ». Ainsi à l’arrivé du terme, la caution doit payer ou renouveler son engagement (80). L’article 1064 c. oblig. c. énonce: « Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, sauf en ce qui concerne le terme » (81). La prorogation de terme accordée par le créancier au débiteur principal devrait profiter à la caution, à moins qu’elle n’ait été accordée à raison de l’état de gêne du débiteur. Pourtant, la jurisprudence française semble plus ferme à l’égard de la caution solidaire: elle juge que celle-ci ne peut pas trouver dans la prorogation de terme accordée au débiteur principal un argument pour retarder son paiement (82). En revanche, la prorogation de terme accordée par le créancier à la caution ne profite pas au débiteur principal, à moins de déclaration contraire du créancier (art. 1094 c. oblig. c.).

584 Garantie anticipée. L'hypothèse dans son expression la plus simple, est celle d'une caution qui s'engagerait

à payer la dette à une échéance plus rapprochée que celle prévue pour l'obligation principale. L'article 2290 alinéa 1 c. civ. (83) interdit une telle convention: la dette accessoire de la caution ne saurait être rendue

                                                            72 Cass. com. 18 juin 1991, Bull. civ. 1991, 1109. 73 Rapp. art. 2293 al. 1 c. civ. 74 Bordeaux 23 avr. 1953, Banque 1954, 386 ; RTDcom. 1954, 687. 75 Cass. com. 14 oct. 1988, RDBB 1989, 68, obs. JEANTIN et VIANDIER ; Cass. civ. 9 mai 1962, Bull. civ. I, n° 238; JCP G 1962, IV-85;

Banque 1962, 549 ; V également Cass. com. 8 déc. 1987, Bull. civ. IV, n° 262; JCP G 1988, IV-65 ; Gaz. Pal. 1988, 1, pan. 69 ; Cass. com. 17 juin 1986 D. 1987 somm. 290 obs. VASSEUR ; RTDcom. 1987, 228 obs. CABRILLAC et TEYSSIE.

76 Cass. civ. 19 juin 2001, RDBF, n° 5 sept.-oct. 2001, 286 n° 184 obs. LEGEAIS. 77 Dijon 3 oct. 1985, JCP G 1987, II-20726 note DELEBECQUE. 78 Cass. com. 10 janv. 1984 Bull. IV n° 9 ; Cass. civ. 6 nov. 1985, Bull I n°288 ; Paris 28 nov. 1975, JCP G 1976, II-18263 note SIMLER. 79 Cass. com. 18 juin 1973, Bull. civ. IV n°209 p189, D 1973 somm. 149. 80 CE 11 mars 1983, Rep. drt banc., 555 mfn 02482 ; Cass. lib. 20 févr. 1997, Rec. civ. Sader 1997, 169. 81 ANDRE, Cautionnement et reconduction, in Mélanges MOULY, T 1, Litec 1998, 265. 82 Cass.com. 14 févr. 1972, Bull.civ. IV n° 55 ; RTDcom. 1972, 967 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGES. 83 Anc. art 2013 al. auquel correspond l’article 1064 c. oblig. c.

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exigible avant la dette principale (84). 585 Faillite et exigibilité de la dette. Le jugement de faillite ne rend pas exigibles les créances non échues à la

date de son prononcé (85). Nonobstant toute clause contraire du contrat de cautionnement (86), la déchéance du terme résultant du prononcé de la liquidation judiciaire du débiteur principal (art. L 622-22 c. com. fr.) n'a d'effet qu'à l'égard de celui-ci et ne peut être étendue à la caution sauf clause contraire (87) et sauf cautionnement réel (88). La question se pose de savoir si la caution peut se prévaloir de l’arrêt du cours des intérêts provoqué par la faillite du débiteur principal? Aux termes de l’article 504 c. com. lib.: « Le jugement déclaratif arrête, à l’égard de la masse seulement, le cours des intérêts des créances non garanties par un privilège, un gage ». Il en résulte que le débiteur n’est pas libéré des intérêts postérieurs au jugement déclaratif dans ses rapports avec chacun de ses créanciers et que la caution ne l’est pas davantage. La Cour de cassation française a d’ailleurs confirmé par deux fois que la caution était tenue de payer ces intérêts dont le débiteur principal restait redevable (89).

586 Fait du créancier. La caution peut être déchargée de son obligation du fait fautif du créancier

conformément à l’article 1089 c. oblig. c. ainsi rédigé: « La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la caution » (art. 2314 c. civ.). Il en est ainsi précisément si le créancier diffère à réclamer l’exécution de l’obligation alors qu’elle est devenue exigible (art. 1079 c. oblig. c.) ou s’il a accepté volontairement, en paiement de sa créance, une chose différente de celle qui était dûe comme (art. 1096 c. oblig. c.). Cependant, la caution ne peut se prévaloir du bénéfice de subrogation qu’en cas d’un fait exclusif du créancier (90) c’est-à-dire qu’elle en sera privée chaque fois que le fait du créancier n’est pas exclusif, qu’il y a concours de fautes. (91). En outre, l’article 2314 c. civ. (art. 1089 c. oblig. c.) s’applique aussi bien au cas où c’est par simple négligence du créancier que la subrogation est devenue impossible qu’au cas où cette impossibilité proviendrait d’un fait direct et passif de sa part (92). La Haute cour met à la charge de la caution l’obligation de rapporter la preuve que la subrogation a été rendue impossible par le fait du créancier (93). Néanmoins, l’article 2314 c. civ. ne peut être appliqué que si la caution perd la possibilité d'être subrogée dans les droits du créancier à cause du fait exclusif de ce dernier (94). Dans ce cas, la caution ne peut être déchargée qu'à concurrence des droits dont elle a été privée par le fait du créancier (95). De même, la caution ne peut reprocher au créancier de ne pas avoir conservé un droit qu'il ne pouvait acquérir et sur lequel la caution ne pouvait donc compter (96).

587 Pluralité de cautions. Une même dette peut être cautionnée par plusieurs personnes en vertu d’un même

acte. Dans ce cas, chacune des cautions ne sera tenue que pour sa part et portion et celle qui a payé le tout à l’échéance, aura recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion ainsi que pour la part des répondants solidaires insolvables (art. 1082 c. oblig. c.). Il en résulte que dans ce cas, la caution pourra valablement opposer au créancier le bénéfice de division précise l’article 1075 alinéa 1 c. oblig. c. Soulignons que la solidarité entre cautions n’a lieu que si elle a été stipulée ou lorsque le cautionnement a

                                                            84 BAUDRY – LACANTINERIE et WAHL, Des contrats aléatoires, du mandat, du cautionnement, 3ème éd 1907 n° 964 ; Contra Cass. com.

25 nov. 1974 : JCP G 75, IV-15 ; RTDcom. 1975, 572, obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE ; 24 févr. 1975 Gaz Pal 1975, 1, somm. 89 ; RTDcom. 1975, obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE.

85 Cass. com. 14 nov. 1989, Bull. civ. IV, n° 285 ; 2 mars 1993 D 1993 somm. 309, obs. AYNES ; 3 janv. 1995 Bull. civ. IV, n° 1 ; Banque n° 565 / déc. 1995, 90, obs. GUILLOT (compte courant non clos) civ., 24 janv. 1995, Bull. civ. I, n° 51 ; com. 16 avr. 1996, ibid IV n° 119: la caution ne doit les intérêts qu'à la double condition que le compte courant ait été clôturé et qu'elle ait été mise en demeure.

86 Cass. com. 20 juin 1995, D. 1996 426, note BAZIN. 87 Cass. com. 8 mars 1994, D 1994 556, note BAIN. 88 Cass. civ. 1re, 4 mai 1999, Bull. civ. I, n° 144; D. 2000 302, note BONNET; DA 1999, 899, obs. A L; JCP G 1999, I, 156 n° 5 obs.

SIMLER. 89 Cass. com. 20 févr. 1979, Bull. civ. IV n° 73 ; 4 nov. 1981, Bull. civ. IV n°378. 90 Cass. com. 6 juill. 2010, RDBF nov-déc. 2010 comm. 215 note LEGEAIS ; Cass. civ. 9 mai 2001 et 6 juin 2001, RDBF n°4 juillet/août

2001, 229 n° 147 obs. LEGEAIS. 91 Cass. civ. 27 nov. 1973, Bull. civ. I n° 322 ; Cass. com. 6 févr. 1996, JCP G 1996, IV-743 ; Cass. civ. 29 janv. 2002, JCP G 2002, IV-

1439. 92 Cass. civ. 6 oct. 1971, D 1973, 316 note IVAINER ; Comp. Cass. com. 2 avr. 1996, JCP G 1996, IV-1258 ; Bull. civ. IV n° 100, 85; D

1996 somm. 268, obs. AYNES; JCP G 1997, I-3991; JCP E 1997, I-638 n° 8 obs. SIMLER et DELEBECQUE; Banque n° 573, sep. 1996 p 90 obs. GUILLOT.

93 Cass. com. 27 févr. 1996, Banque n° 576 déc. 1996, 90 obs. GUILLOT ; Cass. civ. 13 nov. 1996, JCP G 1997, IV-19; D 1997 somm. 166 obs. AYNES.

94 Cass. civ. 1° 9 mai 2001, Bull. civ. n° 125; 3 mars 1998, Ibid, n° 88; Com. 2 avr. 1996, Bull. civ. IV n° 100. 95 Cass. civ. 1ère, 15 déc. 1998, Bull. civ. I n° 361. 96 Cass. com. 15 févr. 2000, Bull. civ. IV n° 28.

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été contracté séparément par chacune des cautions pour la totalité de la dette, ou lorsqu’il constitue un acte de commerce de la part des cautions (art. 1075 al. 2 c. oblig. c.). Paragraphe 4 - Extinction du cautionnement

588 Insolvabilité de la caution. L’article 1068 c. oblig. c. prévoit que « lorsque la caution reçue par le

créancier, en vertu du contrat, est devenue insolvable, il doit en être donné une autre, ou bien une sûreté équivalente. A défaut, le créancier peut poursuivre le paiement immédiat de sa créance, ou la résolution du contrat qu’il a conclu sous cette condition. Si la solvabilité de la caution est seulement devenue insuffisante, il doit être donné un supplément de cautionnement ou une sûreté supplémentaire » (97). Les dispositions de l’article 1068 ne seront pas applicables si la caution a été donnée à l’insu du débiteur ou contre sa volonté (art. 1062 c. oblig. c.) et si la caution a été choisie par le créancier (art. 1068 c. oblig. c.). En outre, l’insolvabilité déclarée de la caution fait échoir la dette à l’égard de celle-ci même avant l’échéance de la dette principale; le créancier est autorisé, en ce cas à faire figurer sa créance dans la masse (art. 1071 al. 2 c. oblig. c.).

589 Révocation. Si le cautionnement est à durée déterminée, la caution ne peut pas révoquer son

engagement sous peine de voir sa responsabilité contractuelle engagée. En revanche, dans le cas où le cautionnement est contracté pour une durée indéterminée, la caution pourra revenir sur son engagement sous réserve du cas où elle couvre une avance déterminée. Dans l’un et l’autre cas, la caution demeure généralement tenue des dettes nées avant la notification au banquier du retrait de la garantie.

590 Avènement du terme. Lorsque le cautionnement est consenti pour une durée déterminée, l’avènement du

terme conventionnel libère la caution pour l’avenir. Mais, elle répondra toujours des dettes nées avant l’échéance du terme sauf clause ou intention contraire (98). La tacite reconduction d’une ouverture de crédit libère la caution si le cautionnement n’a pas été reconduit (99). Il en résulte que la banque qui a consenti une ouverture de crédit à durée déterminée doit être particulièrement attentive. Une fois expiré le délai de la convention initiale, elle ne doit pas consentir de nouvelles avances sans avoir au préalable obtenu un nouvel engagement de la caution (100).

591 Décès de la caution. L’article 1097 c. oblig. c. pose le principe selon lequel: « Le décès de la caution

n’éteint pas le cautionnement; l’obligation de la caution passe à sa succession » (art. 2294 c. civ.). La question se pose de la portée de l’engagement des héritiers? S’agissant des dettes du bénéficiaire cautionnées postérieurement au décès de la caution, la jurisprudence refuse catégoriquement de transmettre aux héritiers l’engagement de la caution décédée tantôt, parce qu’une telle transmission constitue le pacte prohibé sur succession future (101) tantôt, parce que la caution qui n’était pas tenue à cette date ne pouvait transmettre d’engagement à ses héritiers (102). En revanche, s’agissant des dettes nées antérieurement au décès, la question de la transmission de l’engagement de la caution est expressément tranchée par l’article 1071 alinéa 1 c. oblig. c.: « Si la caution meurt avant l’échéance, le créancier a le droit d’agir aussitôt contre sa succession sans attendre cette échéance ». Ainsi la banque créancière pourra se retourner directement contre les héritiers de la caution dans la double limite de leur part héréditaire et du montant du cautionnement (103). Pour se défendre, ces derniers peuvent légitimement requérir la communication des documents bancaires et informations relatives au débiteur au jour du décès pour vérifier qu’elles ne paient pas des dettes non garanties. S’il est vrai que la communication de telles pièces va à l’encontre du secret bancaire, il n’ en demeure pas moins que la banque sera obligée de les produire afin de prouver la réalité de ses créances (104).

592 Libération de la caution. La libération de la caution met fin à son obligation de garantie avec la double

limite suivante: d’une part, le débiteur principal reste obligé et d’autre part, cette libération ne profite qu’à                                                             97 MOULY, Les causes d’extinction du cautionnement, préf. M. CABRILLAC Coll. Bibl. dr. entr. n° 10 Litec 1980. 98 Cass. com. 16 juill. 1973, Banque 1974, 426 obs. MARIN. 99 Cass. com. 6 févr. 2001, RDBF n° 3 mai-juin 2001, 160 n° 109 obs. LEGEAIS. 100 LEGEAIS, op. cit. 101 Cass. com. 13 janv. 1987 JCP G 1988, II-20954 note de La MARNIERE. 102 Cass. com. 29 juin 1982, D 1983, 360 note MOULY ; JCP G 1984, II-20148 note BOUTEILLER ; pour un compte courant V. Cass. civ.

1ère, 3 juin 1986, JCP G 1986, II-20666 concl. GULPHE ; LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, 6° éd. 2008, LGDJ n° 225 ; AYNES et CROCQ, Les sûretés, La publicité foncière, Defrénois, 3° éd. 2008 n° 272.

103 Beyrouth 9e ch., 26 nov. 2009, Cassandre 2009/11, 1906. 104 Cass. com. 16 déc. 2008, Banque et droit n° 124 mars-avr. 2009, 32 obs. BONNEAU.

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celle-ci et ne peut par conséquent s’étendre aux autres cofidéjusseurs (105). La chambre commerciale fait prévaloir les règles du cautionnement sur celles de la solidarité: la caution solidaire est un débiteur accessoire et ne peut être assimilée à un codébiteur solidaire (106). Il en résulte que le sort de la caution suit le sort du débiteur principal et non celui des autres co-obligés (107).

593 Novation. L’article 1092 c. oblig. c. pose le principe selon lequel la novation opérée à l’égard du débiteur

principal libère les cautions. Cependant, cet effet libératoire ne joue pas au cas où les cautions ont accepté de garantir la nouvelle créance. De même, l’article précise que lorsque le créancier stipule l’accession des cautions à la nouvelle obligation et que celles-ci refusent de la donner, l’ancienne obligation n’est pas éteinte (art. 1092 c. oblig. c.).

594 Fusion de la société créancière. La chambre commerciale de la cour de cassation française maintient la

règle selon laquelle la fusion de la société créancière est une cause d’extinction du cautionnement (108). Ce faisant la caution ne garantit plus les dettes nées postérieurement à l’opération mais les seules dettes nées antérieurement et exigibles postérieurement. SOUS-SECTION 4 - GARANTIE AUTONOME

595 Présentation. Les garanties autonomes ont été créées par la pratique commerciale et bancaire

internationale (109). Il s’agit d’un engagement par lequel le garant (établissement bancaire, financier, etc.) s’engage à effectuer, à la demande d’un donneur d’ordre, le paiement d’une somme à concurrence d’un montant convenu sans qu’il puisse différer le paiement ou soulever une contestation pour quelque motif que ce soit (110). La CCI a élaboré des règles uniformes pour les garanties contractuelles. Une nouvelle version de ces règles est entrée en vigueur le 1er juillet 2010 (111). En droit interne français, et contrairement au droit libanais, qui ne les évoque pas, ces garanties ont été intégrées à l’article 2321 c. civ. (112). Nous évoquerons, tour à tour, la spécificité de la garantie (Paragraphe 1), son mécanisme (Paragraphe 2), son régime juridique (Paragraphe 3), les recours possibles (Paragraphe 4), et l’hypothèse de son extinction (Paragraphe 5). Paragraphe 1 - Spécificité de la garantie autonome

596 Garantie personnelle. La garantie autonome est un engagement souscrit par une banque qui promet

d’indemniser le cocontractant de son client sur simple demande de sa part. Cet engagement est consenti en vue de garantir un contrat parallèle ou à venir sans lequel on ne pourrait concevoir un tel engagement. Le lien entre l’engagement et le contrat est vrai jusqu’à la conclusion de la garantie. L’acte de la conclusion emporte en lui même autonomie de la garantie.

597 Garantie autonome. Le caractère autonome de cette garantie se manifeste de deux manières: naissance

d’une dette nouvelle à la charge du garant et indépendance de cette dette par rapport à celle qu’elle garantit (113). Il en résulte que le garant ne peut pas se prévaloir des règles appliquées en matière de cautionnement notamment, celles plus avantageuses pour lui édictées par l’article 2290 c. civ. selon lequel: « Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni être contracté sous des conditions plus onéreuses » (art. 1064 c. oblig. c.). En outre, le caractère autonome de la garantie à première demande exclut la connexité entre la créance du garant à l’encontre du débiteur et toute créance de celui-ci à l’encontre du garant (114). La jurisprudence pose la règle selon laquelle « le critère de la distinction entre un cautionnement et une garantie à première demande réside dans l’objet de l’obligation qui doit être,                                                             105 Cass. com. 7 déc. 1999, obs. GUILLOT, Banque n° 613, avr. 2000, 68s. 106 Cass. civ. 18 juill. 1866 DP 1866, 1, 326. 107 Cependant, pour une solution inverse consacrant la primauté des règles de la solidarité sur celles du cautionnement ; v. Cass. civ. 11 janv.

1984 Bull. civ. 1, n° 11. 108 Cass. com. 30 juin 2009, RDBF 2009 comm. 188 obs. LEGEAIS ; 8 mars 2011 RDBF 2011, mai-juin, comm. 88 note LEGEAIS. 109 GAVALDA et STOUFFLET, La lettre de garantie internationale, RTDcom. 1980, 1 ; PRUM, Les garanties à première demande, Litec

1994 ; A.NAJJAR, La garantie à première demande, Bruylant- Delta- LGDJ 2009. 110 Cass. com. 2 févr. 1988, Bull. civ. IV n° 55, 39. 111 MATTOUT, La révision des Règles uniformes de la CCI relatives aux garanties sur demande (n° 758) D 2010, 1296 ; AFFAKI et

STOUFFLET, Les nouvelles règles uniformes relatives aux garanties sur demande (RUGD 758), Banque et Droit, mars-avril 2010, 37 ; CERLES, Règles et usances en matière de garantie sur demande, RDBF nov.-déc. 2010 comm. 218.

112 PRUM. La consécration légale des garanties autonomes, in Etudes SIMLER, Litec-Dalloz 2006. 113 Cass. lib. 25 mars 1997, arrêt préc. ; Beyrouth 9e ch., 6 nov. 2008 Cassandre 2008/11, 2091. 114 Cass. com. 19 déc. 2006 RDBF mars-avril 2007, comm. 53.

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s’agissant d’une garantie autonome, indépendant du contrat de base tandis que le cautionnement porte sur l’obligation du débiteur principal dans le cadre de ce contrat » (115).

598 Référence au rapport initial. La question se pose de savoir si la référence au rapport initial c’est-à-dire au

contrat de base, affecte l’autonomie de cette garantie? La réponse est négative. Dès lors que le garant s’est engagé à payer à première demande du bénéficiaire de la garantie et que la créance de celui-ci n’est contestée ni dans son principe ni dans son montant, le garant doit payer sans qu’il soit nécessaire de rechercher la qualification juridique de la garantie. A ce propos, la Haute cour a déjà précisé qu’une « garantie n’est pas privée d’autonomie par de simples références au contrat de base, n’impliquant pas appréciation des modalités d’exécution de celui-ci » (116). Jugé que si la référence par les parties au contrat de base peut être faite aussi bien dans un acte de cautionnement que dans une garantie à première demande, il est nécessaire, pour que la qualification de garantie à première demande puisse être maintenue, que cette référence au contrat principal ne serve pas à la détermination des sommes pouvant être dues par le garant (117). En outre, le garant se trouve dans l’impossibilité d’échapper à la demande du bénéficiaire au paiement en invoquant diverses exceptions fondées sur les rapports de la dette garantie (118). Les seules exceptions qu’il est en droit de soulever sont celles qui résultent du contrat de garantie (119).

599 Garantie à première demande justifiée. Parfois la garantie est documentaire c’est-à-dire subordonnée à la

présentation de certains documents. Cette hypothèse est à ne pas confondre avec la garantie à première demande justifiée. L'expression « à première demande justifiée » ne retire pas à la garantie son caractère d'autonomie par rapport au contrat principal, mais signifie seulement que le paiement de la garantie est subordonné à des modalités convenues (art. 2321 c. civ.). Dans ce cas, le bénéficiaire doit indiquer le motif de son appel mais n’a pas a prouver la réalité de ce motif. Autrement dit « le bénéficiaire n’a pas à démontrer que son appel de la garantie est justifiée par la défaillance du donneur d’ordre ce qui serait une négation de l’autonomie » (120). Par conséquent, l'appel de la garantie n'exige ni jugement, ni preuve du non-accomplissement par le donneur d'ordre de ses obligations (121). En outre, le fait que la demande formulée par le bénéficiaire de la garantie soit motivée par l’inexécution par le débiteur de ses obligations n’a pas pour effet de transformer une garantie autonome en un cautionnement (122). Paragraphe 2 - Mécanisme de la garantie autonome

600 Emission de garantie. L’opération de l’émission d’une garantie autonome repose sur trois contrats: un

contrat initial dit contrat de base en vertu duquel le vendeur exportateur vend à l’acheteur importateur et s’engage à la demande de ce dernier de fournir une garantie autonome dont les conditions sont minutieusement fixées par les parties; un contrat de promesse de crédit par signature en vertu duquel le banquier du vendeur promet, suite à l’ordre qui lui est donné par ce dernier (donneur d’ordre), de s’engager au profit de l’acheteur bénéficiaire à payer à sa demande une somme d’argent déterminée; un contrat de garantie autonome en vertu duquel le banquier s’engage dans les termes de sa promesse de crédit auprès de l’acheteur.

601 Emission de contre garantie. Généralement, l’exportateur ne peut obtenir de garantie que d’une banque de

son propre pays. Or, l’acheteur peut légitimement requérir une garantie d’une banque de son propre pays. Dans ce cas, l’exportateur s’adresse à sa banque nationale pour demander à une banque du pays de l’importateur de délivrer à celui-ci la garantie exigée: deux garanties autonomes sont alors émises: l’une, par le banquier du pays de l’exportateur au profit du banquier de l’importateur l’autre, par ce dernier au profit du bénéficiaire. Cependant, le banquier qui agit sur instructions de son client doit strictement s’y conformer, même si l’engagement qu’il prend est, une fois émis, son propre engagement autonome et

                                                            115 Paris 21 janv. 2010, RDBF mai-juin 2010, comm. 91 note LEGEAIS ; CE, 6 juin 2007 RDBF nov.-déc. 2007, comm. 224 note CERLES. 116 Cass. com. 5 déc. 2000, RDBF 2 mars-avril 2001, 88 obs. CREDOT ; Cass. com. 27 juin 2000, RDBF n° 6 nov.-déc. 2000, 355 n° 225

obs. MATTOUT. 117 Cass. com., 8 oct. 2003 , RDBF 2004, comm. 15, obs. CERLES. 118 Beyrouth 27 avr. 1995, Al Adl 1996, 63 ; 16 juill. 1987, Rep. drt banc. 643 mfn 02547 ; Trib 1er inst. Beyrouth, 2 mars 1987, préc. ; 22

déc. 1988 Rep. drt banc., 708 mfn 02598 ; Cass. com. 21 mai 1985, D. 1986, 213 VASSEUR ; TGI Paris réf. 13 mai 1980, JCP G 1981, II-19550 ; Trib. com. Paris, réf. 12 avr. 1991, D. 1992 somm. 239 obs. VASSEUR V. aussi SIMLER, n°883 et 884.

119 SIMLER, 685 n° 860. 120 SIMLER, n° 892. 121 Paris 24 nov. 1981 JCPG 1982-II-1987 6 1re esp. obs. STOUFFLET. 122 Cass. com. 5 oct. 2010, RDBF janv.févr. 2011, comm. 19 note LEGEAIS.

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indépendant sauf accord contraire du donneur d’ordre (123). Si le banquier du pays de l’importateur paie le bénéficiaire, il se retournera vers le banquier du pays de l’exportateur. En raison de l’ordre de ces engagements, le banquier du pays de l’importateur est dénommé garant de premier rang et le banquier du pays de l’exportateur, garant de second rang ou contre-garant. Sauf accord contraire, l’indépendance de l’engagement ( 124 ) est admise par la jurisprudence sur le fondement de la volonté des parties (125). Le contre-garant, au même titre que le garant à première demande, en s’engageant irrévocablement et de façon indépendante par rapport au contrat principal, est tenu de payer si toutes les conditions prévues dans l’acte de garantie sont réunies sans pouvoir se prévaloir des exceptions inhérentes au contrat de garantie (126). Par conséquent, en l’absence de clause contraire dans l’acte la constatant, l’exigibilité de la contre- garantie n’est pas subordonnée à l’exécution par son bénéficiaire, garant de premier rang, de son engagement, de telle sorte que le délai de prescription du recours du garant contre le contre garant commerce à courir du jour de l’exigibilité de la contre garantie (127).

602 Contenu. Généralement écrite, la garantie autonome n’est soumise quant à son contenu à aucune

restriction. Les parties ont tout intérêt à détailler son contenu dans la mesure où ce contenu conditionne l’engagement de la banque. Ainsi, la lettre de garantie identifiera les parties, elle indiquera le contrat de base pour lequel elle s’applique, elle précisera l’objet de la garantie (restitution d’acompte, bonne fin, de soumission ou à défaut de connaissement). De même, la fixation du montant de la somme à payer est indispensable. La garantie doit préciser la durée de son efficacité. En outre, elle déterminera les modalités de sa mise en œuvre (garantie à première demande, sur demande justifiée, etc.). Paragraphe 3 - Réalisation de la garantie La réalisation de la garantie suscite fréquemment les contentieux: le donneur soutenant à tort ou à raison que l’appel de la garantie est injustifié et, mettant en œuvre divers moyens tendant à empêcher le garant d’exécuter la garantie. Le donneur d’ordre est démuni de tous les moyens empêchant l’appel de la garantie (Sous-paragraphe 1) sauf le cas de fraude ou de l’appel abusif (Sous-paragraphe 2). Sous-paragraphe 1 - Appel de la garantie

603 Forme. L’appel de la garantie par le bénéficiaire ou de la contre-garantie par le garant n’est soumis à un

aucun formalisme sauf accord contraire (128). Mais le bénéficiaire doit respecter les conditions prévues dans l’acte de garantie pour cet appel sous peine de son irrégularité (129). Ainsi, si la garantie a été stipulée payable sur demande justifiée, le bénéficiaire doit, sous sa seule responsabilité, motiver sa demande de paiement et, s’il s’agit d’une garantie documentaire, l’appel de la garantie doit être accompagné des documents prévus au contrat (130). Néanmoins, en pratique, l’appel se fait dans la forme écrite. A l’appel, le banquier doit payer immédiatement sous peine d’engager sa responsabilité sauf l’hypothèse où le contrat de garantie stipule un délai de paiement. Le banquier n’est pas obligé d’informer son donneur d’ordre de l’appel exercé. Mais il est d’usage que le donneur d’ordre doit immédiatement être informé par la banque, afin de lui permettre d’exercer les recours qu’il entend dans les délais.

604 Instance en référé. Le client peut valablement saisir le juge des référés qui condamnera la banque au

paiement de la garantie au cas où les conditions nécessaires à son intervention sont réunies (131). La question se pose de savoir si la banque garante reste obligée de payer au cas où la garantie fait l’objet d’une instance en référé? Lorsque la banque est partie à l’instance en référé, les juridictions du fond ont sanctionné des établissements de crédit qui avaient payé après avoir reçu une assignation en référé (132) ou

                                                            123 Paris 29 juin 1999, RDBF, n° 1 janv.-fév. 2000, 21 n° 18 obs. MATTOUT. 124 Cass. com. 6 mars 2001, RDBF, n°3 mai-juin 2001, 162, n° 115 obs. CERLES. 125 Cass. com. 8 nov. 1994, JCP E 1995 pan 29 ; 3 avr. 1990, JCP G 1991 IV-212 ; Paris 2 mars 1990 ; JCP, E, 1990, II-19791. 126 Cass. com. 20 déc. 1982 D 1983, 365 ; 13 déc. 1983 D 1984, 20 ; Cass. civ. lib. 27 févr. 1996, Rev. jud. lib. 1996, 504. 127 Cass. com., 13 sept. 2011, RDBF 2011, nov.-déc. comm. 200 note CERLES. 128 Paris 12 déc. 2000, RDBF, n°4 juill.-août 2001, 231 n° 151 obs. CERLES ; Cass. com. 21 févr. 1995, Banque n°559 mai 1995, 91 obs.

GUILLOT. 129 Cass. com. 30 mars 2010, juill.-août 2010, comm. 139 note LEGEAIS. 130 SIMLER, 729 n° 915. 131 Beyrouth 22 janv. 1981, Rec. Hatem, fasc. 174, 504. 132 Bordeaux, 8 oct. 1987, RDBB 1988, 68.

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entre le jour de l’audience et celui du prononcé de la décision (133). Cependant, par un arrêt de cassation, la chambre commerciale (134) avait admis que la banque restait tenue de payer, même après la saisine du juge des référés. Lorsque la banque n’est pas partie au litige, il y a lieu de considérer que la banque peut payer tant que cela ne celui a pas été formellement interdit par une décision de justice exécutoire (135).

605 Prorogez ou payez. Au terme de la garantie, le bénéficiaire peut s’adresser à la banque et au lieu d’exercer

l’appel, lui demander de proroger la garantie. Dans ce cas, la banque doit se référer à son client donneur d’ordre. Si celui-ci accepte, la banque proroge. Au contraire s’il refuse, la banque doit payer. En revanche, s’il garde le silence malgré sa notification, la banque disposera alors d’une liberté d’action (136). Une des innovations des RUGD 758 est la prise en compte de l’appel connu sous le nom de « proroger ou payer ». L’article 23 énonce « si une demande de paiement conforme est présentée avec alternativement une demande de prorogation, le garant peut suspendre le paiement pendant une période n’excédant pas 30 jours calendaires, à compter de la date de réception de la demande. Si la prorogation est accordée pendant ce délai de suspension, la demande de paiement sera réputée avoir été retirée. Si elle est refusée, la demande sera considérée comme une demande de paiement sans qu’il soit besoin de la renouveler. En outre, l’article 23 prévoit que le choix de proroger ou de payer appartient au garant ou au contre-garant qui peut refuser d’accorder une prorogation même s’il reçoit des instructions de le faire; mais dans ce cas, il devra payer (art. 23 e). Sous-paragraphe 2 - Fraude et appel manifestement abusif

606 Présentation. L’autonomie de la garantie a pour limites la fraude et l’appel manifestement abusif (137).

Pour la jurisprudence, la fraude et l’abus manifeste sont « les seuls motifs de nature à faire obstacle à l’exécution des engagements à première demande souscrits sur les instructions du donneur d’ordre par les banques garante et contre-garante » (138). Cette notion repose sur un comportement frauduleux qui se confond avec la mauvaise foi. Mais encore faut-il que l’abus, la fraude, ou la mauvaise foi soient manifestes. L’appel est manifestement abusif, non en considération de critères objectifs mais en raison de la mauvaise foi évidente de l’appelant c’est-à-dire de sa conscience de l’absence de droit (139). Les constatations objectives peuvent seulement contribuer à l’établissement de l’évidence de la mauvaise foi (140). A cet effet, les juges du fond pourront dans l’appréciation de l’appel abusif, tenir compte des éléments tirés du contrat de base pour apprécier l’attitude de la banque (141).

607 Conséquences. Lorsque l’appel de la garantie est manifestement abusif, la Cour de cassation « couvre » le

refus de paiement et le blocage de la garantie décidés par le juge des référés à la condition que la preuve de l’abus soit établie de manière absolument indiscutable (142) et qu’il ne résulte pas d’une faute partielle du bénéficiaire de la garantie (143). La banque qui a délivré la garantie autonome n’a pas à faire décider par un tribunal si elle se trouve ou non devant un abus ou une fraude manifeste. Cependant, le client donneur d’ordre peut saisir la justice à cette fin. Si une décision de justice intervient pour limiter ou suspendre l’obligation de paiement, l’établissement garant doit en principe en tenir compte, faute de quoi il engagerait sa responsabilité à l’égard de son client donneur d’ordre (144). Paragraphe 4 - Recours

608 Recours du garant. La banque qui a payé les sommes garanties dans les termes de l’ordre qui lui a été

donné a un recours personnel contre le donneur d’ordre. Le fondement de ce recours réside dans le contrat

                                                            133 Paris 3 déc. 1984 D. 1985 IR 240. 134 Cass. com. 7 juin 1994, RDBB n° 46, sept.-oct. 1994, 240. 135 Cass. com. 17 juin 1997, RDBB, n° 65 janv.-févr. 1998, 18 n° 3 obs. CONTAMINE-RAYNAUD. 136 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 730 n° 798. 137 Cass. com. 20 janv. 1987, JCP E 1987, II-14882. 138 Cass. com. 5 mai 1988 D. 1988, 430 ; V aussi Beyrouth 18 mai 1999, Al Adl 2001, 86 ; Trib. 1re inst. Beyrouth 22 déc. 1988, Adl 1989,

164 ; Cass. com. 18 avr. 2000, RDBF n° 4 juill.-août 2000, 231 n° 156 obs. MATOUT. 139 SIMLER, 748 n° 930. 140 SIMLER Ibid, 749 n° 931. 141 Cass. com. 2 déc. 1997, RDBB n° 67 mai-juin 1998, 110 n° 3 obs. CONTAMINE-RAYNAUD. 142 Cass. com. 2 janv. 1992, JCP E 1993 pan 277 ; 2 déc. 1997, JCP E 1998, 1781 note HANNA ; Chr. dr. banc. JCP E 1999, 758 n° 26 obs.

GAVALDA et STOUFFLET ; sur l’appel abusif d’une contre – garantie v Cass. com. 19 déc. 1985, JCP G 1986, II-20593 note STOUFFLET ; 5 févr. 1991, JCP G 1991, IV-126.

143 Cass. com. 7 juin 1994, Bull. civ. n°203 ; 28 nov. 1995 D. Aff. 1996, 120. 144 Cass. com. 10 juin 1997, Banque n°586 nov. 1997, 90 obs. GUILLOT.

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GARANTIES DES CREDITS BANCAIRES

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de promesse de crédit par signature conclu avec le donneur d’ordre. De même, la banque peut procéder à toutes mesures conservatoires ou autres destinées à garantir le remboursement intégral du paiement effectué. En pratique, s'agissant de garanties bancaires, il est très souvent stipulé dans la lettre d'instructions adressée par le donneur d'ordre à sa banque que celle-ci est autorisée à débiter purement et simplement le compte du donneur d'ordre du montant payé en exécution de la garantie, comme d'ailleurs des commissions dues au garant en cours de validité (145). Même en l'absence d'une telle précision, dès lors que les intéressés sont liés par une convention de compte courant, l'inscription en débit de la garantie payée est justifiée. Ainsi, le recours du garant prend un tour non contentieux, sous réserve de contestations a posteriori.

609 Recours du donneur d’ordre. Le donneur d’ordre dispose d’un recours contre le bénéficiaire s’il estime

que l’appel de la garantie n’était pas justifié ou ne l’était pas totalement. Il en sera ainsi lorsque le bénéficiaire perçoit (indûment) la garantie alors qu’il n’avait aucune créance sur le donneur d’ordre. D’une manière générale, ce recours sera possible si l’appel intervient par « infraction » au contrat de base. Le donneur d’ordre sera alors fondé pour réclamer le remboursement intégral des sommes perçues, voire des dommages et intérêts s’il prouve la mauvaise foi de son contractant et l’existence d’un préjudice distinct de celui résultant du simple retard de la restitution (146). En outre, le donneur d’ordre pourra se retourner contre le garant ou le contre – garant si le paiement est effectué au détriment des stipulations convenues dans la garantie ou la contre – garantie. Paragraphe 5 - Extinction de la garantie

610 Droit commun. L’extinction de la garantie autonome se réalise dans les conditions du droit commun et

dans les termes de la convention de la garantie: paiement, prescription, novation, arrivée du terme, etc. Ainsi, si le bénéficiaire n’exerce pas l’appel dans la période d’efficacité de la convention, le banquier doit s’interdire de payer sous peine d’engager sa responsabilité pour paiement d’une garantie périmée. SOUS-SECTION 5 - LETTRE D’INTENTION Nous envisagerons, tour à tour, la notion (Paragraphe 1) et le régime juridique (paragraphe 2) de la lettre d’intention. Paragraphe 1 - Notion

611 Définition. L’article 2322 c. civ. définit la lettre d’intention comme « l’engagement de faire ou de ne pas

faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l’exécution de son obligation envers son créancier » (147). Cet engagement recueille diverses formes: soutien financier, maintien de sa participation, substitution à l’emprunteur en cas de défaillance, etc. Souvent pratiquée par une société mère pour soutenir sa filiale, rien n’empêche que la lettre d’intention émane d’un commerçant ou même d’un simple particulier qui n’exerce pas le commerce.

612 Contenu. La lettre d’intention n’a pas un contenu fixe. Celui-ci dépend exclusivement de la commune

intention des parties. La lettre d’intention peut n’être qu’un engagement d’honneur dénué de toute obligation juridique mais simple engagement moral (148) ou une simple obligation de moyens (149), le débiteur s’engage alors à « faire en sorte que » à « faire le nécessaire ». Ainsi en est-il lorsque la société-mère ne prend pas l’engagement de payer au lieu et place de sa filiale mais se contente de promettre de faire respecter par celle-ci les engagements pris à l’égard du bénéficiaire de la lettre (150) ou si la lettre d’intention ne comporte pas d’engagement ferme et définitif de payer la dette du débiteur (151). La lettre d’intention peut s’analyser en un cautionnement, ainsi en est-il lorsque la société mère émettrice s’engage à payer à son destinataire ce que doit sa filiale (152). L’obligation de garantie, bien que plus rare, peut être de                                                             145 Riom 14 mai 1980, DS 1981, 336 note VASSEUR. 146 Trib. com. Paris 6 mars 1987 D 1988, somm. 249 obs. VASSEUR. 147 RONTCHEVSKI , Faire le nécessaire, Mél. SIMLER,417. 148 Bordeaux 16 oct. 1985 D. 1989, 436, 2e esp). Elle peut être une recommandation (Paris 30 avr. 1985, Banque 1985, 754 obs RIVES-

LANGE cité par RIVES-LANGE et CONTAMINE – RAYNAUD, 418 n° 421. 149 Cass. com. 4 oct. 1994, Bull Joly 1998, 1318 note MEDUS ; Dr Sociétés 1995, n°4 note BONNEAU. 150 Cass. com. 18 avr. 2000, D 2000, J, 258 obs. FADDOUL ; v aussi Cass. com. 26 janv. 1999, D AFF n 150 ; 25 févr. 1999 ; JCP G 1999,

II-10087 note LEGEAIS ; RDBF, n° 4 jull.-août 2000, 230 n° 150 obs. MATTOUT. 151 Paris 16 janv. 2001 RDBF, n° 4 juill.-août 2001, 232 n° 153 obs. CERLES. 152 Aix-en-Provence, 22 févr. 2007, RDBF nov.-déc. 2007 comm. 225 note Cerles.

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résultat. Ainsi, est constitutive d’une obligation de résultat et non d’une simple obligation de moyens, la lettre par laquelle une société mère prend l’engagement de faire honorer par sa filiale aussi bien le contrat que celle-ci a signé avec un tiers que le règlement complet de la somme convenue par ce contrat (153). Par exemple aussi, la société qui s’engage à assurer l’intégralité des besoins financiers de sa filiale prend bien une « garantie » au sens de cet article, l’engagement de prêter s’analysant comme une garantie (154). Dans ce cas, le « garant » s’oblige à parvenir à un résultat déterminé, en l’occurrence, la solvabilité de l’emprunteur, de telle sorte que sa responsabilité sera engagée sur la seule preuve que le fait n’est pas réalisé sauf à se justifier, s’il le peut, en prouvant une cause étrangère (155). Paragraphe 2 - Régime juridique

613 Autorisation préalable. La question s’est posée de savoir si la lettre d’intention, lorsqu’elle émane d’une

personne morale doit être soumise aux règles légales applicables au cautionnement à savoir l’autorisation spéciale de l’organe compétent (conseil d’administration)? Certains auteurs (156) considèrent que, du moment où la lettre d’intention est constitutive d’une garantie, elle doit être autorisée selon le cas par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance. Cette opinion a été entendue par la jurisprudence (157). D’autres (158) estiment que du moment où la jurisprudence a reconnu la spécificité de la lettre d’intention par rapport au cautionnement dont elle a déclaré ses règles inapplicables (sauf l’hypothèse où l’acte a été inexactement qualifié), la lettre d’intention émise par une société anonyme ne doit pas recueillir l’autorisation du conseil d’administration requise pour le cautionnement. Telle était la position de la Cour de cassation s’agissant d’une lettre ne contenant qu’une obligation de moyens (159). SOUS-SECTION 6 - AVAL ET AVAL PAR ACTE SEPARE

614 Notion. L’aval résulte d’une signature apposée au recto d’une lettre de change ou d’un billet à ordre (160). Il

s’analyse en un cautionnement solidaire soumis de surcroît aux règles cambiaires. Ainsi l’avaliseur ne peut-il pas opposer l’absence de provision au porteur de bonne foi. L’aval doit figurer en faveur de qui il est donné, sinon, il est réputé garantir le tireur de la lettre de change (art. 346 al. 4 c. com. lib.). L’aval peut être donné par acte séparé à condition que ce dernier précise suffisamment quelles sont les traites garanties. Ce faisant, l’aval par acte séparé permet de garantir plusieurs effets de commerce et des effets non encore payés. Le fait qu’un banquier soit avalisé ne modifie en rien le régime juridique de cette garantie. SOUS-SECTION 7 - ASSURANCE L’assurance est utilisée par les banques comme garantie selon deux modalités: assurance-vie (Paragraphe 1) et assurance-crédit (Paragraphe 2). Paragraphe 1 - Assurance-vie

615 Présentation. L’assurance-vie est utilisée dans les crédits aux particuliers, en particulier immobiliers. Elle

est alors souscrite par le débiteur au bénéfice du banquier et garantit non pas le risque d’insolvabilité mais celui du décès (161). Elle protège à la fois les héritiers de l’emprunteur et le banquier: le paiement du capital assuré à la banque libère les premiers; la souscription de l’assurance garantit le paiement de ce capital à la banque en cas de renonciation à la succession. Les assurances-vie sont également proposées accessoirement à des conventions de dépôt ou d’épargne. Le but est alors de garantir le maintien, au moins temporaire, de

                                                            153 Cass. com. 20 oct. 2009, RDBF janv.-févr. 2010, comm. 13 note CERLES. 154 Cass. com. 24 oct. 2000, DRDA n°58, 30 nov. 2000. 155 Cass. com. 21 déc. 1987, JCP G 1988, II-21113 concl. MONTANIER; 23 oct. 1990, JCP E 1999, II-154 note LARROUMET ; Paris 31

mai 1989 D. 1989 somm. 327 obs. VASSEUR. 156 RIVES – LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 419 n° 421. 157 Cass. com. 23 oct. 1990 Bull. civ. IV n° 250, 9 mars, JCP E 1994, I-378 n° 24 ; 9 déc. 1997, JCP G 1998, I-149 n°11 obs. SIMLER. 158 GAVALDA et STOUFFLET, 365 n° 709-3. 159 Cass. com. 26 janv. 1999, JCP G 1999, II-10087 note LEGEAIS ; I, 156 n° 7 obs. SIMLER ; D. 1999, 577 note AYNES ; RTDciv. 1999,

833 MESTRE ; DEFRENOIS 1999, 740 obs. MAZEAUD. 160 Lorsque le dirigeant social appose sa signature sur une lettre de change sans indiquer qu’il agit et qualités, la Haute cour présume qu’il est

engagé personnellement et que les juges du fond n’ont pas à rechercher si le signatant a agie en qualité demondataire : Cass. com. 13 sept. 2011, Banque et droit n° 140, nov.-déc. 2011, chro.Dr.bancaire , 35 obs. BONNEAU.

161 A ce propos, le banquier doit mettre en garde l’assuré contre les risques de rendements négatifs et ceux inhérants aux options choisies, la mention des hypothèses des seuls rendements positifs ne suffit pas ; Cass. com. 8 mars 2011 RDBF 2011, mai-juin comm. 102 note DJOUDI.

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ses ressources habituelles à la famille du titulaire du compte. Il convient de signaler que l’assuré a le droit de racheter son contrat d’assurance en dépit de l’acceptation du bénéficiaire qui ne peut s’y opposer en l’absence de renonciation expresse du souscripteur à son droit (162). Paragraphe 2 - Assurance-crédit L’assurance crédit a pour objet la souscription d’une assurance par l’emprunteur au bénéfice de la banque afin de garantir à cette dernière le remboursement du crédit accordé. Pratique pour garantir les crédits internes (Sous-paragraphe 1), elle l’est surtout pour les crédits internationaux (Sous-paragraphe 2). Sous-paragraphe 1 - Assurance crédit – interne

616 Présentation. L’opération d’assurance crédit n’est pas constitutive d’une opération de banque. Elle n’est

pas pratiquée par les banques mais par des organismes spécialisés. Ce contrat n’est pas soumis aux dispositions générales du droit des assurances. Néanmoins, les organismes spécialisés qui exercent une telle activité sont soumis au même contrôle que les compagnies d’assurances. L’assurance – crédit interne fonctionne sous deux formes:

617 Assurance- insolvabilité. L’assurance insolvabilité est la forme la plus fréquente mais elle est limitée aux

opérations de crédit à court terme entre commerçants. Elle ne s’applique pas aux prêts consentis aux consommateurs. Elle est souscrite par le créancier pour l’ensemble de ses créances et transmise au banquier au moment où celui-ci décide de mobiliser la créance de son client. Il faut bien noter que ce qui est transmis est non pas la police d’assurance qui demeure contractée avec l’assuré – client de la banque – mais la créance ainsi que tous ses accessoires, notamment le droit à indemnité qui découle de la police d’assurance. L’assurance ne couvre que le risque d’insolvabilité définitive, et laisse toujours le souscripteur supporter une partie du non-paiement. L’assureur qui a payé une indemnité est ensuite subrogé dans le droit du créancier envers le débiteur même dans les actions extra-contractuelles dont disposerait le client couvert (163).

618 Assurance – aval. Aux termes de ce contrat, l’assureur s’engage envers un créancier (généralement un

tireur d’une lettre de change) moyennant versement d’une prime, à payer immédiatement au titulaire de cette créance (ou de cette lettre de change) son montant si le débiteur ne règle pas à l’échéance indépendamment de l’insolvabilité du débiteur. C’est une « assurance payement à l’échéance » (164). Elle facilite la mobilisation de la créance par l’escompte. L’assureur qui paye le montant de la créance à l’assuré ou au banquier escompteur, a un recours contre le débiteur défaillant. Sous-paragraphe 2 - Assurance - crédit international

619 Présentation. Bien que l'assurance-crédit existe dans le commerce intérieur, son intérêt essentiel se situe en

matière internationale et là est le rôle de la compagnie française des assurances pour le commerce extérieur (COFACE) Le texte vise les exportations, les importations et les opérations connexes. A partir de là on peut distinguer: - les risques de fabrication qui apparaissent dans la période d'exécution du marché et les risques de crédit qui concernent le paiement; - les risques à caractère particulier tels que risques du change (variations brutales) ou risques de prospection sans résultat; les risques relatifs aux créances à court terme justifiant l'assurance de l'ensemble des opérations de l'entreprise et ceux qui se rapportent aux créances à moyen et à long terme ne permettant qu'une assurance particulière à chaque opération. En fonction de la cause du préjudice éventuel, on distingue le risque politique et le risque commercial. Dans ce dernier cas, l'assurance couvre l'insolvabilité du débiteur, aussi bien lorsqu'elle est constatée par une procédure de type faillite que lorsqu'il s'agit d'un défaut de paiement de fait. Un pourcentage variable de la créance est remboursé au créancier. Les personnes qui peuvent bénéficier d’une telle assurance sont l’entreprise exerçant le commerce international mais aussi les banques et les établissements financiers installés en France qui financent l’exportation ou des opérations connexes.

                                                            162 Cass. ch. mixte, 22 févr. 2008 D. 2008, 691 obs. SPEROUI et 2104, obs. CROCQ ; JCP G 2008 II-10058 note MAYAUX ; Cass. 2e civ.

24 nov. 2011, RDBF janv.-févr. RDBF 2012, comm. 19 note DJOUDI. 163 Cass. civ. 15 mars 1983 D 1984, IR 85. 164 GAVALDA et STOUFFLET, 360 n° 706.

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SECTION 2 - GARANTIES REELLES Les garanties ou sûretés réelles portant sur un ou plusieurs biens déterminés, meubles ou immeubles, appartenant au débiteur ou à un tiers, consistent à conférer au créancier, sur ce bien, un droit réel (165). On récence le nantissement immobilier (Sous-section 1), les hypothèques (Sous-section 2), les privilèges immobiliers (Sous-section 3) la fiducie-sûreté (Sous-section 4) et le nantissement mobilier (Sous-section 5). SOUS-SECTION 1 - NANTISSEMENT IMMOBILIER

620 Présentation. Conformément à l’arrêté n° 3339 du 12 novembre 1930 instituant le code de la propriété

foncière libanais, le nantissement peut revêtir deux formes: l’antichrèse (RAHN) et le nantissement par transfert de propriété (BEI BEL WAFA). L’antichrèse est un contrat « par lequel le débiteur met un immeuble en possession de son créancier ou d'un tiers convenu entre les parties et qui confère au créancier le droit de retenir l'immeuble jusqu'à parfait paiement et, à défaut de ce dernier, de poursuivre l'expropriation de son débiteur par les voies légales » (166). Le nantissement par transfert de propriété est « la vente d’un immeuble sous la condition qu’à toute époque ou à l’expiration du délai stipulé, le vendeur pourra reprendre la chose vendue contre restitution du prix et l’acquéreur exiger le remboursement du prix en restituant la chose vendue » (167).

621 Droits du créancier. Le nantissement est un contrat réel. Il n’est donc parfait que par la tradition de la

chose au créancier. Cependant, il n’est pas nécessaire de mettre le créancier en possession de l’immeuble. La remise du titre de propriété supplée à l’hypothèque. Le nantissement confère au créancier un droit de rétention qu’il peut valablement exercer à l’égard du débiteur-propriétaire et des tiers. Ce droit confère à la banque le droit de retenir l’immeuble jusqu’à son parfait désintéressement. C’est un droit opposable à tous ceux qui n’avaient point avant l’inscription du nantissement un droit réel sur l’immeuble: le nantissement immobilier est, en effet, lui-même un droit réel et il est de principe qu’une fois inscrits au registre foncier les droits réels sont opposables erga omnes (168). Si cependant le créancier consent à ce qu’il soit d’une façon ou d’une autre, disposé du bien, tout acte de constitution de droits réels est valable à son égard (169). Tout acte d’aliénation effectué contrairement à ces règles est nul de plein droit. L’article 109 de l’arrêté 3339/1920 énonce que « l’antichrèse ne préjudice pas aux droits réels règlement acquis (et conservés) sur l’immeuble avant qu’elle n’ait été inscrite en registre foncier ». Si des droits réels antérieurs sont ainsi protégés à l’égard de l’antichrèse inscrite ultérieurement, on doit conclure, inversement, que celle-ci est, dans toute sa vigueur, maintenue à l’égard des droits réels constitués après l’inscription qui en a été prise (170). SOUS-SECTION 2 - HYPOTHEQUES

622 Présentation. L’article 120 de l’arrêté 3339/1930 définit l’hypothèque comme étant « un droit réel sur les

immeubles affectés à la sûreté d’une obligation » (171). Elles doivent être inscrites sur les registres tenus à la conservation des hypothèques (172).

L’hypothèque est de sa nature indivisible et subsiste en entier sur les immeubles affectés, sur chacun et sur chaque portion de ces immeubles. Elle les suit « dans quelques mains qu’ils passent ». Cette définition n’est pas complète: elle admet sa caractéristique essentielle, qui est de ne pas déposséder le débiteur. Si le droit de suite y est affirmé, le droit de préférence qui s’y attache également, et dont le premier est la sanction ne

                                                            165 CORNU, Vocabulaire juridique, PUF 1997 p 792 ; EID, Les garanties réelles, 1995 ; KERBAJ, Les garanties réelles, 1995 ; TABBAH,

Propriété privée et registre foncier, préface ROUBIER LGDJ 1950, T II. 166 Art. 101 arrêté 3339/1930. 167 Art. 31 arrêté 3339. Il ne faut pas confondre la vente avec faculté de rachat, dite à réméré, réglementée dans les articles 473 c. oblig. c.

avec ces deux formes du nantissement immobilier. La vente à réméré est une vente véritable, encore que conditionnelle, tandis que le nantissement par transfert de propriété n’est au fond qu’un nantissement qui n’a même pas pour effet de transférer, en dépit du mot, une propriété pleine et entière à l’acquéreur V. TABBAH T II, 31 n° 335.

168 Art. 8 et 9 de l’arrêté n° 188 du 15 mars 1926 relatif à la création du registre foncier. 169 Art. 93 et 114 arrêté 3339/1930 ; Art. 114. 170 TABBAH, 36 n° 336. 171 v. Institut d’études juridiques du Conseil supérieur du notariat, l’hypothèque et les sûretés personnelles, brève comparaison, RDBF mars-

avr. 2012, étude 6. 172 Art. 127, arrêté 3339/1930.

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fait que résulter implicitement du caractère réel du droit lequel confère à son titulaire un droit de suite et un droit de préférence. Le droit de suite permet d'exercer son privilège sur le bien, même s'il a changé de propriétaire, le droit de préférence d'être désintéressé avant les autres créanciers. Plusieurs personnes peuvent être titulaires de sûretés sur un même immeuble: elles exercent alors leurs prérogatives l'une après l'autre selon l'ordre de leur inscription. Lorsque l’hypothèque est constituée par la garantie d’une ouverture de crédit en compte courant, elle prend rang au jour de son inscription, même si le banquier n’est pas encore créancier à cette date, et elle s’applique au solde tel qu’il sera déterminé à la clôture du compte (173).

623 Domaine. Aux termes de l’article 312 c. com. lib. « Lorsqu’il est consenti à titre de sûreté une

hypothèque, l’inscription prise lors du contrat garantit à sa date toutes les avances faites ultérieurement en vertu de l’ouverture de crédit » (174). Cette hypothèque garantit le principal des avances réalisées ou du solde du compte courant, et, seulement, s’il y eut une stipulation expresse de l’acte à ce sujet et une inscription conforme, les intérêts pour l’année échue à la date de la demande d’exécution hypothécaire et pour l’année courante (175).

624 Période suspecte. Au cas où la sûreté réelle aurait été consentie après le commencement des avances, par

un constituant qui se trouvait en période suspecte, elle serait nulle de plein droit en ce qui concerne les avances antérieures par application de l’article 507 c. com. lib. mais non en ce qui concerne les avances postérieures à la date de la constitution et pour lesquelles elle serait seulement annulable. En revanche, au cas où la sûreté réelle aurait été consentie au moment de l’ouverture du crédit ou antérieurement à la réalisation de l’avance à garantir, alors même que le crédité aurait été en période suspecte à ce moment, cette constitution ne serait pas nulle de plein droit, mais seulement annulable, et à la condition exigée par l’article 508 c.com.lib. c’est- à- dire moyennant la preuve que le créditeur avait connaissance de l’état de cessation des paiements (176).

625 Diminution de la sûreté. La possession par le constituant de 1'immeuble objet de la sûreté est elle-même

garantie au profit du créancier contre toutes sortes de dégradations que l'immeuble pourrait subir. L'article 148 de l’arrêté 3339/1930 prévoit le cas où l'immeuble aurait péri ou éprouvé des dégradations et serait ainsi devenu insuffisant à garantir le créancier. Dans ce cas, précise l’article, celui-ci pourra poursuivre dès à présent son remboursement après décision conforme de justice ou obtenir un supplément d'hypothèque. Cet article, envisage le cas où la diminution de la sûreté a été le résultat d'une cause fortuite. A fortiori, si elle était due à la faute ou même à la négligence du constituant, il devrait être permis au créancier de passer à l'exécution. Il semble même que, dans ce dernier cas, le débiteur ne puisse pas le contraindre à accepter un supplément de garantie (177). C’est ce qui résulte en droit libanais de l’article 113 alinéa 2 c. oblig. c. aux termes duquel le débiteur qui bénéficie du terme est déchu de ce bénéfice « lorsqu’il a diminué, par son fait, les sûretés spéciales attribuées au créancier par l'acte d'où résulte l'obligation ou par un acte postérieur ou par la loi ». L’article précise que: « lorsque la diminution des sûretés spéciales provient d'une cause indépendante de la volonté du débiteur, le créancier a le droit de demander un supplément de sûretés ou, à défaut, l'exécution immédiate de l’obligation ». La diminution de la sûreté doit résulter pour donner lieu à l’application de l’article 148 d’une perte ou d’une dégradation matérielle et ne saurait être la conséquence d’un changement dans la situation économique; elle doit, au surplus, rendre le gage insuffisant pour la sûreté du créancier. Si cette diminution est imputable au débiteur, elle entraîne pour ce dernier la déchéance du terme, quand bien même la garantie à son état actuel suffirait à désintéresser le créancier.

626 Techniques d’hypothèques. Les hypothèques sont conventionnelles lorsque le propriétaire ou le titulaire

du droit susceptible d’être hypothéqué consent librement. Toute dette peut être garantie par une hypothèque conventionnelle (par exemple, le débit d'un compte courant). L'acte doit être passé devant notaire. Cependant, la saisie empêche la constitution de l’hypothèque conventionnelle. Cela résulte de l’article 959 alinéa 1 nouv. c. proc. civ. aux termes duquel sont inopposables aux saisissants tous actes du saisi de nature à transférer la propriété, de la diviser ou de constituer sur elle un droit réel (sauf si les personnes concernées, avant la vente, déposent un montant suffisant pour désintéresser tous les créanciers et frais,

                                                            173 Cass. civ. 3 févr. 1937 DH 1937, 177. 174 V. FABIA et SAFA art. 312 n° 5. 175 Art. 214 arrêté 3339/1930. 176 FABIA et SAFA, art. 312 n° 11. 177 TABBAH, op. cit.

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etc.). Les mots « actes constitutifs de droit réel » englobent l’hypothèque conventionnelle. Les taxes et diverses dépenses légales ou non légales dérivant de l’hypothèque, son inscription, sa levée et tout ce qui s’y rapporte sont à la charge du débiteur. En revanche, les taxes ou autres frais nécessités en dehors du contexte de l’exécution du contrat ou hypothèque ne sont pas à la charge du débiteur. Par conséquent, les écritures portées au débit du compte du client en remboursement de ces dépenses effectuées par la banque est nulle (178). Les parties peuvent convenir d’une promesse d'hypothèque. C'est une invention de la pratique bancaire. Elle permet de préserver, dans l'immédiat, le crédit du client et d'éviter les frais d'acte authentique, tout en assurant au banquier le bénéfice de la sûreté, en cas de nécessité. En fait, cette promesse est très fragile car elle n'empêche pas le débiteur de consentir une autre hypothèque sur le même bien, qui sera inscrite avant celle du banquier. La seule sanction est la responsabilité civile du client par hypothèse non solvable. La pratique a également inventé les promesses de ne pas hypothéquer et de ne pas vendre. Elles devraient garantir au banquier que son client conservera dans son patrimoine des valeurs suffisantes pour le désintéresser, sans avoir à supporter les coûts de l'hypothèque. Mais ces processus sont aussi fragiles que la promesse d'hypothèque. SOUS-SECTION 3 - PRIVILEGES IMMOBILIERS

627 Droit de préférence. Le législateur libanais a supprimé en matière immobilière les privilèges généraux et a

réduit autant que possible les privilèges spéciaux (179). En réalité, l’hypothèque forcée a remplacé en droit libanais la plupart des privilèges spéciaux sur les immeubles qui existent en droit français, tels que le privilège du vendeur d’immeuble et le privilège du prêteur de deniers. Cela étant, l’article 117 de l’arrêté 3339/1930 ne confère au privilège qu’un droit de préférence: « En matière immobilière, le privilège est, un droit réel que la qualité de la créance donne au créancier d’être préféré aux autres créanciers même hypothécaires ». SOUS-SECTION 4 - FIDUCIE-SURETE

628 Présentation. La fiducie est règlementée en droit libanais par la loi n° 520 du 6 juin 1996 relative « au

développement du marché financier et des contrats fiduciaires ». En droit français, elle a été intégrée à l’article 2011 c. civ. par la loi du 19 février 2007 (180). Des articles 4 et 5 de la loi 520/1996, il résulte que par la convention de fiducie, le fiduciaire créancier s’engage envers le fiduciant (débiteur) à n’exercer les droits dont la pleine titularité lui a été transférée que selon les termes de la convention, soit dans l’intérêt exclusif du fiduciant dans le cadre de la fiducie-gestion (art. 4 L 520/1996) soit à des fins de garantie (art. 5 L 520/1996). Ainsi la fiducie peut servir à garantir le paiement d’une créance. Envisagée sous cet aspect, la fiducie est une technique qui repose sur un transfert de propriété au profit du fiduciaire (le créancier), transfert, qui n’est ni simulé, ni fictif, ni enchâssé dans une vente. Le fiduciaire souscrit des obligations qui limitent ses prérogatives de propriétaire (181). Le transfert doit être suivi, en cas de paiement de la créance garantie, d’un transfert en sens inverse, qui résulte soit de l’exécution d’une obligation de rétrocession, soit du jeu d’un mécanisme automatique. La fiducie-garantie se révèle être une véritable sûreté réelle (182). La fiducie sûreté doit être distinguée de la vente à réméré. A la différence de la vente à réméré, la fiducie est une véritable sûreté accompagnant une opération de crédit qui se présente comme telle, non dissimulée sous la forme du versement d'un prix de vente. En d'autres termes, le transfert fiduciaire est érigé en sûreté alors que le transfert de propriété a lieu, dans le cadre d'une vente à réméré, en contrepartie d'un prix de vente. L’emprunteur dont le prêt est garanti fiduciairement est tenu de rembourser le prêt alors que le vendeur à réméré a la faculté et non l'obligation d'exercer le réméré. De même, la fiducie-sûreté ne saurait être assimilée à une vente avec promesse de revente, éventuellement accompagnée d’une location au profit du vendeur. En effet, le bailleur des fonds, qui prend la position d’acheteur, n’est pas par le fait même titulaire d’une créance sur le bénéficiaire de l’opération de crédit (183).

                                                            178 Trib. 1re inst. Beyrouth 22 févr. , Rep. drt banc.,710 mfn 02600 ; les mêmes règles s’appliquent pour le gage. 179 DAGOT, La notion de privilège, in Mélanges MOULY, Litec 1998, T II, 335. 180 v. CERLES, Rapport au 107e CONGRES des notaires Couves 5-8 juin 2011, RDBF 2011, nov.-déc. comm. 1999 ; GOURRO, La fiducie-

sûreté D. 2009, 1944 ; DUPICHOT, La fiducie sûreté en pleine lumière, A propos de l’ordonnance du 30 janvier 2009, JCPG 2009, 1, 132.

181 SOUMRANI, L’impact de la fiducie-sûreté sur l’interdiction des pactes commissoires en droit bancaire libanais, Al Adl 1997, 50. 182 M.CABRILLAC, MOULY PETEL et S.CABRILLAC, 427 n° 577. 183 CABRILLAC et MOULY, PETEL et S.CABRILLAC, 431 n° 582.

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629 Transfert. Deux hypothèses peuvent être prévues pour le retour du transfert de propriété en matière de fiducie-sûreté. Dans la première hypothèse, il est inséré dans le contrat de fiducie une condition résolutoire à laquelle le transfert sera soumis. La mise en jeu de la condition résolutoire aurait alors pour effet d'anéantir le transfert. Dans la seconde hypothèse et pour éviter une annulation de l'acte juridique, il est inséré dans le contrat un pacte de rétrocession, sous la condition suspensive du remboursement dans le délai convenu de l'obligation ayant donné lieu à la constitution de la fiducie-sûreté.

630 Dénouement de la fiducie-sûreté. La loi n° 520/1996 ne réglemente pas les modalités de réalisation de la

sûreté. Celle-ci est laissée à la libre volonté des parties. Il convient de mettre l’accent sur deux types de clause: le plus souvent, les parties songeront à autoriser le fiduciaire à vendre à l'amiable le bien, sans expertise préalable: le recours aux lois du marché introduit un facteur d'objectivité, comparable à celui d'une expertise, qui devrait mettre la clause à l'abri de toute contestation. L'on sait par ailleurs que les ventes à l'amiable permettent souvent d'obtenir un meilleur prix que les ventes aux enchères. Enfin, en cas de négligence commise par le fiduciaire en aliénant le bien, le débiteur pourra mettre en jeu la responsabilité du fiduciaire pour n'avoir pas exercé « sa mission dans le respect de la confiance du constituant » (184).

631 Dette parallèle. La technique de la dette parallèle consiste pour le débiteur à prendre directement en faveur

de l’agent des sûretés un engagement de payer à ce dernier un montant égal à tout moment à celui qu’il doit aux parties financières au titre de l’opération de crédit. Cette deuxième dette, miroir de la première, est dite parallèle. Chaque créancier prend par ailleurs l’engagement de ne pas recouvrer sa créance propre si l’agent engage des poursuites pour compte commun. L’agent s’engage à reverser toutes sommes qu’il viendrait à recevoir aux différents créanciers (185). La Cour de cassation française dans l’affaire Belvédère considère que ce système n’est pas contraire à l’ordre public international français (186). Consacrant l’analyse sus-mentionnée, la Cour définit ce mécanisme comme « le système consistant pour l’émetteur de l’emprunt et ses garants à prendre, envers l’agent des sûretés, afin de faciliter la constitution, l’inscription, la gestion et la réalisation de celles-ci directement au nom de ces agents, un engagement contractuel non accessoire équivalent à celui dont ils sont tenus dans leurs rapports avec les porteurs des titres de créances ou le trustee ». Ce faisant, la fiducie peut ainsi être une technique de gestion des sûretés, qu’il s’agisse de sûretés réelles ou personnelles. Le fiduciaire va ainsi détenir la sûreté dans l’intérêt des bénéficiaires. Il en a la propriété jusqu’à leur réalisation ou le retour au constituant, ce qui leur donne le titre juridique nécessaire pour réaliser les biens ou droits cédés en garantie pour le compte des créanciers sans intervention de ses derniers (187). SOUS-SECTION 5 - NANTISSEMENT MOBILIER Nous évoquerons le domaine (Paragraphe 1) et le régime juridique (Paragraphe 2) du nantissement mobilier. Paragraphe 1 - Domaine Sous paragraphe 1 - Nantissement de meubles corporels

632 Gage avec dépossession. Le gage avec dépossession est réglementé en droit libanais par le décret loi n°

46/L du 22 octobre 1932 relatif au contrat de gage ratifié par l’arrêté 154/LR du 7 novembre 1932 pour le gage civil et, par les articles 264 et s. c. com. lib. pour le gage commercial c’est-à-dire, garantissant une dette commerciale résultant notamment d’un crédit bancaire (188). Aux termes de l’article 266 c. com. lib., le contrat de gage ne produit aucun effet comme tel si l’objet du gage reste en la possession du débiteur, de telle sorte qu’il apparaisse aux yeux des tiers comme faisant toujours partie de son patrimoine libre et comme susceptible de lui procurer à nouveau un crédit. Il doit être mis et rester en la possession du créancier ou d’un tiers qui le détiendra pour son compte. Si le gage porte sur des marchandises ou objets

                                                            184 WITZ, Réflexions sur la fiducie-sûreté, JCP E 1993, I-244, 231 n° 10. 185 ADELLE, L’agent des sûretés en droit français: pour une clarification des régimes de l’article 2328-1 du code civil et de la fiducie de

sûretés, RDBF 2010 étude 20. 186 Cass. com. 13 sept. 2011, RDBF 2011, nov.-déc. comm. 201 note LEGEAIS ; v. FISZELSON, L’affaire Belvédère: la consécration du

trust et de la dette parallèle, RDBF 2011 nov.-déc. étude 32. 187 LEGEAIS, note préc. 188 GUILLOT, Les nantissements et autres garanties mobilières, AFB diffusion, 2000.

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engagés, la dépossession est réalisée par la remise des clés du local fermé les contenant à condition que ce local ne porte pas l’enseigne du débiteur. De même, elle est réalisée par la remise d’un titre représentatif conforme aux usages du commerce (art. 265 al. 1 c. com. lib.). C’est le procédé utilisé, en particulier, pour les warrants (billets à ordre garantis par un gage sur marchandise). Le créancier bénéficiaire d’un gage avec dépossession dispose d’un droit de rétention (art. 2286 al. 1 c. civ. ; art. 4 DL 46/L). Les parties peuvent convenir d’une clause de substitution et décider que ce droit s’exercera même si les marchandises font l’objet de substitutions successives. Le gage originaire survit alors sur les choses substituées de nature et de qualités différentes de celles initialement gagées. Néanmoins, cette faculté de substitution est circonscrite aux choses fongibles par leur nature (189) et la substitution doit porter sur des choses équivalentes (190).

633 Gage sans dépossession. Certains biens corporels peuvent faire l’objet d’un nantissement n’entraînant pas

dépossession: les véhicules automobiles ainsi que le matériel et l’outillage. La mise en possession est remplacée par une publicité du nantissement par devant les directions administratives compétentes. De plus, le livret de la voiture se voit apposer une mention indiquant qu’il est nanti alors que le matériel est muni d’une plaque informant les tiers du nantissement dont il fait l’objet. Jugé que le droit de rétention portant sur une carte grise ne s’étend pas au véhicule lui-même. Le créancier impayé ne peut ainsi se faire remettre le véhicule correspondant (191). Sous-paragraphe 2 - Nantissement de meubles incorporels

634 Présentation. Le nantissement peut porter sur le fonds de commerce sans dépossession (192). Il porte sur les

éléments incorporels du fonds: l’enseigne, le nom commercial, le droit au bail, la clientèle, l’achalandage, le mobilier commercial, le matériel ou l’outillage servant à l’exploitation du fonds, les brevets d’invention, les licences, les marques de fabrique et de commerce, les dessins et modèles industriels et, généralement, les droits de propriété industrielle, littéraire ou artistique qui y sont attachés (193). L’une des applications les plus fréquentes est le nantissement du marché. On peut aussi nantir des parts sociales, des effets de commerce, des créances civiles. Ainsi l’emprunteur peut céder ses loyers au prêteur, qui seront payés dès la signification par le locataire, débiteur cédé. Dès lors, peu importe la situation financière du cédant, le prêteur est ainsi remboursé de sa créance (194). La dépossession s’effectue différemment selon la nature du titre. Ainsi le gage d’un titre nominatif s’établit par un transfert à titre de garantie inscrit sur les registres de l’établissement émetteur que sur le titre lui-même (art. 265 al. 2 c. com. lib.). Celui d’un titre à ordres s’établit par un endossement formulé « valeur en garantie » ou en termes équivalents (art. 265 al. 3 c. com. lib.). En ce qui concerne les créances ordinaires à personne dénommée, leur mise en gage exige dans tous les cas un acte écrit ayant date certaine et signifié au débiteur de la créance donnée en gage (art. 265 al. 4 c. com. lib.). Le nantissement peut viser un contrat d’assurance-vie (195). Les garanties portant sur les contrats d’assurance-vie sont des plus fréquentes (196). Sauf clause contraire, le créancier nanti peut provoquer le rachat nonobstant l’acceptation du bénéficiaire (art. L. 132-10 c. assur.) la mise en œuvre de ce droit ne heurtant pas la prohibition du pacte commissoire (197). En outre, le nantissement peut porter sur les instruments financiers et autres produits dérivés (198). Paragraphe 2 - Régime juridique

635 Droit de rétention. Le gage avec dépossession confère au créancier un droit de rétention lui permettant de

conserver le bien jusqu’à son complet paiement. Les gages sans dépossession n'emportent pas en principe                                                             189 Cass. com. 26 mai 2010, RDBF sept.-oct. 2010 comm. 176 ; v. M. CABRILLAC, MOULY, PETEL, S.CABRILLAC, préc. 190 Cass. com. 26 mai 2010, RDBF juillet-août 2010, comm. 141 note LEGEAIS. 191 Cass. com. 11 juill. 2000, RDBF, n° 1 janv.-fév. 2001, 17 n° 15 obs. CREDOT et GERARD; dans le même sens Cass. com. 31 mai 1994,

JCP G 1996, II-22622 note JUBAULT. 192 Pour une illustration Beyrouth 9e ch., 15 juin 2010, Cassandre 2010/6, 1190. 193 Art. 23-1 DL 11/1967. 194 v. MATHIEU, Le nantissement de créances notifié: une sûreté devenue absolue? Réflexions pratiques autour de la décision de la chambre

commerciale du 26 mai 2010, RDBF sept.-oct. 2010, étude 22. 195 CERLES, Le nantissement d’assurance-vie après la loi du 17 décembre 2007, RDBF sept.-oct. 2008, étude 22. 196 LUCET, Les garanties sur contrat d’assurance-vie, Defrénois 1999, 705 ; HAVASSE-BANGET, La fonction de garantie de l’assurance-

vie, Defrénois art 36715 et 36785. 197 Cass. com. 11 juill. 2000 ; RDBF, n° 1 janv.-févr. 2001, 17 n° 14 obs. CREDOT et GERARD. Comp. Paris 27 oct. 1998, JCP E 1999, 619

n° 15 obs. DELEBECQUE. 198 V.arrêté interm. n° 10851 du 7 déc. 2011 , JO n° 60 du 22 déc. 2011, 5756.

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droit de rétention, c'est par exemple, le cas du nantissement de fonds de commerce. Par exception, certains sont assortis d'un droit de rétention fictif: ainsi en est-il du gage automobile, du nantissement de compte d'instrument financier. En tout état de cause, le gage ne confère nullement au créancier nanti le droit de s’approprier directement le gage en cas de non-règlement de la dette. Toute clause contraire est nulle (199).

636 Réalisation du gage. Le créancier gagiste a le droit de poursuivre en justice soit la vente du bien (auquel

cas il exerce son droit de préférence sur le prix), soit l'attribution du bien gagé à titre de paiement. Le créancier gagiste n’est pas tenu de demander la réalisation de son gage à l’échéance (200). Aux termes de l’article 271 c. com. lib.: « A défaut de paiement à l’échéance, le créancier peut, huit jours après une simple signification faite au débiteur et au tiers bailleur du gage s’il y en a un, se pourvoir devant le chef du bureau exécutif, qui fera procéder à la vente publique des objets donnés en gage » (201). De même, aux termes de l’article 30 du décret loi n°11/1967 relatif au fonds de commerce, tout créancier qui exerce des poursuites de saisie-exécution, ainsi que le débiteur contre lequel ces poursuites sont exercées peuvent demander, devant le juge dans le ressort duquel s'exploite le fonds, la vente du fonds de commerce dans son ensemble avec le matériel et les marchandises qui en dépendent. (202). Le créancier gagiste procédant à la vente de l’objet ou des objets donnés en gage sera payé par privilège sur le prix (art. 271 c. com. lib.). Le privilège du créancier nanti sur le fonds suit le fonds entre toutes les mains par lesquelles il passera ultérieurement (203). En cas de cessation des paiements du débiteur, le créancier gagiste perd le droit de poursuivre la vente comme l'attribution du gage tant que l'entreprise n'a pas été mise en liquidation (art. 503 c. com. lib.). Il subit, comme les autres créanciers, les délais de paiement prévus par le tribunal. En outre, signalons que le droit du créancier gagiste survit à tout acte de disposition effectué par le débiteur sur le bien en gage (204). SECTION 3 - GARANTIES DIVERSES Il existe une série de procédés conférant au banquier sinon une véritable sûreté, tout au moins une situation préférable à celle des autres créanciers. Certains sont spécifiquement bancaires (Sous-section 1), d'autres résultent de l'utilisation de mécanismes de droit commun (Sous-section 2). SOUS-SECTION 1 - MECANISMES PROPREMENT BANCAIRES Il s’agit principalement de la domiciliation bancaire (Paragraphe 1) des contrats d’échange ou swaps (Paragraphe 2) et des retenues de garantie (Paragraphe 3). Paragraphe 1 - Domiciliation bancaire

637 Présentation. Par la domiciliation, le débiteur rend ses créances payables aux guichets de la banque. La

domiciliation bancaire de certaines créances confère au banquier une quasi-certitude d'être payé. Aussi les clients qui ont fait domicilier leurs salaires bénéficient-ils généralement d'une ouverture de crédit. Paragraphe 2 - Contrats d’échange ou swaps

638 Présentation. Conformément au décret n° 2009-297 du 16 mars 2009, les contrats financiers mentionnées

au III de l’article L. 211-1 c. monét. fin. sont: « Les … contrats d’échange ». Ainsi le législateur français, consacre expressément la notion de « contrat d’échange » plus communément connue sous l’appellation anglo-saxonne de « swap ». Les swaps peuvent être définis comme des contrats par lesquels deux parties s’échangent des actifs ou des passifs (205). Ce transfert peut être effectif ou prendre la forme du paiement d’un différentiel. C’est un contrat à titre onéreux, commutatif, synallagmatique et consensuel c’est-à-dire parfait dès l’échange des consentements. Il ne correspond pas à une opération de crédit et ne bénéfice donc pas du monopole bancaire. Néanmoins, il est communément classé parmi les opérations bancaires connexes

                                                            199 Art. 271 al. 1 c. com. lib. ; art. 29 D/L 11/1967 sur le fonds de commerce ; et art. 16 D/L 46/1932. 200 Cass. com. 10 oct. 2000, RDBF n° 6 nov.-déc. 2000, 354 n° 224 obs. LEGEAIS. 201 V aussi art. 16D/L 46/1932. 202 Art. 31 D/L 11/1967. 203 Art. 24 D L 11/1967. 204 Beyrouth 9e ch., 23 avr. 2009, Cassandre 2009/4, 739. 205 DECOQ, GERARD et MOREL-MAROGER, 337 n° 545 ; BONNEAU et DRUMMOND, 180 n°181 ; BOULAT et CHABERT, Les

swaps, technique contractuelle et régime juridique, éd. Masson 1992, 66 et s.

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(206). 639 Swap de taux d’intérêts. Dans un contrat de swap de taux «les parties acceptent de s'effectuer

réciproquement des paiements équivalents aux montants des intérêts que l'autre partie doit à son prêteur initial » (207). Les parties peuvent convenir que les intérêts seront effectivement versés ou que l'échange ne portera que sur le différentiel de taux. Un swap taux fixe/taux variable, permet ainsi à chaque partie d'obtenir « les fonds dont elle a besoin, au prix qu'elle désirait (taux fixe ou taux variable), avec un taux net inférieur à celui qu'elle aurait pu obtenir sur le marché » (208). Jugé que le contrat de swap de taux d’intérêt, qui consiste pour chacun des cocontractants à prendre en charge les intérêts dûs par l’autre, quoique faisant partie de la catégorie des instruments financiers à terme, n’est pas constitutif d’une opération spéculatif pour celui qui ayant emprunté à taux variable, se prémunit de la sorte contre le risque de hausse du taux de l’intérêt conventionnel. En effet, l’emprunteur à taux variable, ne supporte alors plus aucun risque de taux puisque, grâce à ce contrat, il a, dès le commencement, connaissance de la charge maximale d’intérêts qu’il devra supporter. Il s’ensuit que la banque n’est débitrice à son égard d’aucun devoir de mise en garde lors de la mise en place d’un tel contrat (209).

640 Swap de devises. Un swap de devises permet à chaque partie d'obtenir un financement immédiat dans

une devise étrangère à celle d'un endettement préexistant ou d’assurer une couverture de son risque de change (210). Ce sont des opérations qui permettent d’échanger une devise contre une autre dans une opération au comptant et l’autre à terme dans le sens opposé. Dans le schéma le plus simple, les parties se transfèrent réciproquement au premier jour du contrat certains montants de deux devises différentes et se remboursent ces montants tout au long de l'accord selon un échéancier convenu qui reflète à la fois le paiement des intérêts et l'amortissement du capital (211). Ainsi, à la différence des swaps de taux d’intérêt, les swaps de devises entraînent l’échange effectif, au début et à la fin du swap, de capital nominal. Mais le swap peut ne prévoir aucun transfert de devises, les parties n'étant pas intéressées par la disponibilité de liquidités dans la devise étrangère, mais cherchant à couvrir un risque de change (212). Paragraphe 3 - Retenues de garantie

641 Description. Un certain pourcentage des sommes recouvrées par le banquier sur les débiteurs de son client,

à l'occasion d'opérations telles que l'escompte ou l'affacturage, est viré à un compte spécial. Ces sommes servent à compenser les défauts de recouvrement lors d'opérations ultérieures. SOUS-SECTION 2 - MECANISMES DE DROIT COMMUN Il s’agit de la compensation (Paragraphe 1) et de la subrogation (Paragraphe 2). Paragraphe 1 - Compensation

642 Notion. La compensation confère au banquier une situation privilégiée en cas de cessation des paiements

de son client: en effet, il évite ainsi de déclarer sa créance à la « faillite », dans l'attente d'un hypothétique paiement, tout en devant payer immédiatement ses propres dettes (art. 328 c. oblig. c. ; art. 1289 c. civ.). Le compte courant est donc lui-même d'une certaine façon, une sûreté pour l’établissement de crédit. Il est également fréquent que le client rédige une lettre de compensation autorisant le banquier à compenser le solde de ses divers comptes, en particulier des comptes sur livret créditeurs et des comptes courants débiteurs (213).

                                                            206 MARTIN, Code monétaire et financier Litec 2011, note sous art. L. 211-1. 207 BONNEAU et DRUMOND. 208 BOULAT et CHABERT, 15. 209 Cass. com. 19 juin 2007, n° 05-22.037, SCI Cristal Parc c/Société Générale : jurisdata n° 2007-039660 ; D. 2007, act. jurispr. p. 1952, obs.

DELPECH ; Banque et droit 2007, p. 28, obs. DE VAUPLANE, DAIGRE, DE SAINT MARS et BORNET ; JCP E 2007, pan. 2008 ; RDBF sept.-oct. 2007, 44, note CREDOT et T. SAMIN.

210 BOULAT et CHABERT, 12 ; GREGOIR, Les marchés des produits dérivés, Banque 1994, 28. 211 BOULAT et CHABERT, 12. 212 BONNEAU et DRUMMOND, 181. 213 v. TOLEDO-WOLFSOHN, compensation, Rep. civ., ; BONHOMME, compensation en comptes, Mélanges CABRILLAC Litec 1999,

425 ; COLLIN, caractère volontaire du déclenchement de la compensation, RTDciv. 2010, 229.

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GARANTIES DES CREDITS BANCAIRES

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Paragraphe 2 - Subrogation

643 Notion. La subrogation conventionnelle des articles 313 et 314 c. oblig. c. (art. 1250 c. civ.) permet au

prêteur de bénéficier de tous les droits et sûretés du créancier qui a été payé au moyen des fonds empruntés. Les banquiers en font un usage fréquent. Ainsi peuvent-ils bénéficier du privilège du Trésor public s'ils ont avancé les sommes nécessaires au paiement des impôts, ou du super-privilège des salariés s'ils ont prêté l'argent de la paye précédant la cessation des paiements.

La subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement (214). Après le paiement, la

subrogation devient impossible en raison de l’effet extinctif de celui-ci (215).

                                                            214 Cass. civ. 18 oct. 2005, Bull. civ. I, n° 374 ; RTDciv. 2006, 317 obs. MESTRE et FAGES, 1re esp. 215 Cass. civ. 28 mai 2008, Bull. civ. I, n° 160 ; RTDciv. 2008, 481 obs. FAGES.

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TITRE IV - SERVICES BANCAIRES Les banques proposent différents services: dépôts (Chapitre 1), encaissements et paiements (Chapitre 2), opérations relatives aux valeurs mobilières et produits financiers (Chapitre 3), fourniture de renseignements financiers et commerciaux (Chapitre 4) et mise à disposition des clients de coffres-forts (Chapitre 5).

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DEPOTS EN BANQUES

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CHAPITRE 1 - DEPOTS EN BANQUE 644 Présentation. Il arrive que le client remette à son banquier des choses mobilières à charge pour lui d’en

assurer la garde et de les restituer dans l’état où elles lui ont été confiées. C’est par exemple, le cas du dépôt d’objets de valeur ou d’objets précieux, du dépôt de titres confiés avec l’obligation de restituer les objets ou les titres eux-mêmes. Il s’agit alors d’un dépôt régulier soumis comme tel aux règles de droit commun du dépôt (1). Mais, le plus souvent, ce sont des sommes d’argent que le client remet à son banquier qui peut en disposer pour son activité propre mais doit, en contrepartie, assurer au déposant un service de caisse dans la limite des fonds reçus et, recevoir, pour les joindre au dépôt, toutes sommes à encaisser pour le compte du déposant. C’est un dépôt d’espèces, de monnaie; il est le plus important dans la pratique bancaire. Aussi nous envisagerons le dépôt de fond (Section 1) et ensuite le dépôt de choses mobilières (Section 2). SECTION 1 - DEPOT DE FONDS Nous évoquerons la constitution (Sous-section 1) et les effets (Sous-section 2) du contrat de dépôt de fonds. SOUS-SECTION 1 - CONSTITUTION DU CONTRAT DE DEPOT

645 Nature. L’article 307 alinéa 1 c. com. lib. décrit le contrat de dépôt de la manière suivante: « La banque

qui reçoit en dépôt une somme d’argent en acquiert la propriété. Elle doit la restituer en une ou plusieurs fois en quantité équivalente, à première réquisition du déposant ou dans les conditions de délai ou de préavis fixées au contrat » (art. L 312-2 c. monét. fin.). Ainsi, le dépôt de fonds en banque (2) est le contrat par lequel une personne remet une certaine somme d’argent à un banquier qui en acquiert la propriété et s’engage à la restituer à sa première demande ou dans les conditions prévues au contrat. La nature de ce contrat ne fait pas l’unanimité (3). En réalité, le dépôt d’espèces se distingue du dépôt de droit commun à plusieurs égards. Tout d’abord, la monnaie est une chose fongible qui ne peut être restituée que par équivalent, ce qui donne pour le moins au dépôt un caractère irrégulier (4). Ensuite, le banquier ne garde pas l’argent remis: il est autorisé à l’utiliser. Egalement, le dépôt en banque n’est pas toujours à vue; un délai peut être fixé à sa restitution (5). Au contraire, dans le dépôt de droit commun, il est de l’essence du contrat que la chose soit remise au déposant dès qu’il la réclame, lors même que le contrat aurait fixé un délai déterminé pour sa restitution (art. 1944 c. civ. ; art. 701 al. 2 c. oblig. c.). En outre, le fonctionnement, du compte de dépôt tel qu’il est imposé par l’usage, écarte certaines règles du droit civil relatives au contrat de dépôt, en particulier l’article 331 alinéa 2 c. oblig. c. qui interdit la compensation au cas de restitution d’un dépôt. Les sommes déposées sont portées au crédit du compte du client, et la banque peut en refuser la restitution en invoquant la compensation (6).

646 Caractéristiques. Le dépôt en banque donne lieu à l’ouverture d’un compte qui se distingue du compte

courant en ce qu’il existe dans un but d’épargne et de consommation et ne comporte pas d’ouverture de crédit, tandis que le compte courant fonctionne en vue de faciliter des affaires commerciales et comporte souvent une ouverture de crédit, avec prévision d’un solde débiteur au regard des clients de la banque, et aussi, en ce qu’il ne comporte pas réciprocité de remises; mais on peut passer facilement du compte de dépôt au compte courant. Lorsqu’il y a compte de dépôt (et non compte courant), chaque opération garde son individualité et peut en conséquence recevoir application d’intérêts et de commissions différents de ceux appliqués à diverses opérations; d’autre part, les dispositions de l’article 304 c. com. lib. (7) étant inapplicables au contrat de dépôt, le client, tant qu’il n’a pas été remboursé, a une créance sur le banquier, exigible ou à terme, qui pourrait faire l’objet d’une saisie-arrêt sans attendre la clôture du compte, si elle n’était pas interdite en vertu de l’article 4 de la loi du 3 septembre 1956 relative au secret bancaire (8).

                                                            1   Cass. Req. 20 mai 1946, S 1946, 1, 102. 2 CENTI, Le contrat de dépôt bancaire, in Mélanges MOULY, Litec 1998, T II, 305. 3 HAMEL, LAGARDE et JAUFFRET, Traité de droit commercial, T II n°1640 ; RIPERT et ROBLOT, 392 n° 2361 ; RIVES- LANGE et

CONTAMINE-RAYNAUD, 295 n° 238 ; DE JUGLART et IPPOLITO, 156 n° 141. 4 RIPERT et ROBLOT T 2, 391 n° 2361. 5 GRUA, 123 n° 170. 6 Cass. req. 25 nov. 1981 D 1892 ; Paris 7 mai 1974, Banque 1974, 982, RTDcom. 1974, 565 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE. 7 Art 304 c.com.lib. « Avant la clôture du compte courant, aucune des parties ne sera considérée comme créancière ou débitrice de l'autre.

L'arrêté de compte seul fixe l'état de leurs relations juridiques, produit de plein droit la compensation globale de l'ensemble des articles de crédit et de débit et détermine le créancier et le débiteur. »

8 FABIA et SAFA, art 307 n°11 ; TYAN, n° 800 in fine.

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DEPOTS EN BANQUES

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647 Variétés de dépôts. La pratique connaît différentes formes de dépôts de fonds qui dépendent de la convention des parties: 1- les dépôts à vue se caractérisent par la possibilité pour le déposant de demander à tout moment la restitution totale ou partielle des sommes déposées. 2- les dépôts à terme sont ceux dont il est convenu qu’ils ne pourront être restitués qu’après un délai déterminé. 3- les dépôts à échéance fixe simple ne comportent pas normalement cette possibilité; mais, plus souvent les dépôts à terme prennent la forme de bons à échéance fixe sous la forme de bons de caisse. Ils se présentent sous la forme de billets au porteur, à ordre ou à personne dénommée, et sont transmissibles suivant les modes correspondants. 4- les dépôts avec préavis reçoivent des fonds déposés pour une durée déterminée; ils ne peuvent être retirés qu’après préavis de retrait. Ils sont peut pratiqués. 5- les dépôts avec affectation spéciale qui résultent de la remise de fonds à la banque pour être affectés à une fin déterminée. Ici, la relation de la banque avec son client ne se fonde plus sur le contrat de dépôt mais sur l’exécution d’un autre contrat. Le banquier tient le rôle de mandataire et l’abus de confiance pourrait être relevé s’il venait à détourner les fonds (9). 6- les comptes collectifs, qui se subdivisent en compte joint et en comptes indivis, les premiers comportent une clause de solidarité active, les seconds impliquent la signature de tous les indivisaires sauf convention expresse contraire. Mais, en aucun cas le co-titulaire ne peut retirer le dépôt seul et sans formalité.

648 Capacité du déposant. La question de la capacité ne fait pas l’unanimité en doctrine. Pour certains, c’est la

capacité de contracter qui est requise (art. 1925 c. civ. et 692 c. oblig. c.). Le dépôt de fonds ne saurait être considéré comme un acte conservatoire car le contrat comporte le droit de retrait à vue (10). Pour d’autres, il s’agit d’un acte de conservation (11). Pour sa part, la jurisprudence ne considère pas que le dépôt en banque ou sa restitution exige la capacité de disposer. Ainsi a-t-elle admis qu'un administrateur légal même placé sous contrôle judiciaire ayant le pouvoir de faire seul les actes d'administration, procède à la réception des fonds échus au mineur et les retire de la banque dans laquelle ils étaient déposés (12). Par ailleurs, soulignons qu’en droit libanais, les femmes mariées ne sont soumises à aucune restriction de capacité, d’autant plus qu’elles sont placées sous un régime de séparation de biens avec leur mari sauf association avec lui. Cela est vrai d’autant plus que depuis la loi libanaise n° 380 du 4 novembre 1994 (13) les femmes mariées jouissent de la pleine capacité commerciale pour exercer les activités commerciales et peuvent dans l’exercice desdites activités effectuer tout acte nécessité par les besoins de leur projet commercial (art. 11 et 12 c. com. lib.). Ce qui est sûr c'est que la nullité du contrat pour incapacité ne change guère la situation des intéressés, car le banquier est tenu de restituer de toute manière. En effet, l’article 692 alinéa 2 c. oblig. c. énonce: « Néanmoins, si une personne capable de s’obliger accepte le dépôt fait par un incapable, elle est tenue de toutes les obligations d’un véritable dépositaire ».

649 Preuve du dépôt. Le contrat de dépôt étant nécessairement commercial pour le banquier, la preuve devrait

être rapportée contre lui par tous les moyens. Cependant, aux termes de l’article 307 alinéa 2 c. com. lib.: « Toutes les opérations de dépôt ou de remboursement doivent se prouver par écrit ». En principe, le dépôt donne lieu à l’ouverture d’un compte appelé « compte de chèque » parce que le client demande et reçoit ordinairement un chéquier ou carnet de chèques pour utiliser son compte. L’inscription en compte au crédit du client fournira alors la preuve du dépôt effectué. SOUS-SECTION 2 - EFFETS DU CONTRAT DE DEPOT

650 Propriété des fonds. Une fois les fonds déposés, le déposant en perd la propriété et ne dispose plus que

d’un droit de créance (14). Les espèces étant choses fongibles, leur dépôt en transfert la propriété au banquier comme le souligne expressément l’article 307 c. com. lib. (15). Le banquier, dépositaire, n’est en réalité qu’un débiteur de la somme ainsi déposée. Il en résulte que le dépositaire qui ne restitue pas les fonds ne commet pas le délit d’abus de confiance (16) sanctionné par l’article 670 c. pén. lib. lequel, ne vise d’ailleurs que la violation de certains contrats limitativement énumérés et parmi lesquels ne figure pas le prêt de consommation (17) ; réserve faite de l’hypothèse où le banquier ne restitue pas l’argent après la                                                             9   Cass. crim. 29 déc. 1937, Gaz. Pal. 1938, 1, 310 10 RIPERT et ROBLOT, 392 n° 2363. 11 GRUA, 126 n° 176. 12 Cass. civ. 17 janv. 1978 D. 1980, 17 note CHAMPENOIS-MARNIER ; JCP G 19175 note COURBE ; 20 mars 1989 D. 1989, 40 note

MASSIP. 13 Cette loi a abrogé les articles 11, 12 et 13 du décret-loi n° 304/1942 instituant le code commerce ; JO n° 45 du 10 novembre 1994. 14 Cass. civ. 7 févr. 1984, Bull. civ. I n° 49. 15 Beyrouth 15 mars 1988, Rep. drt banc., 654 sp. 600 mfn 02561. 16 Cass. crim. 29 déc. 1937 Gaz. Pal. 1938, 1, 310 ; Paris 7 mai 1974, Banque 1974, 982 ; RTDcom. 1974, 565. 17 TYAN, n° 800 ; HAMEL, LAGARDE et JAUFFRET n°1640.

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clôture du compte ou s’il détourne la totalité des sommes à lui confiées (18) ou si les fonds lui avaient été remis avec affectation spéciale c’est-à-dire mandat d’en faire un usage déterminé excluant la libre disposition et s’il les avait détournés vers un autre usage.

651 Garde. L’obligation première du banquier est de garder les fonds confiés. On doit admettre qu’elle est de

résultat, car le dépôt bancaire est un contrat à titre onéreux où l’établissement se rémunère sur les fonds remis (19): il relève de la responsabilité renforcée du dépositaire salarié (art. 1298-2 c. civ. ; art. 713 c. oblig. c.). En outre, comme le dépôt porte sur une chose de genre qui ne saurait périr, le banquier ne pourra pas invoquer la force majeure pour se dégager (20). Lorsque le compte en banque a plusieurs titulaires, la garde est effectuée au profit de chacun d’eux: il en va notamment ainsi en cas de compte joint que chacun des titulaires peut de son côté, faire fonctionner sous sa seule signature (21).

652 Restitution des fonds. L’obligation du banquier est de restituer les fonds dans les termes de la convention.

Cette obligation peut être à vue mais aussi à terme ou assortie d’un préavis. La restitution ne libère le banquier que si elle est totale et faite au client lui-même ou toute autre personne dûment désignée par lui. En outre, « Lorsque la dette est d’une somme d’argent, elle doit être acquittée dans la monnaie du pays » (art. 301 c. oblig. c.). En période normale, et lorsque le cours forcé n’a pas été établi pour la monnaie fiduciaire, les parties sont libres de stipuler que le paiement aura lieu en espèces métalliques déterminées ou en monnaie étrangère. Cependant, au cas où le débiteur d’une somme en monnaie étrangère a manqué à la payer au jour où elle est devenue exigible et lui a été réclamée, et où cette monnaie s’est dévaluée ensuite par rapport à la monnaie nationale, le juge peut imposer au débiteur le paiement au cours de la date de l’assignation ou de la mise en demeure ou même de l’échéance: c’est là un procédé de réparation du préjudice causé au créancier par la faute du débiteur (22).

653 Autorité de l’obligation de restitution. La jurisprudence range l’obligation de restitution du dépositaire en

général et celle du banquier en particulier dans la catégorie des obligations de moyens (23). Est-ce à dire qu’il appartient au client d’établir la faute du banquier dans l’inexécution de son obligation de restitution? En réalité, le problème est de savoir qui doit assumer le risque d’une mauvaise restitution ? A cet effet, le banquier ayant la libre disposition des fonds déposés, il doit en assurer les risques. Cela résulte aussi bien de la règle resperit domino que de la règle genara non pereunt. Par exemple, il demeure débiteur des fonds détruits ou confisqués par faits de guerre même si aucune faute ne lui est imputable (24). D’ailleurs, la doctrine se fonde parfois sur cette solution pour justifier qu’un banquier supporte les paiements obtenus au moyen de faux chèques ou de faux ordres de virement (25).

654 Capacité d’obtenir restitution. En exécutant son obligation de restitution, le banquier effectue un

paiement puisque par cette restitution il éteint sa dette résultante du dépôt (26). Or, aux termes de l’article 1241 c. civ., le paiement n’est valable qui si le créancier, ici le déposant, a la capacité de le recevoir. Le code des obligations et des contrats ne contient pas de texte similaire; on doit soutenir néanmoins que la restitution ne saurait valablement avoir lieu que si le créancier a la capacité de recevoir. Cela résulte indirectement des dispositions de l’article 706 c. oblig. c. aux termes duquel: « Si le dépôt a été fait par un incapable ou par un insolvable judiciairement déclaré, il ne peut être restitué qu’à celui qui le représente légalement, même si l’incapacité ou l’insolvabilité est postérieure au dépôt ».

655 Pouvoir d’obtenir restitution. La capacité de restitution est une condition nécessaire mais non suffisante,

encore faut-il avoir le pouvoir sur les fonds initialement déposés (27). Un tel pouvoir se perd en cas de saisie

                                                            18 Paris 4 janv. 1934, Gaz. Pal, 1934, 1, 472. 19 HUET, Traité de droit civil, Les principaux contrats spéciaux, LGDJ 1996, 1459 n° 33504. 20 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RANAUD, n° 261. 21 HUET, 1459 ; RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, n° 187. 22 Art. 356-1 c. com. lib.: « Lorsqu’une lettre de change est stipulée payable en une monnaie n’ayant pas cours au lieu du paiement, le

montant peut en être payé dans la monnaie du pays d’après sa valeur au jour de l’échéance. Si le débiteur est en retard, le porteur peut à son choix, demander que le montant de la lettre de change soit payée dans la monnaie du pays d’après le cours, soit du jour de l’échéance, soit du jour du paiement ».

23 Cass. civ. 3 avr. 1990 D. 1992 SC, 21 obs. VASSEUR – Contra, Toulouse 11 sept. 1989, D. 1991, SC 32 obs. VASSEUR. 24 Req. 25 févr. 1929, DH 1929, 161 ; Req. 11 juin 1949, S 1929, 1, 372. 25 CABRILLAC et RIVES-LANGE obs. sous Cass. com. 3 janv. 1978, RTDcom. 1978, 141. 26  Art. 310 al. 1 c. oblig. c.: « Le paiement éteint la dette absolument, définitivement et au regard de tous les intéressés ». 27  Art. 706 c. oblig. c. et art. 1940 c. civ.: « Si la personne qui a fait le dépôt a été dessaisie de ses pouvoirs d’administration, le dépôt ne

peut être restitué qu’à celui qui a l’administration des biens du déposant ». 

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ou d’une opposition au paiement (art. 1241 c. civ.). Il est de même en cas d’insolvabilité judiciairement déclarée (art. 706 c. oblig. c.) c’est-à-dire en cas de jugement de faillite entraînant le dessaisissement total ou partiel du débiteur.

656 Objet de la restitution. Le banquier n’est pas tenu de restituer les mêmes espèces déposées, il est

seulement débiteur d’une somme numériquement égale à celle du dépôt sans tenir compte des fluctuations de valeur de la monnaie durant la période du dépôt (art. 759 c. oblig. c.) (28).

657 Créancier de la restitution. En principe, la banquier se libère dans les mains du déposant. Cependant, il

peut très bien exécuter son obligation de restitution entre les mains d’un tiers dûment habilité à cet effet par le déposant. Aux termes de l’article 705 c. oblig. c.: « Le dépositaire doit restituer la chose déposée au déposant ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait ou à la personne indiquée pour la recevoir ».

658 Décès. Conformément à l’article 707 alinéa 1 c. oblig. c., en cas de décès du déposant, la créance de

restitution passe aux héritiers entre qui elle se divise (29). Le banquier doit alors préalablement à toute restitution contrôler la qualité d’héritier de la personne demanderesse. Cependant, si le compte de dépôt est un compte joint, la créance de restitution passera exclusivement au(x) co-titulaire(s) survivant(s) du compte et ce, en vertu de l’article 3 de la loi du 19 décembre 1961 aux termes duquel: « Au décès de l’un des titulaires du compte joint, le ou les titulaires (survivants) disposeront du compte de manière absolue ». Dans ce cas, la banque doit s’interdire de donner toute information aux héritiers du titulaire décédé sauf clause contraire insérée dans le contrat de compte joint (art. 4 L. 1961).

659 Lieu et moment de la restitution. Aux termes de l’article 764 c. oblig. c.: « Sauf stipulation contraire, la

chose doit être restituée au lieu où elle a été déposée ». Mais les banquiers acceptent généralement d’opérer des paiements à valoir sur le dépôt dans d’autres lieux que celui où il fut opéré, sous forme de virements et moyennant une commission. Le banquier a l’obligation de restitution dès que le déposant ou son représentant la lui demande (30). L’appropriation indue par la banque du solde créditeur d’un compte clôturé caractérise le délit d’abus de confiance, peu important que durant le fonctionnement du compte, l’établissement ait eu la libre disposition des fonds (31).

660 Compensation. La règle de l’article 331 alinéa 2 c. oblig. c. (art. 1293 al. 2 c. civ.) qui prohibe la

compensation en cas de restitution d’une chose déposée ne s’applique pas. Un banquier est en droit d’opposer à une demande de restitution la créance liquide, certaine et exigible dont il est titulaire contre son client (32).

661 Prescription. La créance du déposant sur la banque se prescrit selon le droit commun par le délai de dix

ans (art. 349 c. oblig. c.). Cette prescription court à dater du terme pour les dépôts qui en bénéficient et pour les dépôts à vue, à dater de la dernière opération – versement ou retrait – faite par le client (art. 348 c. oblig. c.). Aux termes de l’article 358 c. oblig. c.: « La prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur fait du droit du créancier ». Il semble que cette reconnaissance résultera de l’envoi par le banquier d’un arrêté de compte et sera renouvelée à chaque envoi successif (33). SECTION 2 - DEPOT DE CHOSES MOBILIERES

662 Responsabilité. La banque peut recevoir des choses mobilières à titre de dépôt à charge de les garder et de

les restituer en contrepartie d’une rémunération (art. 690 c. oblig. c.). La banque est responsable de toute perte ou détérioration en sa qualité de dépositaire (art. 713 c. oblig. c.). L’inexécution de ses obligations est souverainement appréciée par les juges du fond. Si la faute de la banque est prouvée, celle-ci ne peut plus se prévaloir de la force majeure (34). En l’absence de faute, seule la force majeure exonère la banque de la                                                             28 Paris 18 févr. 1927 et 17 juin 1927, D 1928, 2, 49 note SAVATIER ; Req 25 oct. 1932, DH 1932, 2, 556. 29 Art 707 al. 1 c. oblig.: « En cas de mort du déposant, le dépositaire ne peut restituer la chose qu’à son héritier ou à son représentant

légal »; v. art. 1939 c. civ. 30 Cass. com. 27 juin 1995, D. 1996 383 note ROMANI ; RTDcom. 1995, 820 obs. CABRILLAC ; RDBB 1995, 186 obs. CREDOT et

GERARD. 31  Cass.com. 20 juill. 2011, comm. 185, CREDOT et SAMIN. 32 RIPERT et ROBLOT, 132 n° 189; Req. 25 nov. 1891, D. 1892, 1, 296 ; Cass. civ. 15 mai 1945, S 1946, 1 note LESCOT; Paris 22 sept.

1994, JCP G 1994, II-22427 note VASSEUR. 33 FEBIA et SAFA, art. 307 n° 58. 34 Cass. lib. 7 juin 1988, Rev. jud. lib. 1988, 76 ; Rec. Hatem, fasc. 197, 448 et s.

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responsabilité. Jugé qu’une telle force majeure n’existe pas lorsque le vol d’un lingot d’or a lieu suite à une tentative de coup d’état faute des caractères imprévisible et irrésistible desdits événements (35). Néanmoins, décidé que dans de telles hypothèses la banque doit en exécution de son obligation de conservation procéder au déplacement des choses ainsi déposées à un endroit en sécurité (36).

663 Dépôt de titres. Les dépôts peuvent porter sur des titres ou des valeurs mobilières confiés à la banque avec

l’obligation de restituer les titres eux-mêmes.

                                                            35 Trib. 1re inst. Beyrouth 28 juill. 1983, Rec. Hatem, fasc. 186, 622s. 36 Beyrouth 15 mars 1988, Rec. Hatem, fasc. 197, 451 ; NAJJAR, Dépôt d’objets précieux et responsabilité du banquier Al Adl 1992, 37.

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CHAPITRE 2 - SERVICE DES ENCAISSEMENTS ET DES PAIEMENTS De plus en plus, la banque est obligée d’offrir à la clientèle des facilités pour « les mouvements de fond » (1). Elle doit être en mesure de traiter valablement les versements et les retraits d’espèces, les paiements et encaissements de chèque. A cet effet, les banques recourent à diverses techniques puisées dans les aspects internes (Section 1) et internationaux (Section 2) des services offerts. SECTION 1 - ASPECTS INTERNES Les techniques bancaires sont multiples. Quelle que soit la technique utilisée, elle ne prouve pas en tant que telle la cause du paiement mais juste l’acte matériel de paiement. (2). Celui qui allègue la cause: remboursement, prêt, donation du virement, doit donc la prouver (3). Parmi les techniques bancaires, certaines sont anciennes telles que l’ordre de virement (Sous section 1), le recouvrement des chèques (Sous section 2) et des effets de commerce (Sous section 3). D’autres, sont plus récentes et reposent sur les systèmes informatisés tels les avis de prélèvement (Sous section 4), les titres universels ou interbancaires de paiement (Sous section 5), ou les cartes de crédit et de paiement (Sous section 6). SOUS-SECTION 1 - ORDRE DE VIREMENT

664 Définition. Le virement fait partie des opérations de banque qui ne sont pas réglementées par le code de

commerce libanais. Il est régi par le code des obligations et des contrats (art. 314 c. com. lib.). Le virement est le contrat par lequel une personne donne l’ordre à son banquier de débiter son compte d’une somme déterminée et de la porter au crédit d’un autre compte (4) en contrepartie d’une commission (5). Il peut s’agir de son propre compte ou du compte de son créancier. Ce faisant, la banque du donneur d’ordre procède à un paiement alors que la banque réceptionnaire procède à un encaissement (6).

665 Swift et IBAN. Les virements internes ou internationaux doivent s’effectuer par réseau swift (Society of

worldwide interbank financial telecommunication). Ce procédé est aujourd’hui le plus usité d’autant plus qu’il est le plus sûr et le plus rapide (7). En outre, le virement doit préciser le numéro IBAN (International bank account number) du donneur d’ordre et du destinataire (8). Nous envisagerons l’exécution de l’ordre de virement (Paragraphe 1) et la réception des fonds virés (Paragraphe 2). Paragraphe 1 - Exécution de l’ordre de virement

666 Consensualisme. L’ordre de virement est un mandat donné par le client à sa banque de débiter son compte

d’une somme déterminée et de créditer un autre compte du même montant. Le donneur d’ordre ne peut valablement prétendre à son « droit au virement » qu’après acceptation de la banque de l’ordre ainsi donné (9). Ce contrat est régi par le principe du consensualisme. Il n’est soumis à aucune condition de forme particulière. L’ordre de virement peut se transmettre par écrit quelque soit son support. Il peut être envoyé par télex ou fax. Les banques mettent à la disposition des clients les formules appropriées des opérations de virement. En cas de contestation, il appartient au banquier dépositaire des fonds que lui a confiés son client

                                                            1 ASMAR, Les nouveaux services de la banque Al Adl 1999, 77. 2 Cass. civ. lib. 30 mai 1967, Rec. Hatem fasc. 79, 52. 3 Beyrouth 6 mars 1986 Al Adl 1988, 169. 4 Beyrouth 11 janv. 1996, Al Adl 1996, 45 note GHSSOUB. 5 Le paiement de cette commission constitue un usage bancaire de l’ordre de 1 pour mille, v. CE lib. 14 mai 1968, Al Adl 1968, 592. 6 CABRILLAC, Virement, JCh Banque-Crédit-Bourse, vol, 1 fasc 390. 7 Le 8 juillet 2010, le Parlement français a approuvé la nouvelle version de l’accord antiterroriste sur les transferts de données bancaires

vers les États-Unis – Cet accord UE/ États-Unis d’Amérique sur le traitement et le transfert de données de messagerie financière de l’UE aux États-Unis aux fins du programme de surveillance du financement du terrorisme a été autorisé par une résolution législative du Parlement européen du 8 juillet 2010 sur « le projet de décision du Conseil relative à la conclusion de l’accord entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique sur le traitement et le transfert de données de messagerie financière de l’Union européenne aux États-Unis aux fins du programme de surveillance du financement du terrorisme » -. Il est en vigueur pour cinq ans depuis le 1er août dernier et organise le transfert des données nécessaires à la surveillance du financement du terrorisme vers les États-Unis. JOUE n° L. 195, 27 juill. 2010 p. 5. L’Union doit cependant concevoir un autre système permettant d’éviter, à terme, tout transfert de données non individualisées (ce serait l’équivalent du « Terrorism Finance Tracking Programme » (TFTP) nord-américain): seules les informations sur une piste terroriste précise seraient, par cette autre voie, transmises aux États-Unis.

8 Arrêté n° 120 du 14 avril 2009 rendu par le gouverneur de la BDL. 9 Beyrouth 11 janv. 1996, Al Adl 1996, 45.

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SERVICE DES ENCAISSEMENTS ET DES PAIEMENTS

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et qui, à ce titre, a l’obligation de ne les restituer qu’à celui qui les lui a confiés ou, conformément aux indications de paiement de ce dernier, d’établir, qu’il a reçu du client l’ordre d’effectuer le virement contesté (10). L’ordre de virement peut intervenir expressément ou tacitement, notamment, de l’absence de protestation sur l’ordre de virement non écrit ou du silence des relevés de compte par le titulaire du compte (11). Cependant, cette présomption est réfragable en présence de circonstances de nature à la détruire (12). La présomption de l’existence et de l’exécution des opérations n’empêche pas le client pendant le délai convenu ou à défaut pendant le délai de prescription, de reprocher à la banque mandataire d’avoir agi sans mandat, par exemple, lorsque les ordres de virement verbaux émanent d’un préposé indélicat (13) ou lorsque l’ordre de virement n’était pas signé par le client, notamment, en cas de signature fausse (14). Dans ce cas, la banque devra restituer les sommes ainsi virées, le paiement effectué n’étant pas libératoire (15) conformément aux articles 1239 et 1937 c. civ. Cette règle s’applique même s’agissant d’un titulaire de compte non commerçant (16).

667 Droits du bénéficiaire. L’émission de l’ordre de virement n’a aucun effet libératoire ni novatoire sur la

créance qu’elle est destinée a éteindre (17). Le virement vaut paiement dès réception des fonds par le banquier du bénéficiaire qui les détient pour le compte de son client (18). Par conséquent, le donneur d’ordre débiteur n’est pas libéré par l’inscription au crédit du compte du bénéficiaire ; l’extinction de son obligation ne peut résulter que de la réception effective des fonds. Si la banque refuse le virement, celui-ci ne produit aucun effet à l’égard du bénéficiaire (19). Mais une fois l’écriture effectuée, l’ordre devient irrévocable. Lorsque le virement est exécuté et que le compte du donneur d’ordre est débité, il y a perte de la provision par ce dernier. Mais il n’y a pas acquisition de la propriété de la provision par le bénéficiaire. Il en résulte que si un chèque et un virement se présentent en même temps sur un compte n’ayant pas de provision suffisante, le chèque doit être payé en priorité (20).

668 Obligations du banquier. Le banquier doit exécuter le virement dès qu’il en a reçu l’ordre et en rendre

compte à son client (21) sous peine de responsabilité à titre de mandataire (22). La banque a l’obligation d’exécuter avec célérité les ordres reçus (23) sous réserve, qu’à la date de cet ordre, il existe sur le compte des fonds disponibles, soit en raison de l’état créditeur du compte, soit en raison de l’existence d’un découvert autorisé ( 24 ). De même, la banque sera exonérée de toute responsabilité en cas d’ « impossibilité absolue » (25). Cette impossibilité peut être juridique ou technique qu’il lui appartient de démontrer et dont elle doit informer immédiatement le donneur d’ordre (26). Le banquier doit vérifier la régularité apparente de l’ordre et donc de la signature, il s’agit là d’une obligation de résultat (27). C’est seulement si le banquier omet de détecter l’anomalie apparente qu’il manque à son obligation de vigilance et qu’il engage sa responsabilité pour avoir exécuté une opération de paiement irrégulière (28). En outre, signalons que la jurisprudence estimant que le banquier est tenu de restituer les fonds déposés par son

                                                            10 Cass. com. 16 sept. 2008, RDBF nov.-déc. 2008, comm. 157 note CREDOT et SAMIN. 11 Cass. com. 19 juin 2007, RDBF nov.-déc. 2007 comm. 208 note CREDOT et SAMIN ; Cass. com. 26 janv. 1999, RDBB n° 73, mai/juin

1999, 97 n° 7 obs. CREDOT et GERARD. 12 Cass. com. 23 mars 1999, RDBB n° 73 mai/juin 1999, 97. 13 Cass. com. 10 févr. 1998, Banque 1998, 80 obs. GUILLOT ; Quot. Jur. 2 avr. 1998, 2 ; RDBB n° 67 mai-juin 1998, 103 n° 3 obs.

CREDOT et GERARD. 14 Cass. com. 16 sept. 2008, Banque et droit n° 122 nov.-déc. 2008, 19 obs. BONNEAU. 15 Cass. com. 16 sept. 2008 ; 3 nov. 2004, Banque et droit n° 100, mars-avril 2004, 49 obs. BONNEAU. 16 Cass. civ. 1er juill. 1997, RDBF n° 62 juillet-août 1997, 165. 17 Cass. com. 29 nov. 1954, Bull. civ. III n° 369. 18 Cass. com. 3 févr. 2009, JCP 2009 G, II-10045 note BARBIERI, et E, 1227 note STOUFFLET ; Banque et droit n° 125 mai-juin 2009

Chro. dr. Banc. p. 21 obs. BONNEAU ; Cass. com. 18 sept. 2007, Bull. civ. IV n° 194 ; Banque et droit n° 116, nov.-déc. 2007, 27 obs. BONNEAU ; RTDciv. 2007, 812 obs. LEGEAIS.

19 Beyrouth 11 janv. 1996, arrêt préc.. 20 Trib. com. Seine 16 mars 1917, Gaz. Pal. 1917-1918, 1, 107. 21 JU Beyrouth 5 août 1998, Al Adl 1998, 489. 22 JU Beyrouth 12 avr. 2001, Al Adl 2001, 272. 23 Paris 10 nov. 1962, Rec. Hatem fasc. 51, 56. 24 Cass. com. 19 déc. 2000, RDBF n° 46 obs. CREDOT et GERARD ; D. 2002 obs. MARTIN, somm. 640 ; Beyrouth 13 févr. 1997, Rev.

jud. lib. 1997, 31. 25 Beyrouth 13 févr. 199 préc. 26 Paris 5 oct. 1999, RDBF n° 3 mai-juin 2000, 159 n° 97 obs. CREDOT et GERARD. 27 Beyrouth 16 févr. 1995, Rev. jud. lib. 1995, 70 ; Mont-Liban 13 mars 1996, Al Adl 1997, 88 ; Beyrouth 24 oct. 1994, Al Adl 1996, 225 ;

JU Beyrouth 18 juin 1991, Al Adl 1992, 376 ; Rev. jud. lib. 1990/1991, 830. 28 Cass. com. 11 mai 2010, Banque et droit, n° 132 juill.-août 2010, 19 obs. BONNEAU.

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SERVICE DES ENCAISSEMENTS ET DES PAIEMENTS

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client, elle lui impose la charge d’établir que l’ordre de virement qu’il a effectué émanait de ce dernier (29). 669 Constitution de partie civile de la banque. Dans la mesure où l’action civile appartient à tous ceux qui

ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction, une banque, qui a dû recréditer le compte de ses clients à la suite de détournements frauduleux commis par un escroc ayant utilisé leur code confidentiel, est recevable à se constituer partie civile contre l’auteur de l’escroquerie. En effet, les manœuvres frauduleuses employées, qui ont eu pour effet de déposséder la banque de fonds détenus pour le compte des clients auxquels elle était tenue de les représenter, sont directement à l’origine du préjudice invoqué par la banque (30). Paragraphe 2 - Réception des fonds virés

670 Vérification et inscription. Les fonds sont virés à la banque du client destinataire. Celle-ci doit vérifier si

cet ordre concerne son client avant de créditer son compte sous peine de responsabilité en cas de virement irrégulier notamment électronique (31). La banque doit immédiatement inscrire leur montant au crédit du destinataire en vertu du mandat d’encaissement faute de quoi sa responsabilité sera engagée. La banque doit informer son client destinataire des fonds par un « avis de crédit » lequel peut refuser la réception des fonds. Le silence gardé de sa part est généralement interprété comme une acceptation des fonds virés. La question de la détermination de la date et du lieu du paiement s’impose pour le calcul des intérêts. Le critère adopté est celui de la date et du lieu de l’inscription des fonds virés au crédit du compte du client destinataire. Son acceptation ultérieure vient notifier l’inscription antérieure; elle a donc un effet rétroactif. SOUS-SECTION 2 - CHEQUE

671 Présentation. Le chèque est un titre écrit par lequel une personne appelée tireur disposant de fonds,

donne mandat pur et simple à une banque appelée tiré, de payer à vue une somme déterminée (art. 409, 410, 411 et 425 c. com. lib.). Ce paiement pouvant intervenir au profit d’une tierce personne appelée bénéficiaire (art. 413 al. 2 c. com. lib.) ou au profit du tireur lui-même (art. 414 al. 1 c. com. lib.) (32). Le chèque est donc un instrument de paiement et non pas de dépôt (33). Le paiement par chèque met en jeu trois opérateurs: celui qui établit le chèque, le tireur, généralement titulaire du compte; celui qui reçoit le paiement du chèque, le bénéficiaire; celui qui doit payer le chèque, le tiré, c’est-à-dire la banque. Le processus du paiement passe par quatre étapes: délivrance de chéquier par la banque (Paragraphe 1); émission du chèque par le débiteur au profit du bénéficiaire (Paragraphe 2); remise du chèque par le porteur au banquier pour encaissement (Paragraphe 3) et enfin paiement du chèque par le banquier (Paragraphe 4). Paragraphe 1 - Délivrance du carnet de chèques

672 Vérification. La banque a toute latitude de délivrer ou de refuser les carnets de chèque (art. L. 131-71 c.

monét. fin.). Parfois, elle est même tenue de ne pas en délivrer notamment à un interdit (34). En outre, le banquier doit, avant de délivrer ses formules de chèques à un nouveau client, consulter la Banque du Liban auprès de laquelle se tient la Centrale des incidents de paiement des chèques. Le banquier sera informé si le client fait l’objet d’un incident de paiement ou s’il est sous le coup d’une interdiction bancaire ou judiciaire d’émettre des chèques. La consultation de la BDL est obligatoire sous peine de supporter les dommages – intérêts encourus par les tiers du fait de l’émission d’un chèque sans provision. La simple constatation que le banquier a failli à cette obligation de consultation suffit pour engager sa responsabilité.

                                                            29 Cass. com. 9 févr. 2010, RDBF juill.-août 2010, comm. 125 note CREDOT et SAMIN. 30 Cass. com. 14 nov. 2007, RDBF janv.-févr. 2008, comm. 2, note CREDOT et SAMIN. 31 Cass. com. 29 janv. 2002, D. 2002, J, 717 obs. LIENHARD et, 1336 note TCHNOTOURIAN ; JCP E 2002, 428 note BOUTEILLET ;

RDBB n° 2 mars-avril 2002, 66 n° 42 obs. CREDOT et GERARD. 32 RIPERT et ROBLOT, 238 n° 2151 ; CABRILLAC, Chèque, généralités, règles de forme, JCL Banque-Crédit-Bourse, vol. 1 fasc. 310 n°

4 ; Cass. com. 6 juin 2001, obs. MARTIN D. 2002, somm., 635. 33 Beyrouth Ch. Corr. 22 mai 1995, Rep. drt banc., 905 mfn 02739 ; JU Zahlé, 17 déc. 1987, Rep. drt banc., 648 mfn 02551) ou de crédit

(Beyrouth 11 avr. 1994, Rep. drt banc., 841 mfn 02692. 34 Art. L. 131-72 c. monét. fin. ; arrêté n° 6060 du 25 nov. 1995 relatif au règlement de la Centrale des incidents de paiement.

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Paragraphe 2 - Emission du chèque 673 Chèque sans provision. La multiplication de formules impayées a poussé le législateur français à prendre

un ensemble de mesures, visant à conférer une certaine sécurité à ce moyen de paiement. Une loi du 30 décembre 1991 a finalisé ces mesures en dépénalisant l’émission du chèque sans provision. Cette loi distingue les négligents des « coutumiers du fait » (35). Si le tireur a émis un chèque sans provision par négligence, la banque doit lui envoyer une injonction lui interdisant d’émettre des chèques de paiement sur l’un quelconque de ses comptes et lui ordonnant de restituer les formules de chèques en sa possession. Au Liban, l’émission d’un chèque sans provision est toujours constitutive d’un délit pénal. L’article 666 c. pénal lib. punit de trois mois à trois ans d’emprisonnement toute personne qui aurait émis un chèque sans provision préalable et disponible ou avec une provision insuffisante, celle qui aurait retiré après l’émission tout ou partie de la provision, et toute personne qui fait au tiré défense de payer. Cette sanction ne joue pas dans les cas prévus à l’article 428 c. com. lib. c’est-à-dire en cas d’opposition au paiement du chèque par le tireur pour perte du chèque ou faillite du porteur. La mention de cette sanction pénale doit être portée sur tous les carnets de chèques (art. 14 arrêté 6060/1995). Les faits constitutifs du délit de l’article 666 sont énumérés à titre limitatif et exclusif de tout autre fait (36). En outre, l’article 667 du code pénal sanctionne des mêmes peines, le délit de complicité d’émission de chèque sans provision qui est avéré, lorsque le bénéficiaire, se fait remettre sciemment un chèque sans provision. La régularisation de la situation du tireur est possible durant toute la durée de validité du chèque par son paiement; auquel cas, le tireur ne sera plus interdit bancaire et son nom sera radié de la liste préétablie par la Centrale des risques.

674 Droits du porteur. Dès lors que le bénéficiaire est entré en possession matérielle du chèque, il acquiert la

propriété de la provision. La seule possession présume la propriété et permet au porteur d’ester en justice (37). La provision incorporée dans son patrimoine échappe dès lors à l’emprise des autres créanciers du tireur (38). Son droit est opposable aux tiers et la preuve de la date de la remise peut être faite par tout moyen, même si le chèque a un caractère civil (39).

675 Opposition au paiement. L’opposition au paiement d'un chèque est en principe interdite sous réserve de la

perte de chèques – à laquelle il faut assimiler le vol de chèques – et de la faillite du porteur. L'opposition peut être injustifiée, elle fait encourir alors les sanctions pénales du délit de chèque sans provision. Le porteur à qui le paiement est refusé en raison d'une opposition illégale du tireur peut saisir le juge des référés (art. 425-2 c. com. lib.). Le référé par mainlevée de l'opposition illégale n’est ouvert qu’au seul porteur du chèque. Dans le cas où le chèque est perdu ou volé, le tireur doit immédiatement prévenir la banque en précisant le montant du chèque, la somme portée et le nom du bénéficiaire. Une simple opposition orale n’est pas jugée suffisante par les banques. L'opposition se fait par simple lettre. Le banquier bloque la somme correspondante au montant du chèque, à moins qu'un second chèque ne vienne remplacer le premier pour payer le porteur. Dans le cas où le chèque est falsifié, la banque doit vérifier la régularité formelle du chèque présenté mais il s'agit d'une vérification minimale. Jugé que, lorsque le porteur du chèque conteste avoir falsifié le chèque par opposition d’une fausse date, il y a lieu de vérifier l’écriture dès lors que l’écrit contesté doit être pris en compte pour trancher le litige (40). Paragraphe 3 - Remise du chèque à l’encaissement

676 Chèque non barré et chèque barré. Le chèque non barré peut être encaissé par le porteur en espèces au

guichet du banquier tiré. En revanche, le chèque barré ne peut être présenté au paiement que par une banque pour le compte d’un de ses clients sous peine d’engager la responsabilité de la banque au paiement du chèque et intérêts au taux légal (41). Le barrement s’effectue au moyen de deux barres parallèles apposées au recto. Il peut être général ou spécial. Le barrement est général s’il ne porte entre les deux barres aucune désignation ou la mention « banquier » ou un terme équivalent. Dans ce cas, le chèque ne peut être payé par le tiré qu’à un banquier ou un client du tiré (art. 434 al. 1 c. com. lib.). Le barrement est spécial si le nom d’un banquier est inscrit entre les deux barres (art. 433 al. 3 c. com. lib.). Il ne peut être

                                                            35 CABRILLAC, Chèque, Emission et circulation, JCL Banque-Crédit-Bourse, vol 1 fasc. 320. 36 Cass. crim. lib. 12 janv. 1999, Rec. crim. Sader 1999, 252. 37 Cass. civ. lib. 17 mars 1983, Rep. drt banc., 556s mfn 02483. 38 Paris 26 avr. 1965, JCP G 1966, II-14529 note GAVALDA. 39 RIVES –LANGE et CONTAMINE – RAYNAUD, 300 n° 307. 40 Cass.com. 25 oct. 2011, Banque et droit n° 141, janv.-fev. 2012, chr. Droit bancaire, 30 note BONNEAU. 41 Beyrouth 26 oct. 1995, Al Adl 1995, 126 confirmant JU Beyrouth 23 janv. 1995, Al Adl 1995, 402.

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payé par le tiré qu’au banquier désigné ou, si celui-ci est le tiré, qu’à son client. Toutefois, le banquier désigné peut recourir pour l’encaissement à un autre banquier (art. 434 al. 2 c. com. lib.). Le barrement général peut être transformé en barrement spécial mais pas le contraire (art. 433 al. 4 c. com. lib.). En outre, le biffage du barrement ou du nom du banquier désigné est réputé non avenu (art. 433 al. 5 c. com. lib.). Paragraphe 4 - Paiement du chèque par le banquier

677 Chambre de compensation. Le paiement du chèque passe par la chambre de compensation instaurée

auprès du siège des agences de la Banque du Liban. Ces paiements sont effectués à partir des comptes de dépôt créditeurs des banques, ouverts auprès du siège ou des agences de la BDL. Néanmoins, sont exclus de la compensation, les chèques tirés par une banque sur son compte qu’elle détient auprès de la BDL ou sur ses comptes ouverts auprès de ses correspondants à l’étranger (42). L’adhésion à la chambre de compensation de toutes les banques opérantes au Liban est obligatoire. En principe, chaque branche de banque doit adhérer à la chambre de compensation dans le ressort de laquelle elle se trouve sauf règlementation contraire (43

). Des audiences de compensation par devises ont lieu sous la direction de la BDL. Les audiences ont lieu chaque jour suivant les dates fixées par le gouverneur de la BDL.

678 Obligation de vigilance. Doctrine et jurisprudence s’accordent à faire supporter le banquier qui reçoit le

chèque pour encaissement du banquier présentateur, une obligation de vigilance. Le banquier doit vérifier l’identité du porteur du chèque (44). Le banquier doit vérifier le domicile du client porteur du chèque barré pour s’assurer de sa qualité de bénéficiaire sous peine de voir sa responsabilité engagée

envers le tireur. Il doit s’assurer que le chèque ne comporte pas d’anomalie apparente, comme une rature, une surimpression, ou même une falsification. Le banquier doit immédiatement procéder à l’encaissement du chèque qui lui est présenté à peine de responsabilité (45). La présentation tardive fait supporter la banque le poids du chèque à l’exclusion de tous autres frais ou dépenses sans relation causale avec la faute du banquier (46). Certaines fautes commises par le client sont de nature à exonérer partiellement ou totalement la banque. Ainsi en est-il, par exemple, de la négligence du titulaire du compte dans la conservation de son chéquier ou des formules qui en sont détachées, de l’absence de vérification, ou de la vérification tardive des relevés de compte qui permet au salarié indélicat de mettre à profit le temps écoulé pour effectuer de nombreux paiements au moyen de chèques comportant une signature apocryphe (47). Il en est de même si le client ne fait pas d’opposition ou présente une opposition tardive après la constatation de la perte ou du vol de formules de chèque ou d’un chéquier.

679 Obligations du banquier tiré. Quand la provision est certaine, liquide et exigible, le banquier tiré doit

payer le chèque qui lui est présenté (48). Cette obligation de paiement est greffée d’une obligation de célérité. En effet, le paiement à vue du chèque interdit à la banque de le payer par virement. En principe, le paiement du chèque a lieu en espèces. Cependant, le tireur (ou même le porteur) peut défendre un tel mode de paiement en insérant au recto la mention transversale « à porter en compte » ou une expression équivalente. Dans ce cas, la banque ne peut procéder qu’à un règlement par écriture (crédit en compte, virement ou compensation) qui vaudra alors paiement. Si la banque, malgré la mention sus-visée, règle en espèces, sa responsabilité sera engagée en cas de préjudice jusqu’à concurrence du montant du chèque (art. 435 al. 4 c. com. lib.).

680 Obligation de vigilance. Le banquier tiré est tenu d’une obligation de vigilance en sa qualité de

dépositaire, il doit vérifier que le titre est signé par le tireur (49) et qu’il ne s’agit pas d’un chèque faux c’est-à-dire qui n’est pas revêtu de la signature du titulaire du compte ou de son mandataire mais d’un faussaire. En effet, dans ce cas, le chèque faux n’a pas la qualité légale de chèque, de sorte que la banque tirée en le payant, ne se libère pas valablement de son obligation de restitution qui lui est imposée en vertu

                                                            42 Art. 1-3 arrêté n° 6911/1998. 43 Arrêté n° 7656 du 8 sept. 2000. 44 JU Beyrouth 21 mars 2000, Rec. ZEIN, vol 10, 368 n° 145. 45 Trib. 1re inst. Beyrouth 13 juill. 1998, Rev. jud. lib. 1998, 936. 46 Trib. 1re inst. Beyrouth 3 mars 1997, Al Adl 1997, 82. 47 Cass. com. 9 juill. 1996, Banque n° 577 janv. 1997 obs. GUILLOT. 48 CABRILLAC, Chèques, paiement et défaut de paiement, JCL Banque-Bourse-Crédit vol. 1 fasc. 330. 49 Beyrouth 22 déc. 1983, Rec. Hatem fasc. 181, 316.

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des articles 1239 et 1937 c. civ. (50). Le défaut de comparaison de la signature avec le spécimen est source de responsabilité (51). La jurisprudence met à la charge de la banque tiré l’obligation de vérifier « la régularité formelle du titre » (52). Par conséquent, constitue un paiement libératoire, le paiement effectué par le banquier tiré sur présentation d’un chèque émis par son client ne présentant aucune anomalie apparente (53). Les anomalies apparentes ne sont pas limitatives. Elles peuvent porter sur les mentions obligatoires du chèque mais il peut s’agir également d’anomalie « objective » comme l’ajout d’une quatrième série de numéro au bas du chèque (54). A défaut de cette vérification, la banque « prend un risque dont elle doit assurer les conséquences » (55). Ainsi, elle sera tenue de réparer seule le préjudice subi par la victime du détournement des chèques, dès lors qu’il n’est pas établi que cette dernière aurait pu prévenir les falsifications et les détournements des chèques litigieux (56). La banque doit vérifier la régularité apparente de la suite des endossements (art 431 al. 2 c. com. lib.) (57). La banque doit vérifier les pouvoirs du tireur du chèque (58). Elle doit vérifier l’identité du présentateur du titre et s’assurer qu’il est le bénéficiaire légitime et légal du titre (59). Cependant, l’obligation de vigilance du banquier trouve sa limite dans son devoir de non ingérence. Enfin, signalons que la responsabilité de la banque tiré n’est pas exclusive de celle de la banque ayant pris le chèque à l’encaissement (60). SOUS-SECTION 3 - EFFETS DE COMMERCE En principe, le paiement des effets de commerce doit s’effectuer auprès du tiré (Paragraphe 1) sauf domiciliation (Paragraphe 2). Paragraphe 1 - Paiement auprès du tiré

681 Présentation. L’effet de commerce encore appelé traite, est un ordre de payer une certaine somme, à une

personne déterminée, à une échéance donnée. La création de l’effet de commerce est soit l’œuvre d’un créancier, c’est alors une lettre de change (art. 315 c. com. lib.) ou d’un débiteur, c’est alors un billet à ordre (art. 403 c. com. lib.). Généralement, le porteur d’un effet de commerce ne procède pas personnellement à la présentation au paiement: il en charge sa banque. L’effet est transmis au banquier par un endossement en blanc avec mandat de le présenter à l’encaissement et de l’encaisser. L’endosseur reste propriétaire des effets sauf endossement translatif au profit du banquier.

682 Obligations et responsabilité du banquier. Agissant comme mandataire, le banquier doit faire tout ce qui

est nécessaire pour le recouvrement sous peine de responsabilité (61). Pour se libérer, la banque ne peut prétendre qu’elle n’a commis aucune faute; elle doit, à titre de dépositaire, prouver le cas de force majeure par application des articles 790 et 713 c. oblig. c. (62). Dès lors que l’effet se trouve entre ses mains, le banquier doit procéder au recouvrement sans plus tarder à peine de répondre du préjudice que sa négligence peut causer à un client (63) sauf si le renvoi tardif de l’effet est dû à un cas de force majeure (64). Aussi la Cour a relevé un manque de prudence de la banque qui, pour refuser le paiement d’un effet, fait prévaloir l’ordre du nouveau gérant tout en sachant que ce changement de gérant était contesté par l’ancien avec des éléments de sérieux apparent (65). Selon l’usage, le banquier n’est pas tenu d’aviser son client de l’encaissement. En revanche, il doit l’aviser du défaut d’encaissement et lui retourner le titre en cas de non-

                                                            50 DECOQ, GERARD, MOREL-MAROGER, n° 456s. 51 Beyrouth 2 avr. 2002, Al Adl 2002, 357s. 52 Cass. com. 30 mars 2010, RDBF juillet-août 2010 note CREDOT et SAMIN ; 16 oct. 2007, RDBF mars-avril 2008 comm. 32 note

CREDOT et SAMIN. 53 Cass. com. 16 mars 2010, RDBF juill.-août 2010, comm. 124 note CREDOT et SAMIN. 54 Cass. com. 7 juill. 2009, RDBF, nov.-déc. 2009 comm. 177 note CREDOT et SAMIN. 55 Cass. com. 9 juill. 2002, Bull. civ. IV n° 114 ; RDBF sept.-oct. 2002, 250 comm. 169. 56 Cass. com. 16 oct. 2007 préc. 57 Cass. com. 26 janv. 2010, RDBF juill.-août 2010, comm. 122 note CREDOT et SAMIN ; 28 oct. 2008, RDBF 2009 comm. 4. 58 Réf. Beyrouth 9 juill. 1980, Rec. Hatem fasc. 172, 378. 59 JU Beyrouth 21 mars 2000 Rec. Zein, vol. 10, 302 n° 24. 60 Cass. com. 23 juin 1999, RDBF n° 73, mai-juin 1999, 96 n° 6 obs. CREDOT et GERARD. 61 Pour des illustrations de responsabilité: Beyrouth 14 févr. 1983, Al Adl 1983, 404 ; Trib 1re inst. Beyrouth, Al Adl 1994, n° 3/4, 82 ; Cass.

lib. 8 mars 1997, Al Adl 1973, 334 ; 17 mars 1971, Rec. Hatem, fasc. 112 p 55 ; Mont-Liban 13 mars 1996, Al Adl 1996, 117. 62 Sud-Liban 2e ch., 9 oct. 2009, Al Adl 2010/2, 704. 63 Cass. com. 18 oct. 1971, JCP G 1972, II-17053 note VEZIAN ; 7 oct. 1987, Bull. civ. IV n° 160. 64 Cass. com. 12 juin 1979, Bull. civ. IV n° 195, 159; Besançon 24 juin 1977 D. 1978 IR 107. 65 Cass. com. 16 janv. 2001, RDBF n° 3 mai/juin 2001, 149 n° 97 obs. CREDOT et GERARD.

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paiement, quelle qu’en soit la cause. Au cas où il faillirait à cette obligation ou aviserait tardivement son client, son comportement fautif l’oblige au dédommagement (66). Parfois les banques essaient d’échapper à toute responsabilité en faisant souscrire le client à des clauses limitatives ou suppressives de responsabilité. La jurisprudence admet la validité de telles clauses sous certaines conditions: - être acceptées par le client (67) - et ne pas inclure ni des fautes lourdes (68) ni des fautes dolosives ou intentionnelles (69).

683 Contrepassation. La banque peut, avant de recouvrer le chèque, le porter directement au compte du

bénéficiaire – client. L’inscription du chèque dans le compte courant du client n’exclut pas le droit de la banque à en réclamer le paiement puisque cette inscription ne vaut pas renonciation de la banque à la propriété du chèque (70). La banque peut toujours contrepasser le montant du chèque et également en réclamer le paiement (71). Le paiement n’a pas lieu par la simple remise du chèque mais par l’encaissement de son montant (72). Ce principe s’applique que le chèque ait été porté dans un compte courant ou dans un compte d’épargne. En outre, la contrepassation n’est point affectée ni par la tardivité du protêt ni par celle de la présentation du chèque (73). Paragraphe 2 - Domiciliation des effets

684 Présentation. Evoquant la lettre de change, l’article 317 alinéa 4 c. com. lib. prévoit qu’elle « peut être

payable au domicile d’un tiers, soit dans la localité où le tiré a son domicile, soit dans une autre localité ». La domiciliation consiste donc à rendre l’effet payable non au domicile du tiré mais auprès d’une tierce personne (74) appelée domiciliataire. La lettre de change peut être domiciliée chez celui qui en est porteur à l’échéance (75) en l’occurrence, un établissement de crédit (76). Cette clause de domiciliation n’est pas obligatoire mais facultative. Elle est souvent exigée par les banques prêteuses qui peuvent ainsi s’assurer de la solvabilité des emprunteurs. Elle est toujours accompagnée d’une clause de prélèvement automatique. Le banquier domiciliataire bien que désigné dans l’effet, n’est pas partie à l’opération cambiaire. Il agit en tant que mandataire ou gérant d’affaires du tiré selon les instructions de celui-ci. La forme du mandat est libre (77). De même, l’existence d’un mandat exprès rend inutile un mandat de domiciliation (78).

685 Obligations du domiciliataire à l’égard du tiré. Une banque à qui sont présentées en vue de leur

paiement des lettres de change tirées sur l’un de ses clients, ne peut se dessaisir des fonds dont elle est dépositaire pour le compte de ce client, que sur instruction reçue de lui indépendamment de la mention de domiciliation (79). En effet, le banquier domiciliataire doit payer les effets qui lui sont présentés non pas en vertu des mentions, fussent-elles d’acceptation, figurant sur le titre, mais en vertu de l’ordre extérieur au titre résultant de l’accord tacite du tiré désigné, celui-ci s’étant engagé à procéder dès réception du relevé aux vérifications adéquates (80) et ce, même si la traite est acceptée par le client tiré (81). En cas de paiement par la banque domiciliataire sans instructions, celle-ci doit restituer. La restitution peut être ordonnée sans qu’il soit nécessaire de rechercher si le préjudice du tiré est inférieur à ce montant et, indépendamment de toute référence à l’absence de provision du compte (82). A fortiori, si le domiciliataire paie sans avoir reçu un avis de domiciliation l’invitant à le faire, sa responsabilité sera engagée (83). En outre, le banquier domiciliataire supporte certaines obligations: il doit vérifier la régularité apparente du titre, informer et

                                                            66 Cass. com. 6 févr. 1978 RTDcom. 1978, 102. 67 Cass. civ. 4 janv. 1910 S 1911, 1, 521 note BOURCART. 68 Paris 9 juill. 1982, RTDcom. 1983, 596. 69 Paris 9 juillet 1980 RTDcom. 1981, 301. 70 Cass. civ. lib. 18 mars 1983, Rep. drt banc., 569s mfn 02492. 71 Cass. civ. 7 avr. 1964 arrêt préc. 72 Cass. civ. 10 juin 1963, D 1963, 11. 73 Montpellier 23 oct. 1953, D 1953, 131 note SAVATIER ; Beyrouth 21 avr. 1969, Al Adl 1970, 93 n° 60. 74 Aix-en-provence, 23 avril 1980 RTDcom. 1981, 799 obs. CABRILLAC et TEYSSIE. 75 Cass. civ. 21 oct. 1942, Gaz. Pal. 1943, 1, 15. 76 REVEL, Le contrat de domiciliation des effets de commerce, JCP CI 1976, II-12282 ; GAVALDA et STOUFFLET, Droit du crédit, Litec

T 2, 1998 n°106. 77 Cass. com. 29 juin 1965 D. 1965, 823. 78 Lyon 19 févr. 1974 RTDcom. 1974, 130 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE. 79 Cass. com. 30 nov. 1999, Bull. civ. IV n° 213; RTDcom. 2000, 149 obs. CABRILLAC. 80 Cass. com. 9 févr. 1999, Banque n° 603 mai 1999, obs. GUILLOT ; JCP G 1999 IV-1605. 81 Paris 7 avr. 1973, JCP G 1973, II-17555 note GAVALDA. 82 Cass. com. 3 nov. 1999 préc. 83 Cass. com. 23 avr. 1976 D. 1977, 563 note VERNELLE ; RTDcom. 1976, 755 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE ; 22 nov. 1977, JCP

G 1978, II-18997 note GEJOUT; Paris 7 avr. 1973, JCP G 1973, II-17555 note GAVALDA.

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conseiller son client tiré sur les formalités nécessaires au paiement des effets domiciliés (84). 686 Obligations du domiciliataire à l’égard du porteur. Dès lors que la banque domiciliataire a reçu du tiré

mandat de payer et que la situation du compte permet le paiement dans la limite du montant du découvert usuellement autorisé, elle est tenue de l’exécuter sauf à engager sa responsabilité envers le porteur (85). En outre, la banque domiciliataire qui n’est pas engagée par une obligation cambiaire au paiement d’une lettre de change, mais seulement par l’ordre de payer reçu du tiré, ne peut invoquer la nullité de l’effet pour omission d’une de ses mentions qu’autant que le tiré aurait pu lui-même soutenir n’être pas engagé par un titre incomplet, et lui aurait par son mandat confier le soin de soulever pour son compte une telle exception (86). En revanche, la banque n’est pas tenue d’informer le tireur des difficultés rencontrées par le tiré (87). SOUS-SECTION 4 - AVIS DE PRELEVEMENT

687 Présentation. L’avis de prélèvement repose sur un double mandat permanent. Un mandat donné à un

fournisseur créancier en vertu duquel le débiteur autorise ce fournisseur à émettre des avis et à débiter son compte (88). Ce mandat constitue ce qu’il convient d’appeler la convention de prélèvements; un mandat donné par le débiteur au banquier en vertu duquel il l’autorise à passer des ordres de débit au fournisseur. Ce mandat porte le nom d’ « autorisation de prélèvement ». Paragraphe 1 - Mécanisme

688 Description. En pratique, le créancier émet un document bancaire, « l’avis de prélèvement » à l’occasion

de chaque créance. Cet avis de prélèvement est présenté au paiement par le banquier du créancier dans les mêmes termes qu’un effet de commerce. Le consentement à cette modalité de paiement est constatée par la présentation des différents factures (électricité, téléphone, etc.) à la banque, laquelle, recouvre lesdites factures en exécution d’un avis de prélèvement signé au préalable par le client débiteur selon un exemplaire pré-établi. Ce double mandat est révocable par le débiteur, mais cette révocation doit être double. Elle peut être expresse ou tacite (89) et résulter de la clôture de son compte par le client (90). Au cas où la révocation est injustifiée, la responsabilité du débiteur est engagée, mais le banquier doit néanmoins se conformer à la révocation (91). Paragraphe 2 - Rapports contractuels

689 Rapports entre l’émetteur et la banque. Ces rapports entre l’émetteur et la banque reposent sur deux

conventions: 1- une convention générale dite convention-cadre qui définit et détaille les modalités du procédé: suppression du support papier et adoption du service informatique, fixation des dates auxquelles les avis de prélèvements seront réunis, délai pour l’encaissement, coût de l’opération, etc. 2- des conventions d’application qui consistent dans les remises des avis de prélèvements par l’émetteur à la banque pour le recouvrement. L’avis de prélèvement n’est pas un effet de commerce. C’est un support matériel de l’opération contenant les informations nécessaires au recouvrement: identification de l’émetteur, de son compte, montant et date de la créance recouvrée, etc. La remise de ce document au banquier emporte mandat de recouvrement dans les termes semblables au recouvrement des effets de commerce. Aussi le banquier doit-il faire preuve de diligence et présenter l’avis de prélèvement au banquier « domiciliataire » dans un délai raisonnable. En principe, cette présentation a lieu en chambre de compensation comme pour les effets de commerce domiciliés. Mais rien n’empêche, dans certains cas, que la banque règle directement l’émetteur au vu des avis de prélèvements.

690 Rapports entre le débiteur et sa banque. Les rapports entre le débiteur et sa banque sont régis par la

convention de prélèvement. Par cette convention, le débiteur donne à sa banque un mandat permanent de                                                             84 Cass. com. 9 avr. 1973 JCP G 1973, II-17555 note GAVALDA. 85 Cass. com. 23 nov. 1999, préc. 86 Cass. com. 23 nov. 1999 préc. 87 Cass. com. 11 févr. 1992 cité par GAVALDA et STOUFFLET, 374 n° 724. 88 RIPERT et ROBLOT, 499 n°2448 ; v. cependant RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 320 n° 323 qui contestent la

qualification de mandat. Pour ces auteurs, il s’agit d’une convention sur les modalités de paiement des créances: convention de domiciliation en banque des créances.

89 Cass. com. 1er avr. 1997 RTDcom. 1997, 488 obs. CABRILLAC. 90 Cass. com. 21 nov. 1978 RTDcom. 1978, 301 obs. CABRILLAC et RIVES-LANGE. 91 Cass. com. 21 nov. 1978, Bull. civ. IV n°271.

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payer les avis de prélèvement qui lui seront présentés pour le compte de son créancier. Cependant, ce mandat ne crée aucun droit au profit du créancier à l’encontre du banquier domiciliataire (92). Le banquier procède au règlement sous ordre exprès et conserve les avis de prélèvements comme pièces comptables. La preuve des paiements intervenus résulte des écritures de débit portées. SOUS-SECTION 5 - TITRE INTERBANCAIRE DE PAIEMENT

691 Présentation. Le titre interbancaire de paiement (TIP) existe en France depuis le 1er février 1988. C’est un

ordre de paiement écrit et préétabli par le créancier que le débiteur doit retourner, signé et daté, à un centre de paiement qui sert d’opérateur avec, pour la première utilisation, son identifiant unique. Son fonctionnement est alors identique au prélèvement (93). SOUS-SECTION 6 - CARTES DE CRÉDIT ET DE PAIEMENT

692 Réglementation. Les notions de carte de crédit et de paiement, ont été intégrées à l’article 70 c. monn.

créd. en vertu de la loi n° 133 du 26 octobre 1999. Cette loi à été complétée par l’arrêté n° 7299 du 10 juin 1999 modifié par l’arrêté n° 10984 du 30 avril 2002, et les arrêtés n° 8341 du 24 janvier 2003 et n° 9668 du 9 août 2007. En droit français, la matière est désormais régie par les dispositions de l’ordonnance du 15 juillet 2009. Les conventions-cadres régissant les rapports entre les différents acteurs ont été mises en conformité avec le nouveau dispositif, entré en vigueur le 1er novembre 2009.

693 Fonctions. Les cartes ont quatre fonctions (art. L 132-1 c. monét. fin.) qui peuvent être cumulatives: 1-

Carte de retrait (debit cards). Cette carte permet le retrait d’espèces auprès d’un automate: distributeur automatique de billets (DAB) ou guichet automatique de banque (GAB). 2- Carte de paiement (credit cards). Elle permet de régler le créancier en débitant le compte du titulaire de la carte et en créditant celui du créancier (94). 3- Cartes de crédit (charge cards). La carte peut être assortie d’une fonction de crédit lorsque l’émetteur ou la banque accorde au titulaire de la carte une ligne de crédit. Ce crédit peut être « revolving » c’est-à-dire que « les remboursements ou remises faites par le crédité pendant la durée du contrat augmentent d’autant le disponible à son profit » (art 310 al. 2 c. com. lib.). Ce crédit présente le double avantage d’être permanent et de se régénérer automatiquement. 4- Cartes de garantie. Le crédit peut être accordé sous forme de garantie de paiement. En ce cas, l’émetteur ou la banque s’engage à régler les factures de la carte jusqu’à concurrence d’un montant prédéterminé (95). Nous évoquerons le mécanisme du paiement par carte (Paragraphe 1) et les différentes utilisations frauduleuses susceptibles de l’affecter (Paragraphe 2). Paragraphe 1 - Mécanisme du paiement par carte Le paiement effectué par la carte magnétique met en présence trois opérateurs économiques: le titulaire de la carte comme adhérent, le commerçant comme fournisseur et l’établissement financier comme émetteur. Cette opération, bien que mettant en cause trois partenaires, repose sur deux conventions: la convention d’ « adhésion » (paragraphe 1) et le contrat de « fourniture » (paragraphe 2). Sous-paragraphe 1 - La convention adhésion

694 Formation. La convention adhésion est conclue à la demande du client. Celui-ci doit jouir de la capacité

nécessaire dans la mesure où il peut effectuer des opérations débitrices et des opérations relativement importantes. Le contrat doit être écrit (96) sous peine d’engager la responsabilité de l’émetteur. Lorsque la demande est formulée par une personne morale, la carte sera remise au nom de son représentant conventionnel ou légal. Le contrat adhésion est un contrat intuitu personae qui présente les caractéristiques du contrat d’adhésion de droit commun.

                                                            92 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 322 n° 325. 93 DECOQ, GERARD et MOREL – MAROGER, 319 n° 514. 94 DE LEYSSAC note sous Cass. civ. 1re 21 nov. 1984 D 1985, 297 ; JEANTIN et Le CANNU, n° 189, 121. 95 Ainsi en est-il en France de la carte de garantie de chèques. Cette carte n’est pas un instrument de paiement, mais vise à garantir le

paiement des chèques émis par son titulaire dans la limite d’un montant déterminé.Cette carte vaut caution de la banque émettrice vis-à-vis de son client titulaire de la carte.

96 V. Art III du Code européen de bonne conduite.

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695 Garantie de l’émetteur. L’émetteur s’engage à régler les factures de la carte en sa qualité de garant: il doit payer jusqu’à concurrence du montant préalablement convenu. Il devra payer même en cas d’absence ou d’insuffisance de provision. Cela est vrai d’autant plus que « l’ordre ou l’engagement de payer donné au moyen d’une carte de paiement est irrévocable » (art. L 132-2 c. monét. fin. fr.). Par la suite, il pourra se retourner contre l’adhérent dans la mesure où il ne paie que sous réserve de « bonne fin d’encaissement ».

696 Mandat. La banque agit en sa qualité de mandataire chargé des paiements pour le compte du porteur de la

carte. Par conséquent, l’ordre de paiement donné à la banque nécessite l’utilisation physique de la carte et le saisi du code confidentiel par le client. A défaut, le paiement est réputé réalisé sans mandat et la banque doit annuler le débit reproduit et restituer au porteur de la carte la somme prélevée sur son compte (97) sauf clause contraire. C’est ainsi que la Cour de cassation française a pu considérer que la communication par le titulaire de la carte des données faciales de celle-ci, n’oblige pas le titulaire de la carte, dès lors qu’elle ne peut pas s’analyser en un mandat de payer- de sorte que, faute d’un tel mandat, la banque est tenue de restituer la somme débitée (98). Cette solution se justifie selon la Haute cour (99) par l’article 1937 du code civil aux termes duquel: « Le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu’à celui qui la lui a confiée, ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait, ou à celui qui a été indiqué pour la recevoir » (art. 705 al. 1 c. oblig. c.). En vain, la banque se prévaudra de la force majeure pour se libérer dans la mesure où celle-ci ne s’applique pas aux obligations de donner en l’occurrence, restitution de l’argent, dont est tenue la banque ( 100 ). Faute d’opposition en temps utile, le commerçant ne peut plus éviter le remboursement à la banque en invoquant les exceptions.

697 Sécurité de fonctionnement. L’organisme émetteur doit vérifier la signature apposée sur les factures

normalisées et l’absence d’opposition au paiement par suite de vol ou de perte. Il doit informer les commerçants adhérents. L’émetteur doit assurer au client une sécurité de fonctionnement de la carte et plus particulièrement une sécurité de retrait. En cas de dysfonctionnement, l’émetteur devra rembourser les retraits litigieux (101) nonobstant toute clause contraire (102).

698 Obligations de l’adhérent. Les obligations de l’adhérent sont précisées dans le contrat, elles sont

multiples: l’adhérent doit payer une cotisation annuelle qui est prélevée automatiquement sur son compte et dont le montant varie en fonction des services demandés. Il doit rembourser l’organisme émetteur des sommes qu’il a payées et le cas échéant des intérêts suivant les modalités fixées dans le contrat. Il doit apposer sa signature sur le dos de la carte dès la délivrance de la carte afin d’éviter son utilisation frauduleuse sous peine de responsabilité (103). L’adhérent doit immédiatement notifier l’émetteur de la perte ou du vol de la carte. Il doit tenir son code sous le sceau du secret. A ce propos, il convient de signaler que la jurisprudence française a posé le principe de la responsabilité de l’adhérent, porteur de la carte hors le cas d’utilisation frauduleuse dans les termes suivants: le titulaire de la carte est responsable de la garde et de l’usage de sa carte ainsi que de l’attribut de celle-ci que constitue le code confidentiel indispensable pour l’utiliser (104) mais en cas de faute alléguée, il appartient au banquier émetteur de démontrer la faute du porteur, au moyen d’autres éléments que l’utilisation de la carte par un tiers. Ainsi l’utilisation de la carte et du code confidentiel par un tiers ne constitue pas à elle seule, la preuve de la négligence du porteur en dehors d’autres éléments extrinsèques établissant cette faute tel l’aveu du porteur, ou les circonstances du vol démontrant que le porteur n’a pas adopté l’attitude d’un « bon père de famille » (105). Egalement, l’adhérent doit utiliser la carte dans les termes de la convention. A défaut, l’émetteur se réserve souvent la prérogative de résilier le contrat à tout moment.

                                                            97 Cass. com. 23 juin 2004 D 2004, act.-jur., 1972 note X; Comm. com. élect. 2004, comm., n° 161 note GRYNBAUM; Pet. Aff. 10 mai

2005, 9 note E. C.; RDBF, sept.-oct. 2004 , 319 obs. CREDOT et GERARD. 98 Cass. com. 24 mars 2009, Banque et droit n° 125 mai-juin 2009, 21 obs. BONNEAU. 99 Cass. com. 12 déc. 2006, JCPE et A 2007 panor. 1132. 100 Il convient de noter que désormais la Cour française au lieu de viser l’article 1937 c. civ., pourra se référer à l’article L 132-4 c. monét.

fin. 101 TI Paris 23 nov. 2000, RDBF mars-avr. 2001, 76 obs, CREDOT et GERARD; D 2001, Act-jur, 475 obs. AVENA-ROBARDET. 102 Cass. com. 21 mai 1996, RDBB 1996, 190. 103 Aix 25 févr. 1980 D 1981, IR 506 obs. VASSEUR. 104 Cass. com. 8 oct. 1991 D 1991 J 581 VASSEUR. 105 Cass. com. 2 oct. 2007 JCP E et A 2007, 2376 obs. BOUTEILLER, RDBF, nov.-déc. 2007, comm. n° 206, 42 note CREDOT et SAMIN;

comm. n° 234, 60 note CAPRIOLI; BESANCON 14 nov. 2006 ; Juris-data n° 2006-322558 ; CA Nîmes 16 févr. 2006 Juris-data n° 2006-303316 cités par BOUTEILLER, obs. préc ; v.infra.

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699 Propriété de la carte. Il est généralement stipulé que la carte magnétique reste la propriété de l’émetteur. Si l’adhérent refuse de restituer la carte ou continue à l’utiliser, son comportement est constitutif de délit pénal ( 106 ). Si la carte est défectueuse, l’adhérent ne peut la conserver sous peine d’engager sa responsabilité (107).

700 Titulaire de la carte et titulaire du compte. Le titulaire de la carte est solidairement tenu avec le titulaire

du compte sur lequel la carte est émise et inversement. Ainsi, au cas où la carte est délivrée à une personne morale afin d’être utilisée par des salariés ou dirigeants pour leur activité professionnelle, le titulaire et l’utilisateur sont solidairement responsables des utilisations irrégulières (108). Il en est de même lorsque la carte est émise sur un compte joint. La solidarité passive oblige tous les co-titulaires du compte peu importe l'utilisateur de la carte. Ces solutions trouvent leur source dans l'obligation d'exécution de bonne foi des contrats. Par conséquent, malgré l'opposition régulièrement formée par le titulaire du compte celui-ci reste tenu sauf s'il justifie que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée. Sous-paragraphe 2 - Le contrat fournisseur

701 Variantes. A la différence des espèces ou des chèques qui peuvent servir à payer n’importe quel créancier,

les cartes de paiement ne peuvent être utilisées qu’au profit de commerçant ayant adhéré au « système ». Le contrat fournisseur encore appelé contrat accepteur étant conclu intuitu personne, la banque se réserve le droit d’agréer ou non tel ou tel commerçant. Trois types de contrat ont été normalisés: 1- les contrats de paiement de proximité, il s’agit de la vente avec présence de l’acheteur. 2- le paiement à des tiers, il s’agit de la vente par correspondance, téléphone, minitel, fax ou terminal. Dans le cas de vente à distance, le titulaire de la carte communique à l'accepteur le numéro de sa carte, la date d’échéance de celle-ci, son nom et son prénom et le titulaire du compte accepte d'être débité par les enregistrements ou relevés transmis par l'accepteur. En contrepartie, le contrat fournisseur prévoit que l'accepteur autorise les banques à débiter d'office son compte de toute opération qui serait contestée par le porteur de la carte. Dans le cas de paiement par correspondance, le titulaire de la carte ayant apposé sa signature sur le bon de commande, les contestations sont rares. 3- le quasi-cach, il s’agit de la délivrance d'espèces par certaines professions (bureaux de change, casinos, hippodromes). L'utilisation d'un équipement électronique est rendue obli-gatoire à cause des demandes d’autorisation systématiques. L’accepteur doit s’assurer de l'identité de son client par une pièce officielle, prendre son adresse, celle de la banque émettrice ainsi que la date de délivrance de la carte et sa date de fin de validité. Pour ces transactions, l'accepteur n'a aucune garantie de paiement.

702 Droits et obligations du commerçant. Le commerçant doit porter à la connaissance de la clientèle qu’il

accepte le paiement par carte. Il doit vérifier, avant chaque paiement la validité de la carte, qu'elle n’a pas fait l’objet d’un avis d’opposition et que la signature qui figure sur la facture est bien identique à celle qui est sur la carte (109). Pour les achats dépassant un montant fixé dans le contrat, il doit demander une autorisation téléphonique sauf s’il dispose d’un terminal relié à la Centrale des oppositions. A défaut d'avoir procédé à ces vérifications, le commerçant engagera sa responsabilité: il supportera les risques du défaut de paiement (110). En outre, le commerçant doit respecter les mesures de sécurité mises à sa charge sous peine d'être privé de la garantie contractuelle (111). Il doit établir et transmettre les factures suivant les prescriptions de l'émetteur. Il doit verser à l'émetteur des commissions sur le montant des achats.

703 Droits et obligations de l'émetteur. L'organisme émetteur garantit le paiement des factures selon les

termes et limites du contrat. En l'absence de crédit, il ne peut exécuter des paiements sans commettre de faute lorsque le solde du compte est débiteur (112). En outre, il doit vérifier le caractère anormal ou inhabituel des dépenses et s'interdire de payer lorsque les dépenses occasionnées par l'utilisation de la carte

                                                            106 TGI Créteil, ch. corr., 15 janv. 1985 D 1985 IR 344 cité par GAVALDA et STROUFFLET, 386 n° 734. 107 Cass. com. 10 janv. 1685, Bull. civ. IV n° 7. 108 Cass. civ. 2 mai 1991 D 1991 IR, 168. 109 Cass. civ. 14 juin 1988, RTDcom. 1988, 660 obs. CABRILLAC et TEYSSIE; Cass. com. 21 mai 1996, RDBB 1996, 234 obs. CREDOT

et GERARD; Beyrouth 4e ch., arrêt nº822, 30 mai 2007, Al Adl 2007/4, 1741. 110 Cass. 1° civ. 14 juin 1988 D. 1988 186, 660 ; Paris 15 sept. 2000, RDBF nov.-déc. 2000, 348 n° 216 obs. CREDOT et GERARD ; CA

Orléans 21 mars 2002, RDBF juill-août 2002, 183 n° 126 obs. CREDOT et GERARD. 111 Cass. com. 27 sept. 2005, RDBF, nov.-déc. 2005, act. 198, 10. 112 Cass. com. 13 mars 2001, préc.

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résentent un tel caractère (113). Il en résulte que la vérification du caractère anormal ou inhabituel n'est pas une simple faculté laissée à l'appréciation de la banque mais une véritable obligation. Le plus souvent, l'émetteur se réserve le droit de mettre fin à l’adhésion du commerçant pour tout motif légitime et en particulier, en cas de cession du fonds. La jurisprudence a également considéré comme motif légitime de résiliation le fait pour un commerçant d’utiliser les informations codées sur les cartes pour réaliser des paiements par virements directs, évitant ainsi de payer les commissions (114). Paragraphe 2 - Utilisations frauduleuses de la carte Les utilisations frauduleuses seront envisagées dans les rapports de l'émetteur avec le titulaire de la carte (Sous-paragraphe 1) et le commerçant (Sous-paragraphe 2) avant d'évoquer les sanctions qui s'y attachent (Sous-paragraphe 3). Sous-paragraphe 1 – Rapport émetteur / titulaire de la carte

704 Charge de la preuve et perte ou vol de la carte. La question est de savoir si l'utilisation par le voleur du

code confidentiel de la carte volée ou perdue présume la faute du titulaire ou s'il appartient à l'émetteur de la carte d'en rapporter la preuve? A ce propos, l’article L 132-3 c. monét. fin. décide: « Le titulaire d'une carte mentionnée à l'article L. 132-1 supporte la perte subie, en cas de perte ou de vol, avant la mise en opposition prévue à l'article L. 132-2, dans la limite d'un plafond qui ne peut dépasser 400 euros. Toutefois, s'il a agi avec une négligence constituant une faute lourde ou si, après la perte ou le vol de ladite carte, il n'a pas effectué la mise en opposition dans les meilleurs délais, compte tenu de ses habitudes d'utilisation de la carte, le plafond prévu à la phrase précédente n'est pas applicable » (115). Par application de cet article, la Haute cour considère qu’il appartient à l'émetteur de rapporter la preuve de la faute lourde du titulaire d'une carte bancaire volée en cas d'utilisation frauduleuse de celle-ci et que la circonstance que la carte ait été utilisée par un tiers avec composition du code confidentiel est, à elle seule, insusceptible de constituer la preuve d’une telle faute(116). La "négligence constituant une faute lourde" sera déterminée en fonction des circonstances de l'espèce. La qualification des faits retenus comme faute étant soumise au contrôle de la Cour de cassation. Par exemple, il a été jugé que le fait par les titulaires de cartes de crédit de les laisser dans leur véhicule fermé durant la journée en face du restaurant où ils se trouvaient n'est pas constitutif d'une faute ni d'une imprudence car s'ils les avaient eues avec eux, ils couraient le risque d'être victimes de pick-pockets (117).

705 Opposition. L’opposition doit être faite dans le plus bref délai auprès de la banque émettrice ou auprès

d’un centre national fonctionnant 24 heures sur 24 heures (118). Elle ne doit pas être tardive (119). Selon l'article L 132-3 C. monét. fin. fr., si après la perte ou le vol de sa carte, le porteur "n'a pas effectué la mise en opposition dans les meilleurs délais, compte tenu de ses habitudes", le plafond limitant sa responsabilité à 150 euros n'est pas applicable; le plafond étant écarté aussi en cas "de négligence constituant une faute lourde". Aussi la Haute cour a-t-elle considéré que le caractère tardif de l'opposition devait être apprécié subjectivement en fonction de divers critères laissés à l'appréciation des juges du fond (120). La forme de l'opposition n'est pas réglementée. L’opposition téléphonique naguère validée par une certaine jurisprudence (121) est reprochable en l’absence de confirmation écrite (122). Pour cette raison, la plupart des contrats contiennent une clause selon laquelle "toute opposition qui n'a pas fait l'objet d'une déclaration signée par le titulaire de la carte et/ou du compte doit être confirmée sans délai, par lettre

                                                            113 Cass. com. 1er juill. 2003, D 2003, act. jur. 2374, obs. AVENA-ROBARDET; JCP E 2003 p 1917 note BERNHAIM – DESVAUX;

RTDcom. 2003 p 795, chron. LEGEAIS; RDBF nov.–déc. 2003, act. 217, 359 obs. CREDOT et GERARD. 114 Cass. com. 27 févr. 1990 D 1990, somm. 37 obs. VASSEUR et 249 obs. GAVALDA et DE LEYSSAC. 115 A noter, en droit français, que la perte, le vol et l’utilisation franduleuse, qui ouvrent droit à remboursement, ne sont plus, dans le cadre

des textes issus de la réforme de 2009, formellement des cas d’opposition (nou.art. L.133-17, c. monét.fin.) ; seule la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire du bénéficiaire l’est en application du nouvel article L 133-17,II c. monét-fin ; Rapp.Cass.com. 11 oct. 2011, Banque et droit n° 141 janv.févr. 2012 chr. D.bancaire note BONNEAU.

116 Cass. com. 21 sept. 2010, RDBF mars-avril 2011, comm. 40 note CREDOT et SAMIN ; Cass. civ. 28 mars 2008, Bull. civ. 2008, I n° 91 ; Cass. com. 2 oct. 2007 préc.

117 Paris 12 déc. 2002, Gaz. Pal. 2003, Jur., 474, J n° 42, 11 févr. 2003, 14 note J.-G.M. 118 Cass. civ. 24 juin 1993, JCP E 1993, panor. 1283. 119 V Recommandation 88/590/ CEE du 17 nov. 1988 ; « sans délai excessif », JCP G 1989, III-62202. 120 Cass. com. 27 janv. 1998, RDBF, 1998, 57; BOUTEILLER, Cartes de paiement, Cartes de crédit, JCL Banque-Crédit-Bourse, fasc 930 nº

36. 121 CA Caen. 24 juin 1993, JCP G 1993, IV-2471; JCP E 993 pan. nº 1283. 122 Cass. 1er mars 1994 arrêt préc.

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remise ou expédiée sous pli recommandé, au guichet tenant le compte sur lequel fonctionne la carte" et d'autre part que "en cas de contestation sur l'opposition, l'opposition sera réputée avoir été effectuée à la date de réception de la dite lettre par la banque" (123). Dans ce cas, l’opposition, pour être régulière et produire valablement ses effets, doit intervenir dans les modalités qui lui sont prévues dans le contrat (124). A défaut, le client reste tenu sous réserve du bénéfice d'une assurance (125). Après opposition, l'émetteur doit, sauf fraude du client, bloquer toute utilisation postérieure de la carte afin d’empêcher tout retrait par l’usurpateur (126). La banque ne peut mettre à la charge du titulaire de la carte aucun paiement postérieur à cette opposition (127) sauf faute ou imprudence avérée de la part du titulaire qu'il incombe à la banque d'en rapporter la preuve (128). Cela se justifie par le fait que le banquier dépositaire et mandataire n’est libéré qu’en remettant les fonds détenus au compte du client, à la personne indiquée par ce dernier: après opposition, il ne doit plus régler à l’usurpateur ( 129 ). L'organisme émetteur doit surveiller toutes les factures qui lui sont soumises. S'il paie une facture émise frauduleusement, il engage sa responsabilité (130). Sous-paragraphe 2 - Rapport émetteur / commerçant

706 Charge des risques. Le titulaire de la carte abusivement utilisée étant remboursé, la question se pose de

la charge finale des risques: qui du banquier ou du commerçant supportera la charge du paiement? Dans la mesure où le débit est envisagé dans l'intérêt exclusif du commerçant et en raison des risques de fraude dont les titulaires des cartes peuvent être victimes, le contrat lui fait supporter les conséquences. Cette réalité s'exprime par l'insertion dans le contrat d'une clause de "débit d'office" permettant à la banque de débiter d'office le compte du commerçant du montant de toute opération de paiement dont la réalité ou le montant serait contesté par le titulaire de la carte (131). Cette clause trouve sa légitimité dans les dispositions de l’article L. 133-19 c. monét. fin. Par conséquent, la qualité d’averti du professionnel, apprécié, in concreto, dispense la banque de toute obligation de mise en garde envers lui (132). Sous-paragraphe 3 - Sanctions des utilisations frauduleuses

707 Utilisations frauduleuses du titulaire. Il n’existe pas en matière de carte d’infraction analogue à

l’émission de chèque sans provision. Lorsque le titulaire d’une carte l’utilise par retrait ou paiement au-delà de son crédit, la victime, compte tenu des conventions liant émetteur et commerçants, est généralement l'organisme émetteur de la carte. La Cour de cassation refuse alors de considérer qu'il y a une quelconque infraction pénale, notamment vol (133). Seule la responsabilité civile du titulaire de la carte est retenue (134). Dans d’autres hypothèses, une infraction pénale peut être constituée: par exemple, si le titulaire refuse de restituer la carte, il peut être coupable d'abus de confiance. En effet, le contrat qui le lie à l'émetteur stipule généralement que ce dernier demeure propriétaire de la carte, qui est seulement confiée à son titulaire. Il en est de même si le titulaire continue à utiliser une carte périmée (135). Le titulaire de la carte peut être coupable d'escroquerie s'il utilise une carte périmée ou annulée, ou encore s'il continue à se servir de la carte après avoir effectué une fausse déclaration de vol ou de perte (136).

                                                            123 Une réponse ministérielle décrit le processus de l'opposition: " Pour procéder à cette opposition, le titulaire de la carte doit appeler le

numéro qui lui a été communiqué par sa banque. L'opposition doit ensuite être confirmée par écrit au guichet de la banque ou par lettre recommandée avec accusé de réception". Rep. min. nº2025 à M. DANIEL, JCP E et A 2007, panor 2378.

124 Cass. com. 18 mai 2005 arrêt préc. 125 Cass. com. 27 janv. 1998 RDBB 1998, 57 obs. CREDOT et GERARD. 126 Cass. com. 8 oct. 1991, JCP E 1992, II-254, note GAVALDA; Cass. com 1er mars 1994 préc.; 8 oct. 1991 JCP G 1992, II-21791 concl

JEOL ; RTDcom 1992, p 436 obs CABRILLAC et TEYSSIE ; Cass. com. 20 oct. 1998, JCP E 1999, 1, 101 ; Gaz. Pal., Rec 1998, somm., 617, J n° 328, 24 nov. 1998, 11 ; Pet. Aff. 7 janv. 1999, 7 note X ; Rep. Def. 1999, 368 note DELEBECQUE.

127 Cass. com. 20 oct. 1998, préc. 128 Paris 12 déc. 2002, arrêt préc. 129 Cf art. 1239 à 1242 c. civ. et art. 293 et s c. oblig. c. 130 Cass. com. 8 oct. 1991, RJDA 1991, p 887, 2e esp. Paris 27 avr. 1982 D 1982 IR, 499 obs. VASSEUR. 131 Cass. com. 11 janv. 2005, RDBF, mars-avril 2005, act. 32, 13 ; Pau 2e ch., 8 janv. 2007, RDBF, mai-juin 2007, act. 124 obs. CAPRIOLI;

Comm. com. électr. 2007, comm. 58 note DEBET. 132 Cass. com. 8 juin 2010, RDBF nov.-déc. 2010, comm. 202 note CREDOT et SAMIN. 133 Cass. crim. 24 nov. 1983 D. 1984 IR 307 obs. VASSEUR; D 1984 J. 465 note L. de LEYSSAC; RTD com 1984, 321 obs. CABRILLAC

et TEYSSIE; JCP G 1985, II-20450 note GROZE. 134 Par ex: Paris 25 mars 1970 RTDcom. 1970, 754; RTDciv. 1970, 577. 135 TGI Créteil, ch. corr, 15 janv. 1985 D 1985 IR, 344. 136 v. RODRIGUEZ, Fraude à la carte bancaire: vers un renforcement de la sécurité du titulaire, RDBF juillet-août 2010, étude 16.

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708 Utilisations frauduleuses des tiers. En principe, la responsabilité du titulaire d'une carte de paiement n'est pas engagée si le paiement contesté a été effectué frauduleusement, à distance, sans utilisation physique de sa carte (art. L. 132-4 al 1 c. monét. fin. fr.) et l'émetteur de la carte doit alors rembourser à son titulaire la totalité des frais bancaires qu'il a supportés (art. L. 132-5 c. monét. fin. fr.).

Néanmoins, la mise en œuvre de cette responsabilité n'est pas automatique; la jurisprudence exige du

titulaire d'établir la réalité de la distance "l'empêchant d'interdire l'utilisation frauduleuse de la carte ou qu'il est resté en possession physique de sa carte sous peine de le débouter de sa demande en remboursement des débits frauduleux" (137). La personne qui utilise une carte magnétique dont elle n’est pas titulaire - carte volée ou trouvée - est coupable d’escroquerie (138). Jugé que l'utilisation du numéro de carte de crédit par un commerçant après péremption de l'autorisation est un abus de confiance (139).

709 Falsification et contrefaçon. L'article L 163-4 c. monét. fin. fr. sanctionne pénalement toute personne qui

falsifie ou contrefait une carte de paiement ou de retrait, ainsi que ceux qui utiliseraient une telle carte en connaissance de cause et même ceux qui accepteraient un paiement au moyen d'une telle carte. Ce délit est puni des mêmes peines que la falsification de chèque. Le droit libanais ne comporte pas de dispositions similaires, spéciales, sanctionnant la falsification des cartes. A ce propos, il convient de relever que les articles 453 et s c. pén. lib. relatifs au "faux en écritures" ne devraient pas s'appliquer dans la mesure où la carte ne peut être valablement qualifiée d’écrit au sens donné par ledits articles. Au contraire, le délit de contrefaçon peut être valablement invoqué (140). SECTION2 - ASPECTS INTERNATIONAUX Sous cet intitulé, nous envisagerons les opérations de paiement internationales (Sous-section 1), les opérations de compensation (Sous-section 2) et les opérations de change (Sous-section 3). SOUS-SECTION 1 - OPERATIONS DE PAIEMENT INTERNATIONALES Les paiements internationaux s’effectuent suivant le cas par le biais de l’établissement arabe de compensation (Paragraphe 1), les réseaux bancaires (Paragraphe 2), les conventions internationales (Paragraphe 3) et surtout par le système swift (Paragraphe 4). Paragraphe 1 - Etablissement arabe de compensation

710 Présentation. L’établissement arabe de compensation (EAC) a été créé par la loi n°138 du 26 octobre

1999. Il a pour objet d’assurer les transactions et compensations entre les marchés financiers arabes ou entre lesdits marchés et les marchés internationaux. Son siège principal se trouve à Beyrouth et il peut ouvrir d’autres agences. L’établissement exerce son activité après agrément de la BDL sous la forme d’une société anonyme libanaise. Par dérogation à l’article 144 c. com. lib. exigeant la nationalité libanaise pour la majorité des membres du conseil d’administration d’une société anonyme libanaise, l’EAC peut avoir une majorité non libanaise (art. 5). La société est dirigée par un conseil d’administration composé de cinq membres au moins pour une période de trois ans renouvelable. La fédération des bourses arabes désigne l’un d’entre eux et les membres restants sont élus par l’assemblée générale des actionnaires. Son capital ne peut pas être inférieur à cinq millions de dollars américains ou son équivalent en livres libanaises ou toute autre devises étrangères (art. 1 et 3). En principe, aucune saisie ou exécution directe ne sauraient être pratiquées sur les fonds, actions, titres, et dérivés de la société à l’occasion de l’exercice de son activité comme chambre de compensation en remboursement des dettes de la société. En outre, l’EAC bénéficie du secret bancaire dans les termes de la loi de 3 septembre 1956 (art. 10 de la loi). Paragraphe 2 - Réseaux bancaires

711 Action internationale. Pour faciliter leur action sur la scène internationale, les grandes banques se sont

implantées dans les pays étrangers en fondant des succursales, des filiales, voire de simples bureaux de

                                                            137 Paris 9 déc. 2004, JCP E et A 2005, 956 note BOUTEILLER. 138 Cass. crim. 19 mai 1987 Gaz. Pal. 1988 somm., 5; Bordeaux 25 mars 1987, JCP E 1987, II-16645. 139 Cass. crim. 14 nov. 2000, JCP E 2001, 106; RDBF mars-avril 2001, 75 nº 41 obs. CREDOT et GERARD. 140 T. com. Paris 25 févr. 2000, RDBF mai-juin 2000, 165 n° 105 obs. CAPRIOLI.

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représentation. Dans d’autres pays où une implantation juridique est impossible, elles ont conclu des accords avec des banques locales qui acceptent de réaliser les opérations de leur clientèle. Enfin, si la banque n’est pas en mesure de se doter d’un réseau international elle peut toujours recouvrir à un correspondant ou « s’affilier » à une banque disposant elle-même d’un réseau international. Le rôle des banques reste prépondérant dans les opérations internationales. Elles tiennent le rôle de domiciliataire chargé à ce titre d’encaisser les créances de leurs clients sur l’étranger. Elles assurent le fonctionnement des paiements internationaux, les règlements monétaires des échanges internationaux, la circulation et la négociation des instruments de paiement. Elles effectuent des opérations de change, et si elles bénéficient du statut d’intermédiaire agréé, elles jouent le rôle d’agent auxiliaire de la réglementation des changes (141). Paragraphe 3 - Conventions internationales

712 Conventions bilatérales ou multilatérales. Certaines conventions sont conclues entre divers pays pour

faciliter le déroulement des opérations commerciales. Ainsi en est-il de la convention de Genève relative à la lettre de change, au billet à ordre et au chèque, des accords de Bretton Wood , etc. Paragraphe 4 - Système swift

713 Présentation. Le transfert international des fonds s’accommodait mal de la circulation de titres « papier », les banques ont cherché un procédé permettant une exécution rapide et économique de ses transferts. Le fruit de leur effort a abouti en 1973 lorsque plusieurs banques de différents pays ont créé la Society for Woldwide interbank financial telecommunication dite swift. Le swift est un réseau informatique international qui relie les banques adhérentes entre elles et leur permet d’échanger toutes les informations relatives aux opérations bancaires. Le système fonctionne 24 heures sur 24 heures (142). SOUS-SECTION 2 - OPERATIONS DE COMPENSATION Pour éviter les coûts et les aléas des transferts internationaux de fonds qui restent onéreux et aléatoires, la pratique a créé diverses techniques qui reposent sur le netting (Paragraphe 1) ou l’échange (Paragraphe 2). Paragraphe 1 - Netting

714 Présentation. Le netting est évoqué dans l’arrêté n° 8341 du 24 janvier 2003 relatif au règlement de la

compensation électronique des cartes de crédit et de paiement (143). Il est défini comme un mode de paiement par compensation entre deux ou plusieurs contractants permettant à chacun d’eux de ne payer ou recevoir que le solde net de l’ensemble de ses dettes et de ses créances envers les autres (144). Le Conseil national du crédit et du titre français (145) définit le netting comme étant le « mécanisme permettant après réalisation des opérations, en cours, de dégager le solde, de créances et dettes résultant de transactions entre deux ou plusieurs contreparties, puis de les compenser ». Du netting, le CNCT rapproche le « clearing » qui est le mécanisme de compensation et le « set-off (settlement) » qui désigne l’opération de compensation telle que visée à l'article 1289 c. civ. (146). Le netting tend à simplifier les règlements entre les sociétés. Ainsi lorsqu’une entreprise multinationale ayant des filiales dans différents pays effectue de nombreux transferts de fonds entre ses filiales, le netting permet d’opérer une compensation entre les dettes et créances de chaque filiale et d’établir un solde pour chacune d’elles. Le netting peut donc s’opérer entre les sociétés en dehors de toute intervention bancaire (147). La banque intervient en tant que prestataire de services des sociétés adhérentes chargée de mettre en œuvre le système par le terme des comptes dans différents pays. Le netting connaît une variante: le « close-out netting » qui permet le calcul d’un solde net de créances lorsqu'une des contreparties est soumise à une procédure de redressement

                                                            141 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 351 n° 352. 142 DANCHY, Moyens de paiements internationaux: le système SWIFT tel que le pratiquent les banques du nord de la France, RDBB 1988,

148). Ce système est actuellement réglementé au Liban par l’arrêté 8339 du 16 janvier 2003 (JO n° 7 du 30 janv. 2003, 684. 143 JO n° 9 du 6 févr. 2003, 995s sp., 997. 144 MATTOUT, Le netting, Rev. jur. com. n° spécial 1989, 65s. 145 CNCT, Problèmes juridiques liés à la dématérialisation des moyens de paiement et des titres, Annexes au rapport, mai 1997, 16. 146 ROUSSILLE, Les conventions –cadre de place financière, Analyse comparée des conventions ISDA 1992 et AFB 1994, mémoire DEA

francophone de droit des affaires, Paris I, 1998 sous la direction du Professeur BEGUIN p 38-39. V également AUCKENTHALER, Compensation, remise en garantie, cession: le nouveau régime des créances afférentes aux opérations sur instrument financier : art. 52 de la loi du 2 juill. 1996 ; JCP I 1996, 594, spéc. n° 20.

147 Art. 5 arrêté 8341/2003.

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judiciaire (148). Autrement dit, « la partie non-défaillante doit, en cas de faillite, pouvoir être autorisée à résilier la convention-cadre, soit d'office, soit à son initiative et prononcer ainsi l'exigibilité anticipée des opérations ». C'est le sens des termes «close-out » (149). Paragraphe 2 - Echange

715 Double vente. Ce système remplace les transferts de fonds par des transferts de marchandises. L’acheteur

étranger paie en nature, généralement en fournissant des produits de sa production. Ce mécanisme évite les transferts des fonds et le risque de change. Les deux parties procèdent à une double vente et les créances réciproques qui en résultent s’éteignent par compensation. La compensation est donc le mode de paiement voulu par les parties pour solder une double vente. Selon les modalités prévues par les parties, l’opération sera qualifiée d’échange ou une vente avec dation en paiement.

716 Pré-compensation. C’est le mécanisme par lequel une entreprise généralement occidentale achète des

matières premières à un pays en voie de développement. Une autre entreprise occidentale aussi exporte dans ce même pays des biens d’équipements. Il n’y aura pas de règlement. Les sommes dues en paiement des matières premières seront remises à l’exportateur occidental de biens d’équipement au lieu d’être transférées à l’exportateur étranger. L’opération suppose une double compensation. Les fonds correspondant à l’achat des matières seront remis à l’importateur occidental par l’intermédiaire d’un compte bancaire. Les fonds correspondant à l’achat des biens d’équipement seront remis à l’exportateur de matières premières, également par l’intermédiaire d’un compte bancaire (150). SOUS-SECTION 3 - OPERATIONS DE CHANGE

717 Présentation. L’opération de change est celle qui consiste à échanger deux ou plusieurs monnaies entre

elles: conversion de monnaies étrangères entre elles ou conversion de la monnaie nationale en monnaie étrangère ou inversement. Ces monnaies sont aussi appelées des devises. Le change est l’une des activités bancaires les plus anciennes. La lettre de change doit précisément son nom à sa fonction première qui était la réalisation d’une opération de change. De nos jours, le change a pris une énorme importance du fait des déplacements fréquents de personnes d’un pays à un autre mais surtout par suite de développement du commerce international. L’entreprise importatrice doit souvent se procurer des devises étrangères pour payer au vendeur le prix convenu. De son côté, l’entreprise exportatrice recevant de son client un paiement aux devises étrangères voudra obtenir des devises nationales en échange. La banque peut valablement procéder personnellement ou par intercession aux opérations de change lesquelles font partie intégrante des opérations de banque (151 ). La banque ne peut procéder unilatéralement au change sous prétexte de remboursement d’un crédit en devises étrangères à peine non d’annulation de l’opération de change mais de la condamner aux dommages- intérêts notamment à la différence du taux de change (152). En tout cas, l’Assemblée plénière de la Haute cour libanaise décide qu’il n’existe pas une obligation de change de plein droit à la charge de la banque au profit de ses clients particulièrement en cas de fluctuation des devises; elle ne répond que des obligations d’information et de conseil (153). Nous évoquerons les techniques (Paragraphe 1) et le contrôle (Paragraphe 2) du change. Paragraphe 1 - Techniques du change A côté des opérations de change proprement dites existent les opérations au comptant ou à terme et les swaps. A cela, il faut ajouter les opérations reposant sur l’euro.

718 Opérations de change. Le change manuel consiste à échanger des espèces étrangères contre leur contre-valeur en monnaie nationale, ou l’inverse. Par exemple, une personne se présente au guichet d’une banque et demande la conversion de monnaie nationale en devises étrangères. Le recours à ce procédé est réduit, il est surtout pratiqué pour le déplacement des personnes à l’étranger. Le change scriptural s’effectue par transfert d’un compte à un autre sans déplacement matériel de monnaie. Le banquier national met à la                                                             148 ROUSSILLES, 40. 149 BOSSIN et LEFRANC, La compensation des opérations de marchés à terme, Banque n°545, févr. 1994, 58 préc., 59. 150 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 352 n° 355. 151 JU Beyrouth 16 déc. 1993, Grds arrêts, vol 10, 49 ; Cass. civ. lib., 28 mai 1992, Baz 1992, 442. 152 Beyrouth 14 févr. 1995, Rev. jud. lib. 1995, 407. 153 Cass. Ass. plén. lib., 10 juill. 2008, Cassandre 2008/7, 1524.

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disposition de son client auprès d’une banque étrangère les avoirs en compte demandés. A cet effet, la banque adresse à son correspondant dans ce pays un télex ou un message informatique selon le système swift opérant virement de compte à compte. Le paiement et le change également s’effectuent par un jeu d’écritures.

719 Opérations au comptant ou à terme. Dans le marché au comptant, le change s’opère de façon instantanée

avec délivrance immédiate des devises. L’opération de change peut être stipulée à terme: les devises doivent alors être livrées à une date ultérieure fixée par les parties; elles seront payées à la même date mais au cours du jour de la conclusion du contrat. Ce procédé a pour but d’éviter à l’entreprise les risques des variations des cours. La banque qui consent à son client des achats ou ventes à terme de devises doit se garantir contre les risques de variation des cours. Pour cela, elle dispose de certains moyens: d’abord, elle essaie de trouver une personne désireuse d’assurer la contrepartie, si, par exemple, les ordres de vente ont diminué, constituant ainsi un solde vendeur, la banque pourra rechercher un autre intermédiaire disposant d’un solde acheteur à terme, ensuite, elle n’envoie pas les ordres qu’elle reçoit de ses clients dans le même sens afin d’espérer une compensation entre eux. Ainsi, si les exportateurs craignent une baisse de devises, les importateurs à l’inverse craignent une hausse de devises. Mais, en réalité, la compensation entre les différents ordres ne se réalise jamais. Inévitablement apparaît toujours un solde acheteur ou un solde vendeur. A défaut, et en présence d’un solde vendeur, le banquier procède à une vente au comptant du même montant de la devise qu’il devra livrer à terme. N’ayant ainsi conservé aucune somme dans cette monnaie, il est couvert contre une baisse avant l’échéance des ordres de vente. En cas de solde acheteur, il achète au comptant la quantité des devises correspondantes; une hausse ne lui causerait dès lors aucun préjudice puisqu’il possède déjà les devises nécessaires à l’exécution des ordres d’achat à terme de ses clients. Cela étant, en pratique, lorsque le banquer achète au comptant les devises considérées, il les prête et compense ainsi l’immobilisation des capitaux utilisés à les acquérir. C’est de la technique de ces couvertures à terme d’opérations de change qu’est née la technique des swaps.

720 Swaps. Le swap est une technique financière qui a pour finalité de stabiliser les risques de taux de change

et d’intérêt (154). Dans les swaps de devises, deux partenaires se remettent réciproquement des sommes équivalentes dans deux devises différentes et conviennent de se les restituer à une ou plusieurs dates définies. Le swap d’intérêts suppose que deux personnes ou entreprises sont endettées à des conditions d’intérêts différentes (taux fixe/taux variable, etc.). Elles s’entendent pour prendre en charge le montant des intérêts dus par le partenaire sans que les obligations envers les prêteurs soient affectées. Le swap n’entraîne pas changement de débiteur. Concrètement, un compte des intérêts payables à chaque échéance est établi et le versement de la différence apparaissant dans un sens ou dans l’autre est effectué. Dans les deux cas, le contrat conclu est indivisible (155). Les swaps ne sont pas des opérations de banque au sens du code monétaire et financier. Ils ne sont assimilables ni aux dépôts de fonds ni aux opérations de crédit, ni à la gestion des moyens de paiement. Ils échappent donc au monopole bancaire. La formation du contrat de swap n’est soumise à aucune forme particulière. C’est une opération de gré à gré. Aucune réglementation n’existe à ce jour. Néanmoins des formules types ont été établies par certains organismes professionnels: conditions de l’international swap dealer association (ISDA) de la britsh bankers association et celles de l’association française des banques.

721 Opérations en euros. L’euro-devises est le marché des devises sorties de leur pays d’origine. Le

qualificatif « euro » vient de ce que les places de disponibilité sont le plus souvent européennes. Le préfix « pétro » sert à désigner les devises (surtout dollars) détenues par les pays producteurs de pétrole. En outre, il existe sur le marché des euro-crédits et euro-émissions. Ce sont des crédits, ou des émissions d’obligations, consentis dans un cadre international, le plus souvent par un syndicat de prise bancaire également international. Paragraphe 2 - Contrôle des changes

722 Réglementation des opérations en devises. La banque peut prendre des positions de change créditrices ou

débitrices. La constitution des positions fixes fait l’objet d’un accord préalable de la Banque du Liban. La surveillance des positions de change vise à instaurer un système de contrôle interne et d’imposer des ratios. En outre, les banques doivent comptabiliser des opérations en devise. De manière générale, on distingue

                                                            154 BOULAT et CHABERT, Les swaps, technique contractuelle et régime juridique, Nassou 1992, 66s. 155 GAVALDA et STOUFFLET, 420 n° 787.

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quatre catégories d’opérations: celles qui visent à maintenir des positions ouvertes isolées; celles qui visent à couvrir le risque affectant un ensemble d’éléments homogènes; celles qui visent à couvrir et gérer le risque global des taux de l’établissement; celles qui permettent une gestion spécialisée d’un porte-feuille de transactions comprenant des contrats déterminés d’échange de taux d’intérêts ou de devises ou d’instrument ou de titres équivalents. Ces opérations doivent être comptabilisées dans des comptes séparés lors de chaque arrêté, et être enregistrées de manière spécifique. Les banques intervenant dans les opérations de change peuvent engager leur responsabilité à un double titre: en qualité d’intermédiaire agréé chargé de faire respecter la réglementation des relations financières avec l'étranger et en qualité de prestataire de services. A l’égard de leurs clients les banques assument un devoir de conseil et pourraient notamment être tenues pour responsables de la violation de la réglementation par un client mal conseillé. En outre, une obligation de diligence pèse sur la banque dans l'accomplissement des opérations. Notamment, une lenteur excessive d'exécution pourrait entraîner un préjudice pour le client à la suite d'une dévaluation et justifierait l'octroi d'une indemnité à la charge de la banque.

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VALEURS MOBILIERES ET INSTRUMENTS FINANCIERS

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CHAPITRE 3 - SERVICES RELATIFS AUX VALEURS MOBILIERES ET AUX INSTRUMENTS FINANCIERS

723 Présentation. La notion d’instrument financier n’a pas été définie par le législateur libanais. La récente loi

n° 161 du 17 août 2011 relative aux marchés financiers (1) évoque cette notion par énumération. L’article premier de la loi précise que le terme « instruments financiers » signifie: a) Les actions, ou titres ou parts émises par une société ou un organisme public ou privé. b) Les titres d’obligations, actions, titres, certificats, bons de dépôt ou bons de trésor. c) Les droits financiers ou droits d’option ou contrats futurs ou autres produits financiers dérivés ou structurés. d) Tous instruments financiers autorisés par les lois et règlements en vigueur à l’exception de ceux interdits par la présente loi (2). En outre, l’article 453 c. com. lib. définit les valeurs mobilières comme étant: « Les actions, obligations, rentes et tous autres titres négociables qui, émis en bloc et représentant des droits à des sommes d’argent identiques, sont susceptibles d’avoir un cours sur un marché de valeurs, peuvent être nominatifs, soit au porteur, soit à ordre (3

). Il en résulte que les valeurs mobilières sont des titres négociables en contrepartie d’un emprunt obligataire et qui, dans le cadre d’une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale ». Les valeurs mobilières se sont dématérialisées (4) ou mieux « scripturalisées », en ceci qu’elles ne sont plus représentées que par une inscription en compte, tenu soit par la société émettrice soit par un intermédiaire habilité, et qu’elles se transmettent par virement de compte à compte à l’instar de la monnaie scripturale (5). Les banques ou établissements financiers proposent différents services dont: placement de titres (Section 1), portage d’actions (Section 2), ordres de bourse (Section 3), dépôt de titres et valeurs mobilières (Section 4), gestion de portefeuille (Section 5), et contrats de fiducie-gestion (Section 6). SECTION 1 - PLACEMENT DE TITRES

724 Relation banque et société émettrice. La banque intervenant dans l’émission de valeurs mobilières entre

en relation juridique avec la société émettrice pour le compte de laquelle elle procède à l’opération. Ces relations sont généralement durables, le placement des titres ne pouvant s’effectuer en un jour. Il est donc indispensable d’organiser les rapports de la banque avec la société. Pour cela, plusieurs formules peuvent être utilisées. La solution la plus simple consiste à s’en tenir à un mandat par lequel la société émettrice charge une ou plusieurs banques de placer ses titres dans le public dans le cadre d’un « pool » ou consortium de banques. Les placeurs restent alors indépendants les uns des autres, même si l’un d’eux a parfois un rôle prépondérant qui le fait qualifier de « chef de file ». De même, les placeurs peuvent créer une société encore appelée syndicat financier dont le gérant traitera avec l’établissement émetteur et dont les membres se répartiront les bénéficies ou les pertes de placement, selon les stipulations sociales. Mais, en pratique, c’est la société en participation qui est préférée. Ce défaut de personnalité juridique (6) n’entraîne aucune gêne pour la réalisation d’une opération ponctuelle. Le caractère occulte de la société constitue un avantage dans les milieux financiers où la discrétion est appréciée. La gérance est alors assumée par la banque chef de file. Selon les principes généraux, les tiers traitant avec un membre de la participation ne connaissent que cette personne et n’ont pas à tenir compte de l’existence de la société. Cette dernière ne joue donc son rôle que dans les relations entre membres. La constitution de la société est extrêmement simple et se présente comme la conclusion d’un contrat. La société en participation peut être civile ou commerciale, mais en l’occurrence, son objet lui donnera un caractère commercial.

725 Modalités de placement. Pour le placement des titres, la banque recourt à différentes modalités de

placement qu’on peut répertorier en trois types d’accord: dans la technique de placement pour compte, la banque ne souscrit aucun engagement personnel, elle ne répond pas du résultat de l’opération. Son rôle se limite à prêter ses guichets. Dans ce cas, elle est simple mandataire et perçoit à titre de rémunération une

                                                            1   JO n° 39 du 25 août 2011, 3083. 2   V. arrêté interm. n° 10852 du 7 déc. 2011 tel que modifié par l’arrêté interm. n° 10983 du 30 avr. 2012 relatif aux opérations sur les

produits dérivés financiers. 3   L’article 1 de l’arrêté interm. n° 10851 du 7 déc. 2011 relatif au crédit contre garantie des titres des valeurs dont l’article 1 définit les

titres de valeurs mobilières comme étant « les actions et titres au sens de l’article 453 c.com.lib. émis au Liban ou à l’étranger ». 4 FOYER, La dématérialisation des valeurs mobilières en France, Mélanges FLATTET 1985, 21 ; GUYON, Les aspects juridiques de la

dématérialisation des valeurs mobilières, Rev. soc. 1984, 451. 5 Actions, obligations, certificats, etc. ; v. art. 453 c. com. lib. 6 Un pool bancaire n’a pas la personnalité morale. Ainsi le banquier chef de file ne peut en l’absence d’un mandat écrit, procéder aux

déclarations de créances des banques du pool: Cass. com. 21 mars 2000 obs. GUILLOT, Banque n° 616 juin 2000, 76 s ; ZEIN, Les pools bancaires, Economica 1998.

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VALEURS MOBILIERES ET INSTRUMENTS FINANCIERS

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commission qui consiste généralement en un pourcentage sur le montant des titres souscrits grâce à son intervention. Dans la technique du placement avec garantie, la banque s’engage à souscrire les valeurs non placées dans le public et qui resteraient disponibles à la date fixée pour la clôture des opérations. Si le placeur est un pool bancaire, les participants conviennent d’avance des modalités de répartition entre eux des titres restants. La société émettrice est donc certaine que la souscription sera intégralement réalisée dans un délai déterminé. Ce qui constitue une assurance très importance. En contrepartie, les placeurs obtiendront une commission de garantie évidemment plus élevée que la simple commission de placement. Dans une dernière modalité, la banque souscrit immédiatement les titres et les revend dans le public pour son propre compte. Elle n’a donc plus la qualité de mandataire mais de fondateur. De ce fait, aucune rémunération ne doit être prévue, le placeur trouvant la satisfaction de ses intérêts dans le bénéfice retiré de la revente.

726 Responsabilité des banques. La banque ayant participé au placement des titres d’une société risque de voir

sa responsabilité engagée à la suite de l’opération. Il peut en être ainsi d’abord à l’égard de l’émetteur: la banque a pris des engagements envers ce dernier et la violation de ces engagements mettront en jeu sa responsabilité contractuelle (7). De même engage-t-elle sa responsabilité à l’égard des tiers. Cependant, ici, il faut distinguer:

1- lorsque le placeur a agi en qualité de mandataire de l’émetteur, il ne peut être tenu des fautes commises par ce dernier, dans la mesure où il n’en a pas été complice. Le placeur n’est ni la caution ni le codébiteur de l’émetteur (8). Ainsi par exemple, une publicité mensongère émanant de la société émettrice ne saurait lui être imputée s’il n’y a pas participé. En effet, le banquier mandataire n’a pas à contrôler le comportement de son mandat; on ne peut même pas lui reprocher de n’avoir pas pris les mesures nécessaires à la protection des souscripteurs dans la mesure où il ne les représente pas (9). La banque ne tient que le rôle d’intermédiaire mettant en relation les souscripteurs avec les émetteurs. De même, le banquier qui fait souscrire des actions ou obligations comme mandataire d’une société émettrice n’encourt envers le souscripteur aucune responsabilité contractuelle ; il n’a souvent aucun rapport juridique avec lui et n’est tenu d’aucune obligation à leur égard. Plus particulièrement, la banque ne contracte à l’égard des souscripteurs aucune obligation de paiement des intérêts (10). Cependant, la banque reste tenue de son fait personnel dans les termes de droit commun de la responsabilité délictuelle au quasi-délictuelle. En revanche, sa responsabilité délictuelle peut être engagée si elle a personnellement commis, dans l’exécution de sa mission des fautes pour faciliter le placement telles que des affirmations erronées sur la prospérité de l’entreprise ou encore de fausses attestations de dépôts des fonds correspondant aux apports (11).

2- lorsque le placeur a la qualité de fondateur c’est-à-dire lorsqu’il a souscrit les titres au moment de la constitution de la société pour les revendre, il y a lieu d’appliquer les dispositions de droit commun relatives au contrat de vente: sa responsabilité sera donc appréciée dans les mêmes termes qu’un vendeur (12). De même, la responsabilité pénale des banquiers pourra être mise en jeu dans les termes du droit commun. Ainsi selon le cas ils seront poursuivis pour escroquerie, abus de confiance, etc. SECTION 2 - PORTAGE D’ACTIONS

727 Présentation. Le portage d’actions est une convention par laquelle la banque dite porteur, acquiert

momentanément un nombre déterminé d’actions qu’elle s’engage à revendre à son client, donneur d’ordre ou même à un tiers dans des conditions de prix et de délais déterminées (13). L’opération de portage procure à la banque une certaine sûreté: la banque reste propriétaire des titres de l’emprunteur tant que ce dernier n’a pas remboursé les sommes prêtées. Du côté du client, l’opération de portage lui assure en sa qualité de futur propriétaire une certaine discrétion. La convention de portage ne fait pas l’objet d’une réglementation propre. Aussi sa nature reste controversée. Certains y voient une cession d’actions assortie d’une clause de réméré ou d’une condition résolutoire. D’autres y décèlent une double promesse: promesse

                                                            7 T. civ. Seine, 7 juill. 1925, DH 1925, 525 cité par RIPERT et ROBLOT, 516 n° 2463. 8 Cass. civ. 14 août 1878, D. 1879, 1, 57. 9 JU Beyrouth 16 avr. 1987, Rep. drt banc., 631s sp. 634 mfn 02539. 10 Trib. com. Orléans 15 juin 1927, Rev. sociétés 1928, 300. 11 Req. 26 oct. 1936, S 1938, 1, 49 note ROUSSEAU. 12 RIPERT et ROBLOT n° 2463, 716 et les réf. citées. 13 SOUMRANI, Le portage d’actions, Bibl. dr. privé T 260 LGDJ 1996.

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unilatérale de vente au porteur et promesse unilatérale d’achat du donneur d’ordre. Or, la rencontre de ces deux types de promesses réalisent la vente (14): ce que les parties veulent éviter.

728 Validité du portage. La validité même de cette convention a été remise en cause parce qu’elle a été

assimilée aux clauses léonines nulles en application de l’article 1844 alinéa 1 c. civ. (15). Cependant, telle ne semble pas être la position de la chambre commerciale qui admet la validité de la convention de portage, considérant qu’elle n’affecte pas l’affectation des bénéfices et des pertes sociales mais ne concerne que les relations entre les parties (16). SECTION 3 - ORDRE DE BOURSE Nous évoquerons la transmission de l’ordre de bourse (Sous-section 1) et son exécution (Sous-section 2). SOUS-SECTION 1 - TRANSMISSION DE L’ORDRE DE BOURSE

729 Nature du contrat. L'expression « ordre de bourse » désigne à la fois les directives données par

l'opérateur (l'ordre au sens courant) et le contrat conclu entre cet opérateur et un intermédiaire qui peut être la banque. Dans ce second sens, il s'agit d'un contrat de commission. L'article 279 c. com. lib. définit le commissionnaire comme étant la personne qui agit en son propre nom pour le compte d'un commettant. L'identité de ce dernier n'est donc pas en principe révélée aux tiers. C'est en cela que la commission se distingue du mandat ordinaire, le mandataire n'agissant pas sous son propre nom mais sous celui du mandant. Par conséquent, lorsque la banque transmet à la société de bourse un ordre relatif à des titres au porteur, la société ne connaît que la banque qu'elle considère comme son donneur d'ordre (17). Il n’existe pas de rapports directs entre le donneur d’ordre et la société de bourse (18) mais il en existe bien évidemment entre le banquier et la société de bourse (19). En revanche, lorsque l’ordre porte sur des titres nominatifs, de sorte que l’identité du commettant est alors nécessairement dévoilé, ou lorsque le banquier agit expressément au nom de celui-ci, il y a lieu de qualifier le contrat en une substitution de mandat (20) et le client dispose alors d’une action directe contre la société de bourse en vertu de l’article 1994 alinéa 2 c. civ. (21). Ce contrat a le caractère commercial à l’égard de la banque notamment si elle est commissionnaire, l’article 6 alinéa 8 c. com. lib. réputant commerciale « l’entreprise de commission ». En revanche, l’opération sera le plus souvent civile pour le donneur d’ordre.

730 Formation du contrat et preuve. La formation du contrat n’est soumise à aucun formalisme. L’absence de

formalisme se justifie par la nécessité d’une intervention rapide (22). Cependant, dans la pratique, les banquiers exigent une confirmation écrite des ordres donnés oralement. N’étant soumis à aucun formalisme, un accord verbal suffit pour prononcer l’ordre de bourse. Toutefois, un délicat problème de preuve est alors susceptible de se poser. Le principe de liberté de la preuve ne s'appliquant qu'en matière commerciale, il faudrait normalement imposer au banquier agissant contre son client les moyens civils de preuve, c'est-à-dire presque toujours la preuve par écrit (23). La jurisprudence écarte cependant cette exigence dans la plupart des cas en prenant en considération les usages bancaires. Ces usages admettent que l'ordre de bourse soit donné verbalement, souvent par téléphone, et transcrit aussitôt sur un registre tenu à cet effet par la banque. Sans doute les mêmes usages exigent-ils une confirmation mais, il n'est pas indispensable que celle-ci soit contenue dans un écrit émanant du client. Elle peut se déduire du silence observé par ce dernier après réception d'un avis d'opéré et du relevé de son compte constatant le résultat de l'opération. Le silence ne vaut cependant acceptation que lorsque les circonstances justifient une telle interprétation, par exemple, lorsque les parties sont en relations d'affaires continues (24). La banque a la

                                                            14 Cass. com. 16 janv. 1990, JCP G 1991, II-21748 cité par RIPERT et ROBLOT, 524 n° 2476. 15 Cass. civ. 1er 7 avr. 1987, JCP G 1988, II-21006 ; v BOYER, Clause de substitution et promesse unilatérale de vente, JCP, G, 1987, I-3310

v. annexe. 16 Cass. com. 10 janv. 1989, JCP G 1989, II-21256 obs GERMAIN; JCP E 1989, II-15492 obs VIANDIER; dans le même sens, Cass. com.

24 mai 1994, D. 1994, J, 503 note COURET ; Bull. joly 1994, 797 note LE CANNU. 17 DIAB, Les opérations de bourse sur l’internet en droit libanais, Al Adl 2001, 11. 18 Rennes 25 juin 1930 D. 1931, 2, 59 note LACOUR; Douai 20 nov. 1948 D. 1949, 173. 19 Cass. req. 19 mai 1930 DH 1930, 364. 20 RIPERT et ROBLOT, 521 n° 2473. 21 Cass. req. 30 avril 1895 D 1895, 1, 337 cité par RIPERT et ROBLOT Ibid ; cf art 277 c. oblig. c. 22 Versailles 23 sept. 1993, JCP E 1994, 1, 378 n° 30 obs. GAVALDA. 23 Art. 254 nouv. c. proc. civ. lib ; art. 1341 c. civ. 24 Reims 9 juin 1975, Banque 1976, 91 obs. MARTIN.

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faculté de refuser la mission qui lui est confiée. Le défaut de réaction après réception de l'ordre du client devrait toutefois être considéré comme un accord. SOUS-SECTION 2 - EXECUTION DE L’ORDRE DE BOURSE

731 Instructions. La banque ayant accepté les directives contenues dans l'ordre de bourse commettrait une

faute en n'accomplissant pas les opérations demandées. Le banquier est tenu de se conformer aux instructions de son client. A ce propos, la banque doit exécuter l’ordre d’achat durant sa durée de validité; passée cette durée, l’ordre devient caduc et la banque ne peut plus engager le donneur d’ordre (25). Les règles du mandat sont ici applicables, dès lors que le client donneur d’ordre est lié avec le collecteur d’ordres qu’est sa banque dans le cadre d’un mandat de transmission d’ordres (26). Or, précisément, le mandant n’est lié que par les actes du mandataire faits dans la limite de ses pouvoirs. L’acte fait par ce dernier en dépassement de ses pouvoirs est inopposable au mandant ou plus exactement, est sans effet à son égard (27

). Il ne peut en sa qualité de mandataire refuser les ordres de son mandant. Même si l’opération qui lui est demandée d’effectuer est contraire aux intérêts de son mandat il doit s’exécuter, surtout si ce denier n’est pas un profane du monde des affaires et de commerce ou inexpérimenté, sous peine de réparer le préjudice subi par le mandant. En revanche, si les instructions données à la banque ne sont ni claires ni précises, nulle responsabilité ne peut être reprochée à la banque pour inexécution ou exécution fautive desdites instructions (28

). La banque doit en sa qualité de mandataire soumise à une obligation de diligence transmettre fidèlement et rapidement à l'agent de change les instructions reçues et notamment celles concernant les cours auxquels les achats ou les ventes doivent être effectués (29

). Dans certaines situations, la banque est d'ailleurs amenée à prendre des initiatives. C'est le cas surtout dans les opérations à terme; au jour de l'échéance, un choix rapide doit être fait entre les diverses solutions possibles: liquider, faire reporter, etc. A défaut de directives, on estime généralement que la banque doit agir au mieux des intérêts de son client (30). Exceptionnellement, les banquiers pourraient invoquer l’usage pour justifier une opération qu’ils ont fait exécuter d’office (31). Le banquier doit rendre compte de l'exécution de sa mission. Il le fait par un avis d'opéré qui relate les conditions de la tractation: date, nombre de titres, cours. Le client recevant cet avis doit immédiatement formuler ses objections. Comme on l'a vu, son silence serait vraisemblablement considéré comme une ratification, surtout si l'opération décrite dans l'avis d'opéré n'était pas isolée. L'accord du client porte alors non seulement sur le principe de l'opération mais aussi sur ses modalités.

732 Obligations du banquier. La banque répond certainement du manque de son obligation d’information qui

pèse sur l’intermédiaire boursier et qui a pour finalité non seulement de remettre une notice à son client mais aussi de l’informer des risques encourus hors le cas où ce dernier en avait connaissance (32). Cette obligation d’information lui incombe en vertu de l’obligation de loyauté qui pèse sur elle (33). Parfois l’obligation d’information sera accompagnée d’un devoir de mise en garde notamment en cas de placement à caractère spéculatif (34). Le devoir de mise en garde dont le professionnel est débiteur à l’égard de son client, doit s’apprécier in concreto au regard de la connaissance que peut avoir ce dernier du marché et notamment du marché à terme, et des risques générés par les opérations spéculatives (35). La banque ne doit mettre en garde son client contre les risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme que dans le mesure où il n’en a pas connaissance (36). Le banquier n’est pas tenu pour autant d’une obligation spontanée de conseil à l’égard de son client. En revanche, lorsqu’un conseil est donné il doit être adapté à la situation personnelle du client dont il avait connaissance. Si le conseil est avéré inadapté, la banque commettrait une faute sans laquelle le client n’aurait pas procédé aux opérations génératrices de pertes (37). Le préjudice subi par la victime du conseil inadéquat se mesure par rapport au résultat d’un                                                             25 Cass. com. 26 mars 2008, RDBF juill.-août 2008 comm. 95 note CREDOT et SAMIN.

DE VAUPLANE, BORNET, Droit des marchés financiers, Litec 3eéd.,n° 926. ;BONNEAU et DRUMMOND, n° 184

27 CREDOT et SAMIN note préc. 28  Beyrouth 18 mai 1999 Al Adl 2001, 86. 29  Cass.civ. 19 mars 1996,Banque n°571 juin 1996, 92 obs. GUILLOT. 30 Lyon 30 oct. 1974, JCP G 1975 II-18035 note BOITARD. 31 Cass. com. 6 juill. 1964, JCP G 1965, 2-14024 note GAVALDA cité par RIPERT et ROBLOT, 521 n° 2475. 32 Cass. com. 19 sept. 2006, Bull. civ. IV n° 186. 33 Cass. com. 9 mai 2001 rapp. par CREDOT et GERARD obs. préc., 280, v aussi Cass. com. 3 juill. 2001 juris-data n° 2001-010513 ; Cass.

com. 5 nov. 1991, Banque n° 538 juin 1993, 97 obs. GUILLOT. 34 Cass. com. 5 févr. 2008, juris-data n° 2008-042 695. 35 Cass. com. 24 oct. 2000, RDBF, n° 1 janv.-fév. 2001, 29 n° 33 obs. CREDOT et GERARD. 36 Cass. com. 22 mai 2001, RDBF n° 5 sept.-oct. 2001, 280 n° 176 obs. CREDOT et GERARD. 37 Cass. com. 8 avr. 2008, RDBF, juill.-août 2008 comm. 96 note CREDOT et SAMIN.

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investissement qui aurait été adapté à sa situation personnelle. C’est en revanche, la notion de perte de chance qui est retenue en cas de manquement du prestataire à son obligation de mise en garde (38). Par ailleurs, il convient de signaler que le droit libanais réprime désormais le délit d’initié en vertu de la loi n° 160 du 17 août 2011 relative à « l’interdiction de l’exploitation personnelle d’informations privilégiées sur les marchés financiers » (39). Cette loi, rappelons le, vise à incriminer les personnes qui, rompant l’égalité des chances, exploitent par anticipation en connaissance de cause (par des opérations qu’elles réalisent pour leur compte ou celui d’autrui, ou qu’elles permettent à des tiers mis au courant de réaliser) une information non connue du public qui influerait sur le cours des valeurs mobilières concernées, et dont elles ont connaissance du fait de leur situation au sein de l’établissement émetteur comme organe de direction, ou d’administration, ou en raison de leur participation au capital, ou, en dehors de celui-ci, dans l’exercice de leurs fonctions ou de leur profession. SECTION 4 - DEPOT DE TITRES ET DE VALEURS MOBILIERES Nous envisagerons, tour à tour, le contrat de dépôt (Sous-section 1) et les certificats de dépôt (Sous-section 2). SOUS-SECTION 1 - CONTRAT DE DEPOT Nous évoquerons la constitution du contrat (Paragraphe 1) et son exécution (Paragraphe 2). Paragraphe 1 - Constitution du contrat

733 Définition. Aux termes de l’article 308 c. com. lib.: « Lorsque le dépôt bancaire a pour objet des titres de

crédit, la propriété des titres reste au déposant ». Il en résulte que le dépôt bancaire de titres de crédit répond à la définition de l’article 690 c. oblig. c.: un contrat par lequel le dépositaire reçoit une chose mobilière du déposant avec l’obligation de la garder et de la restituer. Toutefois, alors que ce dernier article proclame en droit commun le principe de la gratuité du dépôt sauf convention contraire (40), en matière de dépôt bancaire, il y a lieu d’appliquer la règle de l’article 259 c. com. lib. suivant laquelle aucune prestation commerciale de travaux ou de services n’est présumée faite à titre gratuit, la rémunération devant en être à défaut de convention fixée par l’usage.

734 Formation et preuve. Le contrat de dépôt se forme par la remise des titres au banquier dans les termes

d’une convention-cadre préparée par celui-ci. Le dépôt est un acte conservatoire, ce qui a pour effet de libérer la banque de toute obligation de vérification relative à la capacité du déposant. Du côté du banquier, ce contrat est toujours commercial. Du côté du déposant, le caractère civil ou commercial dépendra de la qualité de commerçant ou non de ce dernier. Les titres peuvent être déposés dans un compte joint, il sera alors soumis aux dispositions de la loi du 19 décembre 1961 (art. 3L 159/99).

735 Vérification. La banque n’est pas tenue de vérifier l’identité du déposant, ni son droit de propriété sur les

titres déposés. En effet, aux termes de l’article 694 c. oblig. c.: « Il n’est pas nécessaire pour la validité du dépôt entre les parties, que le déposant soit propriétaire, ni même possesseur à titre légitime de la chose déposée ». De même, aux termes de l’article 454 alinéa 2 du même code: « Tout détenteur du titre est censé avoir qualité pour exercer les droits afférents à ce titre ». Il y a donc une présomption de qualité pour disposer des titres. Cependant, il convient de relever, que la propriété d’un titre nominatif est établie par une inscription faite au nom du propriétaire sur les registres de l’établissement émetteur. La propriété du titre résulte de cette inscription même (art. 455 c. com. lib.). Ainsi le dépôt d’un titre nominatif devra passer par la vérification préalable de l’identité de son porteur. Paragraphe 2 - Exécution du contrat

736 Mandat. En principe, le dépôt de titres en banque est assorti par la convention ou par l’usage d’obligations

accessoires telles que la perception des intérêts, des dividendes ou du prix de l’amortissement, la vérification des tirages, le recouponnement, etc. C’est à raison de ces obligations que le troisième alinéa de

                                                            38 Cass. com. 12 févr. 2008, juris-data n° 2008-042-781. 39 JO n° 39 du 25 août 2011, 3081. 40 Art. 690 al. 2 c. oblig. c.: « Le dépositaire n’a pas droit à rémunération pour la garde, à moins que le contraire n’ait été convenu ».

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l’article 308 c. com. lib. prévoit l’application aux dépôts dans lesquels la banque se charge de l’administration des titres moyennant une commission, des règles du mandat (41). La doctrine estime qu’il s’agirait plutôt d’un louage d’ouvrage ou de services (42). L’obligation de la banque dépositaire des titres en ce qui concerne la perception des intérêts, des dividendes, ou du prix de l’amortissement et des lots, est considérée comme imposée à la banque par l’usage en dehors même de toute convention et comme résultant de la nature de la chose déposée.

737 Information. Les obligations du dépositaire présentent un aspect particulier lorsque le dépôt a pour objet

des valeurs mobilières. Ainsi en plus des obligations principales découlant du dépôt, il est débiteur de certaines obligations accessoires sans qu’il soit nécessaire qu’une clause du contrat le dise et par le seul effet de l’usage: encaisser les coupons (art. 712 c. oblig. c.) et signaler au client les opérations à effectuer sur les titres (échanges, renouvellements, augmentations de capital, droit de souscription, actions gratuites), ce que l’on appelle parfois l’information « administrative ». En revanche, on ne saurait admettre que, dans le cadre d’un contrat de conservation ou de dépôt de titres, s’impose au conservateur ou dépositaire une obligation générale d’information et moins encore de conseil sur les évolutions ou les modifications de la législation fiscale (43). Celles-ci ne sont pas susceptibles en principe de porter atteinte à la substance des titres en conservation. Elles ne concernent aucunement la garde juridique des titres en conservation mais le contrat de gestion des titres (44). Enfin, signalons que la prise de connaissance et l’approbation par le client des opérations effectuées par la banque peut être expresse ou tacite (45).

738 Garde et restitution. Le banquier est tenu des obligations découlant du dépôt: conserver et restituer

sous peine d’engager sa responsabilité sous réserve du cas de force majeure (art. 713 c. oblig. c.). La banque assume une obligation de conservation des titres ou plus exactement des instruments financiers qui lui sont confiés et plus précisément d’une obligation de garde juridique depuis que les titres sont dématérialisés (46). Comme le relèvent certains auteurs, cette garde « recouvre tous les actes que l’intermédiaire doit accomplir pour assurer la plénitude de sa mission de conservation. Au-delà de la stricte conservation des titres, le conservateur est amené à réaliser des opérations liées à la vie des titres conservés. C’est ainsi qu’ en vertu d’un mandat considéré comme tacite, l’intermédiaire conservateur procède à l’encaissement des coupons où présente au paiement les titres amortis » (47). La banque doit garder les titres sans en user sauf accord préalable du client. De même, elle doit restituer les titres à la première demande du client même si un délai avait été convenu entre les parties (art. 703 c. oblig. c.). Cela s’explique par le fait que le dépôt est fait dans le seul intérêt du déposant et est donc restituable ad nutum, de même que le mandat est révocable ad nutum sauf à indemniser la banque dans la mesure où celle-ci éprouve et prouve un préjudice. Si la convention écarte cette faculté de restituer ad nutum, il ne s’agit plus d’un dépôt mais d’un prêt. Cependant, le client doit respecter le délai nécessaire imposé par les méthodes de conservation centralisée que pratiquent toutes les banques. En cas de faillite ou cessation des paiements de l’établissement dépositaire, les titulaires du compte pourront exercer leur droit de restitution dans les termes du code de commerce. (48) Le droit de restitution pourra être exercé sur l’ensemble des titres et valeurs de même genre qui se trouvent en la possession de l’établissement failli ou on état de cessation des paiements. Les titres et valeurs ne suffisent pas pour désintéresser l’ensemble des droits réclamés, il y aura distribution (des titres et valeurs) entre les déférents titulaires chacun au prorata de son droit (art. 4). Cependant, le droit de revendication ne pourra être exercé que s’agissant des billets de banque déposés entre les mains du failli et qui se trouvent en nature dans le portefeuille du failli à l’époque d’ouverture de la faillite et, si le déposant est en mesure d’en prouver l’identité (49).

                                                            41 Comp. Cass. lib. 6 déc. 1967, Al Adl 1968, 421 ; Beyrouth 30 janv. 1992, Al Adl 1992, 173. 42 FABIA et SAFA, art. 308 n° 41. 43 Paris 5 févr. 1998, RDBF n° 71 janv.-fév. 1999, 29 obs. CREDOT et GERARD. 44 Cass. com. 9 janv. 1990, JCP G 1990, II-21459 note STOUFFLET; RDBB n° 18, 76 ; Banque 1990, 192 note RIVES-LANGE ; Rev. jur.

com. 1990, 460, note BOULOC ; D 1990, 173 note BRILL. 45 Beyrouth 9e ch., 4 sept. 2008, Cassandre 2008/9, 1726. 46 CREDOT et GERARD, obs. RDBB, n° 71 janv.-fév. 1999, 29. 47  BORNET et DE VANPLANTE, Droit des marchés financiers, litec 1999, n° 830. 48  Cf. art. 608 al.1 c.com.lib. « Pourront notamment être revendiquées les remises en effets de commerce ou autres titres non encore payés,

et qui se trouvent en nature dans le portefeuille du failli à l’époque de l’ouverture de sa faillite, lorsque ces remises auront été faites par le propriétaire avec le simple mandat d’en faire le recouvrement et d’en garder la valeur à sa disposition, ou lorsqu’elles auront été de sa part spécialement affectées à des paiements déterminées ». 

49 Cass. lib. 8 mars 1973, Al Adl 1973, 336.

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739 Rémunération et garanties du banquier. En contrepartie des obligations qu’il contracte, le banquier a droit à une commission dite droit de garde librement fixée par les parties. Le paiement en est garanti par le droit de rétention dont dispose tout dépositaire en vertu de l’article 718 c. oblig. c. (art. 2102-3 c. civ.). SOUS-SECTION 2 - CERTIFICATS DE DÉPÔT

740 Présentation. L’émission des certificats de dépôts (ainsi que les autres certificats bancaires) est

actuellement régie par l’arrêté n°7224 du 11 février 1999 relatif « à la réglementation de l’émission des certificats de dépôts et des certificats bancaire. » La banque émet Les certificats de dépôt exclusivement de son siège principal (art. 9-1). L’émission doit s’effectuer selon le formulaire préétabli par la BDL (art. 7). Chaque émission doit être précédée d’un contrat avec le déposant (art. 8) dans lequel sont précisés: la somme reçue par la banque, les dates d’émission et d’exigibilité convenues, le taux de l’intérêt et ses modalités de calcul et ses modalités de paiement, le lieu du remboursement, le numéro chronologique de l’émission et le numéro chronologique du certificat. Cependant, les banques peuvent après autorisation de la BDL demander d’être soumises à des règles différentes s’agissant les certificats de dépôt émis au Liban mais destinés à être vendus à l’étranger (50).

741 Réglementation. La banque doit avant l’acceptation de dépôts contre certificats de dépôt, informer la BDL

quinze jours au moins avant la date de début de chaque émission, par écrit, sur le montant global du projet d’émission et, les conditions d’émission et éventuellement de sa prorogation (art. 1). Les certificats de dépôts peuvent être nominatifs, à ordre ou au porteur. L’émission de certificats de dépôt au porteur doit préalablement être autorisée par le Conseil central de la BDL (art. 3). Les certificats peuvent être émis en livres libanaises ou en devises étrangères. L’échéance du certificat de dépôt ne doit pas être inférieure à trois mois ou supérieure à cinq ans, l’intérêt étant calculé à raison de 365 jours par an (art. 6). En outre, la banque ne peut absolument pas escompter ou acheter de manière directe ou indirecte les certificats de dépôt qu’elle émet. A cet effet, sont réputées opérations d’achat ou d’escompte indirecte toute opération d’achat ou d’escompte effectuée par toute banque qui fait partie avec la banque émettrice d’un même groupe économique, ou qui se rattache à la banque émettrice par une relation accessoire ou autre. En tout état de cause, le placement en certificats de dépôt d’une banque ne peut dépasser le montant global des fonds propres de la banque émettrice. En outre, le certificat de dépôt peut valablement servir de support pour la consignation du prix d’un bien-fonds (51). SECTION 5 - GESTION DE PORTEFEUILLE

742 Présentation. Il arrive que le titulaire des valeurs mobilières demande davantage à sa banque qu'une simple

perception de dividendes et la charge de gérer pour son compte un portefeuille-titres. En réalité, il n'existe pas une formule unique de contrat de gestion de valeurs mobilières: les parties peuvent moduler à leur guise les stipulations de leur convention. Le contrat peut ainsi limiter les obligations de la banque à de simples conseils: il s'agira alors d'un renforcement contractuel du devoir de conseil déjà rencontré. En effet, le mandataire, s'il prend à son compte les suggestions de son client, endosse de ce fait la responsabilité de son acte de gestion. En revanche, s’il refuse de suivre son client sur les préconisations formulées, il doit expliquer et justifier sa décision tant sur le plan juridique au titre de son devoir de conseil et de son obligation d'agir avec loyauté à l'égard du mandant, que sur le plan commercial pour justifier à son client le bien-fondé de sa position.

743 Contrat de gestion. La banque peut être chargée de procéder à des opérations spéculatives destinées à faire

fructifier le portefeuille, elle assumera, à titre de mandataire, la gestion de portefeuille de son client ; on est alors en présence d’un véritable « contrat de gestion » (52). En vertu de l’article 790 c. oblig. c. (art. 1992 c. civ.), le banquier devra répondre des fautes qu’il commet dans sa gestion (53). On ne peut parler dans un tel

                                                            50  Arrêté n° 7296 du 21 mai 1999. 51 Dans une affaire où l’acheteur a exercé son droit de préemption pour l’acquisition d’un bien fonds en consignant le prix d’achat en

contrepartie d’un certificat de dépôt délivrée par la banque, la Haute Cour a validé ledit procédé à condition que la consignation soit effectuée en espèces et qu’elle soit affectée à l’acquisition dudit bien c’est-à-dire, séparée du compte que le bénéficiaire pourrait disposer auprès de ladite banque. Cass. lib. 19 nov. 1998, Rec. civ. Sader 1998, 339 spéc. 344 ; il en serait autrement si le dépôt est effectué par chèque lequel fusionne avec le compte préalablement ouvert et ne s’en détache qu’en cas de retrait par chèque ou en nature et de nouveau dépôt dans un autre compte indépendant.

52 BOULOC, La responsabilité en matière de gestion de titres, in mélanges M. CABRILLAC, 437. 53 Cass. civ. 18 janv. 1989, D. 1989, 302.

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cas de devoir de conseil, puisque le mandataire agit seul en gérant le portefeuille de son client et qu’il n’a donc pas à informer et conseiller celui-ci avant de passer les ordres d’achat et de vente de valeurs mobilières. La responsabilité du mandataire découle exclusivement de la qualité de sa gestion (54). Les OPCVM permettent aux épargnants de bénéficier d’une gestion collective assurée par des professionnels à des coûts réduits. La banque propose deux formes principales à sa clientèle: les SICAV et les fonds communs de placement. A ce titre, le client donne mandat à sa banque soit en lui conférant toute latitude pour gérer son portefeuille soit en lui délimitant les opérations qu’elle peut effectuer. L’obligation du banquier est une obligation de moyens, la gestion d’un portefeuille étant le plus souvent affectée par des éléments indépendants de la diligence du banquier. Il n’en demeure pas moins que sa responsabilité sera engagée s’il n’a pas placé « les fonds du client comme le ferait un bon professionnel de la même catégorie, placé dans les mêmes circonstances de temps, de lieu et agissant selon les usages bancaires et boursiers de la place » (55). Mais le client ne peut reprocher au gérant d’avoir mené une gestion bénéficiaire soumise à imposition (56). Des clauses de non-responsabilité limitent la responsabilité du banquier à ses fautes lourdes.

744 Ordres d’achat ou de vente. Les clients peuvent passer des ordres à la société de gestion qu’ils avaient au préalable mandatée pour gérer leur portefeuille (57). En effet, le mandant reste propriétaire des valeurs mobilières données en gestion et à ce titre, il dispose toujours des droits de l'usus, du fructus et de l'abusus qui composent le droit de propriété. Il peut donc, céder, aliéner, sous quelque forme que soit ses biens. Le contrat de mandat ne fait pas perdre au mandant les droits de propriété qu'il possède sur les valeurs mobilières données en gestion et il peut donc continuer d'en disposer comme il l'entend. Il est toutefois parfaitement possible de limiter dans le mandat cette liberté du mandant. D'une part, le mandataire peut faire interdiction, pendant la durée du mandat, à son client mandant, d'intervenir dans la gestion du portefeuille afin d'assurer une unité de gestion et d'éviter des ordres contradictoires néfastes à la bonne administration du portefeuille géré. D’autre part, il est également possible que le contrat de mandat dispose qu'à titre exceptionnel, le mandant pourra donner des ordres d'achat ou de vente de valeurs mobilières, mais exclusivement au mandataire afin d'éviter toute erreur ou incohérence dans la gestion du portefeuille. Il appartient dans ce cas aux parties de définir clairement dans le mandat, les conditions et modalités dans lesquelles le mandataire exécutera ses obligations, ainsi que celles qui incomberont au mandant (58). Mais en aucun cas, le mandataire ne peut dépasser son mandat sous peine d’engager sa responsabilité civile pour manquement à son obligation de diligence (59).

745 Propriété d’un portefeuille de valeurs mobilières. La question se pose de savoir si le portefeuille de

valeurs mobilières peut faire l’objet d’appropriation? et si, le cas échéant, il constitue un seul et même bien indivisible ou au contraire une pluralité de biens indépendants et isolés? La dématérialisation des titres va à l’encontre de l’appropriation. Cependant, les valeurs mobilières ne sont pas pour autant analysées comme des droits incorporels (60) ayant la nature de droits personnels. La personne inscrite en compte est présumée « propriétaire » du titre. D’ailleurs, l’article premier du décret français du 2 mai 1983 consacre ce droit de propriété: « les valeurs mobilières ne sont plus matérialisés que par une inscription au compte de leur propriétaire » (61). La dématérialisation portant sur le titre papier pris comme instrument de preuve, et non sur les droits du titulaire qui sont par nature des droits immatériels, est en réalité une « détitrisation » (62). D’ailleurs, la Cour de cassation a décidé qu’un portefeuille de valeurs mobilières est une universalité de fait traitée comme un bien et que les valeurs mobilières ne sont pas consomptibles par le premier usage ( 63 ). Elle en a tiré les conséquences qu’il n’y avait pas de quasi-fruit, ce qui aurait alors permis à l’usufruitier d’avoir pendant la durée de son usufruit, la libre disposition des titres; qu’il est tout à fait

                                                            54 GUILLOT, obs. préc. 55 Cass. com. 12 juill. 1974 cité par RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, 767 n° 834. 56 Versailles 24 mars 2011 RDBF mai-juin 2011 comm. 113 note STORCK. 57 Cass. civ. 19 mars 1996 Banque n° 571 juin 1996, 92 obs. GUILLOT. 58 GUILLOT, obs. préc. 59 T. com. Paris 4 févr. 2011 RDBF 2011, mai-juin comm. 114 note RIASSETTO. 60 DIDIER et MARTIN, De la nature corporelle des valeurs mobilières et autres droits scripturaux D 1996, chr. 47: les valeurs mobilières

inscrites en compte sont des choses dotées d’une « corporalité scripturale », auxquelles l’inscription assurerait une matérialité « résiduelle ».

61 Cass. crim. 30 mai 1996 Bull. crim., 625 n° 224. 62 DIDIER et MARTIN, art. préc. 63 Cass. com. 12 nov. 1998, RDBB 1999, 3 note HAVASSE ; D. 1999, 167 note AYNES ; RTDcom. 1999, 459 obs. STORCK ; RTDciv.

1999, 422 obs. METANI et 674 obs. PATAMI ; JCP G. 1999 I, 1120, 524 obs. PERINET-MARQUET et II-10027 note PIEDELIEVRE.

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possible de céder les titres à condition cependant qu’ils soient remplacés. Cette inscription étant assurée par la société émettrice ou par un intermédiaire habilité. SECTION 6 - FIDUCIE-GESTION Nous évoquerons la constitution du contrat de fiducie-gestion (Sous-section 1) avant d’évoquer son exécution (Sous-section 2). SOUS-SECTION 1 - CONSTITUTION DU CONTRAT Nous déterminerons les paramètres du contrat (Paragraphe 1) puis ses variantes (Paragraphe 2). Paragraphe 1 - Paramètres du contrat

746 Présentation. Aux termes de l’article 3 de la loi n° 520 du 6 juin 1996, le contrat fiduciaire est « un acte

par lequel une personne physique ou morale appelée le fiduciant, confie à une personne appelée le fiduciaire, le droit de gérer et de disposer pour une durée déterminée, de droits ou de valeurs mobilières lui revenant, dénommée les avoirs fiduciaires ». Ainsi, le contrat fiduciaire visé par le législateur libanais constitue un mécanisme à deux personnes, le fiduciant et le fiduciaire, reposant sur deux éléments: un acte translatif de droits d’une part, la convention proprement dite de fiducie d’autre part (64). Par l’acte translatif de droits, le fiduciant transfère au fiduciaire la pleine titularité de droits, tels des droits de propriété ou de créances qui entrent pleinement dans le patrimoine du fiduciaire. Mais l’on peut concevoir aussi que le fiduciaire soit chargé d’acquérir auprès d’un tiers un bien pour le compte du fiduciant dans le cadre par exemple d’opérations de portage. Le second élément de l’acte fiduciaire est la convention de fiducie par laquelle le fiduciaire s’engage envers le fiduciant à n’exercer les droits dont la pleine titularité lui a été transférée que selon les termes de la convention, soit dans l’intérêt exclusif du fiduciant, dans le cadre de la fiducie gestion (art. 4 L 520/1996), soit à des fins de garantie (art. 5 L 520/1996). Il ne s’agit pas d’un acte simulé: le transfert de propriété est effectif car il a été voulu par les parties; il n’est donc pas simplement apparent.

747 Effets du transfert fiduciaire. La conclusion d’un contrat fiduciaire emporte transfert de droits au

fiduciaire. Ces droits réels ou personnels vont constituer un patrimoine d’affectation dont le fiduciaire va être titulaire. Mais comme le prévoit l’article 7 de la loi 520/1996, cet actif fiduciaire constitue une masse distincte au sein du patrimoine du fiduciaire, il est comptabilisé hors bilan et de manière distincte de tous les autres patrimoines du fiduciaire (65). Les avoirs fiduciaires ne font pas partie de la masse en cas de liquidation judiciaire du fiduciaire (66). Une banque qui est fiduciaire est ainsi titulaire, outre de son propre patrimoine, d’autant de patrimoines d’affectation qu’elle a conclu de contrats fiduciaires. En cas de faillite de cette banque, il y aura autant de masses qu’il y a de patrimoines fiduciaires, chacun de ces patrimoines étant utilisé pour désintéresser les créanciers fiduciaires et fiduciants (67). Ce régime est applicable quelle que soit l’origine des biens composant le patrimoine fiduciaire, que ces biens aient été transférés par le fiduciant au fiduciaire ou qu’ils aient été acquis auprès de tiers. Néanmoins, « les contrats fiduciaires sont soumis aux dispositions du contrat de mandat pour tout ce qui n’est pas contraire aux dispositions de la présente loi » (art. 13 L. 520/1996).

748 Caractéristiques. Le législateur libanais a restreint le domaine de la fiducie en imposant un certain nombre

de limites. C’est ainsi que le législateur ne réglemente pas la fiducie en droit commun mais uniquement une variété d’opérations fiduciaires à savoir les contrats fiduciaires conclus avec les banques, les institutions financières et les autres institutions homologuées à cet effet par la Banque du Liban (68). Une telle

                                                            64 NASSIF, Les contrats fiduciaires, Rev. jud. lib. 1997, 15; Al Adl 1995, 63. 65  (Art. 7: a) « les avoirs fiduciaires constituent une masse distincte ou sein des engagements financiers du fiduciaire et figurent en hors

bilan b) le fiduciaire est tenu de comptabiliser chaque avoir fiduciaire de manière distincte de tout autre compte ou de tout autre avoir fiduciaire. » 

66  Art. 10: « Les avoirs fiduciaires demeurent dissociés de la masse des avoirs du fiduciaire en cas de cessation de paiement ou de sa mise en faillite et ne sont pas assujettis aux dispositions et effets applicables lors de la cessation de paiement ou de la mise en faillite du fiduciaire exceptés ceux relatifs à la suspension du terme contractuel ». 

67 Comp HOSS, L’expérience luxembourgeoise in, La fiducie et ses applications dans plusieurs pays européens, Bull. Joly 1991 n° 4 bis, 21 et s.

68  Art. 2: « Les banques, les institutions financières et les autres institutions homologuées par la Banque du Liban et enregistrées auprès d’elle, sont habilitées à traiter les opérations fiduciaires conformément aux dispositions de la présente loi ». 

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disposition est de nature à renforcer la sécurité des opérations et ne peut que contribuer au succès du mécanisme. De même, la fiducie de droit libanais ne peut résulter que d’un contrat et non d’un acte unilatéral, ce qui a notamment pour conséquence qu’une personne ne peut se déclarer unilatéralement fiduciaire comme cela est possible en matière de trust (69).

Egalement, la fiducie libanaise est limitée par la nature des biens pouvant être érigés en patrimoine fiduciaire: seuls les meubles, à l’exception des immeubles, peuvent faire l’objet d’un contrat fiduciaire (70). C’est sans doute la volonté de stimuler la fiducie-gestion qui est à l’origine de la consécration de la fiducie libanaise. De même, le contrat fiduciaire n’est soumis à aucune mesure de publicité. La simple conclusion du contrat le rend opposable aux tiers sous réserve, toutefois, du cas où les avoirs à gérer sont eux-mêmes soumis à enregistrement ou à publicité. Egalement, le contrat fiduciaire ne peut porter sur les immeubles, seuls les meubles, mais tous les meubles, peuvent faire l’objet du contrat fiduciaire (art 1) sous réserve de l’ordre public à peine de nullité de plein droit (71).

749 Formalisme. Le contrat fiduciaire est soumis à un formalisme rigide: tandis que l’article 14-1 de la loi

520/1996 prévoit que « tous les contrats de fiducie et leurs modifications doivent être établis clairement par écrit sous peine d’annulation absolue » l’article 14-2 exige la présence dans le contrat d’un minimum de mentions (nom, adresse et profession des bénéficiaires, détermination des avoirs fiduciaires, pouvoir du fiduciaire, etc.). Paragraphe 2 - Variantes du contrat

750 Placements fiduciaires. La banque procède à un placement en son nom mais pour le compte du client sans

pour autant révéler son identité. Ainsi, le client recueille les bénéfices et aussi supporte les risques et périls du placement. Ici, seule la banque, à l’exclusion du client, conclut le contrat avec le tiers à l’égard duquel elle est seule responsable de son exécution.

751 Prêts fiduciaires. La banque sollicitée par un client pour l’octroi d’un prêt spécialement affecté à la

réalisation d’un but précis concluera avec ce dernier un contrat fiduciaire par lequel, en tant que constituant, elle confiera à son client fiduciaire la gestion des sommes avancées au profit de bénéficiaires déterminés ou déterminables (72). Le but premier poursuivi par les parties au contrat de fiducie sera le versement du montant du prêt aux bénéficiaires désignés dans le contrat. En cas de non réalisation du but poursuivi et donc d’inexécution de la fiducie, les fonds seront alors transférés au banquier soit en qualité de bénéficiaire si l’attribution des sommes a été déterminée en sa faveur dans le contrat de fiducie, soit en qualité de constituant en cas de silence des parties.

752 Opérations de nominee. Ces opérations ont pour but de faciliter la circulation des titres nominatifs de

sociétés étrangères. Les titres nominatifs sont émis au nom d’un nominee- une grande banque ou une société créée à cet effet – et le nominee va faire circuler les certificats au porteur représentatifs de ces titres. Il assume ainsi la position d’un fiduciaire dans la mesure où il apparaît comme actionnaire dans ses rapports avec la société étrangère, tout en assumant à l’égard des porteurs de certificats l’obligation de se comporter comme actionnaire pour leur compte (73).

                                                            69 Le trust a été façonné par une longue évolution prétorienne pour devenir, en droit anglais actuel, le moyen privilégié d’organiser la gestion

efficace des biens. Le terme trust vise les relations juridiques créées par une personne, le constituant (settler) - par actes entre vifs ou à cause de mort – lorsque des biens ont été placés sous le contrôle d’un trustee dans l’intérêt d’un bénéficiaire (le cestui que trust) ou dans un but déterminé. La technique juridique utilisée consiste à faire du trustee le titulaire des biens qu’il est chargé d’administrer. Cette titularité du trustee ne lui confère pas cependant une liberté d’action complète. Elle est limitée par le titre parallèle reconnu au bénéficiaire, le beneficial title, qui joue un double rôle: celui d’abord de donner au bénéficiaire la qualité requise pour contrôler la finalité et la gestion du trustee c’est-à-dire obliger celui-ci à rendre compte des actes accomplis à l’égard des biens du trust, le bénéficial title confère en outre au bénéficiaire des recours (remedies) à l’égard des tiers, notamment pour empêcher que les biens de la fiducie ne soient saisis par les créanciers personnels du trustee. En fait, le trust réalise un démembrement du droit de propriété qui conduit à reconnaître à un trustee le legal ownership. Tandis que le bénéficiaire se voit reconnaître l’équitable ownership. 

70 L’article 3 définit les avoirs fiduciaires comme étant « les droits ou valeurs mobilières revenant au fiduciant. » 71 Art 12: « sont annulés d’office les contrats fiduciaires contraires à l’ordre public ou relatif à des avoirs fiduciaires composés de fonds ou

d’actifs provenant d’actes pour lesquels l’exécutant a fait l’objet de sanction pour délit ou crime ». 72 Art 5-b: « Le bénéficiaire peut être désigné après constitution des avoirs fiduciaires, comme il peut être remplacé avant d’en accepter le

bénéfice ». 73 REYMOND, Aspects fiduciaires de quelques opérations bancaires, principalement dans l’Euromarché, in, Les opérations fiduciaires,

Colloque de Luxembourg des 20 et 21 sept. 1984, Feduci et LGDJ 1985, 421s, sp., 430s.

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753 Gestion collective de valeurs mobilières. La gestion collective de valeurs mobilières lorsqu’elle prend la forme de fonds communs de placement, repose aussi sur une base fiduciaire (74). Selon une structure fiduciaire, la direction du fonds est propriétaire des biens et titulaire des droits qui constituent le patrimoine du fonds. Elle les acquiert pour le compte et aux frais des investisseurs et les gère dans l’intérêt de ces derniers (75). Toutefois, alors que le fiduciant a droit à la restitution en nature des biens fiduciaires, les porteurs des parts ne sont créanciers que de sommes d’argent correspondant aux bénéfices et au rachat des parts lorsqu’ils veulent quitter le fonds.

754 Gestion individuelle. La gestion individuelle de fortune peut se pratiquer sur une base fiduciaire, mais la

fiducie est concurrencée, en ce domaine, par le mandat de droit commun. La recherche de l'anonymat ou la volonté de regrouper les avoirs de plusieurs clients peuvent motiver le recours à la fiducie.

755 Portage. Les contractants peuvent recourir à la fiducie pour mettre en place des opérations du type portage.

La banque fiduciaire va souscrire des titres pour le compte d’un fiduciant donneur d’ordre et va suivre les instructions données par ce dernier (76). SOUS-SECTION 2 - EXECUTION DU CONTRAT Nous envisagerons l’exécution du contrat fiduciaire entre les parties (Paragraphe 1) et à l’égard des tiers (Paragraphe 2). Paragraphe 1 - Entre les parties

756 Droits du fiduciant. Le fiduciant n’a aucun droit sur les avoirs fiduciaires, avoirs que le contrat de fiducie

a eu pour effet de transférer au fiduciaire, il n’est que le créancier de la banque fiduciaire (77). 757 Droits du fiduciaire. Le fiduciaire est-il pleinement titulaire des droits réels ou personnels qui lui ont été

transmis? Le texte libanais ne le précise pas. Certains auteurs ne partagent pas cette opinion et considèrent qu’il ne peut pas se dire propriétaire des biens transmis. La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue ainsi « le propriétaire a le droit de donner, de détruire sa chose, ce que le fiduciaire ne peut évidemment pas faire » (78). Une telle analyse procède manifestement d’une confusion entre pouvoir et droits subjectifs (79). Le fiduciaire jouit incontestablement d’un droit subjectif né du contrat de fiducie, droit réel ou droit personnel selon les cas. Ce droit subjectif n’est ni diminué, ni démembré et s’il s’agit d’un droit de propriété, on peut affirmer que le fiduciaire est pleinement propriétaire (80). En revanche, l’exercice de ce droit trouve sa limite dans les pouvoirs que le contrat fiduciaire a accordé au fiduciaire. Comme le relève un auteur (81), la finalité imposée par l’acte n’affecte pas la nature du droit subjectif transmis: la banque peut être propriétaire des actifs fiduciaires sans pour autant avoir le pouvoir d’en disposer. D’ailleurs, si le fiduciaire, nonobstant l’interdiction qui lui en est faite dispose des biens, la cession produira ses effets et les droits seront transmis à l’acquéreur. La violation du contrat se résoudra en dommages et intérêts, par application des règles relatives au mandat auxquelles renvoie la loi n° 520/1996 (art. 13).

758 Obligations du fiduciaire. La loi libanaise sur les contrats fiduciaires retient certaines obligations à la

charge du fiduciaire (82). Dans ses rapports avec le fiduciant, le fiduciaire doit s’interdire d’employer les avoirs fiduciaires en gage de ses obligations propres, y compris pour l’obtention des crédits pour son propre

                                                            74 THEVENOZ, La fiducie, Cendrillon du droit suisse, Helbing et Lichtenhahn, Bâle 1995, 280. 75 THEVENOZ, 290. 76 Cf Association Luxembourgeoise des juristes de banque, La fiducie des établissements de crédit, en droit Luxembourgeois des 20 et 21

septembre 1984, op. cit., 377. 77 Un point essentiel a été laissé de côté par le législateur libanais, celui de la situation des créanciers du fiduciant. Dans ces conditions, il

convient de faire application du droit commun des obligations en leur réservant d’exercer l’action paulienne en cas de fraude ou d’exercer par l’action oblique les droits de leur débiteur fiduciant; KRIEPS, art préc., 164.

78 DECHEIX, Débats sur la communication de M. KRIEPS in La fiducie ou du trust dans les droits occidents francophones, travaux du 3e colloque de Luxembourg, mai 1989, Rev. jurid. et polit. Ediena 1990, 167.

79 GAILLARD, Le pouvoir en droit privé, préf CORNU, Economica 1985, 22s, n° 21 ets. 80 En ce sens KRIEPS, art. préc., 163. 81 LUCAS, Les transferts temporaires de valeurs mobilières, pour une fiducie de valeurs mobilières, préf LORVELLEC, Coll. Bibl. dr. privé

T 283, LGDJ 1997, 297 n° 575. 82 Art. 4-c: « La qualité du fiduciant doit être déclarée, sans révélation de l’identité du fiduciant ou du bénéficiaire lors de la conclusion

d’un contrat portant sur des opérations relatives aux avoirs fiduciaires dont la loi exige la publication ou la déclaration ».

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compte. De même, il lui est interdit d’employer les avoirs fiduciaires dans les domaines de quelque nature soient-ils où il serait associé, directement ou indirectement, ou dans lesquels il aurait quelque intérêt sans qu’il ne soit habilité au préalable par écrit, de manière précise et spécifique par le fiduciant (art. 8 L. 520/1996), cela bien entendu, sous peine d’engager sa responsabilité contractuelle. Il ne peut pas employer les avoirs en garantie d’une obligation personnelle notamment en garantie de crédits personnels (art. 4 arrêté n° 6349 du 23 mai 1997). Il convient de signaler que ces obligations ne sont pas énumérées par la loi de manière limitative; la loi renvoie aux règles applicables au mandat (83). Il en résulte que les obligations de la banque sont prévues par la convention qui organise librement les rapports entre les parties. Dans le silence du contrat fiduciaire, elles sont celles d’un mandataire lorsqu’il s’agira d’apprécier les obligations et les responsabilités du fiduciaire ou les conditions de sa révocation. Ainsi, pèse sur la banque une obligation de loyauté, de prudence et de reddition des comptes. Par ailleurs, le contrat peut être résilié ad nutum par la fiduciant.

759 Protection du fiduciaire. La loi n° 520/1996 ne prévoit pas de dispositions protectrices du fiduciaire,

probablement, à cause de l’ambiguïté qui régit la nature du contrat fiduciaire libanais et donc, la nature des droits transmis au fiduciaire. Mais cela ne veut pas dire que le fiduciaire est privé de toute protection. En effet, si l’on considère le fiduciaire comme un simple mandataire, il pourra toujours exercer le droit de rétention que l’article 798 c. oblig. c. reconnaît à « tout mandataire sur les effets mobiliers ou marchandises du mandat, qui lui ont été expédiés ou remis ». Ainsi, le fiduciaire retiendra les avoirs fiduciaires jusqu’au paiement de tout ce qui lui est dû par le fiduciant en exécution du contrat fiduciaire. Le droit de rétention ne confère au fiduciaire ni le droit de suite ni même le droit de préférence; mais il est opposable à tous en ce sens que « le rétenteur peut refuser de se dessaisir de la chose, quelle que soit la personnalité de son contradicteur » (art 274 c. oblig. c.). En revanche, si l’on estime que le fiduciaire est pleinement titulaire des droits transmis, la question de la protection ne se posera plus dans la mesure où la fiduciaire exercera tous les pouvoirs et prérogatives qui s’attachent à son titre de propriété. Paragraphe 2 - A l’égard des tiers

760 Protection des tiers. Dans ses rapports avec les tiers, la banque ou l’institution financière doit révéler sa

qualité de fiduciaire lorsque le contrat conclu avec le tiers porte sur l’un des éléments des avoirs fiduciaires, et notamment si la loi en exige une publication ou une déclaration. Le fiduciaire doit veiller à ne pas révéler l’identité du fiduciant ou du bénéficiaire (84). Aux termes de l’article 278 alinéa 1 c. oblig. c.: «Les créanciers dont la créance est exigible peuvent, en leur nom personnel, demander la révocation des actes que le débiteur aurait accomplis en fraude de leurs droit, et par lesquels il aurait déterminé ou aggravé son insolvabilité »… l’alinéa 2 précise que cette action, appelée action paulienne, peut atteindre des personnes avec lesquelles le débiteur a traité frauduleusement ». Ainsi, nous pensons que la jurisprudence qui existe en cette matière pourra trouver application lorsque la fiducie sera constituée frauduleusement aux droits des créanciers. En cas de succès de l’action, la fiducie devra normalement être déclarée inopposable au créancier demandeur. Les biens, de la fiducie, réintégreront le patrimoine du constituant où ils pourraient être saisis par le créancier, victime de la fraude. Mais la réparation pourra également se faire par l’allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, ce qui ne remettra pas en cause l’acte de fiducie. De même, tout acte de fiducie sera annulé s’il est effectué après la cessation des paiements. Il s’agit d’une nullité obligatoire qui anéantira rétroactivement l’acte. Si la fiducie a été constituée dans les six mois précédant la date de cessation des paiements, elle pourra être annulée mais il s’agit là d’une nullité facultative, la fraude du constituant devant être prouvée.

                                                            83  Cf art. 13. 84 Art 4-b: « Le fiduciaire est tenu de déclarer sa qualité à toute tierce personne avec laquelle il conclut un contrat relatif à un quelconque

élément des avoirs fiduciaires sans révéler l’identité du fiduciant ».

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FOURNITURE DE RENSEIGNEMENTS FINANCIERS ET COMMERCIAUX

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CHAPITRE 4 – FOURNITURE DE RENSEIGNEMENTS FINANCIERS ET COMMERCIAUX 761 Présentation. Le devoir de renseignement est la réponse à une demande d’information (1). Ce devoir

constitue donc une catégorie distincte des devoirs de conseil et d’information lesquels, doivent être fournis spontanément en exécution d’une obligation à laquelle est tenu celui qui doit conseiller ou informer (2). Cette demande d’information est justifiée par le fait que la banque dispose dans l’activité qu’elle exerce un grand nombre d’informations. Celles-ci sont convoitées par les commerçants dont l’intérêt est naturellement d’être le mieux renseignés possible sur leurs partenaires. La fourniture de renseignements présente deux risques pour le banquier: le premier, est celui d’engager sa responsabilité à l’égard du demandeur de l’information parce que le renseignement est inexact (Section 1), le deuxième, concerne le demandé, c’est- à-dire la personne visée par le renseignement qui peut reprocher à la banque le caractère défavorable du renseignement fourni (Section 2). SECTION 1 - RESPONSABILITE DU BANQUIER A L’EGARD DU DEMANDEUR

762 Nature de la responsabilité. Lorsque le banquier se fait payer le renseignement, même si le prix est

modique, l’obligation qu’il assume est sans aucun doute contractuelle (3). Lorsque le renseignement est gratuit à l’égard du client, la responsabilité demeure contractuelle (4) en raison de la nature contractuelle de l’obligation mise à la charge du banquier dans ses rapports avec son client. En revanche, à l’égard du tiers qui n’est pas le client de la banque, et en l’absence de contrat, la responsabilité doit être délictuelle ou quasi-délictuelle (5).

763 Autorité de l’obligation. L’obligation du banquier est une obligation de moyens (6). Celui-ci s’oblige à

utiliser les moyens dont il dispose pour fournir le renseignement le plus exact possible; il ne garantit pas sa parfaite conformité avec la réalité. Cette obligation est appréciée in concreto abstraction faite de la rémunération de la personne visée par l’information (client ou non, professionnel ou consommateur, etc.).

764 Preuve. Le demandeur se prétendant victime d’un faux renseignement qui voudrait engager la

responsabilité du banquier, doit avant tout rapporter la preuve de l’inexactitude du renseignement sans laquelle, bien entendu, il ne pourrait se plaindre de rien. Celle-ci doit s’entendre du caractère erroné, incomplet (7) ou partial du renseignement. Elle doit s’apprécier au moment où le renseignement a été donné. Ensuite, le requérant doit démontrer que l’inexactitude du renseignement est due à une faute du banquier: dol, ou imprudence. Enfin, il devra rapporter la preuve d’un préjudice lié causalement à la faute du banquier. SECTION 2 - RESPONSABILITE DU BANQUIER A L’EGARD DU DEMANDE

765 Caractère inexact ou diffamateur du renseignement. Comme à l'égard du demandeur, le banquier peut

engager sa responsabilité à l'égard de la personne visée par le renseignement si celui-ci est inexact. Il en est ainsi du renseignement erroné, comme de celui qui est incomplet, ou de celui qui est dépourvu d'objectivité. La responsabilité du banquier est de nature délictuelle lorsque c'est volontairement que celui-ci donne des renseignements inexacts (intention de nuire ou mauvaise foi). Elle est quasi-délictuelle, lorsque le banquier de bonne foi a fourni une information inexacte parce qu'il s'est lui-même renseigné à la légère et sans effectuer les vérifications nécessaires. La responsabilité est engagée même si le renseignement fourni est inexact mais, dans ce cas, la victime doit prouver que le banquier a donné l’information dans l’intention de nuire.

766 Caractère confidentiel du renseignement. Sans préjudice aux dispositions de la loi libanaise sur le secret

bancaire, la divulgation des informations par le banquier n’est sanctionnée que si elle porte sur les

                                                            1 FABRE-MAGNAN, De l’obligation d’information dans les contrats: essai d’une théorie, LGDJ, Bibl. dr. droit privé 1992 préf. CHESTIN,

T 221 n°10, 8. 2 BOUCARD, ouvrage préc. n° 10, 24. 3 BECQUE et CABRILLAC, RTDcom. 1955, 364. 4 Aix-en-provence 12 nov. 1976 D. 1978 IR 228 obs. VASSEUR. 5 Paris 5 févr. 1952, Banque 1952, 445 obs. MARIN; RTDcom. 1952, 603 obs. BECQUE et CABRILLAC – contra RIVES-LANGE et

CONTAMINE-RAYNAUD, 747 n° 814. 6 Cass. com. 22 avr. 1977 D. 1977 IR 452 ; Lyon 27 oct. 1971, JCP G. 1972, II-17012, note SAVATIER. 7 Cass. req. 17 mars 1905 DP 1905, 1, 501.

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FOURNITURE DE RENSEIGNEMENTS FINANCIERS ET COMMERCIAUX

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renseignements confidentiels couverts par le secret professionnel. Le banquier engagera alors sa responsabilité civile et pénale s’il les communique à des tiers en dehors des hypothèses où il est déchargé de l’obligation au secret.

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CONTRAT DE COFFRE-FORT

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CHAPITRE 5 - CONTRAT DE COFFRE-FORT Le contrat de coffre- fort est le type même du service annexe dans la mesure où la banque n’en retire qu’un intérêt pécuniaire mineur. Cependant, ce contrat n’est pas sans intérêt pour ses partenaires: la banque espère ainsi attirer la clientèle, tandis que les clients en apprécient la sécurité et la discrétion. Nous évoquerons la nature du contrat (Section 1) et son exécution (Section 2). SECTION 1 - NATURE DU CONTRAT

767 Nature controversée. La nature du contrat n’a pas fini d’alimenter la controverse tant doctrinale que

jurisprudentielle. Certains auteurs y voient un contrat de location au sens des articles 1708 et s c. civ. (1). Cette analyse adoptée par la Cour de cassation française (2) est celle retenue par le législateur libanais dans l’article 309 c. oblig. c. aux termes duquel: « Les dépôts faits dans les coffres-forts ou dans les cases de coffres-forts sont régis par les règles de louage de choses » (3). Cependant, cette qualification est réfutée par les auteurs (4). En effet, conformément au droit commun de la location, le locataire doit avoir la libre jouissance de la chose louée et le bailleur doit mettre la chose louée à la disposition du preneur. Or, dans le cadre du contrat de coffre-fort, le locataire n’use pas directement du coffre, voire, il ne peut pas accéder seul à la salle des coffres sans le concours du banquier. Cela se justifie par le fait que le banquier, contrairement au bailleur, est tenu d’une obligation caractérisant ce type de contrat et qui n’existe pas dans un contrat de bail à savoir l’obligation d’assurer la surveillance de la salle des coffres (5). Certains auteurs (6) considèrent que ce contrat se rapproche davantage du dépôt que du louage en raison de sa finalité économique qui est de conserver le contenu du coffre. Cependant, il ne s’agirait pas du dépôt du code civil parce que le banquier n’est pas détenteur des objets contenus dans le coffre et ne sait pas ce que le coffre contient, ni même s’il contient quelque chose. Mais on a pu reprocher à cette opinion qu’elle ne rend pas compte du fait que le dépôt nécessite la remise d’une chose au dépositaire or dans le contrat de coffre-fort, le banquier ne reçoit pas voire, il ignore totalement ce qui est dans le coffre. Aussi un autre auteur (7) considère qu’il s’agit d’un contrat sui generis que l’on peut classer dans les contrats dits de « garde ». Cette analyse suivie par une certaine doctrine (8) et une certaine jurisprudence (9) présente l’intérêt de souligner la finalité économique de la convention, qui est un « service » complémentaire du banquier. Mais on a pu relever que cette qualification ne peut être retenue parce que le contrat de garde est une variété de dépôt or, ce contrat de coffre-fort n’est pas un dépôt (10). Selon ces mêmes auteurs, ce qui caractérise le contrat de coffre-fort c’est l’élément de surveillance mis à la charge du banquier (11). SECTION 2 - EXECUTION DU CONTRAT

768 Usage du coffre. L’utilisation du coffre est toujours aménagée de manière à en rendre l’accès simple, discret

mais prudent. Durant les heures ouvrables, le client a accès à son coffre. Le coffre ne peut être ouvert qu’avec deux clés différentes, l’une étant remise au client, l’autre conservée par la banque. Il est donc impossible au banquier comme au client d’ouvrir seul le coffre. Le banquier doit vérifier l’identité des visiteurs et s’assurer de leur qualité. Cette obligation de vérification est une obligation de moyens. Il en résulte que le banquier peut échapper à toute responsabilité s’il prouve qu’il a pris toutes les diligences d’une personne normalement avisée. Il arrive que le coffre-fort soit ouvert au nom de plusieurs personnes. Si l’ouverture leur est concédée de manière conjointe, elles devront utilisées le coffre ensemble sauf à désigner un mandataire commun. En outre, le client doit rémunérer le banquier de l’usage du coffre, se présenter pour les visites aux heures d’ouverture de la salle des coffres et jouir du coffre en « bon père de famille ». Il doit s’abstenir notamment d’y déposer des produits nocifs ou dangereux.

                                                            1 VALERY, Traité de la location des coffres – forts, 2e éd. 1926 ; ESCARRA et RAULT T 6 n° 1027. 2 Cass. Req. 12 nov. 1906, D 1907, 1, 409 note VALERY ; Cass. civ. 21 mai 1957, Banque 1957, 607 obs., MARIN ; RTDcom. 1957, 690 ;

Cass. com. 29 oct. 1952, RTDcom. 1953, 461 ; 11 févr. 1946 D. 1946, 365 note TUNC ; 27 avr. 1953, RTDcom. 1953, 717. 3 JU Beyrouth 9 oct. 1955, Rev. jud. lib. 1955, 1000. 4 RIVES-LANGE et CONTAMINE RAYNAUD, 408 n° 767; RIPERT et ROBLOT, 527 n° 2478. 5 Paris 19 avr. 1984 JCP G 1985, II-20367 note PREVAULT ; Paris 9 oct. 1986, RTDcom. 1987, 236 ; RTDciv. 1987, 568 obs. REMY ; et

sur pourvoi Cass. com. 15 nov. 1988 RTDcom. 1989, 285 obs. CABRILLAC et TEYSSIE. 6 RIPERT et ROBLOT, Ibid. 7 TUNC, Le contrat de garde, Paris 1942 et notes au DC 1944, 60. 8 GAVALDA et STOUFFLET, 408 n° 767. 9 Cass. civ. 2 juin 1993, Bull. civ. I n° 197. 10 RIVES-LANGE et CONTAMINE-RAYNAUD, Ibid. 11 Cass. civ. 15 janv. 1985 Banque 1985, 641 obs. RIVES-LANGE ; Paris 9 oct. 1986 préc.

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CONTRAT DE COFFRE-FORT

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769 Obligations du banquier. Le banquier doit contrôler l’accès au coffre fort. L’inexécution de son obligation

est constitutive d’une faute lourde (12). Le banquier doit procurer la sécurité du coffre et de son contenu en vertu de l’obligation de surveillance qui pèse sur lui. Cette obligation est de résultat (13). La banque est responsable de la détérioration comme du vol des objets enfermés dans le coffre par suite d’effraction (14). La banque ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en démontrant que le préjudice est dû à un cas de force majeure ou au fait de la victime (15) sauf à se prévaloir de la faute du client ou de la force majeure qu’il lui incombera de prouver (16) par exemple, si le coffre est détruit par un bombardement, un attentat ou saisi par l’ennemi (17). Mais la force majeure ne saurait être retenue lorsqu’il y a faute antérieure du banquier (18) notamment s’il n’a pas fait évacuer les coffres menacés alors que les circonstances lui permettaient de le faire (19). En outre, la cour n’exige plus pour constituer la force majeure que l’événement soit imprévisible, l’irrésistibilité semble suffisante (20). Jugé qu’en matière de location d’un coffre, la banque assume une responsabilité contractuelle tant qu’elle agit dans le cadre contractuel, y compris en cas de résiliation du contrat qui met en jeu les clauses contractuelles en cas de défaut de paiement de la redevance. Après la résiliation du contrat, la banque, qui conserve entre ses mains le contenu du coffre, est responsable des pertes et des dommages causés aux objets dont elle a conservé la garde et qu’elle manipule et transporte à ses risques et périls (21).

770 Préjudice en cas de perte. Etant donné le secret du dépôt (22), la preuve du préjudice est extrêmement

difficile à établir. Le titulaire du coffre doit non seulement prouver l’existence du contenu (23) mais encore prouver la présence effective de ce contenu dans le coffre au moment du vol (24). De même, l’utilisateur doit prouver que le vol a été commis à l’intérieur du coffre ou dans les locaux de la banque (25). Tous les moyens de preuve sont admis (26) même par serment supplétoire s’il y a un commencement de preuve par écrit (27). Leur force probante étant néanmoins laissée à l’intime conviction des juges.

771 Clauses limitatives ou suppressives de responsabilité. Ces clauses sont d’une validité et d’une efficacité

limitées: d’une part, elles ne peuvent éluder l’obligation de surveillance (28) ainsi, est nulle la clause qui a pour objet d’écarter l’obligation de surveillance (29). D’autre part, elles ne peuvent couvrir que les fautes légères du banquier à l’exclusion de ses fautes lourdes (30). D’ailleurs, les termes particulièrement fermes du second alinéa de l’article 309 c. oblig. c.: « la banque répond de l’inviolabilité des coffres loués » semble limiter la validité de pareilles clauses (31).

772 Décès du titulaire du coffre. Etant soumis aux règles du contrat de louage, il y a lieu de considérer que le

décès du titulaire de coffre n’emporte pas extinction du contrat de coffre-fort mais transmission aux héritiers (32) à l’exclusion de toute autre personne. Ainsi, la banque doit restituer le dépôt au déposant ou à ses héritiers même si l’objet du dépôt revenait à autrui. Cela, sauf si le dépôt a été contracté en vertu d’une                                                             12 Cass. civ. 15 nov. 1988, Bull. civ. I n° 318 ; RDBB 1989, 64; v Cass. com. 22 mai 1991, RTDcom. 1991, 759 obs. RIVES-LANGE. 13 Beyrouth 4 juin 1996, Rev. jud. lib. 1996, 846 ; Trib. 1re inst. Beyrouth 5 juin 1991, Al Adl 1990/1991, 165. 14 Cass. civ. 29 mars 1989, Bull. civ. I n° 142 ; JCP G 1990, II-21445 note PUTMAN et SOLLETY ; JCP E 1991, 193 n° 50 obs. GAVALDA

et STOUFFLET ; Cass. com. 15 janv. 1985, Bull. civ. n° 23 RDBB n° 12, 64 ; Banque 1985, 641. 15 Cass. com. 15 janv. 1985 D 1985, IR 334 obs. VASSEUR, Banque 1985, 641 obs. RIVES-LANGE ; RTDcom. 1985, 546 obs.

CABRILLAC et TEYSSIE. 16 Beyrouth 15 mars 1988, Al Adl 1988, 28 sp., 32. 17 Paris 3 mai 1950, Gaz. Pal. 1950, 2, 71. 18 Cass. civ. lib. 7 juin 1988, Rev. jud. lib. 1988, 76 ; Beyrouth 30 janv. 1992, Al Adl 1992, 173. 19 Cass. com. 29 oct. 1952 D. 1953, J. 53 ; RTDcom. 1953, 461, obs. BECQUE et CABRILLAC ; 29 avr. 1953, D. 1953, 422 ; JCP G. 1953,

2, 7676. 20 Beyrouth 4 juin 1996, arrêt préc. 21 Paris 28 avr. 2011, RDBF 2011, nov.-déc. comm. 188 note CREDOT et SAMIN. 22 Le secret survit à la résiliation du contrat, Cass. civ. 2 juin 1993, JCP E 1993, pan. 960. 23 Paris 28 avr. 2011 préc. 24 Cass. civ. 5 juill. 1988, Banque 1988, 1058, RIVES-LANGE ; RTDcom. 1989, 106 obs. CABRILLAC et TEYSSIE ; Aix-en-Provence 6

déc. 1965, Banque 1966, 52 ; 3 déc. 1987 RDBB 1988, 151 obs. CREDOT et GERARD ; Trib. 1re inst. Beyrouth 2 juin 1988, Rev. jud. lib. 1988, 963 ; Al Adl 1989, 320.

25 Aix-en-provence, 6 déc. 1965 préc.; Paris 9 oct. 1984 D. 1985, IR 344 VASSEUR. 26 Factures, inventaires privés ; Cass. req. 24 févr. 1947 D. 1947, 211 ; Paris 12 juill. 1982 D. 1983 IR 471 obs. VASSEUR ; Trib. 1re inst.

Beyrouth 2 juin 1988 préc.. 27 Cass. req. 24 févr. 1947, D. 1947, IR 211. 28 Cass. civ. 15 nov. 1988, Req. 24 juin 1929, S 1930, 1, 6. 29 Beyrouth 4 juin 1996, arrêt préc. 30 Cass. civ. 15 nov. 1988 et Paris 9 oct. 1986 préc. 31 FABIA et SAFA, op. cit. 32 Art. 600 c. oblig. c.: « Le bail n’est point résilié par la mort du preneur ni par celle du bailleur ».

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CONTRAT DE COFFRE-FORT

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stipulation pour autrui au profit d’un tiers dûment déterminé (33). Néanmoins, le décès de l’un des co-titulaires du coffre bloque l’usage du coffre. En revanche, si une clause de solidarité est stipulée dans le contrat, l’accès au coffre est alors ouvert individuellement à tous.

773 Saisie. Le contrat de coffre-fort étant soumis en droit libanais à la loi du 3 septembre 1956 relative au secret

bancaire (34), la saisie du coffre-fort admise par l’article 917 nouv. c. proc. civ. lib. n’est concevable qu’après levée du secret bancaire.

                                                            33 Cass. civ. lib. 22 avr. 1959, Baz. 1959, 71. 34 CE lib. 15 mars 1979, Al Adl 1980, 32 ; 10 mars 1975, Ibid, 235.

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TITRE V – ACTIVITE BANCAIRE ISLAMIQUE 774 Présentation. Les banques islamiques ont connu un essor considérable durant les trois dernières décennies.

L’accroissement du volume de leurs activités témoigne de leur indéniable développement (1). Pour ces raisons, le secteur bancaire (2) notamment libanais, ne pouvait pas rester indifférent à une telle activité; le terrain y étant propice pour au moins deux raisons: 1- le libéralisme politique et économique assurant par là une parfaite entente entre le droit de type laïc et la chari’a islamiya et, 2- le secret bancaire absolu dont bénéficient les banques en vertu de la loi du 3 septembre 1956 favorisant ainsi le « dialogue » entre l’argent et la chari’a islamiya (3). Le législateur libanais a promulgué la loi nº 575 du 11 février 2004 relative à « la constitution des banques islamiques au Liban » (4). Nous évoquerons les fondements de l’activité bancaire islamique (Chapitre 1) avant d’en envisager le domaine (Chapitre 2).

                                                            1   Les capitaux islamiques sont estimés à 840 milliards de dollars ; entretien avec DUPICHOT, D 2010,1064 avec une croissance annuelle

de 15 à 20%. Selon les agences de notation, le marché offre un potentiel de 4200 milliards dollards américains. 2   PARLEANI, Regards pragmatiques sur la finance islamique, RDBF mars-avr. 2012, dossier 12 ; MATHEY, La prise en compte des

déterminants religieux dans la relation bancaire, RDBF mars-avr. 2012, dossier 13. 3 v. BOURABIAT, Finance islamique en France: éclairage sur les nouvelles opportunités offertes aux investisseurs, RDBF juill.-août 2009,

étude 27. 4 JO nº 9, 13 févr. 2004, 711 ; NAMMOUR, Activité bancaire islamique: l’expérience libanaise, RDBF nov.-déc. 2005, analyse 20.

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FONDEMENTS DE L’ACTIVITE BANCAIRE ISLAMIQUE

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CHAPITRE 1 - FONDEMENTS DE L’ACTIVITE BANCAIRE ISLAMIQUE La constitution des banques islamiques se distingue de celle des banques de type conventionnel par la source religieuse qui caractérise l’activité bancaire islamique (Sous-paragraphe 1). Néanmoins, l’activité bancaire reste soumise au droit commun (Sous-paragraphe 2). SECTION 1 - SOUMISSION DE L’ACTIVITE BANCAIRE AU DROIT D’ISLAM

775 Source divine. Le droit d’islam est un droit religieux. Par conséquent, l’activité économique islamique

dépend de la chari’a islamiya c'est-à-dire du Coran et de la Sounna (1). L'activité financière se trouve gouvernée par les deux principes religieux directeurs suivants: 1- l’activité doit être nécessairement halal (licite) et non pas haram (illicite). 2- l’homme économique musulman est simple dépositaire et gestionnaire des biens de DIEU qu’il se doit de fructifier s’il veut gagner la grâce de DIEU. Appliqués au secteur bancaire, cela veut dire que, contrairement aux banques de type classique, les banques islamiques ne visent pas uniquement à accroître leurs bénéfices, mais surtout à encourager les investissements et associer le travail au capital. Isolément, l’argent est considéré comme stérile, improductif. Il ne peut générer des revenus du simple écoulement du temps. Il ne peut être productif que s’il est accompagné de travail. Par conséquent, le profit ne peut résulter que d'une activité. En d'autres termes, le profit dépendra des activités d'investissement effectuées par les banques et le taux du profit dépendra du contenu du contrat conclu entre la banque et le client, contrat dit de moudaraba. Par conséquent, les actionnaires tirent profit des investissements effectués par les banques en plus des gains issus des contrats de moudaraba. L’association est la véritable caractéristique des banques islamiques qui les distinguent des banques de type classique. Cet aspect de l'association dit en arabe moucharaka va rejaillir sur toutes les opérations bancaires islamiques. D’une manière générale, on peut dire que l'activité économique islamique repose sur six règles principales (2).

776 Prohibition du riba. Juridiquement, le riba est défini « comme un profit ou gain illicite découlant d’une

inéquivalence dans la contre-valeur des prestations réciproques au cours de l’échange entre deux ou plusieurs biens de la même espèce, du même genre et régis par la même cause efficiente ». Par conséquent, le riba englobe l'usure et l’intérêt (3). Le riba est condamné, parce qu'il implique toujours une transaction qui suppose une contrepartie où l’équivalence des prestations n’est pas respectée; ce qui rompt l’équilibre des obligations réciproques des parties et ébranle l’économie de base du contrat. Ensuite, parce que l’argent a une valeur dans le temps qui est incertaine et variable par nature qui ne peut être prédéterminée comme l’est le taux d’intérêt. Cette interdiction trouve également sa source dans l’obligation morale de ne pas « vendre » l’argent en cas de manque de liquidité, ce qui favoriserait l’usure et la thésaurisation.

777 Prohibition de la thésaurisation et statut de la monnaie. La prohibition de la thésaurisation s'appuie

notamment sur les fonctions économiques de la monnaie. Si la monnaie est une marchandise qui se vend et s'achète dans un espace (la banque), sa valeur va fluctuer au gré de l'offre et de la demande. Ces évolutions vont conduire les individus à vouloir thésauriser ce médium pour le louer en vue d'un profit futur. Aussi l’islam a dû créer l’obligation morale de n’utiliser l’argent qu’à des fins personnelles ou collectives d’investissement.

778 Le prélèvement obligatoire d'une aumône (zakat). La zakat est une contribution financière auxquels les

musulmans doivent se soumettre. Les banques islamiques ont donné à ce devoir une grande importance; certains établissements ont inséré, dans leur organigramme tout un service prenant en charge la collecte de la zakat et sa répartition sous le contrôle d'un comité religieux.

779 Prohibition du gharar (risque). Le gharar ne fait pas l'objet d'une définition. D'une manière générale, il

s'agit du caractère risqué d'un accord. Il se retrouve, notamment, dans la vente de biens dont l'existence ou les caractéristiques ne sont pas certaines du fait d'un risque rendant, du coup, la transaction de nature spéculative (4). Ainsi, un accord qui comporterait une part de risque, voire de tromperie, n'est pas valable. Les formes que peut prendre le gharar sont des plus variées: imprécision du coût d'un contrat au moment

                                                            1   La Sounna constitue l’ensemble des paroles et actes du Prophète MOHAMET. 2 LASSERE CAPDEVILLE, Les principes de la finance islamique: présentation et illustration, RDBF mars-avril 2011, étude 13. 3   PARLEANI, art. préc. n° 13, MATHEW, art. préc. n° 16. 4   PARLEANI, art. préc. n° 7 ; MATHEY, art. préc. n° 17. 

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FONDEMENTS DE L’ACTIVITE BANCAIRE ISLAMIQUE

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de sa signature, paiement conditionnel de l'une des parties, vente d'un bien que le vendeur n'est pas encore en état de livrer ou encore contrats dépendant d'un événement imprévisible, etc.

780 Condamnation de la spéculation (al-maysar). A la prohibition de l'intérêt s'ajoute également le refus de

toute spéculation purement financière selon le principe religieux « on ne peut vendre ce qu'on ne possède pas ». Le Coran interdit les actes économiques et sociaux entachés de hasard et donc non maîtrisés. Les opérations doivent nécessairement être adossées à un actif tangible. Ainsi, les contrats ne doivent pas contenir d'éléments d'incertitude ou de spéculation. Par conséquent, les opérations de couverture par swaps, futures, ou autres opérations similaires sont assimilées à des jeux de hasard prohibés (5).

781 Partage des profits et des pertes. Jugé immoral, l'intérêt est remplacé par le principe du partage des pertes

et des profits qui réhabilite le partenariat et la participation équilibrée et instaure, par-là, une solidarité financière entre le prêteur et l'emprunteur. Dans ce système, le prêteur doit participer avec l'emprunteur tant aux bénéfices qu'aux pertes d'un projet (actif tangible). L'établissement bancaire devient un véritable partenaire de l'entrepreneur-emprunteur. Toutefois, afin d'assurer sa pérennité et de répartir son risque, la banque multipliera le nombre de ses clients. Ainsi, au-delà des implications religieuses, cette approche entraîne une relation conceptuelle différente dans les activités de la finance et de l'économie. Le lien créancier-débiteur est remplacé par le risque équitablement partagé entre l'apporteur du capital et l'entrepreneur SECTION 2 - SOUMISSION DE L’ACTIVITE BANCAIRE ISLAMIQUE AU DROIT COMMUN

782 Constitution, exercice et fin de l’activité. La soumission de l’activité bancaire islamique aux principes

d’origine divine ne soustrait nullement lesdites banques aux lois et règlements de type laïc. En effet, aux termes de l’article 1 alinéa 2 de la loi nº575/2004: « Sauf disposition contraire dans cette loi, il est appliqué aux banques islamiques tous textes légaux et règlementaires en vigueur au Liban notamment ceux appliqués directement ou indirectement aux banques, dont le code de commerce terrestre, le code de la monnaie et du crédit et la loi sur le secret bancaire ». La soumission au droit commun est avérée lors de la constitution de la banque islamique dans la mesure où l’entité ne peut être valablement constituée qu’après l’agrément du Conseil central de la BDL. La soumission est également avérée durant l’exercice de l’activité bancaire: d’une part, la conformité de cette activité aux règles en vigueur est soumise à la tutelle des organismes de contrôle de la BDL dont la Commission de contrôle des banques (6) d’autre part, les opérations effectuées par les banques islamiques, de type islamique ou non (7) seront soumises au droit positif en vigueur. A ce propos, il convient de signaler que l’audit des banques islamiques a lieu selon les normes d’audit (appliquées volontairement) émises par l’AAOIFI (8). Ces opérations se déroulent dans les mêmes termes que l’audit de type laïc mais en plus le rapport de l’audit externe doit faire apparaître clairement la sincérité des états financiers ainsi que leur conformité aux préceptes de l’islam comme ils ont été adoptés et interprétés par le shari’a board (conseil religieux). Enfin, la soumission au droit commun est avérée s’agissant la fin de l’activité bancaire, puisque la banque islamique sera soumise aux mêmes conditions et, procédures, appliquées aux banques de type conventionnel (radiation, mainmise, cessation des paiements, etc.).

783 Conseil chari’i. Le contrôle et la vérification de la conformité des opérations bancaires est assuré par un conseil religieux, chari’i( shari’a board) qui représente pour le croyant l’assurance que ses fonds sont à l’abri de toute utilisation contraire à ses convictions religieuses (9). Les missions essentielles d’un comité chari’i ont été présentées par l’Islamic financial services board (IFSB), le conseil des services financiers islamiques. Il s’agit de rendre les fatwas (10) quant à la comptabilité et la validité des opérations avec les

                                                            5   PARLEANI, art. préc. n° 10. 

6 V. par ex. art 8 alinéa 2 L 575/2004. 7   Il convient de souligner que même non islamique, la banque ou l’établissement financier peut effectuer des opérations islamiques mais à

condition que ces opérations soient avalisées par un comité chari’é. Par exemple, au sein de la HSBC, la division HSBC Amanah (confiance) finance se concentre sur les opérations et produits islamiques. (Il en est de même de ANZ Grindlays, Chase, Citicorp, Morgan, Stanley, etc. 

8 Accounting and auditing organisation for islamic financial institutions / Organisation d’audit et de comptabilité des institutions financières islamiques créée en 1991 et basée à Bahrein.

9 v. ACHI et FORGET, La gouvernance des comités charia RDBF mars-avril 2011 étude 14 ; ABI RIZK, La gouvernance des banques islamiques au Liban, RDBF, janv.-févr. 2008, étude 5.

10 La fatwa est une réponse du droit musulman à une question déterminée apportée par un spécialiste du droit musulman. Cette réponse qui n’est pas juridiquement obligatoire a une grande autorité morale sur les musulmans.

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FONDEMENTS DE L’ACTIVITE BANCAIRE ISLAMIQUE

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préceptes religieux, de conseiller l’organe exécutif sur toute question relative à la charia, de valider la documentation relative aux services et produits, d’exercer un rôle d’audit sur le fonctionnement du contrôleur interne en matière de charia. Egalement, le conseil, contrôle la distribution de la zakat. A ce propos, il dresse un rapport qu’il communique au conseil d’administration et à l’assemblée générale ordinaire. Il peut même proposer d’office toute mesure afin que l’activité soit conforme à l’islam (11).

784 Rôle du conseil « chari’i ». Cette ingérence du religieux dans l’aspect purement financier de l’activité de

l’institution a pu susciter des critiques, notamment du point de vue de l’aptitude des religieux à évaluer une telle gestion et selon quels critères. Aussi les pays se sont souciés de leur encadrement juridique. Par exemple, la Financial services authority (FSA) anglaise a posé quelques règles relatives aux shari’a boards. Si elle se refuse à arbitrer entre différentes interprétations de la charia, en revanche, elle exige de savoir si le shari’a board joue un simple rôle de conseil ou un rôle exécutif, auquel cas les membres du Board devraient être soumis au « Fit and proper test for approved persons » (12). Egalement, une recommandation française de l’AMF du 17 juillet 2007, publiée suite à une demande d’agrément d’OPCVM se déclarant conformes à la loi islamique, refuse de considérer que le contrôle de conformité à la charia puisse relever de sa mission. Néanmoins l’AMF dit veiller avec une « vigilance particulière » à ce que l’autonomie de la société de gestion demeure préservée. Le droit libanais a limité l’impact d’un tel contrôle sur la gestion de la banque: la législation libanaise sur les banques islamiques a expressément prévu dans l’article 9 de la loi 575 du 11 février 2004, que ce conseil n’a qu’un rôle consultatif. Néanmoins, ce texte cadre mal désormais avec un arrêté de 2007 rendu par la BDL sur la corporate governance islamique et qui impose à la BI de créer une instance administrative indépendante dite « Instance de vérification chari’i » qui a pour mission de vérifier, évaluer, et surveiller la conformité de la banque aux avis du conseil chari’i. Le travail du conseil religieux n’est pas en contradiction avec celui des différents niveaux de contrôle interne au sein de la banque islamique notamment l’audit, la corporate governance ou les règles de droit commun.

                                                            11 Par ex., art. 9 L. n° 575/2004. 12 Ce test vise à déterminer l’honnêteté, l’intégrité et la réputation d’une personne, ainsi que ses compétences et capacités.

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DOMAINE DE L’ACTIVITE BANCAIRE ISLAMIQUE

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CHAPITRE 2 - DOMAINE DE L’ACTIVITE BANCAIRE ISLAMIQUE Les banques islamiques ouvrent des comptes (Section 1), effectuent des opérations de banque islamiques (Section 2) et offrent des services bancaires et financiers de type islamique (Section 3). SECTION 1 - COMPTES BANCAIRES

785 Compte de dépôt. Les sommes des clients sont reçues à titre de dépôt et soumises au même régime de

droit commun de tout dépôt bancaire à l’exclusion des intérêts (1). Ces sommes trouvent donc leur support dans des comptes de dépôts ordinaires. Cependant, le compte de dépôt islamique se distingue du compte de dépôt de type classique (2). En effet, le compte de dépôt bancaire est défini comme le contrat par lequel une personne remet une certaine somme d’argent à un banquier qui en acquiert la propriété et s’engage à la restituer à sa première demande ou dans les conditions prévues au contrat (art. 307 al. 1 c. com. lib.). Ce contrat repose donc sur un rapport de créancier à débiteur qui est le même pour tous les comptes de dépôt bancaire. Il en est autrement en matière de comptes de dépôt islamique où chaque compte peut bénéficier de conditions propres qui le distinguent des autres comptes de dépôt (3) et ce, parce que l’essentiel de la relation entre la banque islamique et ses clients repose sur le contrat de moudaraba. De même, le contrat de dépôt islamique peut prévoir la possibilité du « mélange » des dépôts avec les avoirs propres de la banque ou avec les avoirs dont elle a la libre disposition. Dans ce cas, les dividendes des dépôts seront liés aux résultats annuels de la banque sous forme de compte d’exploitation absolu ou de compte d’exploitation restreint, mixte (4). En revanche, si le contrat de dépôt ne prévoit pas un tel mélange ou l’exclut, les dividendes du dépôt seront liés aux résultats des opérations qui les consacrent. Dans ce cas, les résultats des dépôts seront inscrits en dehors du budget de la banque, ils prendront la forme d’un compte d’exploitation restreint non mixte (5).

786 Comptes d’investissement. L’arrêté 8870/2004 prévoit deux sortes de comptes d’investissement: les

comptes d’investissement absolu et les comptes d’investissement restreint. Il y a compte d’investissement absolu, lorsque le titulaire du compte, sur la base d’un contrat de « moudaraba », donne à la banque le droit de faire fructifier ledit compte de la manière qu’elle estime appropriée, sans l’astreindre à aucune modalité d’exploitation (6). En d’autres termes, l’investissement n’est lié à aucun projet ou programme d’investissement déterminé. Les comptes diffèrent les uns des autres suivant leur contenu et conditions; ils peuvent même différer d’une banque islamique à une autre. Au contraire, dans le compte d’investissement restreint, la banque est tenue d’investir l’argent dans les conditions prédéterminées par le client dans le contrat. Le contrat support du compte d’investissement retreint peut revêtir la forme d’un contrat de « moudaraba » ou de mandat. Dans la première hypothèse, la simple remise de l’argent à la banque lui donne la qualité de « moudareb » et donne au client la qualité de propriétaire du capital (rabb el mâl). Si l’opération réussit, chacun en tire les bénéfices au prorata de ce qu’il aurait apporté. En revanche, dans le cas où l’opération est choisie par le client, ce dernier supporte seul les pertes; la banque perd son apport sans qu’elle puisse se retourner contre le client. Si le contrat support est un mandat, la banque aura droit à un salaire au titre d’un mandataire salarié abstraction faite des pertes ou des bénéfices. Les pertes seront supportées par le seul client. Les bénéfices seront gagnés par le seul client après déduction des frais et salaire de la banque. Dans la mesure où ces investissements ne sont pas fondés sur un rapport de créancier à débiteur mais sur un rapport de « moudaraba » ou mandat, les comptes d’investissement ne font pas partie des fonds propres de la banque puisqu’elle n’a pas la libre disposition sur ces investissements.

787 Compte courant. Les banques islamiques peuvent ouvrir à leurs clients des comptes courants sans terme

(7). Ces comptes serviront à déposer et retirer les fonds et à enregistrer les opérations d’achat-vente (8) des instruments financiers et toutes opérations émanant des banques islamiques (9). La banque islamique peut utiliser les soldes des comptes courants mais elle ne peut prétendre en partager les pertes ou bénéfices ou

                                                            1   Art. 3 al. 2 L 575/2004. 2 LASSERE CAPDEVILLE et HAZOUG, Le compte de dépôt et la finance islamique, RDBF nov.-déc. 2011, étude 33. 3 Sur les mentions que doit contenir le contrat de dépôt, cf. Arrêté n° 8828/2004 art. 1. 4 Arrêté 8828/2004, art 5-1. 5 Arrêté 8828/2004, art. 2-2. 6 Arrêté n° 8870/2004. 7   Art. 3 al. 3 L 575/2004. 8   L 575/2004 9   Art. 3 al. 3. 

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même accorder un revenu quelconque aux titulaires desdits comptes. Ainsi, si l’utilisation du compte se solde par des bénéfices, ils reviendront en totalité à la banque. Si, au contraire, des pertes se profilent, elles seront supportées exclusivement par la banque. L’utilisation des soldes est justifiée par la règle selon laquelle la banque, garantissant les sommes déposées, elle doit pouvoir les utiliser et cueillir les fruits qui en résulteront (10). A ce titre, la banque pourra également percevoir des commissions en contrepartie de la gestion desdits comptes. SECTION 2 - OPERATIONS DE BANQUE ISLAMIQUES

788 Moudaraba. La moudaraba est une association du capital et du travail en vue de partager les bénéfices

réalisés: « Un capitaliste (rabb el māl) remet une somme d’argent à un agent (āmil) en l’habilité commerciale duquel il a confiance et lui donne mandat de l’employer au négoce. C’est une commandite par intérêt spécialisée » (11). L’arrêté principal n°9084 du 16 juillet 2005 réglemente les opérations de moudaraba des banques islamiques (12). L’article premier de l’arrêté, définit la moudaraba comme le contrat en vertu duquel la banque avance des fonds afin qu’ils soient utilisés dans des projets déterminés en échange d’un pourcentage calculé sur une marge fixe et précise de bénéfices (13). La « moudaraba » est absolue ou restreinte. Dans la première hypothèse, le client, « moudareb », a toute latitude pour faire fructifier l’argent sans en référer à l’apporteur de capital c’est-à-dire la banque et ce pour toute la durée de la « moudaraba », court, moyen ou long terme. La moudaraba absolue présente l’inconvénient de faire supporter à la banque tous les risques. En effet, si l’opération se solde par des pertes, la banque perd ses fonds sans recours possible contre le client. A ce propos, l’article 6 de l’arrêté 9084/2005 énonce expressément que le capital apporté par la banque ne « peut nullement constituer une créance de la banque à la charge du client ou de toute autre personne ». Exceptionnellement, la banque se retournera contre le client en cas de « carence, négligence ou inexécution des obligations de sa part » (14). Ici, le rôle de la banque se limite à contrôler l’emploi des fonds dans le dessein projeté par le client. En raison du risque subi, les banques islamiques, opteront plus facilement pour la « moudaraba » restreinte. Dès lors, la banque n’acceptera d’apporter le capital que suivant des conditions préalablement fixées dans le contrat de « moudaraba ». Ce faisant, elle réduit les risques et fait supporter le client toute inexécution du contrat. En pratique, la banque tiendra le rôle d’intermédiaire entre le travail et le capital c’est-à-dire entre le déposant apporteur de capital et l’entrepreneur fournisseur d’industrie et de travail. La banque contrôlera alors la productivité et la licéité de l’opération envisagée. Elle sera payée en une somme fixe au même titre qu’un mandataire salarié, les bénéfices étant répartis entre l’apporteur de capital et l’apporteur de travail.

789 Moucharaka. La moucharaka est définie à l’article premier alinéa 1 de l’arrêté modifié n°

8954/2005 n°8954 du 19 janvier 2005 (15) comme « l’apport à taux égal ou variable d’argent effectué par la banque et un client ou des clients en vue de créer un nouveau projet ou participer à un projet existant, dans l’intention de partager les bénéfices qui en résultent, de sorte que chaque apporteur soit propriétaire d’une action dans le capital au prorata de son apport ». Ainsi, la moucharaka se révèle être un contrat de participation entre la banque islamique et son client qui, en contrepartie de leurs capital et travail communs, se partagent les pertes et bénéfices dans les termes du contrat (16). Ici, la banque fournit le capital réclamé (argent, marchandises, bien-fonds, etc.) sans contrepartie financière (intérêts). La relation qui se crée entre la banque et le client n’est donc pas fondée sur un rapport de créancier à débiteur mais sur un rapport de partenariat. La moucharaka se distingue de la moudaraba en ce que le client participe au financement de l’opération sans qu’il soit exigé que son apport soit égal à celui de la banque. En principe, le partage des pertes et bénéfices est déterminé dans le contrat. En l’absence de clause, le partage s’effectuera au prorata de l’apport de chacun des partenaires à l’opération. Les clauses relatives au partage des bénéfices peuvent être indépendantes de la prestation de chaque partenaire ou du volume du capital apporté par chacun d’eux. Ainsi, le client peut n’apporter qu’une prestation de service, la part de bénéfices de l’un des partenaires peut ne pas être proportionnelle au capital qu’il apporte (17).

                                                            10 ABOU OBEID., 23. 11 MILLIOT, Introduction à l’étude du droit musulman, Sirey 1953, 664 nº 817. En ce sens aussi: OBEIDI, La banque islamique, une

nouvelle technique d’investissement, Beyrouth, Dar ar-rashad al-islamiya 1988, 76. 12 JO n° 32, 28 juill. 2005, 3890. 13 La rémunération ne se fait pas en une somme fixe, sinon il y aurait louage d’ouvrage au lieu de commandite, L. MILLIOT, Ibid. 14 Arrêté n° 9084/2005, art. 4. 15 JO n°5, 3 fév. 2005, 416. 16 Arrêté 8954/2004, art. 3. 17  Par exemple, la banque peut apporter 30 % et gagner 50 %. 

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DOMAINE DE L’ACTIVITE BANCAIRE ISLAMIQUE

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La moucharaka peut revêtir deux formes: « fixe » ou « dégressive » (18). L’association est dite « fixe » lorsqu’un même associé ou des mêmes associés gardent (la propriété de) leur part dans le capital du projet tout au long de son terme tel qu’il est fixé dans le contrat (19). En raison de la fixité de la propriété, banques et clients peuvent sceller leur partenariat dans le cadre d’une société anonyme ou autre, suivant l’envergure du projet mais à condition qu’aucune responsabilité illimitée n’incombe aux banques islamiques (20). L’association dégressive dite également « association se terminant par l’appropriation » (21), joue lorsque la banque accorde à l’un des associés ou aux autres associés, le droit d’acheter sa part, progressivement, de sorte que la part de la banque diminue et celle de l’associé ou des autres associés augmente jusqu’à l’acquisition par ces derniers de la totalité du capital du projet. Egalement, la banque islamique peut prendre des participations (moussahama). Ici, la banque s’approprie des actions, valeurs mobilières ou droits, représentant une propriété dans le capital d’un établissement ou toute autre entreprise (22). Peu importe les modalités, il est interdit aux banques islamiques de s’engager d’une manière directe ou indirecte pour leur compte, dans des participations ou associations sous réserve de la réunion des deux conditions suivantes: 1) la banque doit utiliser ses fonds propres ou les sommes déposées en conformité avec les alinéas 1 et 2 de l’article 307 c. com. lib. après l’obtention de l’acceptation écrite des titulaires des dépôts. 2). La banque ne doit supporter aucune responsabilité illimitée qui résulterait de ces participations et associations (23). La moucharaka présente les intérêts de répartir les risques entre investisseurs, stimuler les efforts en raison du partage des responsabilités et distribuer équitablement les profits. De même, elle favorise et encourage l’appropriation.

790 Mourabaha. La mourabaha ou vente avec bénéfices est règlementée par l’arrêté principal nº8870 du 20

octobre 2004 (24). Elle peut être effectuée directement ou par l’intercession de la banque islamique. La mourabaha simple est le contrat en vertu duquel le client de la banque islamique donne l’ordre à cette dernière de lui acheter un bien, meuble ou immeuble, qui le lui revend en plus d’un bénéfice déterminé à l’avance (25). Ici, la banque est propriétaire et ne peut nullement obliger le client, qui a commandé, à racheter le bien acheté. Elle subit le risque de garder le bien ainsi acheté si le client est désintéressé. Plus souvent, la mourabaha sera greffée d’une promesse d’achat de la part du donneur d’ordre, il s’agira alors « d’une vente avec bénéfices au profit du donneur d’ordre ». L’article 1 de l’arrêté 8870/2004 définit cette opération comme la « vente que deux parties ou plus négocient et, [qui] promettent d’exécuter la négociation en vertu de laquelle le client demande à la banque islamique d’acheter le bien pour son propre compte, et le donneur d’ordre promet la banque de le lui racheter avec bénéfices en vertu d’un contrat de vente après l’acquisition dudit bien par la banque ». Ici, la banque n’est pas propriétaire du bien. Elle ne l’achète que parce que le client a préalablement promis de l’acheter. Ce faisant, le contrat repose sur une promesse d’achat de la part du client et sur une promesse de vente de la part de la banque (26). La mourabaha est, par conséquent, un instrument de financement du commerce extérieur (27). La banque ne court pas de risque dans ce genre d’opération. A cet effet, il convient de souligner que l’article 3 de l’arrêté 8870/2004 enjoint aux banques islamiques de faire une stricte application des opérations de mourabaha avec promesse d’achat et de s’interdire de procéder à de telles opérations en l’absence d’engagement d’achat de la part du client. La seule mourabaha permise est donc celle contenant une promesse d’achat de la part du donneur d’ordre (28). Au moment de la conclusion du contrat, la banque islamique peut demander au client de verser une partie du prix dite « gage de sérieux » (hamech el jadiya) en garantie de son intention sérieuse d’achat; le solde étant payé par versements échelonnés ou autres en accord avec la banque. Si le donneur d’ordre refuse d’acheter le bien, en cas d’obligation à sa charge, la banque sera dédommagée du préjudice réel qu’elle aurait subi sur la somme préalablement versée. Si cette somme ne suffit pas pour dédommager la banque, celle-ci pourra se retourner contre son client à mesure du préjudice. Au contraire, si la somme dépasse le préjudice, la banque doit restituer le surplus au donneur d’ordre (29).

                                                            18 Arrêté 9104/2005, art. 1. 19 Cette association est également connue sous le nom de moucharaka « da-ima ». 20  Arrêté 9104/2005 art. 1. abrogeant le paragraphe 2 de l’article 1 relatif à la définition de la moucharaka de l’arrêté n° 8954/2004. 21 Arrêté n° 8954/2004, art. 1 Cette association est également connue sous le nom de « moucharaka naquissa ». 22 Sur les mentions que doit contenir le contrat, Arrêté 8954/2005, art. 1. 23 Arrêté 9104/2005, art. 2. 24 JO n° 60, 11 nov. 2004, 10897. 25 Arrêté 8870/2004, art. 1 ; v. DURAND et HAZOUG, La murabaha, RDBF mars-avril 2011, études 16. 26 COMAIR-OBEID, 181. 27 M. SIDDIQUIN, Issues in Islamic Banking, Londres, 1983, 49 et 183; ALGABID, 79. 28 Sur les mentions que doit contenir le contrat, arrêté 8870/2004, art. 4. 29 Arrêté 8870/2004, art. 1.

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791 Bei’e el selem. L’article 487 c. oblig. c. définit le bei’e el selem comme « un contrat par lequel l’une des

parties avance une somme déterminée en numéraire à l’autre partie, qui s’engage de son côté à livrer une quantité de durées vu d’autres objets mobiliers dans un délai convenu ». Le « selem» est donc une vente avec paiement anticipé au moment du contrat pour une livraison à une date future, mais déterminée; elle constitue donc une exception à la règle selon laquelle l’objet doit exister à ce moment (30). La formule est justifiée par des traditions et par le verset (II, 282) qui recommande de mettre par écrit la dette quand il y a un terme pour le paiement (31). En pratique, la banque paie le prix d’une marchandise que le client s’engage à livrer après sa production. Cette technique est généralement utilisée pour financer les projets industriels.

792 Istsna’h. Le client (moustasn’h) requiert de la banque un produit ou un bien-fonds à des conditions

déterminées. À son tour, la banque s’adresse à une tierce personne, l’entrepreneur (ou sane’h) et lui demande de produire ou de réaliser le produit ou bien-fonds en question. Aux termes de l’entreprise, la banque vend le produit préalablement commandé. Il est à noter que dans ce cas de figure la banque paie l’entrepreneur après avoir fixé, au préalable, les conditions de son propre paiement par le client. Ce schéma est surtout utilisé en matière foncière ou industrielle (32).

793 Bei’e el moussawama. Le schéma de ce contrat se présente comme suit: un client demande à la banque de

lui acheter un bien déterminé sans que le prix ne soit préalablement fixé. La banque acquiert ce bien auprès d’une tierce personne que le client ne connaît pas et propose à son client de le lui vendre à un prix donné, après l’avoir augmenté de ses bénéfices. Si le client décline l’offre dans un délai déterminé, la banque restitue le produit au vendeur initial dans les termes du contrat conclu avec ce dernier. Le bei’e el moussawama met donc en cause une relation triangulaire qui repose sur deux relations distinctes.

794 Opérations de crédit. La banque islamique peut effectuer toutes sortes d’opérations de crédit à condition

que la rémunération ne soit pas en rapport direct avec l’argent accordé (33). La banque islamique peut contracter des crédits documentaires. Par le crédit documentaire, la banque s’engage, à la demande d’un acheteur, de payer le vendeur contre remise de documents décrits. Dès que la banque paie, elle devient créancière du débiteur. Jusque-là, le schéma ne porte pas atteinte à la chari’a islamiya. En contrepartie de son engagement, la banque perçoit des commissions (commissions d’ouverture, de notification, d’acceptation, de négociation, etc.) et des intérêts dûs sur les sommes non couvertes et avancées pour le paiement des marchandises. Le crédit documentaire n’est pas prohibé pour autant. La rémunération de la banque peut s’effectuer en dehors de tout intérêt. Elle peut être justifiée par les services rendus par la banque. Elle peut prendre la forme d’une participation aux bénéfices résultant de l’opération de moucharaka, (34). De même, la rémunération de la banque de l’exportateur peut être incorporée au prix du bien commandé par le donneur d’ordre qui s’engage à le racheter suivant le mécanisme de la moudaraba. La banque islamique peut effectuer des opérations d’affacturage par le truchement d’une cession de dettes afin de contourner les intérêts dûs au factor suite au règlement immédiat des factures. A ce propos, signalons que l’Union internationale des banques islamiques admet depuis 2002 le recours au factor traité comme un mandataire chargé de recouvrer les factures des commerçants à leur échéance. Par exemple, la banque islamique achète des marchandises d’un vendeur-exportateur et lui en règle le coût de production (1er contrat). Par la suite, elle le mandate de vendre à terme (2e contrat) sur un territoire déterminé ou pour une catégorie déterminée d’acheteurs. Celui-ci vend à un importateur (3e contrat) lequel revend en vertu de contrats à paiement échelonné (4e contrat). Par la suite, la banque islamique charge le factor du pays de l’importateur de recouvrer les créances (5e contrat). Ces créances constituent les bénéficies partagés entre la banque islamique et le vendeur exportateur après paiement du factor. Egalement, les opérations de crédit-bail seront possibles dans la mesure où le crédit-bailleur ne touche que des loyers fixes en contrepartie de la mise à disposition d’un bien déterminé.

795 Garanties des crédits. Les banques islamiques peuvent souscrire des crédits par signature (caution,

lettre de crédit, etc.) mais à condition que leur rémunération ne découle pas des sommes d’argent qu’elles

                                                            30  A l’origine, elle permettait au cultivateur de réaliser sa récolte avant maturité ou de la mettre sous la protection d’un homme influent pour

éviter une spoliation. 31 MILLIOT, 651 nº 804. 32 Pour des exemples de contrat d’istsna’h, v loi n° 137 du 17 août 2011, JO n° 39 du 25 août 2011, 2999 et loi n° 106 du 26 juin 2010, JO n°

32 du 1er juill. 2010, 4157 conclus entre le gouvernement libanais et la banque islamique de développement. 33 ZEYYAD CEKICI, Le cadre juridique français des opérations de crédit islamique RDBF, mars-avril 2011, études 15. 34 cf. J. ATTIAH, 85, ALGABID, 79.

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représentent. Pour être valable, la rémunération ne doit représenter que les frais supportés par la banque à l’occasion du crédit. Plus particulièrement, la banque islamique peut émettre des lettres de garantie au profit de son client. Au lieu de payer son engagement par des intérêts, le contrat stipulera, en cas de non paiement de la créance, l’association de la banque au projet du client selon un taux déterminé. Dans ce cas, les bénéfices seront répartis au prorata des participations de la banque et du client. Egalement, le prêt pourra être garanti par une assurance. Mais l’assurance de type conventionnel est réfutée en droit musulman: - l’augmentation des primes sans contreparties les rend ribawi (usuraire) - l’assurance comporte un aléa manifeste dans les prestations; ainsi l’assurance dépend d’un événement éventuel, incertain, qui n’existe pas: l’assuré paye une prime mais l’événement peut se réaliser ou non et l’assureur peut être condamné à une grande somme sans contrepartie. Par conséquent, l’islam y voit un pari. En réalité, l’assurance islamique est pratiquée sous la forme d’une mutuelle : les assurés remettent à titre de libéralité (donation) les primes à la banque islamique afin d’investissement (moudaraba, moucharaka, etc.) sur la base d’un contrat de moudaraba et lorsqu’un dommage est subi par l’un quelquonque des apporteurs, une somme d’argent lui est remis à titre de répartition du préjudice subi au prorata de sa contribution. L’assurance islamique a trois caractéristiques: 1- l’exécution effective du contrat de mutualité et par conséquent faire bénéficier tous les participants. 2- l'application effective de la règle de solidarité: couvrir les risques, réparer les dommages et investir le supplément de liquidités au profit de tous les participants. 3- la variabilité du montant de la cotisation puisque chaque participant est à la fois assureur et assuré de sorte que la cotisation qui lui est réclamée pourra augmenter ou diminuer suivant les risques ou événements (qualité / quantité). Quant à la gestion de la mutualité, elle constitue un droit indivis de sorte que chaque participant disposera d'une voix peu importe la quantité de sa participation. Concrètement, le contrat d'assurance islamique repose sur la moudaraba: les capitalistes apportent l'argent au amil (moudareb) qui investit l'argent et gère la moudaraba en contrepartie d'un pourcentage prélevé sur les bénéfices nets. Le moudareb rédige les statuts, les capitalistes souscrivent aux actions. Le moudareb fixe les domaines de l'investissement, les bénéfices escomptés, etc. Une fois réalisés, les bénéfices sont distribués aux membres de l'association mutuelle ou à la société selon leur participation. La réassurance se déroule dans les mêmes conditions, si elle a lieu avec des compagnies de type laïc, la règle de la nécessité la tolère.

SECTION 3 - SERVICES BANCAIRES ET FINANCIERS

796 Encaissements et paiements. Les banques islamiques offrent à leur clientèle différentes facilités pour les

mouvements de fond: ordre de virement, émission et recouvrement des chèques, change, etc. Néanmoins, les banques ne peuvent escompter les effets de commerce dans la mesure où l’escompte repose sur les intérêts versés à la banque. L’émission des cartes de paiement et de crédit doit, en principe, être interdite aux banques islamiques dans la mesure où l’utilisation desdites cartes suppose la rémunération de leurs émetteurs par le versement d’intérêts. Néanmoins, il semble qu’une telle utilisation soit permise sous la condition que la banque, au lieu de percevoir des intérêts, obtienne le versement de sommes forfaitaires, commissions, qui ne soient pas en relation avec le montant des sommes retirées (35). A noter qu'en juillet 2008, plusieurs banques islamiques à Bahrein ont émis des cartes visa de type islamique. La légitimité de cette carte est justifiée par le fait que son titulaire paie le prix de la marchandise sans rémunérer la banque du crédit engagé (qard hassan) avec promesse de remboursement. A ce stade, la banque ne perçoit que les frais administratifs de tenue du compte et de fonctionnement de la carte. Mais, si le client tarde à rembourser, la banque pourra lui infliger des "amendes" qui ne sont pas des intérêts mais des pénalités (sanction du retard). Les cartes de retrait sont valables puisqu'elles permettent à leur titulaire de retirer de l'argent préalablement versé. Si le titulaire bénéficie d'un découvert, le retrait est toujours valable puisqu'il s'agira d'un prêt. Dans ce cas, la banque, se fera rémunérée son service sur une portion du montant des retraits ou services effectués. Il en est de même des cartes de paiement, si l'argent est préalablement versé. En revanche, la carte de crédit revolving est interdite parce qu'elle repose sur un contrat de prêt ribawi (usuraire) remboursé par le titulaire par échelonnement à des taux d'intérêts (usuraires).

797 Les titres islamiques appelés sukuks. La spéculation sur les marchés financiers de type occidental est une

« opération faite en vue de réaliser un gain en profitant des fluctuations du marché ». Le spéculateur effectue des opérations à court terme dans la mesure où il achète et vend un bien qu’il ne peut consommer ou utiliser dans sa profession et auquel il ne peut ajouter aucune valeur. Au contraire, la spéculation

                                                            35 ABOU-OBEID, art. préc., 25.

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islamique repose sur trois critères essentiels: l’acquisition effective des titres achetés, leur paiement intégral et l’existence, au moment de l’achat, de l’intention de garder les titres pour une durée indéterminée (36). Par ailleurs, le marché financier islamique ne peut effectuer d’opérations en rapport quelconque avec l’intérêt ou le hasard . Il en résulte que les banques islamiques ne peuvent nullement « traiter » (émission, achat, ou négociation) avec tous titres de créances impliquant une prédétermination des intérêts provenant du secteur public ou du secteur privé ou acquérir les titres en deçà de leur valeur nominative (37). En effet, ces titres appelés sukuks reposent sur un rapport créancier-débiteur refuté par l’islam lequel, retient comme principale source de financement, l’association c’est-à-dire la moucharaka. Pour cette raison, les juristes musulmans préfèrent aux bons du trésor, les titres destinés à favoriser la réalisation de projets déterminés, économiquement utiles. A ce propos, l’organisation d’audit et de comptabilité des institutions financières islamiques (AAOIFI), qui est un organisme de standardisation du normes comptables et d’audit applicables aux établissements financiers, définit les sukuks comme étant « des certificats de valeur égale, représentant des parts indivises de propriété d’actifs tangibles, d’usufruits et de services, ou la propriété d’actifs d’un projet particulier ou d’une activité d’investissement spécifique ». Par conséquent, les sukuks sont toujours adossés. Ils sont adossés à des contrats de vente dits sukuk mourabaha, des contrats de société dits sukuks moucharaka, et le plus souvent à des contrats de location dits sukuks ijara (38). Parmi ces sukuks, donc, on dénombre les titres el ijara, les titres el-selem et les titres el-moukarada. Les titres el ijara sont des produits financiers représentant une certaine catégorie de biens auxquels souscrivent les investisseurs. Par la suite, la banque islamique acquiert cette même catégorie de biens qu’elle engage par des contrats de location-vente. Les bénéfices résultant de ces opérations sont distribués entre la banque et les investisseurs conformément à la cotation desdits titres. Les titres el-selem islamiques consistent en des instruments financiers représentant des biens auxquels souscrivent les investisseurs. Par la suite, la banque achète cette même catégorie de biens, et procède à leur vente. Les bénéfices ainsi réalisés sont répartis entre la banque et les investisseurs suivant la cotation desdits titres. Les titres el-moukarada sont des certificats de montant identique émis par la banque islamique aux noms de leurs souscripteurs. Ces titres permettent à leur titulaire de récolter les bénéfices suivant les conditions de chaque émission au lieu d’intérêts. Généralement, ces titres sont émis s’agissant les projets économiques d’une certaine envergure. Ils sont gérés suivant d’un contrat de moudaraba en conformité avec la chari’a islamiya (39).

798 Placement collectif. L’arrêté n° 9041 du 1er juin 2005 (40) a porté création des organismes islamiques de

placement collectif (OIPC). L’OIPC est défini comme « l’organisme qui investit dans les opérations de financement islamique et autres instruments financiers, spécialisé ou non spécialisé, dans un ou plusieurs projets déterminés dont l’activité est limitée au placement collectif des sommes reçues des investisseurs, suivant le principe de répartition des risques et les principes de la charia islamiya qui ne sont pas contraires aux lois et règlements impératifs en vigueur » (41). Il prend la forme d’une caisse de placement collectif (CPC) ou d’une société de placement commun à capital variable (SPC). La gestion d’un tel organisme au Liban ne peut être assurée que par une banque islamique (42) qui a la qualité, suivant le cas, de directeur de la caisse ou de société (43). La gestion du fonds a lieu sur la base du mécanisme de la « moudaraba ». Appliquée au fond islamique de placement, la moudaraba est l’opération par laquelle les épargnants (capitalistes) apportent leur argent par la souscription aux parts du fonds à la société de gestion (moudareb) qui l’emploie au négoce en contrepartie d’un bénéfice indexé sur les gains du fonds. En cas de perte, seuls les apporteurs supportent les conséquences. Toutefois, la société de gestion ne peut réclamer                                                             36 CHAMBOUR, Contrats fiduciaires et gestion financière islamique, in Fiduciary operations. éd. BDL, 1997, 355. 37  Néanmoins, la banque peut émettre des actions. Elle peut en acheter si les conditions de leur émission ne portent pas atteinte à la chari’a

(intérêts, garantie d’un taux déterminé de bénéfices, etc.). De même, la banque peut servir d’intermédiaire entre toute société et les souscripteurs. L’exécution de son mandat justifiera alors sa rémunération. La règle selon laquelle « le prêt ne peut engendrer de profit » gouverne les titres islamiques. 

38 STORCK et ZEYYAD Cekici, Les sukuks : aspects de droit français et de droit musulman, RDBF mars-avril 2011, étude 17. 39  La négociation de ces sukuks est en principe interdite en raison de la prohibition en droit musulman des créances-dette contre des

créances-dettes, de même nature juridique débouchant sur des interêts « Aldayn bildayn ». 40 JO n° 25, 9 juin 2005, 2388. 41 Arrêté 9041/2005, art. 1 ; v. RIASSETTO, Les fonds islamiques, RDBF mars-avril 2011, étude 18. 42 Arrêté 9041/2005, art. 2. 43 Arrêté 9041/2005, art. 1. En plus, la banque doit désigner un organe de contrôle chari’é ou un conseiller de la chari’a auprès de l’OIPC

afin de préciser les règles de la charia qui doivent être respectées dans la gestion des investissements de l’OIPC et qui ne doivent pas être contraire aux lois et règlements en vigueur: Arrêté 9041/2005, art. 5.

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DOMAINE DE L’ACTIVITE BANCAIRE ISLAMIQUE

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aucun bénéfice pour le travail fourni. Au contraire, la société de gestion supportera seule la totalité des pertes en cas de négligence, de faute, ou de violation du règlement du fonds de sa part (44). Dans ses relations avec les porteurs des parts, la société de gestion – moudareb est considérée comme un mandataire salarié sauf texte contraire (45). Egalement, la gestion du fonds peut se réaliser sur la base d’un mandat. Dans ce cas, il sera versé une commission à la société gestion – mandataire, en contrepartie de son travail. La société de gestion islamique gère le fonds dans les mêmes conditions qu’une société de gestion de type laïc. L’association étant la caractéristique des opérations bancaires et financières islamiques qui les distingue des opérations de type classique, l’article 46 de la loi 706/2005 a prévu une disposition dérogatoire à l’article 6 § 2 interdisant à la société de gestion d’utiliser les actifs du fonds à des fins personnelles et de les fusionner avec ses propres actifs. En effet, l’article 46 autorise expressément la société de gestion islamique à participer et obtenir des parts dans le fonds islamique qu’elle dirige. Dans ce cas, en plus des honoraires qu’elle touche du fait de l’emploi de l’argent au négoce, elle percevra en tant que capitaliste (rabb el mâl) une partie des bénéfices, proportionnelle aux parts qu’elles détient dans le fonds. Néanmoins, la société de gestion ne pourra garantir personnellement ni le capital souscrit dans le fonds ni les bénéfices forfaitaires (46). Egalement, le fonds islamique pourra être géré par une société financière islamique. Conformément à l’article 48 de la loi 706/2005, celle-ci est dispensée des dispositions de l’article 20 § 3 de la même loi interdisant aux anciens actionnaires de bénéficier d’un droit préférentiel de souscription en cas d’émission de nouvelles actions ou de rachat des actions. Néanmoins, la société financière islamique ne peut pas émettre des actions privilégiées dont les caractéristiques lui conféreraient un droit préférentiel en cas de liquidation du fonds ou en cas de distribution des bénéfices (47).

799 Opérations fiduciaires. La banque islamique pourra effectuer des opérations fiduciaires (48). Néanmoins,

alors que le contrat fiduciaire dans l’approche de type conventionnel s’articule sur la notion de propriété et à son aménagement selon que les actifs ont été remis à titre de propriété ou d’administration et sur le contrat de mandat à titre onéreux signé entre le fiduciant et le fiduciaire, en droit musulman, le contrat de fiducie repose d’une part, sur le contrat de mandat tel qu’il est appréhendé par le droit musulman et d’autre part, sur le contenu des pouvoirs conférés au mandataire fiduciaire appelé moudareb. Ainsi, le fiduciant ne recueille les profits de l’opération fiduciaire que par nécessité, parce qu’il a voulu cette opération et par respect de sa volonté. Quant au patrimoine fiduciaire, il ne sera créé que dans l’hypothèse de la mourabaha restreinte c’est-à-dire lorsque les actifs feront l’objet d’une affectation de nature à limiter les pouvoirs du moudareb. Le contrat fiduciaire n’emporte donc pas, en lui-même, séparation de patrimoines (49).

800 Titrisation. S’agissant la titrisation des sukuks islamiques, en principe, elle est interdite (50). Néanmoins,

les sukuks ijara mobilisant des créances futures de loyers peuvent être titrisables: d’une part, l’islam permet de tirer profit d’une location future et d’autre part, parce que les loyers peuvent faire, à leur tour, l’objet d’une seconde location (51).

                                                            44 Art 45 – a, L 706/2005. 45 Art 52, L 706/2005. 46  Art 51 L 706/2005 47  Art 50 L 706/2005. 48  V loi n°520 du 6 juin 1996 relative au développement du marché financier et des contrats fiduciaires et arrêté n°6349 du 23 mai 1997

rendu par le gouverneur de laBDL. 49 Sur ces questions v. ABDALLAH préf. MERLE, La sécurisation de la gestion fiduciaire, Pratiques conventionnelles et islamiques,

Bruylant-Delta- LDGJ 2006. 50 SERHAL, Titrisaton islamique: comment accéder à une nouvelle base d’investisseurs, Banque et droit n° 109 sept. 2006 ; la finance

islamique: une intégration possible dans le système bancaire français, Banque et droit n° 106, mars-avril 2006. 51 V. STORCK et ZEYYADE CEKICI, art. préc.

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INDEX ALPHABÉTIQUE

(Les chiffres renvoient aux numéros des paragraphes)

A AAOIFI, 782 Abus de confiance, 21, 707 Acceptation:

- de la lettre de change, 497 et s, - du crédit, 557 - du virement, 280, 667

Accréditif, 425, 541 Acte de blanchiment des capitaux, 187 Acte de la vie courante, 255 Acte mixte, 2 Adhésion au contrat bancaire, 201 Affacturage, 467 et s:

- international, 532 Affectation des fonds, 327, 452 Anatocisme, 306 Anomalies apparentes, 215, 559, 668, 680 Arrêté de compte, 335, 577 Association libanaise des banques, 120 Assurance paiement à l’échéance, 618 Assurance-insolvabilité, 617 Assurance-vie, 615 Autorisation de prélèvements, 687 Aval, 492 et s Avance de fonds, 24 B Banque mixte, 30 Bei’e el moussawama, 793 Bei’e el selem, 791 Blanchiment des capitaux, 80, 186 et s Blocage du crédit, 563 Bureau de représentation, 52 C Capacité du déposant, 648 Capitaux illégaux:

- notion, 188 Carte magnétique, 693 et s Caution non avertie, 573 Cautionnement:

- indéfini, 574, - caractère accessoire, 571

Cession des actifs, 519 Change:

- obligation de, 717 Chèque:

- carnet, 672 - faux, 680 - sans provision, 673 - secret, 170

Clause de substitution, 632 Clearing, 714 Client:

- notion, 171 Close-out netting, 714 CMCC non garanti, 465 Code confidentiel, 698 Coefficient de liquidité, 157 Coffre-fort:

- saisie, 773 Commission de contrôle des banques, 121 Compensation in futurum, 400 Compliance officer, 158 Compte arrêté, 361 Compte courant d’associé, 325 Compte d’investissement, 786 Compte différé, 288, 388 Compte joint, 413 Compte soldé, 361 Conseil central, 8, 131 Conseil:

- devoir, 218, 439, 743 Contre garantie, 601 Contrepassation, 339 et s, 378 et s, 463 Convention de centralisation de trésorerie, 410 Co-obligés, 380 Correspondance bancaire, 180 Co-titulaire d’un compte, 173, 412 et s Créances douteuses, 145 Créances hypothécaires, 520 Crédit revolving, 333, 426, 526, 541 Crédit-bail, 25, 89, 503 et s:

- international, 537 Crédits de préfinancement, 530 Crédits différés, 501 Crime organisé transnational, 186 D Dailly:

- borderau, 478 Date de valeur:

- Absence de cause, 304 Dation en paiement, 145 Débit d’office:

- clause, 706 Découvert moyen, 434 Découverts réciproques, 329, 456 Délai de restitution, 453 Délégation imparfaite, 567 Délit d’initié, 732

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Dépositaire des actifs, 106, 110, 518 Dépôt bancaire, 18, 645 et s Dépôt de titres, 663 Dette parallèle, 631 Domiciliation, 684 et s Droit au compte, 254 E Effet de complaisance, 460 Endossement de la traite, 493 Enrichissement illicite, 182 Entrée en compte, 285 et s Epoux:

- représentation mutuelle, 21 Evergreen:

- clause, 542 Extinction des sûretés, 338 F Fiducie gestion, 746 et s, 799 Fiducie sûreté, 628 et s Fonds commun de placement, 103, 107 Fonds commun des actifs, 516 Forfait escompté, 491 Fusion-absorption, 220 G GAFI, 186 Gage, 60, 67, 135, 474:

- clause de substitution, 632 Garantie sur demande justifiée, 599 Garde des titres, 738 Gestionnaire des actifs, 105, 109, 517 Gharar, 779 Gouvernement d’entreprise, 159 H Hamech al jadiya, 790 Haute instance bancaire, 124 Hypothèque:

- techniques, 626 I Iban, 665 Identification du compte, 271 Indication de payer, 566 Indices de blanchiment, 192 Information:

- devoir, 217, 270 Inscription en compte, 286 Insolvabilité du crédité, 444 Instance spéciale d’investigation, 183, 195 et s Instructions du client, 293, 549, 731

Instrument financier: - notion, 104, 723

Interdiction bancaire, 421 Intêrets:

- post-contractuels, 348, 373 - stipulation, 300, 342 - taux, 299 et s, 343 et s

Intermédiation bancaire, 1, 78 International standby pratices, 541 Isabel:

- clause, 533 Istsna’h, 792 K Know your customer, 190 L Lease-back, 503 Lettre d’engagement, 536 Lettre d’intention, 611 et s Lettre d’ouverture de compte, 251 Lettre d’unité de compte, 410 Lettre de crédit confirmée, 545, 555 Liberté de contracter, 202, 253 Lien de connexité, 321, 340, 409 Ligne d’escompte, 460 Livret d’épargne, 116, 397 et s M Mandataire au compte, 283 Maturité suffisante, 257 Maysar, 780 Mise en garde:

- devoir, 219, 732 Moucharaka, 789 Moudaraba, 785, 788 Moudareb, 786 Mourabaha, 790 Moyens de paiement, 28, 664 et s N Nantissement de marché, 473, 634 Netting, 714 Non- fonctionnement du compte, 270 Non ingérence:

- devoir, 215 Non renouvellement du crédit, 438 O Obligation de loyauté, 732, 742, 758 OPCVM, 101 et s, 798 Opérations électroniques, 5 Opposabilité du secret bancaire, 176 Ordre de bourse, 729

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Ordre de virement, 664 et s Ottawa:

- conventions, 532, 537 et s P Payez ou prorogez, 535, 605 Personnes mariées, 264 Perte ou vol de la carte, 704 Plan épargne, 394 Pool bancaire, 724 Portage d’actions, 727 Portefeuille- titres, 742 Prêt de consommation, 18, 300, 342, 650 Prêteur professionnel, 430, 449 Prêts fiduciaires, 751 Prêts participatifs, 502 Principe de généralité, 352 Principe de globalité, 468 et s Produit d’emprunts, 22 Profession bancaire:

- exercice illégal, 139 Professionnel averti, 706 Publicité bancaire, 253 Q Qard hassan, 796 R Rabb el mâl, 787 Ratio de solvabilité, 153 Réception de fonds, 18 Refus de renouvellement du crédit, 438 Règlement global des créances, 352 Renseignement:

- devoir, 761 Relevés de compte, 295, 384 Remise des fonds: - preuve, 449 Rémunération du banquier:

- assiette, 26 Répétition de l’indu, 294, 305 Ressources subordonnées, 162 Restitution:

- obligation, 21, 282, 652, 696, 738 - prescription (intérêts), 305

Riba, 776 Rupture du crédit, 437:

- Délai de préavis, 442 Vigilance:

- devoir, 216, 440 - obligation, 678, 680

RUU 600, 540, 546, 552, 557 et s

S

Saisie légale, 232, 246 et s Sauf encaissement:

- clause, 379 Scoring, 432 Secret bancaire, 11, 37, 42, 73, 117, 164 et s, 173, 198, 247, 308, 422 Secret professionnel, 80, 164 Set-off, 714 Shari’a board, 783 SICAV, 102, 111 Silence, 206, 296, 731 Société en formation, 266 Solidarité, 412, 414, 565 Sommes bloquées, 327 Soutien abusif de crédit, 440 Special purpose vehicule, 515 Spécimen de signature, 278, 281 Subrogation, 643 Sukuks islamiques, 797 Surveillance du coffre-fort, 767 Swap:

- de devises, 640, 720 - de taux d’intérêts, 639

Swift, 665, 713

T

Titre exécutoire, 383, 428 Titres escomptables, 460 Titrisation islamique, 800 Titrisation, 515 et s Titulaire du droit économique, 191 Tolérance de crédit, 429, 434 Traite pro-forma, 460 Transférabilité de la lettre de crédit, 564 Transfert des fonds, 28 Transfert fiduciaire, 521 Tribunal bancaire spécial, 225, 231

U

Unité de contrôle, 158 Usages bancaires, 9, 201, 251, 253

V

Valeur mobilière: - notion, 723

Vérification de l’identité, 272: - de l’adresse, 275 - de l’ordre de virements, 668 - de la signature, 281 et s, 702 - des documents, 558

Z

Zakat, 778

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TABLE DES MATIÈRES (Les chiffres renvoient aux numéros des pages)

INTRODUCTION 1 TITRE I – REGLEMENTATION BANCAIRE 4

CHAPITRE 1 – REGLEMENTATION DE LA PROFESSION BANCAIRE 5 SECTION 1 – BANQUES 5 SOUS-SECTION 1 – DEFINITION DE LA BANQUE 5 Paragraphe 1 - Définition législative 5

Paragraphe 2 - Définition retenue 5

Sous-paragraphe 1 - Réception de fonds du public 6 Sous-paragraphe 2 - Opérations de crédit 7 Sous-paragraphe 3 - Mise à disposition et gestion des moyens de paiement 9 SOUS-SECTION 2 – DIFFERENTES CATEGORIES DE BANQUE 9 Paragraphe 1 - Banque du crédit agricole, industriel et foncier 9 Paragraphe 2 - Banque nationale pour le développement industriel et touristique 10 Paragraphe 3 - Banque de l’Habitat 11 Paragraphe 4 - Banque nationale pour le développement agricole 12

Paragraphe 5 - Banque commerciale 13 Paragraphe 6 - Banques spécialisées 15 SECTION 2 - ETABLISSEMENTS VOISINS 16 SOUS-SECTION 1- ETABLISSEMENTS SOUMIS A LA LOI BANCAIRE 16 Paragraphe 1 - Institut national pour la garantie des dépôts bancaires 16 Paragraphe 2 - Etablissements financiers 18 Paragraphe 3 - Intermédiaires financiers 19 Paragraphe 4 - Intermédiaires boursiers 21 Paragraphe 5 - Sociétés de crédit-bail 22 Paragraphe 6 - Etablissements de change 24 Paragraphe 7 - Organismes de placement collectif 25

Sous-paragraphe 1 - Organes des OPCVM 25

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Sous-paragraphe 2 - Régime juridique des OPCVM 28 SOUS-SECTION 2 – ETABLISSEMENTS NON SOUMIS A LA LOI BANCAIRE 30 Paragraphe 1 - Etablissement public du logement 30 Paragraphe 2 - Associations mutuelles 30 Paragraphe 3 - Trésor public 31 SECTION 3 – AUTORITES DE TUTELLE 31 SOUS-SECTION 1 - ORGANE DE REPRESENTATION PROFESSIONNELLE 31 SOUS-SECTION 2 - ORGANES DE DIRECTION ET DE CONTROLE 32

Paragraphe 1 - Commission de contrôle des banques 32

Paragraphe 2 - Haute instance bancaire 32 Paragraphe 3 - Banque du Liban 33 CHAPITRE 2 - REGLEMENTATION DE L’ACTIVITE BANCAIRE 37 SECTION 1 – EXERCICE DE L’ACTIVITE BANCAIRE 37 SOUS-SECTION 1 - SOUMISSION DE L’ACTIVITE BANCAIRE A LA REGLEMENTATION PROPRE AUX BANQUES 37 Paragraphe 1 - Monopole de l’activité bancaire 37 Sous-paragraphe 1- Monopole des opérations 37 Sous-paragraphe 2 - Monopole des opérateurs 37 Paragraphe 2 - Exclusivité de la profession bancaire 38 Paragraphe 3 - Prises de participation 38 Paragraphe 4 - Placements fonciers 39 Paragraphe 5 - Emission et négociation d’actions 39 Paragraphe 6 - Ratios 41 Paragraphe 7 - Contrôle 42 Paragraphe 8 - Secret bancaire 43 Sous-paragraphe 1 - Domaine du secret bancaire 44 Sous-paragraphe 2 - Levée du secret 47 Sous-paragraphe 3 - Sanctions du secret bancaire 48 Paragraphe 9 - Blanchiment des capitaux et financement du terrorisme 48

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SOUS-SECTION 2 - SOUMISSION DE L’ACTIVITE BANCAIRE AU DROIT COMMUN 51 Paragraphe 1 - Droit des contrats bancaires 51 Sous-paragraphe 1 - Formation des contrats bancaires 51 Sous-paragraphe 2 - Conditions de validité 52 Sous-paragraphe 3 - Preuve des contrats bancaires 52 Sous-paragraphe 4 - Interprétation des contrats bancaires 53 Paragraphe 2 - Droit de la responsabilité du banquier 53 Sous-paragraphe 1 - Responsabilité pénale 54 Sous-paragraphe 2 - Responsabilité civile 54 Paragraphe 3 – Devoirs généraux du banquier 55 SECTION 2 – FIN DE L’ACTIVITE BANCAIRE 57 SOUS-SECTION 1 - FUSION 57 SOUS-SECTION 2 - AUTOLIQUIDATION 58 SOUS-SECTION 3 - REVOCATION DE L’AGREMENT 58 SOUS-SECTION 4 - RADIATION 59 SOUS-SECTION 5 - MAINMISE 59

SOUS-SECTION 6 - CESSATION DES PAIEMENTS 61 TITRE II – COMPTES EN BANQUE 66 CHAPITRE 1 - REGLES COMMUNES 67 SECTION 1 - OUVERTURE DU COMPTE 67 SOUS-SECTION 1 - FORME 67 SOUS-SECTION 2 - CONSENTEMENT 67 SOUS-SECTION 3 - CAPACITE ET POUVOIR 68 Paragraphe 1 - Personnes physiques 68 Sous-paragraphe 1 - Mineurs 68 Sous-paragraphe 2 - Incapables majeurs 69 Sous-paragraphe 3 - Débiteurs et personnes mariées 70 Paragraphe 2 - Personnes morales 70

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SOUS-SECTION 4 - OBLIGATIONS DU BANQUIER 71 SECTION 2 - FONCTIONNEMENT DU COMPTE 72 SOUS-SECTION 1 - PERSONNES AUTORISEES A FAIRE FONCTIONNER LE COMPTE 73 SOUS-SECTION 2 - PASSATION EN COMPTE DES OPERATIONS 74 SOUS-SECTION 3 - RETRAITS 75 SOUS-SECTION 4 - TENUE DU COMPTE 75 SOUS-SECTION 5 - INTERETS ET COMMISSIONS 76 Paragraphe 1 - Intérêts 76 Sous-paragraphe 1 - Variantes 76 Sous-paragraphe 2 - Intérêt conventionnel 77 Sous-paragraphe 3 - Calcul de l’intérêt 78 Sous-paragraphe 4 - Capitalisation des intérêts 79 Paragraphe 2 - Commissions 79 SECTION 3 - INCIDENTS DU COMPTE 79

SOUS-SECTION 1 - SAISIE DU COMPTE 79

SOUS-SECTION 2 - AVIS A TIERS DETENTEUR 79 SOUS-SECTION 3 - PRESCRIPTION 80 SECTION 4 - CLOTURE DU COMPTE 80 SOUS-SECTION 1 - CAUSES DE LA CLOTURE 80

SOUS-SECTION 2 - EFFETS DE LA CLOTURE 80 SECTION 5 - REDRESSEMENT ET REVISION DU COMPTE 81 SOUS-SECTION 1 - REDRESSEMENT DU COMPTE 81 SOUS-SECTION 2 - REVISION DU COMPTE 81 CHAPITRE 2 - COMPTE COURANT 82 SECTION 1 - OUVERTURE DU COMPTE COURANT 82 SOUS-SECTION 1 - ELEMENT INTENTIONNEL – ACCORD DES PARTIES 83 SOUS-SECTION 2 - ELEMENT MATERIEL – REMISES RECIPROQUES 83 Paragraphe 1 - Notion de remise 83

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Paragraphe 2 - Caractères des remises 84 Sous-paragraphe 1 - Généralité des remises 84 Sous-paragraphe 2 - Réciprocité des remises 85 Sous-paragraphe 3 - Alternance des remises 85 SECTION 2 - FONCTIONNEMENT DU COMPTE COURANT 85 SOUS-SECTION 1 - REMISES EN COMPTE COURANT 86 Paragraphe 1 - Conditions des remises 86

Paragraphe 2 - Effets des remises 86 Sous-paragraphe 1 - Novation 86 Sous-paragraphe 2 - Extinction de la créance 87 Sous-paragraphe 3 - Contrepassation des effets impayés 87 SOUS-SECTION 2 - INTERETS DU COMPTE COURANT 88 Paragraphe 1 - Régime des intérêts 88 Paragraphe 2 - Capitalisation des intérêts 90 SECTION 3 - INDIVISIBILITE DU COMPTE COURANT 90 SOUS-SECTION 1 - REGLE DE L’INDIVISIBILITE 90 SOUS-SECTION 2 - CONSEQUENCES 91 SOUS-SECTION 3 - LIMITATIONS A LA REGLE DE L’NDIVISIBILITE 91 SECTION 4 - SOLDE PROVISOIRE 91 SOUS-SECTION 1 - SOLDE PROVISOIRE CREDITEUR 92 SOUS-SECTION 2 - SOLDE PROVISOIRE DEBITEUR 92 SECTION 5 - ARRET ET LIQUIDATION DU COMPTE 92 SOUS-SECTION 1 - ARRET DU COMPTE 92 SOUS-SECTION 2 - LIQUIDATION DU COMPTE 93 SECTION 6 - CLOTURE DU COMPTE COURANT 93 SOUS-SECTION 1 - CAUSES DE LA CLOTURE 93 SOUS-SECTION 2 - EFFETS DE LA CLOTURE 94 Paragraphe 1 - Fixation du solde du compte 94

Page 237: Cours complet de droit bancaire

234

Paragraphe 2 - Intérêts et commissions 95 Paragraphe 3 - Période suspecte 95 Paragraphe 4 - Contrepassation après clôture 96 Paragraphe 5 - Prescription 97 Paragraphe 6 - Saisie 97 CHAPITRE 3 - COMPTE DE DEPOT 99 SECTION 1 - CARACTERISTIQUES 99 SECTION 2 - REGIME JURIDIQUE 99

CHAPITRE 4 - COMPTES SPECIAUX 101 SECTION 1 - COMPTES EPARGNE 101 SECTION 2 - COMPTES MULTIPLES 103 SOUS-SECTION 1 - AUTONOMIE DES COMPTES 103 SOUS-SECTION 2 - INTERDEPENDANCE DES COMPTES 104 Paragraphe 1 - Accord de compensation des comptes 104 Paragraphe 2 - Accord de fusion des comptes 104 SECTION 3 - COMPTES A TITULAIRES MULTIPLES 105 SOUS-SECTION 1 - COMPTE INDIVIS 105 SOUS-SECTION 2 - COMPTE JOINT 105 TITRE III - OPERATIONS DE CREDIT 108 CHAPITRE 1 - OUVERTURE DE CRÉDIT 109 SECTION 1 - CONVENTION D’OUVERTURE DE CRÉDIT 109 SOUS-SECTION 1 - NOTION 109 SOUS-SECTION 2 - NATURE DE LA CONVENTION 110 SECTION 2 - EXECUTION DE LA CONVENTION D’OUVERTURE DE CREDIT 111 SOUS-SECTION 1 - PREUVE DE LA CONVENTION 111 SOUS-SECTION 2 - REMUNERATION DU BANQUIER 112 SOUS-SECTION 3 - RESPONSABILITE DU BANQUIER 112

Paragraphe 1 - Responsabilité à l’égard du crédité 112

Paragraphe 2 - Responsabilité à l’égard des tiers 113

Page 238: Cours complet de droit bancaire

235

Paragraphe 3 - Responsabilité à l’égard des cautions 114

SECTION 3 - FIN DE LA CONVENTION D’OUVERTURE DE CREDIT 114 SOUS-SECTION 1 - DUREE DE LA CONVENTION 114 SOUS-SECTION 2 - SITUATION DU CREDITE 114 CHAPITRE 2 - CREDITS INTERNES 116 SECTION 1 - CREDITS A COURT TERME 116 SOUS-SECTION 1 - PRET 116 SOUS-SECTION 2 - AVANCES EN COMPTE 118 Paragraphe 1 - Escompte 118 Paragraphe 2 - Crédit de mobilisation des créances commerciales 121 Paragraphe 3 - Convention d’affacturage 121 Sous-paragraphe 1 - Caractéristiques 122 Sous paragraphe 2 - Recouvrement des factures 123 Paragraphe 4 - Avance sur marché 124 Paragraphe 5 - Cession Dailly 124 Sous-paragraphe 1 - Conditions de la cession 124

Sous-paragraphe 2 - Effets de la cession 125 SOUS-SECTION 3 - CREDITS PAR SIGNATURE 126 Paragraphe 1 - Cautionnement bancaire 126 Paragraphe 2 - Ducroire de banque 127 Paragraphe 3 - Aval 128 Sous-paragraphe 1 - Aval apposé sur la lettre de change 128 Sous-paragraphe 2 - Aval spécial ou par acte séparé 129

Paragraphe 4 - Crédit par acceptation 129 SECTION 2 - OPERATIONS DE CREDIT A MOYEN ET LONG TERME 130 SOUS-SECTION 1 - PRET A MOYEN ET LONG TERME 130 SOUS-SECTION 2 - CREDIT-BAIL 131 Paragraphe 1 - Crédit-bail mobilier 131

Page 239: Cours complet de droit bancaire

236

Sous-paragraphe 1 - Formation du contrat 132

Sous-paragraphe 2 - Exécution du contrat 132 Paragraphe 2 - Crédit-bail immobilier 133 Sous-paragraphe 1 - Conclusion du contrat 133 Sous-paragraphe 2 - Exécution du contrat 134 SOUS-SECTION 3 - CREDITS MOBILISABLES 134 Paragraphe 1 - Crédits à moyen terme mobilisables 134 Paragraphe 2 - Crédits à long terme mobilisables 135 SOUS-SECTION 4 - TITRISATION 135 Paragraphe 1 - Organes de la titrisation 136 Paragraphe 2 - Contenu de la titrisation 137 SOUS-SECTION 5 - CREDITS AUX CONSOMMATEURS 139 Paragraphe 1 - Crédit à la consommation 139 Paragraphe 2 - Crédit immobilier 140 CHAPITRE 3 - CREDITS INTERNATIONAUX 141

SECTION 1 - CREDITS A L’EXPORTATION 141 SOUS-SECTION 1 - CREDITS FOURNISSEUR 141 SOUS-SECTION 2 - CREDITS ACHETEUR 142 SECTION 2 - CREDITS A L’IMPORTATION 143 SOUS-SECTION 1 - LETTRE DE CREDIT STANDBY 143 Paragraphe 1 - Mécanisme 144 Paragraphe 2 - Emission 145 SOUS-SECTION 2 - CREDIT DOCUMENTAIRE 145 Paragraphe 1 - Ouverture du crédit 146 Sous-paragraphe 1 - Clause de règlement par crédit documentaire 146 Sous-paragraphe 2 - Convention entre l’acheteur et la banque 146 Sous-paragraphe 3 - Engagement envers le bénéficiaire 147 Paragraphe 2 - Réalisation du crédit documentaire 148 Sous-paragraphe 1 - Modes de réalisation 148

Page 240: Cours complet de droit bancaire

237

Sous paragraphe 2 - Conditions de la réalisation 149 Sous-paragraphe 3 - Blocage et saisie du crédit 150 Paragraphe 3 - Circulation du crédit 150 CHAPITRE 4 – GARANTIES DES CREDITS BANCAIRES 151 SECTION 1 - GARANTIES PERSONNELLES 151

SOUS-SECTION 1 - SOLIDARITE 151 SOUS-SECTION 2 - DELEGATION 151 SOUS-SECTION 3 - CAUTIONNEMENT 152 Paragraphe 1 - Validité du cautionnement 152 Paragraphe 2 - Etendue de l’engagement de la caution 153 Paragraphe 3 - Durée de l’engagement de la caution 156 Paragraphe 4 - Extinction du cautionnement 158

SOUS-SECTION 4 - GARANTIE AUTONOME 159 Paragraphe 1 - Spécificité de la garantie autonome 159 Paragraphe 2 - Mécanisme de la garantie autonome 160 Paragraphe 3 - Réalisation de la garantie autonome 161 Sous-paragraphe 1 - Appel de la garantie 161 Sous-paragraphe 2 - Fraude et appel manifestement abusif 162 Paragraphe 4 - Recours 162 Paragraphe 5 - Extinction de la garantie 163 SOUS-SECTION 5 - LETTRE D’INTENTION 163

Paragraphe 1 - Notion 163 Paragraphe 2 - Régime juridique 164 SOUS-SECTION 6 - AVAL ET AVAL PAR ACTE SEPARE 164 SOUS-SECTION 7 - ASSURANCE 164 Paragraphe 1 - Assurance-vie 164 Paragraphe 2 - Assurance-crédit 165 Sous-paragraphe 1 - Assurance crédit – interne 165

Page 241: Cours complet de droit bancaire

238

Sous-paragraphe 2 - Assurance - crédit international 165 SECTION 2 - GARANTIES REELLES 166

SOUS-SECTION 1 - NANTISSEMENT IMMOBILIER 166 SOUS-SECTION 2 - HYPOTHEQUES 166 SOUS-SECTION 3 - PRIVILEGES IMMOBILIERS 168 SOUS-SECTION 4 - FIDUCIE –SURETE 168 SOUS-SECTION 5 - NANTISSEMENT MOBILIER 169 Paragraphe 1 - Domaine 169 Sous paragraphe 1 - Nantissement de meubles corporels 169 Sous-paragraphe 2 - Nantissement de meubles incorporels 170 Paragraphe 2 - Régime juridique 170 SECTION 3 - GARANTIES DIVERSES 171 SOUS-SECTION 1 - MECANISMES PROPREMENT BANCAIRES 171 Paragraphe 1 - Domiciliation bancaire 171 Paragraphe 2 - Contrats d’échange ou swaps 171 Paragraphe 3 - Retenues de garantie 172 SOUS-SECTION 2 - MECANISMES DE DROIT COMMUN 172 Paragraphe 1 - Compensation 172 Paragraphe 2 - Subrogation 173 TITRE IV - SERVICES BANCAIRES 174 CHAPITRE 1 - DEPOTS EN BANQUE 175 SECTION 1 - DÉPÔT DE FONDS 175 SOUS-SECTION 1 - CONSTITUTION DU CONTRAT DE DEPOT 175 SOUS-SECTION 2 - EFFETS DU CONTRAT DE DEPOT 176 SECTION 2 - DEPOT DE CHOSES MOBILIERES 178 CHAPITRE 2 - SERVICE DES ENCAISSEMENTS ET DES PAIEMENTS 180 SECTION 1 - ASPECTS INTERNES 180 SOUS-SECTION 1 - ORDRE DE VIREMENT 180 Paragraphe 1 - Exécution de l’ordre de virement 180

Page 242: Cours complet de droit bancaire

239

Paragraphe 2 - Réception des fonds virés 182 SOUS-SECTION 2 - CHEQUE 182 Paragraphe 1 - Délivrance du carnet de chèques 182 Paragraphe 2 - Emission du chèque 183 Paragraphe 3 - Remise du chèque à l’encaissement 183 Paragraphe 4 - Paiement du chèque par le banquier 184 SOUS-SECTION 3 - EFFETS DE COMMERCE 185 Paragraphe 1 - Paiement auprès du tiré 185 Paragraphe 2 - Domiciliation des effets 186 SOUS-SECTION 4 - AVIS DE PRELEVEMENT 187 Paragraphe 1 - Mécanisme 187 Paragraphe 2 - Rapports contractuels 187 SOUS-SECTION 5 - TITRE INTERBANCAIRE DE PAIEMENT 188 SOUS-SECTION 6 - CARTES DE CRÉDIT ET DE PAIEMENT 188

Paragraphe 1 - Mécanisme du paiement par carte 188 Sous- paragraphe 1 - Convention adhésion 188 Sous- paragraphe 2 - Contrat fournisseur 190 Paragraphe 2 - Utilisations frauduleuses de la carte 191 Sous- paragraphe 1 - Rapports émetteur / titulaire de la carte 191 Sous- paragraphe 2 - Rapports émetteur / commerçant 192 Sous- paragraphe 3 - Sanctions des utilisations frauduleuses 192 SECTION 2 - ASPECTS INTERNATIONAUX 193 SOUS-SECTION 1 - OPERATIONS DE PAIEMENT INTERNATIONALES 193 Paragraphe 1 - Etablissement arabe de compensation 193

Paragraphe 2 - Réseaux bancaires 193 Paragraphe 3 - Conventions internationales 194 Paragraphe 4 - Système swift 194 SOUS-SECTION 2 - OPERATIONS DE COMPENSATION 194

Page 243: Cours complet de droit bancaire

240

Paragraphe 1 - Netting 194 Paragraphe 2 - Echange 195

SOUS-SECTION 3 - OPERATIONS DE CHANGE 195 Paragraphe 1 - Techniques du change 195 Paragraphe 2 - Contrôle des changes 196 CHAPITRE 3 - SERVICES RELATIFS AUX VALEURS MOBILIERES ET AUX INSTRUMENTS FINANCIERS 198 SECTION 1 - PLACEMENT DE TITRES 198 SECTION 2 - PORTAGE D’ACTIONS 199 SECTION 3 - ORDRES DE BOURSE 200 SOUS-SECTION 1 - TRANSMISSION DE L’ORDRE DE BOURSE 200 SOUS-SECTION 2 - EXECUTION DE L’ORDRE DE BOURSE 201 SECTION 4 - DEPOT DE TITRES ET DE VALEURS MOBILIERES 202 SOUS-SECTION 1 - CONTRAT DE DEPOT 202 Paragraphe 1 - Constitution du contrat 202 Paragraphe 2 - Exécution du contrat 202 SOUS-SECTION 2 - CERTIFICATS DE DÉPÔT 204

SECTION 5 - GESTION DE PORTEFEUILLE 204

SECTION 6 - FIDUCIE-GESTION 206 SOUS-SECTION 1 - CONSTITUTION DU CONTRAT 206 Paragraphe 1 - Paramètres du contrat 206 Paragraphe 2 - Variantes du contrat 207 SOUS-SECTION 2 - EXECUTION DU CONTRAT 208 Paragraphe 1 - Entre les parties 208 Paragraphe 2 - A l’égard des tiers 209 CHAPITRE 4 – FOURNITURE DE RENSEIGNEMENTS FINANCIERS ET COMMERCIAUX 210 SECTION 1 - RESPONSABILITE DU BANQUIER A L’EGARD DU DEMANDEUR 210 SECTION 2 - RESPONSABILITE DU BANQUIER A L’EGARD DU DEMANDE 210 CHAPITRE 5 - CONTRAT DE COFFRE-FORT 212

Page 244: Cours complet de droit bancaire

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SECTION 1 - NATURE DU CONTRAT 212 SECTION 2 - EXECUTION DU CONTRAT 212 TITRE V – ACTIVITE BANCAIRE ISLAMIQUE 215 CHAPITRE 1 - FONDEMENTS DE L’ACTIVITE BANCAIRE ISLAMIQUE 216 SECTION 1 - SOUMISSION DE L’ACTIVITE BANCAIRE AU DROIT D’ISLAM 216 SECTION 2 - SOUMISSION DE L’ACTIVITE BANCAIRE ISLAMIQUE AU DROIT COMMUN 217 CHAPITRE 2 - DOMAINE DE L’ACTIVITE BANCAIRE ISLAMIQUE 219 SECTION 1 - COMPTES BANCAIRES 219 SECTION 2 - OPERATIONS DE BANQUE ISLAMIQUES 220

SECTION 3 - SERVICES BANCAIRES ET FINANCIERS ISLAMIQUES 223