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N°05 © Juin 2014 TRIBUNE LIBRE Dominique-Henri Matagrin, juge d’instruction à Versailles en 1978, puis, magistrat à la Chancellerie à partir de 1980 ; membre du cabinet des gardes des sceaux Albin CHALANDON (1986) et Jacques TOUBON (1995) ; président de commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de 2003 à 2012. Secrétaire général (1989-1995), président (1998-2002) et trésorier (depuis 2012) de l’Association professionnelle des magistrats (A.P.M.). Parallèlement, enseignant à l’Institut de criminologie de Paris-II de 1985 à 2000, et, membre de la Commission générale de terminologie et de néologie de 1996 à 2000. Édité par : l’Institut pour la Justice Association loi 1901 Contacts : 01 70 38 24 07 [email protected] Justice : pour en finir avec les oligarchies syndicales Substituer le tirage au sort à l’élection pour les magistrats membres du Conseil supérieur de la magistrature Dominique-Henri Matagrin magistrat honoraire.

Justice: pour en finir avec les oligarchies syndicales

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N°05 © Juin 2014

TribuNe libre

Dominique-Henri Matagrin, juge d’instruction à Versailles en 1978, puis, magistrat à la Chancellerie à partir de 1980 ; membre du cabinet des gardes des sceaux Albin CHAlANDON (1986) et Jacques TOubON (1995) ; président de commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de 2003 à 2012. Secrétaire général (1989-1995), président (1998-2002) et trésorier (depuis 2012) de l’Association professionnelle des magistrats (A.P.M.). Parallèlement, enseignant à l’institut de criminologie de Paris-ii de 1985 à 2000, et, membre de la Commission générale de terminologie et de néologie de 1996 à 2000.

Édité par :l’Institut pour la JusticeAssociation loi 1901

Contacts : 01 70 38 24 [email protected]

Justice : pour en finir avec les oligarchies

syndicalesSubstituer le tirage au sort à l’élection pour les magistrats

membres du Conseil supérieur de la magistrature

Dominique-Henri Matagrin

magistrat honoraire.

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la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège soit qu’elle punisse » : c’est l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et  du Citoyen de  1789,  et,  ce  n’est  pas  seulement  l’un  des  socles de notre ordre constitutionnel, mais, au-dessus du droit, un idéal consubstantiel à la république.

Dès lors, rien n’est plus ravageur, pour un magistrat, « image visible et reconnaissable de la loi » (d’Aguesseau), que le soupçon sur son impartialité –laquelle n’est rien d’autre que l’expression et la garantie de cette égalité des citoyens devant la loi commune, et, la plus ferme assise de sa légitimité.

C’est bien pourquoi, le militantisme idéologique et politique dans l’exercice de  la  fonction,  affiché par  certains  -sinon même parfois revendiqué comme un droit-, non seulement bafoue des exigences déontologiques élémentaires de la profession, mais, altère gravement l’image publique de l’institution, et, sape à la racine  la confiance des justiciables envers ceux qui ont en mains leurs droits, leurs intérêts, leur honneur ou leur liberté.

C’est  toute  l’ambiguïté  et  le  risque  du  syndicalisme  judiciaire  : enfant  de  mai  68,  il  s’est  longtemps  identifié,  dans  l’esprit  public, aux provocations du Syndicat de la Magistrature (« juger est un acte politique  »,  «  soyez  partiaux  »  etc.),  jusqu’au  scandaleux  et  piteux « mur  des  cons  »… Conduisant  ceux  qui  refusaient  cette  dérive  à s’organiser pour lui résister- au risque d’encourir le même reproche et d’être, eux aussi, étiquetés politiquement.

De fait, l’existence même de syndicats dans la magistrature devrait apparaître  aussi  incongrue  et  antinomique  que  celle  de  syndicats de députés ou de ministres : pour ceux qui ont mal lu Montesquieu et  revendiquent d’être  le  « pouvoir  judiciaire  », au même  titre que le législatif ou l’exécutif, ce n’est pas le moindre des paradoxes ! Comme si, au sein des expressions suprêmes de  la souveraineté de l’Etat, il pouvait y avoir un antagonisme radical de classe, à l’instar de celui qui peut opposer, ailleurs, employeurs et salariés…

Pour autant, il n’est sans doute pas très réaliste, après une quarantaine d’années  de  reconnaissance du  fait  syndical  dans  la magistrature, et, dans un cadre juridique, français comme, hélas, européen, passablement contraint, d’imaginer, comme certains le rêvent, un grand bond en arrière.

Au demeurant, le syndicalisme judiciaire a longtemps été d’usage externe bien plus qu’interne : si, eu égard à la place des questions de justice et de sécurité dans le débat public à notre époque, les syndicats, se sont vu ouvrir un boulevard dans la presse et les médias –censés porter ainsi la parole d’un corps judiciaire dépourvu d’organe d’expression collectif-, il ne fallait pas pour autant -contrairement à certaines idées reçues encore bien ancrées dans les milieux politiques-, surestimer  leur  poids  dans  la  vie  quotidienne  des  juridictions  ou  le fonctionnement de l’administration centrale.

Tout a changé à cet égard avec la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993 et ses suites, avec les pouvoirs accrus et encore augmentés depuis  par  des  révisions  ultérieures,  du  Conseil  Supérieur  de  la Magistrature (C.S.M.), et, l’élection de magistrats en son sein : par ce que d’aucuns pourraient  juger un paradoxe, aucun gouvernement 

[...] l’existence même de syndicats dans la magistrature devrait apparaître aussi incongrue et antinomique que celle de syndicats de députés ou de ministres [...]

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n’aura  plus  favorisé  l’emprise  –pour  ne  pas  dire  la mainmise-,  des syndicats  de  magistrats  (c’est-à-dire,  en  pratique,  d’un  ou  deux d’entre eux), sur le corps judiciaire, que celui de M. balladur !

Volonté délibérée ou « effet Serendip » d’une posture démagogique qui croyait flatter la magistrature et, benoîtement, se la gagner ? Ce n’est pas faute d’avoir été mis en garde ; nous avions ainsi pu écrire à l’époque : « dupes /…/ seront les belles âmes et les cœurs naïfs qui, si le Parlement n’y prend garde, n’auront arraché la justice de la griffe présidentielle que pour mieux la livrer, pieds et poings liés, aux serres d’un autre pouvoir non moins redoutable et tellement plus durable : le pouvoir syndical ».

Toujours est-il que le C.S.M. est devenu aujourd’hui la clef de voûte statutaire de  la gestion et de  la discipline du corps  judiciaire, avec des pouvoirs considérables, que, dans une consensuelle surenchère, divers  milieux  politiques  ou  d’opinion,  aujourd’hui,  envisagent d’étendre encore -spécialement en alignant complètement le régime de nomination des magistrats du parquet sur celui des magistrats du siège, lequel est totalement entre les mains du Conseil (ce qui, dans une large mesure, ne ferait qu’aligner le droit sur la pratique la plus courante,  les ministres ne passant outre que  très  rarement aux avis rendus en la matière, quand bien même ils en ont encore le pouvoir théorique).

edgar Faure, qui fut un éphémère garde des Sceaux sous la iVe république, écrit plaisamment dans ses mémoires, qu’il n’était « qu’à 50% ministre de la justice » en raison du C.S.M. d’alors.  Il devrait, de nos jours, réviser sérieusement à la baisse son estimation !

il serait donc essentiel que la composition d’une autorité aussi décisive sur  le choix et  la carrière des magistrats offrît  les plus fortes garanties –et d’abord en termes d’image-, d’indépendance à l’égard des influences extérieures.

Or, ce n’est évidemment pas le cas avec la présence, en force, dans chaque formation, de magistrats élus par leurs pairs, qui, en pratique, le sont en fonction de leur seule appartenance syndicale, l’élection se faisant sur la seule étiquette –avec, qui plus est, dans les faits, un duopole, et, au sein de ce dernier, domination écrasante d’une organisation (laquelle, avec cynisme ou inconscience, avait même prévu dans  ses  statuts  que  ses  représentants  au C.S.M.  siégeraient de droit dans son organe dirigeant : on ne pouvait mieux afficher la volonté d’en  faire de simples « courroies de transmission »…).

instituée sous la iVe république l’élection des magistrats au C.S.M. avait été abandonnée en 1958, ayant été marquée par des scandales.

Elle  conduit  aujourd’hui  -avec,  en  plus,  un  abracadabrant, archaïque, artificiel et fort coûteux système de scrutin à deux degrés pour la base du corps-, à assurer la mainmise de deux appareils syndicaux sur les carrières ; et, cette mainmise ne peut que perdurer et  s’amplifier  au  fil  du  temps,  car,  les magistrats,  sachant  que  leur carrière  va  dépendre  de  leurs  représentants  syndicaux,  vont  avoir tendance à rechercher leur appui, et ces mêmes appareils, pour consolider et accroître leur position, vont, naturellement, jouer à fond la carte du clientélisme…

Il serait donc essentiel que la composition d’une autorité aussi

décisive sur le choix et la carrière des magistrats

offrît les plus fortes garanties –et d’abord en termes d’image-,

d’indépendance à l’égard des influences

extérieures.

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Si  le  clientélisme politique  est,  évidemment,  à  éviter,  il  peut,  au moins,  être  tempéré  par  l’alternance  :  le  clientélisme  syndical,  lui, n’en connaît pas (ou si rarement...).

Outre  que  l’image  d’une  compétition  entre  syndicats  –nécessairement plus ou moins politisés, qu’ils  le soient ouvertement, ou, de manière plus sournoise et trompeuse pour ceux qui affectent de  s’en défendre-,  est  peu  flatteuse pour  le  corps  et  n’est  pas de nature à rassurer les justiciables sur l’impartialité de leurs juges, cette soumission de fait d’un corps dont, à l’heure actuelle, la majorité des membres ne sont adhérents d’aucune organisation syndicale, à des logiques d’appareils, de camarillas et de clans, est détestable.

Et ce n’est pas d’avoir prévu que les « laïcs » (les 8 non-magistrats) siégeant dans chaque formation, comptent un membre de plus que les « clercs » (les 6 magistrats élus et le membre de droit, président de la formation considérée, en qualité de chef de la Cour de cassation –position qu’il doit, plus ou moins selon le cas, au même C.S.M….) qui, en matière de carrière, peut être de nature à changer significativement cet état de fait :  les syndicats, avec leurs réseaux, leur connaissance du milieu judiciaire –et, à l’occasion leurs relais médiatiques-, ont les moyens d’une influence sans commune mesure avec celle du conseiller d’Etat, de  l’avocat ou des  « personnalités qualifiées » en face d’eux ; et, d’abord, pour obtenir de la Chancellerie –dans le cadre de ces petits échanges de cadeaux qui entretiennent l’amitié et mettent de l’huile dans les rouages, même entre gens qui ne s’entendent pas toujours par ailleurs…-, les projets de nomination qui leur agréent (quand bien même le Conseil peut, ensuite, ne pas l’entériner, c’est toujours un atout de poids et une sérieuse option sur la suite que d’être le candidat proposé…).

C’est pour éviter cette dérive clientéliste que nous avions émis, de longue date, cette  idée «  révolutionnaire »  : désigner  les magistrats représentants  de  leur  corps  au  C.S.M.  par  le  moyen  du  tirage  au sort  –et,  lors des débats  sur  la  révision constitutionnelle précitée de 1993, le Sénat –qui n’a pas une réputation d’excentricité-, nous avait entendu, en adoptant une première version du texte allant dans ce sens  (malheureusement,  le  gouvernement  et  sa majorité devaient, par  la  suite,  reculer  devant  les  cris  d’orfraie  de  comités  frustrés  à qui on allait enlever ainsi  le  fromage qu’ils  s’apprêtaient à croquer et  voyaient  s’envoler  veaux,  vaches,  cochons,  couvées…,  avec le  renfort  –parfois  très  paradoxal-,  de  conservateurs  effarouchés, routiniers et timorés, incapables de sortir des sentiers battus des habitudes et conformismes).

il s’agirait par-là de « couper le cordon ombilical » entre le C.S.M. et  les appareils  syndicaux, dont  les  représentants  –dans  leur  intérêt même-, ne feraient plus figure, à tort ou à raison, de telles « courroies de transmission » de leurs organisations ; ce serait, aussi, exprimer fortement que chaque magistrat a vocation égale à participer à la gestion de son corps, et, symboliquement, témoigner de la confiance que chacun accorde aux autres.

Il  y  va  de  l’égalité  entre membres  d’un même  corps  :  dès  lors que  celui-ci  prétend  à  un  certain  niveau  d’excellence,  au-delà des écarts qui  font  la diversité,  naturelle, des compétences et des personnalités, l’appartenance au corps suppose par elle-même, un minimum de qualités, intellectuelles et morales, garanties par les

C’est pour éviter cette dérive clientéliste que nous avions émis, de longue date, cette idée « révolutionnaire » : désigner les magistrats représentants de leur corps au C.S.M. par le moyen du tirage au sort [...]

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conditions de recrutement et de discipline : dès lors, chacun doit et peut accepter de s’en remettre à ses pairs.

À cet égard, l’argument le plus ridicule et dérisoire qui a pu être opposé à cette proposition est celui du type : « mais, vous n’y pensez pas  :  le  sort pourrait  tomber  sur X… »  -ce qui  revient à dire que cet X…  repoussoir  (censé être  l’incompétent ou  le caractériel du coin, sans doute…) est jugé capable de trancher les litiges de ses concitoyens, avec des conséquences matérielles et morales qui peuvent être colossales –sans même évoquer, entre autres, le pouvoir de les expédier en prison, à l’occasion, pour des années-, mais pas d’apprécier les mérites de ses collègues, comme si cela requérait des capacités incommensurablement supérieures et différentes de nature -dont, bien entendu, le syndicalisme garantirait la possession chez  ses  adeptes  !  Il  y  aurait  donc des  juges  assez  bons  pour  ces « manants » de justiciables « ordinaires », mais, à ne surtout pas mêler aux affaires sérieuses de la « noblesse de robe »… : comment les justiciables pourraient-ils encore avoir confiance dans  leurs  juges,  si ces derniers ne se font même pas confiance entre eux ?!

Pour ne rien dire de l’argument, encore plus sot et indigne, de la technicité prêtée à la matière : comme si seule une élite du corps, sélectionnée  par  voie  syndicale,  était  capable  de  pénétrer  les arcanes de  la pyramide des grades  (2+1,  seulement  :  faramineuse complexité, n’est-ce pas ?), ou, de la –bien modeste- jurisprudence du Conseil (au demeurant, diffusée chaque année à l’ensemble de la magistrature) : en regard des encyclopédies à assimiler dans chaque branche du droit, chaque fois qu’un magistrat en change –ce qui peut  lui arriver  souvent dans  sa carrière-, ce n’est qu’une poignée d’articles à connaître et quelques pratiques à assimiler : on ne saurait mieux dire, en haute aristocratie syndicale, le mépris dans lequel on tient la masse de ceux que l’on prétend représenter et défendre !

il existe, au demeurant des précédents : sans même remonter aux origines de la démocratie –où l’on considérait le tirage au sort comme supérieur à  l’élection, car donnant à chaque citoyen des chances strictement égales, ce qui peut difficilement se réfuter si l’on privilégie ce critère-, on se bornera, parmi bien d’autres, à évoquer ici :

1. Le précédent du Conseil supérieur provisoire des universités : heureuse formule qu’avait choisie le gouvernement socialiste en  1982  (article  4  du  décret  n°  82-738  du  24  août  1982), pour le recrutement des ¾ des membres de cette autorité parmi  les  professeurs  et  maîtres-assistants  des  universités  ; s’étant heurtée aux résistances prévisibles (et, à un obstacle juridique qui lui vaudra d’être annulée par le Conseil d’Etat le 19 avril 1985, pour une contradiction, partielle, avec une disposition de  la  loi du 12 novembre 1968 d’orientation de l’enseignement supérieur), elle n’a pas été pérennisée, alors que des considérations analogues, mutatis mutandis, d’égalité entre membres et d’indépendance du corps pouvaient être invoquées en sa faveur.

2. le précédent des conseils de la fonction militaire (article r 4124-10 du code de la défense) et du Conseil supérieur de la fonction militaire (durant longtemps, avant d’être élu, mais, parmi les membres des précédents, tirés au sort) : si sa

Il existe, au demeurant des précédents :

sans même remonter aux origines de la

démocratie –où l’on considérait le tirage au

sort comme supérieur à l’élection, car donnant à chaque citoyen des

chances strictement égales [...]

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justification, dans  l’institution militaire, pour ces organes de concertation, est  liée à l’absence de droit syndical au sein des armées, la formule, qui repose sur le volontariat (assorti de certaines conditions : absence de certaines sanctions disciplinaires, position d’activité à titre français, et, à moins de 4 ans de la limite d’âge ou d’activité), vise aussi à permettre à chaque membre des forces armées qui souhaite être associé à la gestion de son institution, d’en avoir la possibilité statistique, au même titre que tous les autres, exprimant puissamment par cette égalité l’unité de chaque arme et la solidarité de ceux qui la servent.  

3. Et,  bien  évidemment,  le  précédent  des  jurés  d’assises  ! Faut-il rappeler que les juges qui ont les plus lourdes et graves  décisions  à  prendre  –juger  les  criminels,  avec,  le cas échéant, le prononcé d’une peine perpétuelle, et, à une époque, la mort-, soit, les jurés populaires de la cour d’assises, sont eux-mêmes tirés au sort ? Et, qui plus est, parmi la population « ordinaire », et, non parmi des gens passés par un  filtrage  exigeant,  comme  les  magistrats  professionnels. Sans mésestimer  l’importance  que  peut  avoir  la mutation d’un magistrat de Valenciennes à Perpignan, sa promotion du second au premier grade, ou, même, une sanction disciplinaire  qui  peut  aller  (assez  rarement,  quand même) jusqu’à la révocation, il est permis de penser qu’il ne s’agit pas là, par rapport aux responsabilités d’un juré d’assises, et, n’en déplaise à un certain narcissisme corporatiste bien humain, d’enjeux incomparablement plus graves… 

Certes, l’indépendance de la justice et le crédit de ceux qui la rendent requièrent bien d’autres assises –et pas seulement d’ordre statutaire  !-, que  l’on n’évoquera pas  ici  (et qui ne sont pas  liées à l’existence d’un tel Conseil supérieur, dont, au demeurant, certains pays font l’économie tout en assurant à leurs magistrats un prestige et une autorité que l’on peut envier…), mais, pour autant, les choses étant ce qu’elles sont, ce n’en est pas moins un enjeu de premier plan.

Les modalités  techniques  seraient à préciser au niveau de  la  loi organique  (puisqu’une  révision  constitutionnelle  n’est  pas  exigée -même si elle garantirait mieux la pérennité de la réforme).

Il  y aurait, naturellement,  lieu de conserver une pondération, en assurant, comme à l’heure actuelle, une majorité aux représentants de la hiérarchie (présidence comprise).

Il  devrait,  aussi,  être prévu des  cas d’incompatibilité  (magistrats faisant ou ayant fait l’objet de procédures disciplinaires, par exemple, ou, occupant certaines positions ou fonctions à l’extérieur des juridictions…).

La question du volontariat serait à débattre ; on peut penser que procéder à un tirage au sort parmi les seules personnes ayant fait une démarche de candidature  risquerait d’avoir des effets pervers  (du type consignes  syndicales pour  inscrire  les adhérents en masse, et, pressions discrètes pour dissuader les non-syndiqués…) ; on pencherait donc plutôt pour un tirage au sort aussi élargi que possible, mais, avec une possibilité de dispense pour motif  légitime –voire de refus 

Il y aurait, naturellement, lieu de conserver une pondération, en assurant, comme à l’heure actuelle, une majorité aux représentants de la hiérarchie (présidence comprise).

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non motivé ? On peut hésiter, mais, si quelqu’un n’en voulait vraiment pas, faudrait-il absolument le lui imposer ?  

Dans  tous  les  cas, des décharges d’activité en  rapport avec  la disponibilité qu’impose ce service devraient être prévues, avec de larges facilités matérielles pour les déplacements et séjours au siège du  Conseil.  Une  formation  pourrait,  aussi,  être  envisagée  pour  les nouveaux membres (durant laquelle les syndicats pourraient même venir donner leur point de vue).

Bien certainement,  il  faudrait  s’attendre à voir une  telle  réforme vivement dénoncée par ceux à qui elle ferait tort… : on mesurerait, précisément, sa pertinence et sa nécessité à l’ampleur des criailleries qu’elle susciterait dans l’oligarchie syndicale ! 

Il  n’est  que de  savoir  si  l’on  veut  complaire à des appareils  qui n’ont que le poids que l’on veut bien leur accorder, ou, plutôt, à la grande masse des magistrats qui, au fond, passé le petit moment de perplexité que peut susciter parfois au premier abord la formule, préfèreront sans nul doute la liberté qui leur sera donnée de ne plus avoir à faire allégeance à qui que ce soit. Et quoiqu’il en soit, n’est-ce pas la confiance des citoyens qui doit primer ?

Bien certainement, il faudrait s’attendre à voir une telle réforme vivement dénoncée

par ceux à qui elle ferait tort… : on

mesurerait, précisément, sa pertinence et sa

nécessité à l’ampleur des criailleries qu’elle

susciterait dans l’oligarchie syndicale !

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N°3 La politique pénale, l’idéologie anti-sécuritaire et le libéralisme par Alain Wolfelsperger, économiste, a été professeur à l’institut d’Études Politiques de Paris.

N°4  En finir avec l’angélisme pénal   par Alain Laurent, philosophe, essayiste et directeur de collections aux Belles Lettres.

Tribune libre