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Les métamorphoses de la communication interne au sein de l'Armée

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Tribune de Stéphanie Piquet Piveteau pour le Groupe LinkedIn sur ''la communication interne dans le secteur public''.

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La communication interne au sein de l'arméeTribune libre de Stéphanie Piquet Piveteau

Stéphanie Piquet Piveteau a un parcours atypique. Officier de terrain pendant 15 ans, elle s'est ensuite spécialisée en communication, occupant de nombreux postes au sein de l'armée : chargée de recrutement, chargée de communication, responsable de la communication... Elle est actuellement directeur de la communication d'un organisme de l'OTAN.

Le Groupe LinkedIn sur ''la communication interne dans le secteur public'' est très honoré de sa contribution qui met en lumière le rôle essentiel de la communication interne au sein de l'armée.

Commandement versus management. Et si la réconciliation passait par la communication interne ?

Colonne vertébrale de l’institution militaire, le commandement a connu nombre de bouleversements, imputables tant aux évolutions culturelles de la société civile qu’aux récentes restructurations des armées. Pourquoi ? Car la subtile alchimie entre les principes d’autorité, de légitimité et de persuasion, fondement de cet art militaire s’articule désormais dans des proportions différentes. La communication interne y occupe une place grandissante, ce qui rapproche progressivement le commandement militaire de son alter ego civil : le management.

L’autorité a toujours constitué la clef de voûte de l’institution militaire. Elle s’appuie tout à la fois sur la fonction occupée, la personnalité du chef, sa capacité de décision et la gestion des responsabilités qui en découlent. Ce sont autant de données qui nourrissent le sentiment de respect de ceux qui sont commandés par un Bonaparte devenu Général par ses seules prouesses militaires et personnifiant l’autorité. Le chef s’attachait la confiance de ses troupes par le courage héroïque dont il faisait preuve au combat. Il s’agissait alors au sein des armées d’une communication par l’exemple fortement interpersonnelle. Même bourru et peu loquace, le chef suscitait l’adhésion de tous grâce à ses exploits et la personne qui gagnait ses galons au combat constituait à elle seule à la fois le médium et le message. Auréolé de gloire, il tirait une véritable légitimité de ses faits d’arme. On voit bien à travers cet exemple de commandement d’un autre siècle, mais dont les principes fondateurs ont perduré, que les principes de légitimité et de persuasion n’étaient alors que des corollaires nécessaires mais secondaires dans ce système. En effet, si l’emploi de la persuasion, du message oral, comme seul pilier du commandement, en se reposant sur des prouesses techniques oratoires peut ponctuellement séduire l’audience militaire, cela ne permet pas de fidéliser, c'est-à-dire de persuader sur le long terme.

Pourquoi la communication interne se développe au sein de l'armée

Cela est encore plus prononcé aujourd’hui, à notre époque où l’autorité ne parvient plus à fonder le commandement au sein des armées. C’est là que la communication interne joue de sa puissance. Les dernières décennies semblent avoir ébranlé le commandement, tant dans ses bases que dans ses modes et ses possibilités d’expression. De telles évolutions sont d’abord imputables à la crise que subit actuellement l’autorité dans notre société. La figure du chef militaire n’échappe guère à ce mouvement de discrédit. Cette évolution est concomitante à l’accroissement progressif de l’individualisme mais également du niveau d’instruction. Ces deux phénomènes ont opéré une transformation radicale des mentalités dès lors peu enclines à accepter les normes rigides en vigueur au sein de l’institution militaire. L’abnégation et les efforts

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ne sont désormais consentis que s’ils ont un sens, c'est-à-dire si leur raison et leur utilité sont avérées, ce qui implique la mise en place de multiples actions de communication interne.

Parallèlement l’armée, acteur de la société, se heurte à un troisième paramètre sociétal : l’influence grandissante des médias et le développement soudain des NTIC. Habitués à être tenu informés de tout ce qui se passe dans les quatre coins de la planète en temps quasi réel, les citoyens s’attendent à bénéficier d’un même degré d’information au sein de leur environnement professionnel. Chaque citoyen, chaque internaute est un acteur dynamique, une force de proposition à travers la participation à des ''chats'' ou grâce à la création de blogs. Cette même demande du soldat-citoyen est d’autant plus forte qu’elle intervient au moment même de la suspension de la conscription. La mise en place d’une armée de métier modifia radicalement la position de la Grande Muette en obligeant cette dernière à communiquer : d'une part en externe afin de séduire et de recruter et d'autre part en interne afin de fidéliser des soldats spécialistes ayant fait le choix raisonné - mais toujours réversible - d’un engagement. La façon dont les messages sont transmis entre un chef et ses subordonnés, et donc la manière dont la communication interne peut s’établir, s’en est trouvée affectée.

« La relation complémentaire qui définissait les rapports de l’officier à ses hommes se mue en une relation symétrique »

Jean François Léger dans une étude consacrée aux militaires constate : « Aujourd’hui, peut être plus que par le passé, les jeunes manifestent le besoin que ce qu’on leur demande soit justifié : ils veulent comprendre dans quelle logique s’inscrit leur activité quotidienne ». Une organisation hiérarchisée comme l’armée ne s’est elle pas trouvée déstabilisée par ce besoin de s’exprimer dans un mode convivial et participatif ? Cela ne remet-il pas en cause le fonctionnement habituel ? Eric de la Maisonneuve auteur de Le métier de soldat écrit : « la révolution de la communication porte atteinte au caractère sacré de la hiérarchie ; elle va contraindre à décentraliser les systèmes, à sous traiter, à responsabiliser des cellules, à ''déverticaliser'' les structures ».

Force est de constater que les discours résolument directifs, l’information descendante, le commandement de type ''Top-Down'' jadis apanage du chef militaire, deviennent inefficaces, tandis que la communication interactive, consistant à expliquer et dialoguer, mais aussi à prendre en compte le retour d’expérience est dorénavant plus adaptée. Le management participatif, de type ''Bottom-up'' s’impose. La relation complémentaire qui définissait les rapports de l’officier à ses hommes se mue progressivement en une relation symétrique, faite d’interactions et d’échanges bilatéraux. Tandis que les principes de légitimité et de persuasion n’étaient que des moyens annexes, destinés à renforcer la clef de voûte constituée par l’autorité, l’on assiste actuellement à une inversion des priorités. Dans ce contexte de mutation, les chefs militaires doivent multiplier les actions de persuasion. La communication - plus précisément la communication verbale - devient donc indispensable dans l’exercice de ses fonctions pour diriger ses équipes.

Le développement d'un vaste panel d'outils de communication interne

Actuellement tout un dispositif de formation destinée à améliorer l’aptitude de tout chef à la communication interpersonnelle existe. Un vaste panel d’outils de communication interne est en place : sondages d’opinions, enquête de satisfaction, journal interne, campagnes d’information, réseau intranet et blog du chef d’état major de l’armée de terre qui permet à chaque militaire de s’exprimer et d’interpeller l’autorité du plus haut niveau de direction de l’armée de terre sur un sujet qui le préoccupe. Les efforts sont considérables, témoins en sont aussi le Bulletin d’Information du Personnel joint mensuellement à la solde des militaires et la web radio sur les modalités de reconversion. (http://defensemobiliteradio.fr), les mensuels d’armées autant destinés au public externe qu’à l’audience interne mais avec en exclusivité pour ce public des dossiers thématiques tels que ''la mobilité'', ''les concours internes'' ou encore ''les restructurations'' (http://prestations.ecpad.fr/terre-information-magazine). Les campagnes d’information jalonnent le quotidien du personnel. Cette indispensable compréhension de l’environnement professionnel dans lequel le personnel évolue a été prise en compte. Et, il est indéniable que les efforts sont permanents en terme de communication, de la part des différents échelons de la hiérarchie pour que les éclaircissements sur

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tel ou tel dossier soient rapidement communiqués. Parallèlement, les organes de concertation comme le Conseil Supérieur de la Fonction Militaire (http://www.defense.gouv.fr/csfm) ne manquent pas au sein des armées.

Les armées, certes, s’adaptent à la nouvelle donne socioculturelle, sous peine de voir éclore des tensions graves. Néanmoins, l’ensemble des contraintes liées à leur mission très particulière ne permet guère de pousser plus en avant une comparaison avec les techniques de management civil. Il convient tout particulièrement de distinguer les situations de paix des situations de crise. Dans le premier cas, on est dans une communication institutionnelle au sens large, qui englobe la communication interne. Dans le second cas, il est évident que pour des raisons opérationnelles afférentes à la sécurité, une certaine forme de communication ouverte et participative est incompatible avec la protection du secret.

- 24 septembre 2014 -