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Groupe numérique sur la communication interne dans le secteur public « La communication interne, c'est d'abord une posture - le respect du travail - et une certaine qualité de relation à l'autre » Diane de Sainte Foy, directrice de la communication de l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE), répond à quelques questions pour le groupe LinkedIn sur '' la communication interne dans le secteur public ''. Dans le secteur public, la communication interne a-t-elle acquis sa légitimité ? Diane de Sainte Foy (D.SF) : Oui et non. Oui car en raison des nombreuses restructurations menées dans le secteur public ces dernières années, les actions de communication interne sont indispensables pour informer, expliquer et accompagner les agents dans les évolutions imposées. Non, car la communication interne reste un secteur flottant dans les organisations, tantôt côté communication tantôt côté DRH. Elle demeure surtout un secteur un peu isolée dont les dirigeants se déchargent volontiers sur l'équipe qui en est chargée, alors qu'ils devraient en être aussi les principaux porteurs. Pour acquérir davantage de légitimité, la communication interne gagnerait à être transversale et portée par tous les agents de l'organisation. Cela devrait être perçue comme une tâche parmi toutes les autres, quel que soit le métier ou la position de l'agent. La communication interne, c'est d'abord une posture - le respect du travail - et une certaine qualité de relation à l'autre. Comment la communication interne est-elle perçue au sein de l'IFCE ? (D.SF) : La communication interne au sein de mon établissement a connu diverses fortunes, et sa place est directement liée à la perception qu'en a son principal dirigeant. Aujourd'hui, elle repose sur deux outils principaux que sont l'intranet et une lettre interne électronique bimensuelle. Elle est perçue comme importante pour trois raisons: elle constitue un élément de liaison entre les agents d'un établissement public de 900 personnes répartis sur une trentaine de sites, elle permet de jeter des passerelles entre deux communautés de travail récemment fusionnées et enfin elle permet de diffuser les informations sur notre projet d'avenir. Elle est un véritable outil de diffusion d'informations descendantes, le directeur général s'en sert comme porte-voix au sens propre du terme, et nous, l'équipe communication, nous veillons à ce que nos collègues s'expriment le plus possible afin de faire remonter des informations et des ressentis. L'important, c'est aussi que l'ensemble des dirigeants perçoivent la communication interne comme une action dont ils portent une part de responsabilité. Elaborez-vous une stratégie de communication interne ? (D.SF) : Oui, c'est la première stratégie de communication que nous élaborons pour accompagner la stratégie de la direction générale. Selon moi, il est fondamental que toute information donnée à l'externe ait d'abord été diffusée et expliquée en interne par respect pour la communauté de travail d'une part et par souci d'efficacité de l'action de communication d'autre part. Nous sommes organisés dans l'équipe communication (7 personnes) en fonction de cette impératif, c'est-à-dire que nous sommes tous porteurs d'une part de communication interne et d'une part de communication externe, en respectant les sensibilités et les compétences de chacun. La distinction interne et externe de la communication me paraît désuète car la fonction communication est devenue à la fois poreuse et participative dans l'organisation, ce qui nécessite de la prendre en compte au niveau de la stratégie globale.

« La communication interne, c'est d'abord une posture et une certaine qualité de relation à l'autre »

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Groupe numérique sur la communication interne dans le secteur public

« La communication interne, c'est d'abord une posture - le respect du travail - et une certaine qualité de relation à l'autre »

Diane de Sainte Foy, directrice de la communication de l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE), répond à quelques questions pour le groupe LinkedIn sur ''la communication interne dans le secteur public''.

Dans le secteur public, la communication interne a-t-elle acquis sa légitimité ?

Diane de Sainte Foy (D.SF) : Oui et non. Oui car en raison des nombreuses restructurations menées dans le secteur public ces dernières années, les actions de communication interne sont indispensables pour informer, expliquer et accompagner les agents dans les évolutions imposées. Non, car la communication interne reste un secteur flottant dans les organisations, tantôt côté communication tantôt côté DRH. Elle demeure surtout un secteur un peu isolée dont les dirigeants se déchargent volontiers sur l'équipe qui en est chargée, alors qu'ils devraient en être aussi les principaux porteurs. Pour acquérir davantage de légitimité, la communication interne gagnerait à être transversale et portée par tous les agents de l'organisation. Cela devrait être perçue comme une tâche parmi toutes les autres, quel que soit le métier ou la position de l'agent. La communication interne, c'est d'abord une posture - le respect du travail - et une certaine qualité de relation à l'autre.

Comment la communication interne est-elle perçue au sein de l'IFCE ?

(D.SF) : La communication interne au sein de mon établissement a connu diverses fortunes, et sa place est directement liée à la perception qu'en a son principal dirigeant. Aujourd'hui, elle repose sur deux outils principaux que sont l'intranet et une lettre interne électronique bimensuelle. Elle est perçue comme importante pour trois raisons: elle constitue un élément de liaison entre les agents d'un établissement public de 900 personnes répartis sur une trentaine de sites, elle permet de jeter des passerelles entre deux communautés de travail récemment fusionnées et enfin elle permet de diffuser les informations sur notre projet d'avenir. Elle est un véritable outil de diffusion d'informations descendantes, le directeur général s'en sert comme porte-voix au sens propre du terme, et nous, l'équipe communication, nous veillons à ce que nos collègues s'expriment le plus possible afin de faire remonter des informations et des ressentis. L'important, c'est aussi que l'ensemble des dirigeants perçoivent la communication interne comme une action dont ils portent une part de responsabilité.

Elaborez-vous une stratégie de communication interne ?

(D.SF) : Oui, c'est la première stratégie de communication que nous élaborons pour accompagner la stratégie de la direction générale. Selon moi, il est fondamental que toute information donnée à l'externe ait d'abord été diffusée et expliquée en interne par respect pour la communauté de travail d'une part et par souci d'efficacité de l'action de communication d'autre part. Nous sommes organisés dans l'équipe communication (7 personnes) en fonction de cette impératif, c'est-à-dire que nous sommes tous porteurs d'une part de communication interne et d'une part de communication externe, en respectant les sensibilités et les compétences de chacun. La distinction interne et externe de la communication me paraît désuète car la fonction communication est devenue à la fois poreuse et participative dans l'organisation, ce qui nécessite de la prendre en compte au niveau de la stratégie globale.

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Quels sont les moyens financiers et humains dont vous disposez au quotidien pour mettre en œuvre les actions de communication interne ?

(D.SF) : Travailler dans le secteur public m'a appris à ne pas me plaindre des moyens qui me sont alloués car c'est une requête vaine, nos restructurations nous conduisant toujours vers le moins. Cela aiguise l'imagination mais nous empêche parfois de réaliser des projets qui seraient porteurs et utiles. Par exemple, nous avions identifié un projet "vis ma vie" à la fois sous forme d'articles et de vidéos, pour que les agents de nos deux communautés de travail se connaissent mieux. Il faudrait investir du temps et acquérir des compétences nouvelles en interne pour réaliser cette action. Impossible pour nous de l'externaliser, ce serait considéré comme une dépense superflue. Les tâches de communication sont exigeantes et très exposées. Elles demandent de plus de l'énergie et une certaine abnégation ! Il faut trouver un équilibre en interne et veiller à ne pas demander l'impossible à son équipe. Je suis personnellement très attachée à notre lettre interne électronique qui existe maintenant depuis 10 ans et qui constitue une véritable mémoire des personnes, des métiers, des événements et des stratégies fluctuantes que vous avons vécues.

Vous avez vécu ces dernières années plusieurs réformes organisationnelles. Quelles ont été les actions de communication interne mises en œuvre afin d'accompagner ces changements ?

(D.SF) : J'ai vécu une grande réforme structurelle et culturelle au sein des Haras nationaux en 2004 et la fusion de deux établissements publics en 2010 (les Haras nationaux et l'École nationale d'équitation). Pour la première réforme, la communication interne avait été identifiée comme un levier de l'accompagnement du changement. Des moyens importants y avaient été consacrés, des supports de communication avaient été élaborés par métier et par public afin d'informer et d'expliquer ce qui se passait. Un nouvel intranet a été créé, une lettre interne a été lancée. Malgré cela, car la communication interne ne peut pas tout, la communication managériale a également un rôle crucial à jouer, la période a été difficile. Pour la deuxième réforme (la fusion des deux établissements publics), nous avons vécu sur nos acquis et adapté nos outils à notre nouveau périmètre en intégrant les nouvelles problématiques. Pour moi, le véritable acte de naissance de notre nouvel établissement, du point de vue de la communication, est l'adoption de notre nouvelle charte graphique en 2013. Elle donne enfin un visage uni à ce que nous sommes et a été l'occasion d'une communication interne en amont et en aval d'importance, dans le sens, où nous avons brassé ensemble des concepts, des valeurs, des objectifs et des enjeux.

De façon générale, estimez-vous que les responsables des institutions publiques perçoivent l'utilité de la communication interne dans l'accompagnement du changement ?

(D.SF) : Une fois le changement décrété par nos responsables, le plus difficile reste à faire. Le travail de communication à réaliser est immense ; les problématiques culturelles sont les plus importantes et ce sont les moins bien perçues et prises en charge par nos responsables. Nous dépendons de deux ministères très éloignés en termes d'histoire, de culture, de métiers et de statuts. En dehors de quelques opérations de communication très concrètes, nous n'avons aucun contact avec les services de communication de nos ministères de tutelle. Nous aurions tant à nous dire et à échanger ! Si la communication interne était perçue comme un enjeu majeur, nous travaillerions davantage ensemble, nous serions moins isolés et plus efficaces. Ce pourrait également être une mission menée par les ministères ou opérateurs en charge de la réforme de l'Etat ou de la modernisation de l'action publique.

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Quels sont aujourd'hui les thèmes de communication interne qui émergent au sein de l'IFCE ?

(D.SF) : Les savoir-faire sont les enjeux stratégiques majeurs de nos prochaines actions de communication interne et externe. Après tant de changements, les métiers, les expertises ont été bousculés et sont menacés pour certains d'entre eux. Nous avons deux belles marques patrimoniales : Haras nationaux et Cadre noir. Elles sont constitutives d'une part de notre histoire nationale. Nous avons le devoir de la cultiver, de la valoriser et de la transmettre. Cela commence par restaurer la confiance en interne en mettant en valeur ces savoir-faire et en démontrant qu'ils peuvent encore être utiles aujourd'hui vis-à-vis de nos publics. Heureusement, une de nos missions consignées dans notre prochain contrat d'objectifs et de performance est liée à la valorisation de notre patrimoine matériel et immatériel. C'est une thématique de travail en or !

Evaluez-vous vos actions de communication interne ?

(D.SF) : Oui, nous effectuons régulièrement des enquêtes de satisfaction de notre lettre interne afin de la faire évoluer et de mieux répondre aux attentes. Pour le reste, nous savons tout de suite quand cela ne va pas, nous aurions besoin par exemple de refaire un site intranet plus participatif et collaboratif. Cela aiderait aussi à accompagner la fusion.

Estimez-vous que dans les prochaines années, la communication numérique aura remplacé la communication papier ?

(D.SF) : Notre principal outil de communication interne sous forme papier est notre rapport d'activité annuel dans lequel chaque agent doit se retrouver. Nous y faisons très attention. C'est bien évidemment également un précieux support de communication externe. La signalétique sur les sites est également un support de communication matériel important. Tout le reste peut être numérique, de toutes façons, nous n'avons pas le choix, nos moyens étant en baisse. De plus, le support numérique me paraît davantage correspondre à la nécessaire co-construction de l'action de communication interne ou externe à laquelle nous ne pouvons échapper. Après, cela n'empêche pas de réaliser des projets de communication externe qui impliquent les personnels en interne. C'est une bonne manière de cibler les deux objectifs.

Quelles seront à votre avis les grandes transformations de la communication interne au cours des 20 prochaines années ?

(D.SF) : Je pense que la communication interne devrait se fondre davantage dans les tâches managériales. Nous gagnerions beaucoup de temps et cela permettrait aux équipes de communication de se concentrer sur de belles actions de valorisation des métiers et des réalisations de l'établissement. Notre principal ennemi est la verticalité à laquelle on se heurte en permanence dans les organisations publiques. Nous devons libérer les flux afin de brasser davantage les informations, les objectifs et les enjeux entre les personnes. C'est finalement la principale fonction de la communication dans une organisation.

Interview réalisée par Damien ARNAUD (@laCOMenchantier) – 13 décembre 2014

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