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© Éditions Foucher Les premiers modèles sont issus de la technique (téléphonie). Puis, la linguistique introduit l’acteur et le contexte dans son champ d’étude. En psychosociologie, l’école de Palo Alto analyse la communication en termes de comportements. I. Les modèles théoriques classiques A. Le modèle de communication de Shannon et Weaver À la fin des années quarante, ce modèle cherche à améliorer l’effica- cité du télégraphe. S OURCE Codage Message Message DESTINATAIRE TRANSMETTEUR RÉCEPTEUR Bruits Canal Décodage Signal La source d’information (émetteur) produit un message qui sera codé. Le transmetteur transforme le message en signal acoustique qui sera transmis sur le canal (fil électrique). Le récepteur reçoit le signal et décode le message reçu par le destinataire. Les bruits correspondent à toute altération ou perte d’informations (parasite, défaut de trans- mission…). Ce modèle permet d’analyser la lisibilité d’un message. Il introduit la notion de codage et de décodage à l’origine de nombreux problèmes de communication interpersonnelle. Ce modèle linéaire ignore en revanche, la signification du message transmis, les interlocuteurs, leurs psychologies, leurs croyances… B. Le modèle de Wiener Wiener complète le modèle de Shannon en introduisant la réaction du destinataire en termes de retour d’information (feed-back). Il propose un modèle non plus linéaire (simple transmission du message) mais cir- culaire (interaction avec échange d’informations). Le feed-back permet une régulation de la communication. Les bases de la communication Communication et négociation 9 Les théories de la communication FICHE 3

Les theories de la communication

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� Les premiers modèles sont issus de la technique (téléphonie). Puis, la linguistique introduit l’acteur et le contexte dans son champ d’étude. En psychosociologie, l’école de Palo Alto analyse la communication en termes de comportements.

I. Les modèles théoriques classiquesA. Le modèle de communication de Shannon et Weaver• À la fin des années quarante, ce modèle cherche à améliorer l’effica-cité du télégraphe.

SOURCECodage

Message MessageDESTINATAIRETRANSMETTEUR RÉCEPTEUR

Bruits

Canal Décodage

Signal

La source d’information (émetteur) produit un message qui sera codé. Le transmetteur transforme le message en signal acoustique qui sera transmis sur le canal (fil électrique). Le récepteur reçoit le signal et décode le message reçu par le destinataire. Les bruits correspondent à toute altération ou perte d’informations (parasite, défaut de trans-mission…).• Ce modèle permet d’analyser la lisibilité d’un message. Il introduit la notion de codage et de décodage à l’origine de nombreux problèmes de communication interpersonnelle.• Ce modèle linéaire ignore en revanche, la signification du message transmis, les interlocuteurs, leurs psychologies, leurs croyances…

B. Le modèle de WienerWiener complète le modèle de Shannon en introduisant la réaction du destinataire en termes de retour d’information (feed-back). Il propose un modèle non plus linéaire (simple transmission du message) mais cir-culaire (interaction avec échange d’informations). Le feed-back permet une régulation de la communication.

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II. Un modèle linguistiqueA. Des acteurs et un contexteDell Hymes propose un modèle d’analyse de la communication inter-personnelle (1962, remanié en 1972). Les interactions langagières, inscrites dans un contexte social, prennent une place importante dans la relation avec les acteurs.B. Le modèle S.P.E.A.K.I.N.G de HymesCe modèle comprend huit éléments :Setting (la situation) qui englobe le cadre (moment, lieu de l’échange, disposition matérielle) et la scène (cadre culturel et psychologique de l’échange).Participants (les participants) qui englobent l’émetteur et le destina-taire mais aussi les individus présents qui influent par leur présence sur l’interaction.Ends (les finalités) qui désignent les intentions de l’émetteur et les résultats effectifs de l’interaction.Acts sequences (les actes) qui regroupent le contenu du message (thèmes abordés) et la forme du message.Keys (le ton) qui rend compte de l’accent, de la manière ou de l’esprit dans lequel un acte est accompli.Instrumentalities (les instruments) qui regroupent les canaux (moyens de transmission de la parole) et les formes (le code) de la parole.Norms (les normes) qui interviennent au niveau de l’interaction (res-pecter son tour de parole, manifester de l’intérêt…) et de l’interpré-tation (habitudes culturelles des participants).Gender (le genre) qui désigne la catégorie à laquelle appartient la communication (conférence, conversation, échange professionnel).

III. Le modèle de l’école de Palo AltoA. Une approche systémiqueL’approche systémique propose le modèle de l’orchestre de jazz band où, au-delà de la partition, se joue une relation entre les musiciens, non pas dans le cadre d’une simple transmission d’information, comme dans le modèle télégraphique, mais dans une véritable situation de communication. Cet orchestre forme un ensemble musical sans chef d’orchestre où chacun joue sa partition en se réglant l’un sur l’autre. Par des regards, des postures physiques, chaque membre sait s’il faut accélérer ou si le morceau se termine. Cependant, des règles et des normes existent et régissent les rapports entre les musiciens pour que l’ensemble puisse fonctionner.

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Ce modèle propose une vision plus complexe de la communication avec une mise en relation de tous les éléments au sein d’un ensemble, reprenant ainsi les caractéristiques d’un système.B. Une « grammaire » des comportementsCette « grammaire » constitue « une logique de communication » qui s’articule autour de cinq axes.• « On ne peut pas ne pas communiquer » :– La communication est prise ici au sens large dans la mesure où tout comportement est communication puisqu’il contient toujours un message. La façon d’être habillé, de serrer la main, le fait de croiser les bras, de sourire ou non, de dire « il fait chaud ! » ou de ne rien dire… • Tout acte est porteur de signification :– Dans une approche pragmatique, l’école de Palo Alto étudie donc les comportements, comme actes de communication ; elle s’intéresse à l’effet produit par ces actes et aux réactions comportementales qu’ils engendrent.• Le contenu et la relation :– Dans une communication, le contenu établit un certain mode de relation. On transmet de l’information et, en même temps, on définit la relation qui se co-construit entre les acteurs.– Exemple : À la terrasse d’un café, un homme assis, buvant un verre, s’adresse à une passante qu’il reconnaît :Paul : « Bonjour, comment allez-vous ? » ; Clémence : « Bonjour, ça va et vous ? » ; Paul : « Très bien. Vous prendrez bien un verre ? » ; Clémence : « C’est très gentil, mais je manque de temps. »Le rituel de salutation permet à la personne assise (Paul) d’entrer en relation avec la passante (Clémence). Le contenu du message porte d’abord sur la santé, le moral, puis sur le fait de boire un verre.En termes de relation, il s’agit d’une invitation. Paul ne fait pas que reconnaître Clémence, il lui signifie qu’il la confirme comme interlocu-trice avec qui il souhaite une relation plus proche.La conversation aurait pu être tout autre si Paul, après les salutations, avait tout simplement dit « Très bien. Bonne journée. Au revoir. », établis-sant ainsi une relation plus distante.• Deux modes de communication d’un message. Ils se combinent pour communiquer avec autrui.– Le mode digital de la communication : chaque langue constitue un code. Les mots correspondent au mode digital de la communication. Par exemple : « gato, katze, cat » ne sont compréhensibles que si on parle espagnol, allemand, anglais. La parole est le vecteur principal de la communication digitale. Elle véhicule le contenu du message.

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– Le mode analogique de la communication : le langage analogique est une représentation dont l’image est analogue à la réalité. Elle est compréhensible par tout le monde. Par exemple : une photographie, un dessin ou un symbole imagé d’un chat est une représentation dont l’image est analogue, semblable à un chat. Le mode analogique emprunte la gestuelle, les mimiques… On parle de communication non verbale. La relation s’exprime souvent à travers le mode analogique.• La ponctuation des interactions. Le découpage de la situation par les interlocuteurs peut différer et entraîner une analyse opposée de la situation. Par exemple : une mère (à propos de sa fille de 15 ans) : « Elle est toujours enfermée dans sa chambre, elle ne fait rien. Elle ne participe jamais aux tâches ménagères ; je dois toujours lui faire des remontran-ces ! ». Alors que la fille déclare : « Ma mère me fait toujours des remontrances, quoi que je fasse. Donc, je préfère m’isoler dans ma chambre ! ». Chacune découpe différemment les séquences et par conséquent se considère comme la victime de l’autre.L’essentiel n’est pas tant de savoir qui a raison mais d’arrêter le « c’est pas moi qui ai commencé ! ».• La métacommunication. Métacommuniquer signifie communiquer sur la communication, l’objet de la communication étant la communi-cation elle-même. La métacommunication est fondamentale pour le maintien d’une relation saine. Elle remplit trois fonctions :

Une fonctionde clarification

Communiquer sur le contenu permet de clarifier le sens des mots, d’une phrase.« C’est loin d’ici ? », « oui, c’est loin ! », « C’est-à-dire ? », « 15 minutes environ à pied », « Ah ben alors en voiture y’en a pour 2 minutes, pas plus », « Ah vous y allez en voiture ! Dans ce cas, c’est tout près ».

Une fonctionde pouvoir

La « bataille des mots » consiste à imposer une conception du monde par l’intermédiaire des mots. Elle constitue l’un des enjeux de la co-construction de la situation et définit les rapports de places.

Une fonction de régulation relationnelle

Métacommuniquer permet de dépasser un désaccord, un conflit en cadrant non plus sur le contenu du message mais sur la relation.« Il faut se dépêcher si on veut arriver à l’heure ! » ; « J’ai la flemme de courir ! C’est grave pour toi si on arrive en retard ? » ; « Non » ; « Alors on y va cool ! »« D’accord ».

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� La communication orale verbale passe par les mots et par la voix.

I. Le verbal : le champ lexicalA. Champ lexical et positionnementRepérer le vocabulaire, le champ lexical d’autrui donne des indications sur son niveau de compétence dans un domaine, son niveau d’instruc-tion, son appartenance sociale. Le registre de langage utilisé permet de mieux percevoir une attitude, une opinion, une position… B. Le sens des motsToute la difficulté de la communication tient au fait que nous utilisons des mots qui n’ont pas toujours le même sens pour chacun d’entre nous. Comprendre le sens que l’interlocuteur donne aux mots permet d’éviter des problèmes de communication.C. L’imprécision du langage• A. Korzybsky a montré que trois processus sont source de problè-mes de communication : l’omission, la distorsion et la généralisa-tion. Questionner permet de gérer cette imprécision.

Processus Exemples Questions

Omission Je ne suis pas d’accord. À propos de quoi, de qui ?

Distorsion Il ne me salue pas, il me déteste. En quoi le fait de ne pas saluer prouve qu’il vous déteste ?

Généralisation Rien ne marche. Rien ?

• Pour être mieux compris, on peut utiliser la méthode du QQOQCPC. Il est important de vérifier que le message répond à sept questions :Qui ? Les acteurs (1) « Gaëlle (1), vous enverrez par mel (5)

la mise à jour des comptes de l’association (2) à Madame Alvarez (1) avant demain matin (4). Elle doit contrôler ces comptes pour l’assemblée générale (6) du 22 juin (4). Utilisez son adresse électronique professionnelle (3). »

Quoi ? Les objets, les domaines (2)

Où ? Les lieux (3)

Quand ? Les temps (4)

Comment ? Les procédures (5)

Pourquoi ? Les causes (6)

Combien ? Les mesures

La communication oraleverbale

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D. Mieux gérer la relation avec la méthode SOFIASavoir distinguer la nature de ce qui est exprimé par soi ou par l’autre permet de mieux gérer la relation. Les opinions sont toujours discutables alors que les faits le sont moins. Un sentiment est d’autant plus fort qu’il repose sur des faits. Si la communication a une visée pragmatique, il est important d’exprimer une intention d’action.• La méthode SOFIA :

Sentiments Indiquez ce que vous ressentez par la parole ou par le para-verbal : « Je suis très contente…

Opinions Évitez de donner des opinions sans avoir exprimé au préalable les faits.

Faits Exposez des faits pour faire connaître la situation exacte : … Car mon client vient de signer son contrat…

Intention d’Action Précisez vos intentions d’action : … Allons fêter ça ! »

II. Le para-verbal ou la prosodieA. Importance du para-verbal• Pour communiquer plus efficacement, il est important d’être à l’écoute de la prononciation appelée également para-verbal ou proso-die. Elle exprime les émotions et renseigne sur l’intentionnalité et le sens exprimé par le locuteur.Un mot qui rend bien compte de l’importance du para-verbal dans l’interprétation d’un message est le mot « merci ». Suivant l’intonation, il peut signifier « oui, merci avec plaisir ! » ou au contraire, « non, merci vraiment pas ! ».

B. Améliorer son para-verbal• Pour être entendu, il faut travailler :

La tessiture C’est l’ensemble des notes que l’on peut émettre avec un minimum d’effort. Trouver la hauteur de voix qui vous convient permet de parler sans se fatiguer.

L’intensité C’est le degré de force de la voix (faible, normale, élevée). Il doit être harmonisé avec la distance de la relation.

L’articulation Bien articuler (parler clairement), c’est s’engager, manifester la volonté d’être compris de son interlocuteur.

• Pour être écouté, il faut moduler sa voix :

Les intonations Varier les inflexions de la voix pour faire passer les sentiments.

La force vocale Varier le volume de la voix pour donner plus de poids à certains mots.

Le débit Varier le nombre de mots prononcés par minute en jouant les rythmes différents et contrastés. Faire des pauses. Le silence permet à l’autre de comprendre ce qui vient d’être dit ; il donne une impression de maîtrise et d’assurance.

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� Si la communication verbale est fortement utile quand on a besoin de transmettre des informations précises, la commu-nication non verbale n’en est pas moins porteuse de sens.

I. Quatre rôles pour la communication non verbale

Un rôle expressif

Le non-verbal permet une variété importante d’expressions affirmant ses sentiments, ses émotions, son opinion : sourire pour exprimer sa joie, ouvrir grands les yeux pour marquer son étonnement, se gratter le nez pour exprimer son doute…

Un rôle relationnel

Ce sont les gestes qui participent du type de relation que l’on souhaite établir avec autrui : se tenir à une certaine distance, mettre sa main sur l’épaule de l’autre…

Un rôle régulateur

Ce sont les gestes ou mimiques qui permettent de se synchroniser, de réguler l’interaction et les tours de parole : acquiescer avec la tête pour signifier que l’on suit, lever le doigt pour demander la parole…

Un rôle symbolique

Ce sont les gestes significatifs de rituels de reconnaissance ou de non-reconnaissance : embrasser certaines personnes et serrer la main à d’autres dans un groupe…

II. Interprétation de la communication non verbaleA. Les modes de communication non verbaleLa communication non verbale s’exprime à travers la tenue (vêtements, accessoires, coiffure), la posture, les gestes et les mimiques (expres-sions du visage).B. Interprétation et signification• Un même geste peut avoir plusieurs significations. C’est à travers la redondance, le verbal et la congruence que l’on construit une inter-prétation, la communication verbale et non verbale se complétant généralement.• Au-delà de la signification que l’on donne ou que l’interlocuteur donne à un geste, ce qui importe c’est l’effet produit par ce geste et l’incidence qu’il a sur l’interaction.

III. Les objets d’analyseA. Trois types de territoire, trois modes de relationLe territoire de rencontre conditionne la relation. Il influence la dis-tance interpersonnelle (la proxémie) à respecter.

La communication non verbaleFICHE 5

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16 Communication et négociation Les bases de la communication

Le territoirede confrontation

Les bords opposésLes interlocuteurs sont de chaque côté de la table. Les deux territoires sont bien délimités. Chacun préserve ses documents. Celui qui avance va empiéter sur le territoire de l’autre.

Le territoirede coopération

Bord à bordLes deux interlocuteurs sont à angle droit. Ils n’empiètent pas frontalement sur le territoire de l’autre et échangent plus facilement les documents.

Le territoirede collaboration

Du même bordLes interlocuteurs sont côte à côte. Le territoire est commun. Ils se partagent les outils et documents.

D’après Jean-Claude Martin, Le guide de la communication, Marabout, 1999.

B. L’analyse de la postureUn changement de posture peut être le signe d’un changement d’atti-tude de l’interlocuteur.

Postures de soumission

Attitudesoumise

– Tête rentrée ou inclinée, épaules basses, buste courbé, bras resserrés, mains jointes, jambes croisées, pieds rentrés– Ne regarde pas

Est-ce un individu introverti ou est-ce que je l’impressionne ?

Postures de dominance

Attitude dominante

– Menton et tête relevés, épaules ouvertes, bras vers le haut, un coude sur l’accoudoir, jambes écartées– Regarde de haut

Veut-il m’impressionner, me dominer ?

Postures de partage

Attitude participative

– Tête avancée, cou allongé, buste penché en avant, bras ouverts, mains ouvertes, jambes côte à côte, un pied en avant– Regarde en face

Ce que je dis l’intéresse.

Postures de rejet

Attitudede refus

– Tête en recul ou détournée par rapport au buste, bras croisés, buste de profil, appuis en arrière– Regarde de biais

Est-ce une fuiteou une menace ?

C. La classification des gestes• Les gestes constituent un langage très puissant qui renforce ou blo-que le message.• Les gestes d’ouverture (bras ouverts vers l’autre…) ont une con-notation positive. Les gestes autistes (centrés sur soi), barrières (bras croisés) ou non congruents (infirmant le message verbal) sont perçus comme négatifs.