20
Pourquoi le télétravail relève-t-il toujours de l’innovation en France ? Séminaire Innovation du Centre des Hautes Etudes d’Assurances Paris, le 14 février 2013

Compte rendu seminaire-innovation-14-02-2013 (7)

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Compte rendu sur le thème : Pourquoi le télétravail relève t-il toujours de l'innovation en France ? Plus d'informations dans un article consacré au télétravail sur Myeurop.info. C'est par là http://fr.myeurop.info/2013/09/25/le-t-l-travail-c-est-pas-vraiment-la-sant-12289

Citation preview

Page 1: Compte rendu seminaire-innovation-14-02-2013 (7)

Pourquoi le télétravail relève-t-il toujours de l’innovation en France ?

Séminaire Innovation du Centre des Hautes Etudes d’Assurances

Paris, le 14 février 2013

Page 2: Compte rendu seminaire-innovation-14-02-2013 (7)

2

Séminaire Innovations du Centre des Hautes d’Etudes d’Assurances

Sommaire

I. Introduction 3

II. Le télétravail à l’étranger 3

III. Situation de la France 3

1. Statistiques 3

2. Cadre juridique 3

IV. Enjeux et opportunités pour le secteur de l’assurance en France 3

1. Les enjeux 3

2. Les opportunités liées au télétravail 3

3. Exemples d’application 3

V. Témoignages 3

VI. Discussion 3

Paris, le 14 février 2013

Page 3: Compte rendu seminaire-innovation-14-02-2013 (7)

3

Séminaire Innovations du Centre des Hautes d’Etudes d’Assurances

I. INTRODUCTION

Pierre-Charles PRADIER, Directeur délégué de l’Ecole nationale d’assurances

Bienvenue à ce séminaire du Centre des Hautes Etudes d’Assurances consacré au télétravail.

Nathalie CIORNEI

Bonsoir à tous, et merci de venir partager les travaux que notre groupe, constitué de spécialistes des fonctions marketing, commerciales, back-offices et juridiques, a menés sur ce thème. Nous accueillons également Dominique Bost, Directrice des initiatives stratégiques à Mondial Assistance, Groupe Allianz, qui témoignera de la mise en place du télétravail dans son entreprise.

Pourquoi le télétravail relève-t-il encore de l’innovation en France ? Pour répondre à cette question, nous avons utilisé la définition selon laquelle le télétravail désigne toute forme de travail marchand accompli à domicile ou dans un autre lieu distant de l’établissement pour lequel le travail est mené. Il n’existe toutefois aucune définition normée au plan international ; c’est pourquoi les organismes statistiques peuvent difficilement mesurer la diffusion du télétravail dans les différentes organisations.

Nous allons dans un premier temps évoquer la situation du télétravail à l’étranger et en France, avant de nous pencher sur les enjeux et opportunités que présente cette forme d’organisation pour le secteur de l’assurance. Enfin, nous aborderons les perspectives qui se dessinent en la matière.

II. LE TÉLÉTRAVAIL À L’ÉTRANGER

Aux Etats-Unis, le télétravail connaît un fort développement depuis plusieurs décennies. Malgré des statistiques plutôt fragmentaires, on recensait en 2009 un total de 50 millions de personnes ayant déjà télétravaillé, soit 40 % de la population active. En 2006, 140 000 fonctionnaires américains, sur un total de 1,7 million, télétravaillent au moins un jour par semaine. Aux Etats-Unis, le télétravail est pratiqué dans toutes les administrations des Etats, comtés et municipalités. Toutefois, les données n’agrègent pas les télétravailleurs salariés et les indépendants. En tout état de cause, le télétravail est largement promu par les pouvoirs publics.

En Suède, l’Etat a lancé au début des années 90 des plans favorisant l’équipement des ménages en micro-ordinateurs. Parallèlement, Internet et la téléphonie mobile se sont largement déployés dans le pays. De plus, la Suède accorde un avantage fiscal aux entreprises qui mettent à disposition de leurs salariés des ordinateurs à domicile, sans que cet appareil ne constitue un avantage en nature pour le salarié. Enfin, le télétravail est encouragé par les entreprises et les administrations. Actuellement, 90 % des entreprises de plus de 500 personnes et 30 % des PME de moins de 20 personnes font travailler des salariés hors du lieu d’exercice classique. Depuis une dizaine d’années, la Suède passe progressivement du télétravail à un travail « flexible » ou « mobile » qui limite l’empiètement entre vie professionnelle et vie privée. En Suède, les secteurs les plus concernés sont la communication, les services financiers et les consultants.

Paris, le 14 février 2013

Page 4: Compte rendu seminaire-innovation-14-02-2013 (7)

4

Séminaire Innovations du Centre des Hautes d’Etudes d’Assurances

En Italie, il n’existe aucun cadre législatif concernant le télétravail. L’accord européen de 2004 qui prévoit une égalité de traitement entre les télétravailleurs et les autres salariés a simplement été intégré dans le champ contractuel italien. Aujourd’hui, 8 % de la population active télétravaille et le télétravail concerne 40 % des salariés des centres d’appel, ce qui est une spécificité du pays.

Le télétravail des indépendants (ou « homeshoring ») est né aux Etats-Unis dans les années 2000. Ces agents indépendants disposent de leur propre matériel ainsi que d’une structure juridique, et mettent leurs compétences à disposition d’un client. Ils sont leurs propres employeurs. Leur nombre était d’environ 300 000 en 2010 aux Etats-Unis, et le homeshoring s’étend progressivement en Europe.

III. SITUATION DE LA FRANCE

1.Statistiques

En France, l’environnement de travail évolue. On retient quatre axes majeurs :

Les nouvelles technologies facilitent la transmission d’informations mais génèrent l’infobésité.

Le bien-être au travail est pris en compte dans le cadre de la prévention des risques physiques et psycho-sociaux, mais les employés consacrent encore un temps important au transport.

L’efficacité au travail est recherchée, mais sans suppression des interruptions intempestives et de la « réunionite ».

Le poste de travail évolue mais les coûts d’installation et d’accompagnement restent élevés.

En 2012, 12,4 % des salariés français télétravaillaient au moins un jour par mois, avec un gain de productivité moyen de 22 %. Ce chiffre comprend le gain de temps, la réduction de l’absentéisme et une meilleure efficacité au travail. Au final, 96 % des télétravailleurs se déclarent satisfaits de ce système. Le coût moyen de mise en œuvre du télétravail s’élève à 1 370 euros, hors investissement pour des outils spécifiques.

Dans les pays scandinaves et anglo-saxons, le télétravail concerne deux à trois fois plus de salariés qu’en France, ce qui est particulièrement vrai dans le secteur de l’administration. Ces pays comptent plus de 20 % de télétravailleurs. Les pays du centre de l’Europe (comme la Suisse, la Suède et l’Allemagne) affichent des taux de télétravailleurs compris entre 15 et 20 %, devant des pays comme la Grèce, l’Irlande et l’Italie, dont les taux sont de 10 à 15 %. La France, quant à elle, fait partie d’un groupe de pays dans lesquels la part du télétravail est plus réduite – entre 5 et 12 %.

2.Cadre juridique

Emmanuel KESTENARE

Alors que les premières définitions du télétravail ont plus de vingt ans, il représente encore, paradoxalement, une innovation pour les assurances.

Paris, le 14 février 2013

Page 5: Compte rendu seminaire-innovation-14-02-2013 (7)

5

Séminaire Innovations du Centre des Hautes d’Etudes d’Assurances

En 2002, les partenaires sociaux européens ont conclu un accord sur le télétravail. Cet accord, initié par la Commission européenne, fixe un cadre général européen et impose aux partenaires sociaux la signature d’accords nationaux. En France, un accord national interprofessionnel a été conclu en 2005. Il comporte certaines dispositions plus protectrices que celles figurant à l’accord-cadre et doit encore être complété par des accords de branche ou d'entreprise. Suite à cet accord de juillet 2005, différents tests et initiatives ont émergé.

En 2012, le législateur a adopté la loi dite « Warsmann ». Cette loi, au contenu très proche de l’ANI de 2005 retient la définition suivante : « Le télétravail  désigne toute forme d'organisation du travail  dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux   de   façon   régulière   et   volontaire   en   utilisant   les   TIC   (technologiques   de   l'information   et   de   la communication) dans le cadre d'un contrat de travail ou d'un avenant à celui-ci. »

Elle permet également à l'employeur de déclencher unilatéralement le télétravail dans certaines conditions exceptionnelles, par exemple pandémie.

Cette définition, très large, englobe aussi bien le télétravail nomade d’un commercial que le télétravail à domicile, en télécentre et en réseau.

De manière générale, le télétravailleur bénéficie des mêmes droits et avantages que les salariés présents sur site. Les critères de charge de travail, de formation doivent être identiques, tout comme les droits collectifs. Le principe fondamental reste l'égalité de traitement.

Selon ce cadre juridique global (ANI et loi) un contrat spécifique ou un avenant sont obligatoires pour accéder au télétravail. S’il ne fait pas partie des conditions d'embauche, le passage au télétravail est réversible. Une période d’adaptation obligatoire est également fixée. De plus, les modalités de suivi managérial comportent la réalisation d’un entretien annuel et fixent des plages horaires durant lesquelles le salarié doit être joignable, Les coûts liés au télétravail et à la maintenance sont pris en charge par l'employeur. Au final, ce cadre apparaît simple et complet.

Toutefois, les questions de responsabilité de l'employeur en cas de dommage et celle des accidents du salarié à son domicile restent à clarifier. En France, ce dernier point a fait l’objet de débats par les partenaires sociaux. Sur ce sujet, la Belgique prévoit par exemple une présomption d'accident du travail au domicile du salarié lorsqu'un accident se produit lors des horaires de travail.

IV. ENJEUX ET OPPORTUNITÉS POUR LE SECTEUR DE L’ASSURANCE EN FRANCE

1.Les enjeux

Les enjeux restent propres à chaque organisation et varient selon la culture d’entreprise et le secteur concerné. Toutefois, nous avons identifié des bonnes pratiques facilitant l’adaptation au changement : elles concernent

Paris, le 14 février 2013

Page 6: Compte rendu seminaire-innovation-14-02-2013 (7)

6

Séminaire Innovations du Centre des Hautes d’Etudes d’Assurances

l’aménagement d’un cadre légal, l’établissement de critères d’éligibilité des collaborateurs ainsi que la gestion des enjeux managériaux et culturels.

Compléter le cadre légalLa signature d’un accord d’entreprise n’est pas obligatoire mais reste vivement recommandée. En effet, un tel accord permet d’articuler le télétravail avec les accords d’entreprise existants, par exemple sur l'égalité hommes-femmes ou encore le temps de travail. De plus, la loi et l’ANI restent générales et l’entreprise doit définir les modalités précises pour l’exercice du télétravail, à propos par exemple des outils de suivi de l’activité, des niveaux de prise en charge financière, de la gestion de la carrière etc.

Fixer des conditions d'éligibilitéL’entreprise doit définir des conditions objectives et non discriminantes d’éligibilité. Légalement, les salariés sont éligibles au télétravail s’ils exercent une activité susceptible d'intégrer les TIC. Les métiers qui nécessitent la gestion électronique des documents et pour lesquels une présence physique régulière au sein de l'entreprise n'est pas requise sont a priori plus concernés par le télétravail.

Toutefois, un lien régulier avec l’entreprise reste indispensable pour limiter le risque d’exclusion de l’entreprise. Pour cette raison, certaines entreprises ont choisi d’écarter certaines catégories du dispositif, par exemple les salariés à temps partiel, ceux disposant d’une faible ancienneté ou travaillant déjà en itinérant.

Au final, l’éligibilité dépend plutôt du profil du salarié.

Celui-ci doit avant tout :

se montrer autonome dans la gestion du métier, du temps et dans l’utilisation des TIC ;

être déjà intégré dans l’entreprise ;

disposer d’un environnement compatible avec le télétravail ;

S’y ajoutent des critères fixés par le management - en effet, il peut être opportun de limiter le nombre de télétravailleurs au sein d’une même équipe afin de préserver le lien social sur le site.

Souvent, les entreprises préparent un questionnaire « d'auto-évaluation » qui permet aux collaborateurs candidats au télétravail d’évaluer leur adéquation avec les critères proposés. Le questionnaire établi par MACSF, que nous avons pu examiner, apparaît plutôt centré sur le métier ; plusieurs questions traitent notamment de a prévention du risque d’’isolement inhérent au télétravail. Dans les faits, toutefois, les principales difficultés rencontrées par les télétravailleurs ont davantage concerné l’autonomie dans la gestion des TIC.

Pour finir, les métiers de l’assurance constituent un potentiel important pour le développement du télétravail. En effet, il existe de forts recoupements entre les métiers principaux de l’assurance (tels que relevés par l’Observatoire de l’évolution des métiers de l’assurance) et l’étude du Conseil d’analyse stratégique sur la structure du télétravail en 2015 et 2020. Cette seconde étude révèle notamment un fort potentiel pour les commerciaux, technico-commerciaux et employés administratifs.

Paris, le 14 février 2013

Page 7: Compte rendu seminaire-innovation-14-02-2013 (7)

7

Séminaire Innovations du Centre des Hautes d’Etudes d’Assurances

Le potentiel actuel et futur du télétravail dans l’assurance repose également en partie sur la génération dite « Y, » qui représente 15 % des salariés actuels et 60 % des recrutements. Cette génération qualifiée, travaille en réseau et maîtrise parfaitement les technologies. Elle présente tous les atouts pour être éligible au télétravail.

Gérer les conditions managériales

Marie-Cécile LEBARD

Au-delà du cadre légal, l'évolution reste intimement liée aux conditions managériales. Le télétravail est initié pour 85 % des entreprises dans le cadre d’une démarche RSE, afin d’améliorer la qualité de vie et de mieux concilier vie professionnelle et vie privée. Toutefois, 92 % des employeurs estiment que le principal frein reste la réticence du management. Développer le télétravail nécessite en effet une évolution des pratiques managériales. Le manager passe d’un système tayloriste avec une organisation par le contrôle à un management par objectif, basé sur la confiance. Son rôle évolue : avec le télétravail, il doit animer un réseau, maintenir le lien social et favoriser l'autonomie.

Le manager doit également veiller à limiter le nombre de télétravailleurs. En effet, le télétravail ne constitue pas une solution universelle et des études concluent qu’il doit concerner au maximum 30 % des collaborateurs, pour un tiers de leur temps. Il convient également de tenir compte du fait que le télétravail brise la notion de réseau et le sentiment d’équipe. De plus, le manager doit éviter les discriminations, par exemple entre les salariés parents ou non-parents. Enfin, il doit préserver des temps de rencontres physiques et gérer les tensions entre les télétravailleurs et les travailleurs sédentaires.

De leur côté, les télétravailleurs, pour maintenir une séparation entre sphère privée et sphère professionnelle, doivent être soumis à des objectifs clairement fixés et conserver un droit à la déconnexion.

Gérer les conditions culturelles L’implication de la direction générale est essentielle à la réussite du projet. Elle doit s'engager dans ce changement culturel, se montrer exemplaire et le faire savoir. Le télétravail nécessite un investissement dans des outils et la construction d’indicateurs permettant d’objectiver la démarche. De plus, des retours d’expérience réguliers sont nécessaires et doivent impliquer les salariés en télétravail, les managers et les RH. Les réunions organisées à cette fin sont l’occasion d’aborder les problématiques rencontrées par les télétravailleurs et les managers.

En somme, le télétravail représente non seulement un levier de productivité mais aussi un outil de changement social.

2.Les opportunités liées au télétravail

Le télétravail présente de nombreux avantages.

Tout d’abord, il contribue à l’amélioration de la productivité (de 22 % en moyenne, selon les études sur le sujet), car le salarié travaille dans une ambiance plus sereine ; il est moins interrompu. Cette amélioration de la productivité n’est pourtant pas, à mon sens, le principal avantage.

Paris, le 14 février 2013

Page 8: Compte rendu seminaire-innovation-14-02-2013 (7)

8

Séminaire Innovations du Centre des Hautes d’Etudes d’Assurances

Le télétravail renforce la marque employeur pour les générations qui cherchent un travail plus flexible. Il constitue une démarche RSE, et réduit l’impact de l’entreprise sur l’environnement en limitant le nombre de trajets. Enfin, il limite l’absentéisme et les accidents de travail.

Ces affirmations ont été corroborées par différentes études. Au final, le salarié bénéficie d’un temps de transport réduit, ce qui limite le stress et la fatigue. Le taux de satisfaction des télétravailleurs s’élève à 96 %, ce qui ne diminue en rien la nécessité de veiller à la qualité de l’environnement de travail. C’est pourquoi certains employeurs effectuent des visites à domicile pour évaluer objectivement l’environnement de travail de « leurs télétravailleurs ».

3.Exemples d’application

Yann GIMMIG

Après avoir dressé le cadre général du télétravail en France et à l’étranger, nous allons vous présenter quelques expériences du secteur, en commençant par Groupama. L’entreprise a lancé une initiative pilote avec un dispositif de télétravail sur deux à trois jours par semaine. Tous les métiers dont la présence physique n’est pas requise y étaient éligibles, par exemple les fonctions supports. Toutefois, les salariés ne devaient pas avoir à stocker des documents papier à leur domicile. Les managers et les experts salariés ont été exclus de ce pilote mais ils seront probablement intégrés plus tard.

Dans ce cadre, nous avons ouvert 20 postes en télétravail, pour lesquels nous avons reçu 88 candidatures. Les candidats ont passé un entretien de motivation et nous les avons sélectionnés selon leur autonomie, la qualité de leurs résultats et leur implication dans la vie de l’équipe. Nous avons également pris en compte, à situation équivalente dans une moindre mesure, leur éloignement géographique.

Techniquement parlant, nous avons installé chez les télétravailleurs une deuxième ligne téléphonique avec un routeur spécifique permettant le transfert des données informatiques et voix. Nous avons longuement débattu de la répartition entre le salarié et l’employeur des frais liés à la mise en place du télétravail – cela peut concerner, par exemple, la rémunération de la présence à domicile lors de l’installation de la ligne. Ces questions ont parfois été difficiles à trancher.

Il apparaît que le télétravail implique de quasiment doubler la dotation en matériel informatique du salarié. Pour les intéressés, nous avons remplacé l’unité centrale par un ordinateur portable, installé un téléphone et une imprimante à domicile. Au final, l’investissement se chiffre à 1900 euros avec un coût annuel de fonctionnement de 1 700 euros. La solution, assez coûteuse, a permis de sécuriser le télétravailleur et la DSI. Toutefois, il s’avère que des solutions moins coûteuses pourraient être seraient tout aussi satisfaisantes.

Après avoir sélectionné les télétravailleurs mi-février, nous pensions lancer l’organisation de télétravail fin mars mais l’installation des lignes par Orange s’est étalée de juin à octobre. De plus, un candidat s’est avéré inéligible car il était impossible d’installer à son domicile des lignes avec un débit suffisant – une situation vécue difficilement par cette personne, évidemment. Avec cette expérience, nous avons réalisé que l’éligibilité technologique devait absolument être validée avant de sélectionner un candidat.

Paris, le 14 février 2013

Page 9: Compte rendu seminaire-innovation-14-02-2013 (7)

9

Séminaire Innovations du Centre des Hautes d’Etudes d’Assurances

En termes de bilan de cette expérience chez Groupama, il est apparu que dans les six mois qui ont suivi son lancement, une personne a déménagé (ce qui a doublé l’investissement nécessaire) et qu’une autre a abandonné la forme du télétravail. Depuis le début de l’expérience, nous n’avons constaté aucun problème technique. Toutefois, les salariés souffrent d’isolement, notamment en hiver, et c’est pourquoi nous avons choisi de limiter le télétravail doit être limité à quelques jours par semaine. Nous avons également constaté des difficultés d’adaptation du management. Le télétravail s’est toutefois traduit par une amélioration de la productivité.

Après avoir détaillé l’expérience pilote de Groupama, je vais évoquer le télétravail chez AXA. L’entreprise a lancé le télétravail pour 99 salariés en avril 2012. Il concerne les classes 3 à 7 avec un âge moyen de 49 ans. Le télétravail intéresse toutes les tranches d’âge et pas seulement les nouvelles générations. Les seniors y voient par exemple une amélioration de leur qualité de vie.

Il semble possible d’affirmer qu’en France, le télétravail relève toutefois de l’innovation, au motif que les effectifs concernés restent très limités.

Cédric DUCHATELLE

Notre groupe de travail a été séduit par la solution du télétravail. Le cadre réglementaire étant fixé, toutes les conditions sont maintenant réunies en France pour qu’elle soit une réussite. Pourtant, force est de constater qu’elle reste encore peu développée.

Nous avons dégagé quatre pistes qui pourraient expliquer cette situation. Elles tiennent selon nous :

à un cadre réglementaire trop récent ainsi qu’à un faible engouement des pouvoirs publics, avec notamment l’absence d’initiative fiscale ;

au sentiment que cette forme d’organisation présente des intérêts plutôt sociaux qu’économiques : le télétravail permet par exemple de réduire le temps de travail, d’améliorer le bien-être des collaborateurs ou encore de maintenir un collaborateur handicapé, mais il n’existe aucun modèle économique solide sur le télétravail – ce qui est probablement le frein majeur à son développement ;

à la faible motivation des équipes RH pour le télétravail - or pour être appliqué, le télétravail doit respecter un fort principe d’égalité, ce qui est difficile à mettre en œuvre ; par ailleurs, le management du télétravail est complexe, et les managers ont sans doute besoin d’une montée en compétence leur permettant de « piloter » les collaborateurs à distance ;

à la réticence des partenaires sociaux, qui craignent l’empiètement de la vie professionnelle sur la vie privée – il faudra, pour les rassurer, encadrer la démarche et compléter la loi.

Pour toutes ces raisons, le télétravail reste au stade de l’innovation en France.

Rezki MOKDAD

Le retour sur investissement est difficile à calculer alors même qu’il constitue un moteur essentiel pour lancer un projet de télétravail dans l’entreprise. Les coûts qui lui sont liés comprennent non-seulement les frais

Paris, le 14 février 2013

Page 10: Compte rendu seminaire-innovation-14-02-2013 (7)

10

Séminaire Innovations du Centre des Hautes d’Etudes d’Assurances

d’équipement mais aussi la mobilisation des ressources internes. De plus, des avantages comme la diminution des absences et l’amélioration du bien-être sont difficiles à évaluer. Les avantages immobiliers devraient également être comptabilisés pour tout projet dépassant le stade du pilote.

Selon une étude du Centre d’analyse stratégique, un dispositif basé sur deux journées de télétravail par semaine et concernant 70 % de l’effectif d’une entreprise permettrait à cette dernière de réduire son coût immobilier de l’ordre de 30 %. Cet avantage n’est pas négligeable sur Paris, au vu des prix du marché de l’immobilier.

Malgré un manque d’intérêt certain en France, le télétravail constitue un outil au service de la compétitivité des entreprises, avec des effets positifs pour l’employeur, les partenaires sociaux et les clients. Pour le collaborateur, cette solution représente également un gain en termes de pouvoir d’achat, en limitant le transport et les besoins de garde d’enfant. C’est un schéma intéressant qui devrait vraisemblablement se développer ces prochaines années.

V. TÉMOIGNAGES

Marie-Cécile LEBARD

Nous allons maintenant passer la parole à Dominique Bost, qui est directrice des initiatives stratégiques chez Mondial Assistance, où elle a contribué à instaurer le télétravail.

Dominique BOST

Mondial Assistance comprend 1 700 collaborateurs répartis sur quatre sites, dont trois à Paris. Sur les plateaux d’assistance, la population est plutôt féminine, avec une moyenne d’âge de 35 ans, un certain nombre de situations de famille monoparentale, des temps de trajet longs et une organisation 24H/24 et 7/7. Nous avons lancé ce chantier en 2010 sous l'impulsion de la direction générale. Je précise que son appui est indispensable car le télétravail représente une révolution sur le plan du management et de la culture d’entreprise. Les cadres sont très demandeurs de cette solution, mais nous avons commencé par proposer ce dispositif aux chargés d’assistance, ceci afin que les cadres s’impliquent dans la démarche.

En lançant le télétravail, nous souhaitions améliorer l’équilibre entre vie privée et familiale, limiter le stress et donner une image de modernité à l’entreprise. Avec 6 % de salariés en télétravail en France en 2010, ce mode de travail restait peu développé chez nos concurrents. Le chantier n’a pas été piloté sous l’angle de la rentabilité économique, mais la performance devait rester identique à ce qu’elle était précédemment, tout en respectant des conditions d’accessibilité très exigeantes : l’opérateur doit répondre en trois sonneries. Le télétravail représente également un engagement sociétal car il permet d’intégrer des collaborateurs en situation de handicap et des personnes en situation sensible.

Toutefois, le télétravail devait impérativement préserver le travail d’équipe, qui est essentiel dans le secteur de l’assistance, étant entendu qu’un dossier n’est jamais bouclé quand l’opérateur achève sa journée. Il était également essentiel de limiter la « désociabilisation » mais nous avons constaté que les télétravailleurs créaient

Paris, le 14 février 2013

Page 11: Compte rendu seminaire-innovation-14-02-2013 (7)

11

Séminaire Innovations du Centre des Hautes d’Etudes d’Assurances

un nouveau lien social dans leur environnement personnel, par exemple dans le cadre d’une activité sportive, en déposant son enfant à la crèche ou en se rendant chez le boulanger.

Il était également important de préserver une culture de l'entreprise. C’est pourquoi les managers ont suivi une formation attirant leur attention sur la cohésion d’équipe et l’égalité de traitement entre télétravailleurs et employés sur site.

Une fois le cahier des charges défini, nous avons demandé aux candidats de remplir un dossier et nous avons sélectionné ceux d’entre eux qui se montraient autonomes, qui possédaient au moins deux ans d'ancienneté dans la fonction et dont le comportement était exemplaire.

Nous avions besoin d’utiliser un matériel fiable et compact, les candidats habitant principalement en région parisienne. Le poste de travail a été totalement dématérialisé avec un ordinateur et un téléphone. Nous n’avons pas exigé que le télétravailleur dispose d’une pièce dédiée à son activité professionnelle, mais nous avons retenu la solution d’un espace dédié et invariant, qui devait apparaître explicitement sur un plan joint au dossier de candidature.

La vérification de ces aspects matériels est un facteur important, car une fois le poste installé, nous ne finançons pas de deuxième installation avant trois ans, même si le télétravailleur déménage entre-temps. Les frais pris en charge par l’entreprise comprennent la ligne ADSL, le fauteuil ergonomique ainsi qu’une indemnité de télétravail de 140 euros par mois, qui comprend la valeur patronale des tickets restaurant.

La phase expérimentale conduite fin 2009 s’est traduite par la constitution de l'équipe projet et la construction d’une méthodologie. Aujourd’hui, les télétravailleurs sont nos meilleurs ambassadeurs. Lorsque nous présentons le télétravail sur un nouveau site, nous invitons plusieurs télétravailleurs. Ils expliquent la démarche sans démagogie et présentent leurs expériences. Une fois que les salariés sont convaincus et demandeurs du dispositif, les syndicats ne peuvent plus s'y opposer, mais simplement négocier les meilleures conditions. En 2010, nous avons conclu un accord avec les partenaires sociaux et déployé le télétravail pour 15 personnes. Des commissions de suivi se sont régulièrement réunies pour aborder les aspects techniques et humains avec les partenaires sociaux, la RH, la DSI, les managers encadrant les télétravailleurs et les télétravailleurs eux-mêmes.

Fort du succès de cette expérience pilote, nous avons élargi le télétravail à d’autres salariés. Aujourd’hui, nous disposons d’un accord pérenne signé par deux organisations syndicales. Notre dispositif de télétravail s’étend sur quatre jours par semaine, ce qui était une demande des salariés pour mieux s’organiser, en termes de garde d’enfant par exemple.

Avant de laisser les salariés partir en télétravail, nous vérifions leurs capacités d’autonomie en les installant cinq jours durant, seuls dans les pires locaux de Mondial Assistance. Cette expérience se révèle souvent difficile, mais le télétravail prend ensuite une forme plus agréable.

L’installation du matériel est effectuée par des prestataires. Nous ne prévoyons pas de visite au domicile mais, à la demande du salarié, le CHSCT peut en conduire une. L’entreprise a rencontré les mêmes problèmes d’installation que ceux exprimés par Groupama et la mise en place reste très longue.

Paris, le 14 février 2013

Page 12: Compte rendu seminaire-innovation-14-02-2013 (7)

12

Séminaire Innovations du Centre des Hautes d’Etudes d’Assurances

En termes de bilan, nous avons constaté un gain de productivité d'environ 5 % pour les opérateurs et de 15 à 20 % pour des salariés gestionnaires ou occupant des tâches administratives. Au domicile, les salariés apparaissent parfois plus stressés ; par exemple, certains ne prennent pas leurs pauses et nous devons les y forcer.

En mars, nous ouvrirons un groupe « Pilote Nomadisme » pour les cadres commerciaux et les managers de proximité. Changer la culture d’entreprise prend du temps et c’est pourquoi nous agissons par étapes.

VI. DISCUSSION

Un intervenant

Dans vos entreprises, que pensent vos supérieurs du télétravail ?

Marie-Cécile LEBARD

Chez Allianz, je fais partie du groupe de travail qui conçoit une expérience pilote. Au départ, les syndicats s’y opposaient mais ils réalisent maintenant que les salariés y sont favorables. La direction générale s’est pour sa part faiblement impliquée. J’ai porté le projet car je pilote la RSE, et considère que le télétravail permet d’améliorer le bien-être des salariés et de concilier vie professionnelle et vie privée. Dans un premier temps, nous avons défini les conditions d’éligibilité puis demandé aux directions si elles souhaitaient expérimenter le télétravail. Les directions qui comprennent des cadres-supérieurs étaient très enthousiastes, contrairement à la direction des opérations, qui estime que les opérateurs doivent être contrôlés. Il reste encore beaucoup à faire pour changer la culture de l’entreprise et nous allons bientôt démarrer avec un pilote de volontaires.

Pour l’anecdote, j’ai suivi la semaine dernière un groupe de RH où l’on m’a demandé de monter un groupe consacré au télétravail. J’ai répondu que ce groupe existait déjà, mais l’on m’a répliqué qu’il devrait maintenant se pencher sur l’évolution du management, un axe de réflexion jugé plus noble !

Yann GIMMIG

Au sein de Groupama, le directeur général est intellectuellement favorable mais économiquement défavorable au télétravail. Il convient de trouver des solutions moins coûteuses. D'anciens conseillers d'agence ont rejoint les sites et leur temps de transport a sensiblement augmenté, ce qui les fatigue beaucoup. C’est pourquoi le télétravail des managers devrait être la prochaine étape mais il reste à convaincre la direction générale.

Cédric DUCHATELLE

A Covea, le sujet n’a pas été abordé. Toutefois, la filiale d’assistance se penche sur le télétravail et on m’a demandé de faire remonter mes réflexions sur le sujet.

Rezki MOKDAD

A la BPCE Assurance, un projet sur le télétravail va bientôt démarrer.

Paris, le 14 février 2013

Page 13: Compte rendu seminaire-innovation-14-02-2013 (7)

13

Séminaire Innovations du Centre des Hautes d’Etudes d’Assurances

Marie-Cécile LEBARD

Nous avons cherché à comprendre pourquoi le télétravail était faiblement répandu dans les métiers de l'assurance. Ces métiers fonctionnent historiquement par silo avec des organisations peu favorables au changement et un management taylorien. Avec une organisation matricielle, le passage devrait être plus facile car ces salariés sont habitués à des outils comme les conférences téléphoniques. Pour rappel, l’occupation moyenne des bureaux en France est de 45 %.

Un intervenant

Avez-vous envisagé le télétravail sous l’angle de la continuité de l’activité ?

Emmanuel KESTENARE

Cet angle est prévu par la loi Warsmann mais nous avons préféré aborder le télétravail sous la thématique de l’innovation.

Rezki MAKDAD

Nous possédons un dispositif PCA, notamment pour les managers, mais le télétravail n’est pas abordé sous cet angle.

Un intervenant

Vos expériences concernent le travail à domicile. Pourquoi n'avez-vous pas envisagé le recours à des télécentres ?

Yann GIMMIG

Le télécentre représente un investissement supplémentaire. Or nous n’avons pas rencontré de problématique de surface ni de nuisance au domicile du télétravailleur qui nous pousse à envisager cette solution. Par contre, nous réfléchissons actuellement au télétravail sur d'autres sites comme l'agence de proximité. Certains salariés vivent à 70 kilomètres de leur travail alors que le maillage de nos agences est de 10 kilomètres. Cette solution pourrait même apporter des bénéfices collatéraux insoupçonnés.

Dominique BOST

A Mondial Assistance, nous avons envisagé l’implantation d’un télécentre au Mans mais le coût était trop élevé. De plus, ces sites sont souvent partagés avec d’autres entreprises, ce qui pose des problèmes de confidentialité.

Un intervenant

Vous avez évoqué un retard important en France par rapport à d'autres pays. Avez-vous mesuré ce retard pour l’assurance et l’assistance ? Existe-il des incitations fiscales dans d'autres pays ?

Paris, le 14 février 2013

Page 14: Compte rendu seminaire-innovation-14-02-2013 (7)

14

Séminaire Innovations du Centre des Hautes d’Etudes d’Assurances

Nathalie CIORNEI

En Suède, les entreprises sont incitées à proposer le télétravail et installer des ordinateurs chez les salariés. Si l’on définit un télétravailleur comme un salarié effectuant au moins une journée hors du site par semaine, la France est en retard par rapport aux pays scandinaves et anglo-saxons. Elle compte 12,4 % de télétravailleurs alors que ce chiffre passe à 20 % dans les pays scandinaves. Je ne dispose pas de chiffres spécifiques sur l’assurance mais ce secteur ne semble pas en pointe sur le sujet.

Un intervenant

Avez-vous pu établir des comparaisons avec vos filiales à l’étranger ?

Dominique BOST

Nos filiales en Espagne et en Italie utilisent déjà le télétravail, où cette solution fonctionne bien. Toutefois, ce mode de travail reste peu développé dans nos filiales étrangères.

Yann GIMMIG

La fonction publique dispose de nombreux centres d’appel mais le télétravail reste totalement bloqué car les open spaces sont utilisés pour mieux régner sur les agents publics Dans le privé, l'intérêt du salarié prime et le télétravail deviendra incontournable. Dans le secteur public, c'est plus complexe alors que de nombreuses activités s'y prêteraient parfaitement.

Document rédigé par la société Ubiqus – Tél : 01.44.14.15.16 – www.ubiqus.fr – [email protected]

Paris, le 14 février 2013