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Discours de François Hollande devant le groupe socialiste du Parlement européen

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Page 1: Discours de François Hollande devant le groupe socialiste du Parlement européen

Monsieur le Président, Cher Martin,

Je viens devant vous comme candidat socialiste à l’élection présidentielle de Mai 2012.

L’Europe, notre Europe traverse une crise d’une exceptionnelle gravité, la plus grave qu’elle ait connue au cours des 50 dernières années parce qu’elle menace un de ses acquis les plus importants, l’euro, et au-delà de l’euro le projet européen.

Cette crise est financière, les dettes souveraines de la plupart des États membres sont devenues vulnérables et la spéculation, depuis le déclenchement de la faillite grecque, il y a 20 mois n’est pas maîtrisée.

Cette crise est économique. La croissance s’est ralentie. Et l’addition des plans d’austérité conduit la zone euro au bord de la récession.

Enfin elle est politique : la solidarité entre les européens a été mise à l’épreuve faute d’une gouvernance efficace de la zone euro, de la faiblesse des instruments, comme le Fonds de Stabilité Financière et du retard pour les mettre en œuvre. La confiance de nos concitoyens dans l’Europe a encore reculé.

Face à cette crise nous avons, nous les socialistes, une responsabilité.

Nous devons montrer que la Politique peut être plus forte que les marchés, que l’union est préférable au retour aux solutions nationales et que les socialistes sont mieux placés pour régler une crise que les conservateurs ont créée et qu’ils n’ont pas été capables, de sommet en sommet, de maîtriser.

L’enjeu est de savoir si l’Europe est condamnée à l’austérité, au sauve-qui-peut et à la dilution ou si elle peut retrouver un projet susceptible de donner confiance. Aux citoyens comme aux marchés.

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C’est pourquoi je propose un pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance.

Nous devons être responsables. J’ai pris, dans ma campagne, des engagements clairs pour restaurer la crédibilité de la politique économique de la France, qui affaiblie ne parvient plus à faire entendre une voix forte en Europe.

Je proposerai dès mon élection une programmation de nos finances publiques fondée sur des prévisions incontestables. J’ai annoncé le chemin qui sera le nôtre : un déficit de 3% du PIB en 2013, un retour à l’équilibre en 2017 pour réduire le poids de la dette. Je le ferai sans brutalité de manière à ne pas casser un peu plus la croissance et dans la justice par une réforme fiscale.

Mais l’ajustement budgétaire en France comme partout en Europe ne suffira pas. Il peut même aboutir à augmenter le chômage et à plonger nos pays dans la récession.

D’où la nécessité d’améliorer la gouvernance de l’Europe et de proposer une solution équilibrée et globale. Les gouvernements conservateurs n’ont que trop attendu. Chaque fois qu’ils tergiversent ils laissent la zone euro s’enfoncer davantage. C’est irresponsable. L’Europe doit affirmer un plan cohérent de sortie de la crise et de lutte contre la spéculation ; je propose 4 avancées :

1) Le Fonds Européen de Stabilité Financière doit être considérablement renforcé pour dissuader toutes les attaques injustifiées des marchés. L’accord du mois d’octobre n’a été d’aucune portée.

2) La mutualisation partielle des dettes nouvelles par la mise en place des euro-obligations. Je déplore que cette idée forte aujourd’hui reprise par la commission européenne ait été écartée par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel au mois d’août. Nous devons les porter ensemble et avec d’autres.

3) La BCE doit être pleinement, comme toutes les autres banques centrales du monde, un prêteur en dernier ressort. C’est là la question essentielle. Nous avons besoin d’une BCE active attachée à la stabilité mais aussi au service de l’économie réelle.

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4) La taxe sur les transactions financières doit être introduite rapidement dans un double souci de dissuasion et de redressement. C’est aussi une question de morale par rapport à ceux qui travaillent et voient les détenteurs du capital s’enrichir sans limite, creusant des inégalités encore jamais vues sur notre continent.

Initiative de croissance

Nous devrons dans le même temps créer les conditions de la croissance. Notre continent n’est pas condamné au déclin. L’Union européenne, et le Parlement européen en son sein, ont tout leur rôle à jouer en la matière. Nous devons notamment ouvrir de nouveaux espaces de développement en soutenant la transition écologique de nos économies. La politique commune des transports, la politique énergétique, la politique agricole, la politique de l’environnement devront inciter les États membres, les accompagner vers cette conversion porteuse des emplois de demain. Des instruments de financement sont nécessaires pour dynamiser nos économies. Et je souhaite que, grâce à vous, les prochaines perspectives financières de l’Union en portent la trace.

Le pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance que je propose n’est pas un carcan, il n’impose pas que l’on place en catimini l’euro sous tutelle des juges ou sous l’éteignoir de l’austérité pour l’éternité. Comment admettre que l’on mette en place des contrôles a priori sur nos politiques budgétaires et fiscales nationales alors que rien n’est fait pour que nous sortions structurellement de la crise. Je le redis : nous avons des engagements à prendre, en matière de lutte contre les déficits. Et nous devons être mieux organisés face à la spéculation.

Mais nous n’avons pas besoin d’une révision des traités pour cela, et surtout pas d’une révision des traités qui condamnerait les États à l’austérité par des mécanismes judiciaires.

Il en va de la démocratie

Démocratie en Europe : que deviennent les institutions communautaires (Parlement européen) si l’intergouvernemental prend toute la place et si un directoire s’installe, que deviennent les parlements nationaux s’ils s’ont dépourvus de toute initiative budgétaire et fiscale, que deviennent les peuples s’ils sont privés du moyen d’influer sur la construction européenne sauf à dire « non » quand ils sont consultés.

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Démocratie, c’est aussi une Europe protectrice. Les travailleurs de notre continent doivent être protégés des dérives de la mondialisation. Le juste échange doit inspirer l’évolution de notre politique commerciale commune, avec un effort pour relever le niveau de notre compétitivité par la recherche et l’éducation, mettre un terme à la désindustrialisation de l’Europe.

Je veux vous remercier et vous inviter à prendre toute votre part dans la réflexion qui s’ouvre sur le renforcement du contrôle démocratique en Europe.

Je mesure ma responsabilité, les élections françaises arrivent dans un moment décisif pour l’Europe et alors que les conservateurs sont dominants. J’aurai besoin de votre soutien tout au long de ces prochains mois. Et surtout après la victoire !