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Interview pépy Le monde 26/03/2011

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Page 1: Interview pépy Le monde 26/03/2011

L es élections professionnellesdu jeudi 24 mars à la SNCFmarquent sans doute l’amor-

ce d’un changement de culturedans l’univers cheminot, jusqu’àprésent dominé par le syndicalis-me de contestation. Vendredimatin 25 mars, les résultats de cescrutin, qui a permis de désignerles représentants aux comitésd’établissements et les déléguésdu personnel, traduisent un reculde la CGT et de SUD-Rail au profitdes organisations dites «réformis-tes », l’UNSA et la CFDT. En fran-chissant le seuil des 30 % au total,les deux organisations pourrontsigner des accords. Et le dialoguesocial à la SNCF s’organisera désor-mais autour de deux pôles, l’unradical, l’autre plus favorable à lanégociation. Quant aux autresorganisations (FO, CFE-CGC etCFTC),ellesdisparaissent pratique-ment du paysage syndical.

Spirale du déclinAprès avoir manqué de très peu

(0,3 point) la barre des 30 % en2009, le tandem UNSA-CFDT tota-lise 35 % des voix, soit un bond de5,6points, dont 3,4 % pour la seuleUNSA. « Le paysage a changé. Lescheminots ont choisi de conforterles organisations adeptes de lanégociation afin de faire contre-poids à celles qui, jusqu’alors, n’ont

pas permis de faire avancer les cho-ses », assurait, vendredi matin,Roger Dillenseger, secrétaire géné-ral adjoint de l’UNSA.

Ce syndicat, héritier à la SNCFd’une organisation de cadres etd’agents de maîtrise, a consolidéson implantation dans ses pointsforts et gagné du terrain dans lesautres catégories. Quant à laCFDT, alliée à la Fgaac (agents deconduite), elle peut espérer sortirde la spirale du déclin dans laquel-

le elle était entraînée depuis prèsde dix ans.

La CGT est la grande perdantede ces élections. Bien que sa placede premier syndicat ne soit pasremise en cause, elle ne représenteplus que 37,3 % des voix. Les cégé-tistes, dont l’influence reculaitlégèrement à chaque scrutin (de0,8 point en 2009), perdent cettefois un peu plus de deux points.Sans doute faut-il voir dans cettecontre-performance la difficulté

de l’organisation de Bernard Thi-bault à se faire entendre parmi lesjeunes cheminots. Mais aussi, etpeut-être surtout, les conséquen-ces de l’échec de la grève de quinzejours lancée en avril 2010 sur desrevendications imprécises et sansque de réels résultats aient étéengrangés. La CGT, qui pesait 44 %desvoixen2004, aperdupratique-ment 10 points en sept ans.

Maigreconsolation,son concur-rent SUD-Rail (17,3 % soit un reculde 0,2 point) fait du surplace –contrairement au précédent scru-tin – et semble souffrir tout autantde la perte d’audience du syndica-lisme de contestation. L’ensembledes syndicats de cheminots peu-vent en tout cas se féliciter duniveau de participation. Celui-ciest non seulement élevé (73,8 %)mais en hausse.

Dialogue socialCette nouvelle donne ouvre lar-

gement le dialogue social. Majori-taires, avec quelque 55 % des voix,CGTet SUD-Rail peuvent solidaire-ment s’opposer à un accord conclucontre leur gré, mais ils ne pour-ront plus bloquer les négociations.Disposant désormais d’interlocu-teurs en capacité de conclure descompromis, la direction de laSNCFpeutespérer faire vivre lecre-do selon lequel on obtient plus par

la négociation que par la grèvealors que, depuis 2009, aucunaccord de grande enverguren’avait pu être conclu. L’absence,depuis un an, de grands conflitsfondés sur des revendicationsinternes à l’entreprise la confortedans cette approche.

Au menu des prochaines négo-ciations figurent la conclusiond’un éventuel accord salarial –aucun compromis n’avait pu êtretrouvé en 2010 – ainsi que des dis-cussions sur la gestion prévision-nelle de l’emploi, ou encore surl’emploi des handicapés.

Surleplan social, lagrande affai-

re des trois prochaines années serala définition de nouvelles règlesdu jeu, en matière de durée et deconditions de travail pour l’essen-tiel,qui permettront àla SNCF d’af-fronter la concurrence.

Pour faire face à l’arrivée decompagnies privées dans le sec-teur des trains régionaux dès 2013,la SNCF cherche à négocier uneconventioncollective quienglobe-rait l’ensemble des entreprises fer-roviaires. Un objectif qui lui impo-se de trouver d’abord un terraind’entente avec ses propres syndi-cats. p

J.-M. N.

GuillaumePepy:«AvecnotresystèmeRFF-SNCF,lechemindeferfrançaisvadanslemur»Entretien

Guillaume Pepy, vous êtes prési-dent de la SNCF. Comment expli-quez-vous la dégradation de larégularité des trains?

Le réseau ferroviaire s’estdégradé et n’est plus aujourd’huien situation de supporter correc-tement le développement du tra-fic. Réseau ferré de France [RFF,propriétaire et gestionnaire desinfrastructures] engage des tra-vaux – et c’est tant mieux ! – maisdans l’immédiat, ils allongent lesparcours ou génèrent des retards.

Se pose également le problèmedes actes de malveillance, desvols de câbles, des suicides quiperturbent lourdement l’exploita-tion. Nous avons aussi notre pro-pre responsabilité pour rendreplus souple le fonctionnement del’entreprise et accélérer le renou-vellement des trains. Nos voya-geurs sont devenus plus exi-geants et se comportent de plusen plus comme des consomma-teurs : c’est un bien.

Je suis frappé par le fait qu’il y aencore quinze ans, les mots d’or-dre étaient « fermez les petiteslignes » ou « enlevez les rails descentres-villes». Le débat sur lesgrandes pénétrantes autoroutiè-res dans les villes était encore viva-ce. Avec les crises énergétique etfinancière, le train retrouve unepertinence mais les décisionsn’ont pas toujours suivi à temps.Personne, y compris à la SNCF,n’avait anticipé un tel retour engrâce du train.Quel bilan tirez-vous de la disso-ciation, en 1997, entre le gestion-naire de l’infrastructure ferro-viaire et le transporteur?

Nous allons vers une impassefinancière. Notre système RFF-SNCF n’a pas d’avenir. Ce modèlen’optimise pas la dépense collecti-ve. J’ai tiré le signal d’alarme. Ilconduit chaque acteur à agir demanière égoïste. RFF cherche desressources en augmentant les péa-ges de la grande vitesse. Aux bor-nes de RFF, c’est cohérent, maisaux bornes du système, c’est

absurde car cela veut dire que leréseau grande vitesse, sans cesseétendu, sera proportionnelle-ment de moins en moins utilisé.Les voyageurs se détourneraientalors du train pour revenir à lavoiture. C’est une vision malthu-sienne.

Si la SNCF devait consacrer unepart excessive de ses moyens auxpéages, elle serait conduite à rédui-re les dessertes et ne commande-rait plus de nouveaux TGV. Auxbornes de la SNCF, c’est rationnel.Aux bornes du système, cela affai-blirait dramatiquement l’indus-trie ferroviaire. A raisonner ainsi,chacun pour soi, le chemin de ferfrançais va dans le mur.

Le moment est venu de faireun vrai bilan de la réforme de1997 qui mérite des ajustements.La Commission européenne, qui a

poussé à cette dissociation auniveau de l’Union, le constate aus-si. Si la France a le courage deregarder les choses en face, on vapeut-être pouvoir inventer lefutur de façon cohérente, enaccord avec l’Europe.Que vous répondent justementles responsables politiques?

Ils sont aujourd’hui réceptifs àce message. Ils disent : « Oui, on enest conscients. » Mais ils n’ont pasencore trouvé la solution. Tra-vaillons ensemble !Quel serait le bon modèle?

Les Français sont allés très loindans la séparation de l’infrastruc-ture et du transport. Le duo RFF-SNCF n’a pas créé les conditionsd’un pôle français fort et d’uneoptimisation de la dépense publi-que. Les Allemands, eux, ontconservé leur caractère intégré. Ils

ont gardé une holding commune.Regardons toutes les solutions.Nos voisins ont surtout réglé denombreux problèmes : désendet-tement total, prise en charge dusurcoût lié au statut des chemi-nots par le biais d’une caisse spéci-fique, large financement publicpar les Länder.

Les surplus dégagés en Allema-gne par la Deutsche Bahn finan-cent par exemple les acquisitionsen Grande-Bretagne. Ce succèsleur permet désormais de conqué-rir des marchés en Europe. Deplus en plus se profile le scénariod’une Europe du ferroviaire domi-née par l’Allemagne. Où est la pla-ce de la France ?Le transport ferroviaire peut-ilêtre rentable?

Le système ferroviaire nes’autofinance dans aucun pays.

C’est comme si on disait que lesroutes vont être financées par lesautomobilistes. Hors autoroutes,le réseau est largement payé parla collectivité. Croire que le contri-buable va se désengager, et que levoyageur ou le chargeur vontassurer seuls le coût, n’aboutiraitqu’à creuser les pertes. Trop ponc-tionné, le client reviendrait alors àla route. L’infrastructure seraitétendue mais de moins en moinsutilisée. Un non-sens !

La création de transports collec-tifs n’est pas rentable, du moinstant que les coûts externes (acci-dents, temps perdu dans lesembouteillages, pollution…) nesont pas mesurés et intégrés. Ilmanque de l’ordre de 1 milliardd’euros par an dans le finance-ment du ferroviaire. Il faut avoirle courage de développer une res-source propre au transport dura-ble, assise sur des coûts externes :taxe carbone, taxe à l’essieu, euro-vignettes, péage urbain ou autre.Il faut développer une fiscalitéécologique qui profite aux systè-mes de transport vertueux.Que pensez-vous des nouveauxprojets de lignes à grande vites-se prévus par le Grenelle de l’en-vironnement?

Le TGV est une fierté française.C’est très ambitieux de construirequatre lignes en même tempsquand, jusque-là, on les construi-sait une par une. Ce faisant, le ris-que est de faire exploser les péa-ges demandés par RFF ou les

concessionnaires. Sur la nouvelleligne Tours-Bordeaux, les péagesprévus, assez dissuasifs, ne per-mettraient pas de faire circulerdavantage de trains pour rentabili-ser la ligne. On risque d’avoir untrafic supplémentaire bien plusfaible qu’espéré.La SNCF n’a-t-elle paselle-même succombé autout-TGV dans le passé?

Le risque est de se retrouveravec des lignes à grande vitesse deplus en plus longues et de moinsen moins utilisées. La construc-tion d’un réseau de LGV en Fran-ce, c’est l’affaire d’une génération,pas de quelques années. Enfin, lefinancement des lignes à grandevitesse ne peut se faire au détri-ment de celui du réseau existant.

Ma priorité – et celle fixée parle chef de l’Etat dans ma lettre demission –, ce sont les trains duquotidien. La SNCF sait ce qu’elledoit au TGV, qui est aujourd’hui latroisième activité après nos trainsdu quotidien et la logistique demarchandises. Je suis un militantconvaincu du réseau classique.

D’autant que certaines lignesde banlieue sont aussi dans uneimpasse. Il est irrationnel, parexemple, d’installer des entrepri-ses le long des lignes de RERaujourd’hui saturées. Cela nepeut que générer une médiocrequalité de service. p

Propos recueillis par

Benoît Hopquin

et Jean-Michel Normand

EnhausseL’orL’once a atteint 1 447,82 dollars, un nouveauniveau historique, jeudi 24 mars, en raisondes tensions persistantes dans le monde arabeet de la crise de la dette souveraine au Portugal.

EnbaisseLes ventesde vinLes ventes de vin français dans la grande distri-bution ont diminué en volume (– 1,2 %) mais aug-menté en valeur (+ 1,2 %) en 2010, selon les chif-fres publiés, jeudi 24 mars, par FranceAgrimer.

La CGT a perdu des voix lors desélections professionnelles organi-sées en novembre et en décem-bre2010 dans plusieurs entrepri-ses publiques.

RATP. Le syndicat SUD réaliseune percée spectaculaire en obte-nant 14,09% des voix, contre6,71% au précédent scrutin dedécembre2006. Cette progres-sion s’effectue au détriment de laCGT (33,9% des suffrages, soit3points de moins qu’en 2006),mais celle-ci reste néanmoins lapremière organisation de la régie,l’UNSA arrivant en deuxième posi-tion (25,73%). Avec 10 % desvoix chacune, la CFDT et FOconservent de justesse leur sta-tut de syndicat représentatif.

EDF. C’est la CFE-CGC qui réalisela plus forte poussée (18,02%,contre 14,33% en 2007). LaCFDT améliore son score de1point, à 21,44%. En revanche, laCGT recule nettement(–4,5points), tout en se mainte-nant largement en tête (41,97%).Les positions de FO s’effritentlégèrement (12,46% contre13,38% en 2007).

ErDF. Malgré 3,83 % de moinsqu’en 2007, la CGT reste hégémo-nique (56,41% des voix) au seinde la filiale distribution d’EDF. LaCFDT conserve sa deuxième posi-tion avec + 1,4point par rapport à2007 (16,53%). FO est stable etla CFE-CGC passe au dessus des10%.

Ala SNCF, la CGT cèdedu terrain aux«réformistes»UNSA et CFDT ont totalisé 35% des voix aux élections du jeudi 24mars. En s’alliant, elles pourront signer des accords

Les cours du jour ( 25/03/11 , 09 h 43 )

Economie

Le syndicat de Bernard Thibault recule aussi ailleurs

UNSA18,05

SUD-RAIL17,67

CFDT11,59FO

7,99CFTC5,4

CGT UNSA21,48

SUD-RAIL17,40

CFDT13,79FO

8,52CFTC1,05

CGC0,44

CGT

L’UNSA grignote encore des voixÉLECTIONS AU COMITÉ D’ÉTABLISSEMENTDE LA SNCF, en %

SOURCE : SNCF

a 26 mars 2009 a 24 mars 2011

39,30 % 37,32 %

Le patron de la SNCF (à d.) avec Hubert du Mesnil, président de Réseau ferré de France (RFF),qui gère les infrastructures. Les deux activités sont séparées depuis 1997. DANIEL JOUBERT/CIT’IMAGES

Euro 1euro : 1,4128 dollar(achat)Or Onced’or : 1447,00 dollarsPétrole Light sweetcrude : 105,40 dollarsTauxd’intérêt France : 3,528 (àdix ans)Tauxd’intérêt Etats-Unis : 3,280 (à dix ans)

150123Samedi 26 mars 2011