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1 MEDEF – 16 octobre 2014 Position du MEDEF sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte Le projet de loi est satisfaisant sur plusieurs points : - L’enjeu de compétitivité (« prix de l’énergie compétitif et attractif ») et de lutte contre les distorsions de concurrence (« fuites de carbone ») a enfin été retenu parmi les objectifs. Des mesures concrètes ont été introduites en matière d’effacement et de tarif de transport. - Le texte se veut pragmatique avec l’introduction d’un nouvel outil de programmation des investissements et un examen périodique de l’atteinte des objectifs en fonction de la conjoncture. - La mobilisation est étendue à l’ensemble des filières industrielles, bien audelà des seules filières de la croissance verte. C’est bien l’économie dans son ensemble qu’il faut verdir plutôt que d’opposer les activités. - La définition d’une stratégie bas carbone qui s’appuie sur l’avance de la France est de bon augure dans la perspective du Conseil européen des 23 et 24 octobre qui doit sceller un accord sur le Paquet énergieclimat 2030, et dans la préparation d’un accord climatique ambitieux lors de 21 ème Conférence des Parties qui se tiendra à ParisLe Bourget fin 2015. - L’accélération de l’effort de rénovation dans le bâtiment, la reconnaissance de la complémentarité entre les actions d’efficacité énergétique active et passive et la définition d’une feuille de route à long terme de la rénovation à 2050 sont à même d’envoyer un signal positif. - La refonte des modalités de financement des énergies renouvelables doit permettre d’améliorer leur rapport coûtefficacité avec le passage progressif à une logique de marché, un pilotage des coûts et une simplification des procédures. Ces avancées ne sont toutefois pas suffisantes et le projet de loi suscite de vives inquiétudes de la part des entreprises : La multiplicité des objectifs chiffrés (CO2, consommation d’énergie, d’énergies fossiles, énergies renouvelables, part du nucléaire…) et des horizons de temps (2020, 2025, 2030, 2050) nuit à leur cohérence et à leur faisabilité. Le remplacement de l’objectif de baisse de l’intensité énergétique (couplé à la croissance économique) par un nouvel objectif de baisse de la consommation (20 % en 2030) est source de confusion. Une hiérarchisation s’impose avec un objectif central de réduction des émissions de CO2 accompagné d’outils de lutte contre les fuites de carbone et conditionné à la teneur de l’accord de 2015. La politique énergétique et climatique de la France doit prendre en compte les orientations retenues au plan européen et international. Agir seuls sans égard pour ce qui se passe audelà de nos frontières serait contreproductif.

Position du Medef sur le projet de loi transition énergétique 16/10/14

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Projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte : ce texte permettra-t-il à la France de tirer parti de ses atouts ? Les entreprises sont des acteurs essentiels de la transition énergétique. A condition de respecter une trajectoire de compétitivité, cette transition peut devenir une chance à saisir pour favoriser les économies d'énergie, diversifier le mix énergétique, développer les énergies renouvelables avec le meilleur rapport coût-efficacité et contribuer à une stratégie au service de la croissance et de l'emploi. Notre pays a des atouts à faire valoir au niveau européen et international avec un tissu riche de nombreuses entreprises et filières d'excellence et une position de pointe dans la lutte contre le changement climatique. Le projet de loi adopté le 14 octobre par l'Assemblée nationale comporte un certain nombre d'améliorations : reconnaissance de l'existence de distorsions de concurrence liées aux objectifs climatiques, complémentarité entre les actions d'efficacité énergétique active et passive, refonte des modalités de financement des énergies renouvelables, ... Toutefois, dans sa rédaction actuelle, ce texte ne permet pas de valoriser pleinement les atouts de la France pour réussir la transition énergétique et fait peser des risques majeurs sur sa compétitivité. La multiplicité des objectifs chiffrés (CO2, consommation d'énergie, d'énergies fossiles, énergies renouvelables, part du nucléaire...) et des horizons de temps (2020, 2025, 2030, 2050) remet en cause leur cohérence et leur faisabilité. De plus, ces objectifs doivent être proportionnés aux engagements des autres pays, de manière à garantir concrètement des conditions de concurrence équitables. Le projet ne précise pas les moyens envisagés pour assurer un financement soutenable des objectifs. L'absence de la compétitivité dans les objectifs chiffrés pose la question de l'impact du projet sur l'économie de la France et la santé de notre industrie. Il est indispensable d'intégrer un véritable outil de pilotage économique à la future programmation pluriannuelle de l'énergie qui devra s'appuyer sur des scénarios robustes. Le glissement progressif d'un projet de loi de programmation consacré à la politique énergétique à un projet de loi centré autour de la croissance verte pose un problème de cohérence de l'ensemble des objectifs. Les entreprises sont convaincues et engagées dans l'économie circulaire, ne remettons pas en cause cette dynamique. L'introduction de multiples amendements sur ce thème, sans concertation ni étude d'impact économique, environnemental et social, est surprenante et contestable : c'est le cas par exemple de l'interdiction de certains produits, des nouvelles obligations pour les filières REP, des dispositions sur l'obsolescence programmée. Ces dispositions doivent être retirées pour donner la priorité aux démarches volontair

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1 MEDEF – 16 octobre 2014 

Position  du  MEDEF  sur  le  projet  de  loi  relatif  à  la  transition énergétique pour la croissance verte  Le projet de loi est satisfaisant sur plusieurs points :  

- L’enjeu  de  compétitivité  (« prix  de  l’énergie  compétitif  et  attractif »)  et  de  lutte contre les distorsions de concurrence (« fuites de carbone ») a enfin été retenu parmi les objectifs. Des mesures concrètes ont été  introduites en matière d’effacement et de tarif de transport.   

- Le texte se veut pragmatique avec l’introduction d’un nouvel outil de programmation des  investissements et un examen périodique de  l’atteinte des objectifs en fonction de la conjoncture.   

- La mobilisation est étendue à  l’ensemble des filières  industrielles, bien au‐delà des seules  filières de  la croissance verte. C’est bien  l’économie dans son ensemble qu’il faut verdir plutôt que d’opposer les activités.   

- La définition d’une stratégie bas carbone qui s’appuie sur  l’avance de  la France est de bon augure dans la perspective du Conseil européen des 23 et 24 octobre qui doit sceller  un  accord  sur  le  Paquet  énergie‐climat  2030,  et  dans  la  préparation  d’un accord  climatique  ambitieux  lors de  21ème Conférence des Parties qui  se  tiendra  à Paris‐Le Bourget fin 2015.  

- L’accélération  de  l’effort  de  rénovation  dans  le  bâtiment,  la  reconnaissance  de  la complémentarité entre  les actions d’efficacité énergétique active et passive et  la définition d’une feuille de route à  long terme de  la rénovation à 2050 sont à même d’envoyer un signal positif.  

- La refonte des modalités de financement des énergies renouvelables doit permettre d’améliorer  leur  rapport coût‐efficacité avec  le passage progressif à une  logique de marché, un pilotage des coûts et une simplification des procédures.  

Ces  avancées  ne  sont  toutefois  pas  suffisantes  et  le  projet  de  loi  suscite  de  vives inquiétudes de la part des entreprises : 

 ‐ La  multiplicité  des  objectifs chiffrés  (CO2,  consommation  d’énergie,  d’énergies 

fossiles, énergies renouvelables, part du nucléaire…) et des horizons de temps (2020, 2025,  2030,  2050) nuit  à  leur  cohérence  et  à  leur  faisabilité.  Le  remplacement de l’objectif de baisse de l’intensité énergétique (couplé à la croissance économique) par un  nouvel  objectif  de  baisse  de  la  consommation  (‐20 %  en  2030)  est  source  de confusion. Une hiérarchisation  s’impose  avec un objectif  central de  réduction des émissions  de  CO2 accompagné  d’outils  de  lutte  contre  les  fuites  de  carbone  et conditionné à  la teneur de  l’accord de 2015.   La politique énergétique et climatique de  la France doit prendre en compte  les orientations retenues au plan européen et international. Agir  seuls  sans égard pour  ce qui  se passe au‐delà de nos  frontières serait contreproductif. 

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 ‐ Une  transition  réussie  s’inscrit  nécessairement  dans  la  durée.  Il  ne  faut  pas 

surestimer  la  capacité de notre pays à absorber une évolution aussi  rapide de  son mix énergétique.  

‐ L’absence de la compétitivité dans les objectifs chiffrés pose la question de l’impact du  projet  sur  l’économie  de  la  France  et  la  santé  de  notre  industrie.  Il  est indispensable  d’intégrer  un  véritable  outil  de  pilotage  économique  à  la  future programmation  pluriannuelle  de  l’énergie  qui  devra  s’appuyer  sur  des  scénarios robustes.  L’objectif  est  double :  choisir  les mesures  les  plus  efficaces  au moindre coût, estimer leur impact pour l’économie française.  

- Le  projet  de  loi  prévoit  un  objectif  de  réduction  des  émissions  de  CO2  pour  les entreprises de la distribution et les aéroports (‐10 % en 2020 et ‐20 % en 2025).  Ces mesures discriminatoires n’ont  fait  l’objet d’aucune  concertation  avec  les  secteurs concernés. De plus, ils  ne pourraient pas être mis en œuvre car les entreprises visées ne maîtrisent pas  les émissions de  l’ensemble de  la chaîne  logistique.  Il convient de s’appuyer  sur  les  nombreuses  dispositions  existantes  :  bilans  d’émissions  de  GES, affichage des émissions de CO2 des prestations de transport, caractère incitatif de la majoration de la TICPE, etc.  

‐ Le glissement progressif d’un projet de loi de programmation consacré à la politique énergétique à un projet de loi centré autour de la croissance verte pose un problème de cohérence sur l’ensemble des objectifs.   

‐ Les  entreprises  sont  les  acteurs  clés  de  l’économie  circulaire  et  sont  prêtes  à s’engager pour développer des solutions pratiques et opérationnelles. Des initiatives sont actuellement en discussion. Dans ce contexte,  l’introduction sans concertation ni  étude  d’impact  économique  et  social  de  nombreuses  mesures  relatives  à l’économie  circulaire  est  surprenante  et  contestable  :  c’est  le  cas  par  exemple  de l’interdiction de certains produits, des nouvelles obligations pour  les filières REP, de l’affichage  des  coûts  environnementaux,  sociaux  et  économiques  des  produits,  de l’interdiction  d’ustensiles  jetables  de  cuisine,  …)  .  De  même,  les  dispositions introduites  sur  l’obsolescence  programmée  viennent  court‐circuiter  les  travaux lancées  en  application  de  la  loi  sur  la  consommation  de mars  2014.  Ces mesures doivent être retirées du projet de loi afin de reprendre les discussions en cours avec l’ensemble  des  secteurs  professionnels  intéressés  pour  évaluer  leurs  impacts économiques, environnementaux et sociaux.   

‐ Alors  que  les  conclusions  de  la  conférence  bancaire  et  financière  de  la  transition énergétique ne sont pas connues, le projet de loi ne précise pas les moyens envisagés pour assurer un financement soutenable des mesures et des objectifs qu’il contient en matière de  transition énergétique et d’économie circulaire. La hausse des  taxes intérieures  sur  la  consommation de produits énergétiques ne  saurait en aucun  cas constituer un objectif de  la politique énergétique. L’introduction d’une composante environnementale accrue dans la fiscalité existante mérite d’être étudiée, à condition d’aboutir à un effet doublement vertueux : baisse des émissions de CO2 et baisse du 

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coût du travail. Une telle évolution doit donc être replacée dans le cadre plus général d’une baisse des prélèvements qui pèsent sur les entreprises.   

‐ La  loi doit  fixer des objectifs et  les acteurs économiques développent  les  solutions présentant  le meilleur  rapport  coût‐efficacité  pour  les  atteindre.  Or  ce  texte  est marqué par une approche technologiquement prescriptive : matériaux bio‐sourcés, véhicules  propres,  ustensiles  de  cuisine…  Imposer  un  type  de  matériau  ou  une solution spécifique risque de faire passer à côté des bénéfices de l’innovation.  

‐ Le pilotage de la transition énergétique, la mesure de ses conséquences industrielles et  le  choix  des  axes  technologiques  à  privilégier  doivent  faire  largement  appel  à l’expertise des entreprises, et la loi doit leur faire toute la place qui leur revient dans les procédures de consultation qu’elle prévoit de mettre en place.  

‐ Plusieurs dispositions  sont  contraires  à  l’objectif  gouvernemental de  simplification des  obligations  des  entreprises  à  travers  les  seuils  sociaux  et  à  la  nécessité  de remédier  progressivement  à  l’hyper‐réglementation  pour  libérer  le  potentiel  de croissance  des  entreprises.  L’obligation  pour  les  établissements  de  plus  de  100 salariés  de  mettre  en  place  des    plans  de  déplacements  d’entreprises  est contradictoire avec  la mise en place de plans de mobilité   ou encore de seuils pour améliorer  la  qualité  de  l’air  (50  salariés)  alors  que  les  démarches  volontaires  en matière de PDE jouent déjà un rôle incitatif.  

 ‐ L’importance donnée à la recherche et développement doit se traduire par une levée 

de  l'interdiction  de  recherche  et  d'exploration  de  toutes  les  formes  d'énergie,  en particulier  les  ressources  énergétiques  non  conventionnelles.  Cela  permettra  de mettre en application  la dynamique d’innovation  tout en  respectant  le principe de précaution et le principe de liberté de la recherche.   

‐ La  dynamique  de  décentralisation  doit  être  encouragée  tout  en  respectant  le principe de  la solidarité nationale. Les  initiatives  locales ne doivent pas remettre en cause cette optimisation du système.