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3 4 2 1 90 Journal d’un créateur AVRIL 2004, j’échange quelques shillings tanza- niens contre une heure de connexion Internet. Antoine – mon ami de tou- jours – est branché en direct de Londres. On partage les dernières nouvelles de nos vies parallèles, lui en stage marketing chez IBM et moi en poste pour une petite ONG anglaise spécialisée dans l’éducation. On a 22 ans, ça fait déjà quelques années qu’on a laissé nos guitares sur les bancs du lycée mais on sent qu’une autre aventure tout aussi rock’n’roll nous attend! Des centaines de lignes s’entre- croisent malgré les milliers de kilomètres… L’idée du jour devient l’idée du siècle! Par Aurélien Seux, cofondateur de Double Sens Illustrations Ségolène Gosset octobre-novembre 2015/lentreprise.lexpress.fr CINQ MOIS PLUS TARD, nous voilà réunis au bar d’un casino en Bretagne. Ce job de nuit nous laisse la journée pour poser les premières pierres du grand chantier qui s’anime dans nos têtes. Il fait encore assez bon à cette saison pour un brainstorming dans le jardin. Au beau milieu d’une herbe fraîche, Antoine plante le trépied de notre paper- board aussi fièrement que s’il plantait le drapeau de l’OM sur la Lune. Les échanges seront au cœur de nos voyages, pour une expérience unique, en petit groupe, au plus proche de la culture locale. Un tourisme responsable et par- ticipatif. Découverte et solidarité réson- nent fort dans nos esprits, comme une évidence à “Double Sens”! C’est voté, notre agence de voyages solidaires por- tera ce nom jusqu’au bout du monde. Petit à petit notre projet prend forme dans l’hiver qui s’installe. Trop froid pour le kitesurf, les parties de fléchettes au bar de pêcheurs sont notre seule distraction. DÉCEMBRE 2005. Le site doublesens.fr est en ligne. Il présente un voyage, un seul : « Un séjour utile au cœur de l’Afrique noire ». Nos compatriotes ont l’esprit légèrement plus étriqué que nos voisins anglo-saxons (précurseurs du voyage solidaire) et savent à peine placer le Bénin sur une carte… mais on y croit! Etrangement (comme on le pense) ou évidemment (comme on devrait le penser), on guette notre télé- phone pendant toute une première journée, puis toute une semaine, sans autre surprise qu’un appel encourageant de ma grand-mère. Dans le doute, on décroche notre téléphone qui ne sonne pas et on contacte la presse à qui on présente notre initiative. Ça mord et la première colonne tombe en quatrième de couverture d’un grand quotidien français, dans la rubrique « Une idée pour agir ». C’est parti! Antoine s’accroche au combiné comme au micro de notre groupe de rock, il bichonne le moindre appel pendant que je prépare mon sac pour accueillir nos deux pre- miers voyageurs : Jean-Charles (qui n’est pas un vieil oncle) et Marie-France (qui n’est pas une ex). AVRIL 2005. On remplace la cible par une carte du monde et on s’envole en repérage pour trois mois au Bénin : coup de cœur, on a visé juste! Au retour, nous sommes attendus à Rennes devant 10 chefs d’entreprise du Réseau Entreprendre. Tout se joue là! 20 000 euros à la clef pour amorcer le projet. Qui d’autre miserait sur deux potes de 23 ans qui se lancent dans le tourisme, solidaire, en Afrique? Le comité doit valider le projet à l’unanimité pour débloquer les fonds, les questions fusent et notre complicité se charge de faire rebondir l’un ou l’autre du tac au tac. On a tout donné et on se dirige dans notre irish pub préféré pour débriefer ! Le temps de boire une première pinte et mon téléphone sonne, c’est Jaffrelot! Ce cher Gilbert sort de son rôle de président du comité et déroge à la règle en nous appelant directe- ment comme un bon père de famille : « Les gars, mis à part votre angélisme déroutant, a priori vous pouvez compter sur nous! » On commande une deuxième pinte pour fêter ça. Retrouvez la suite de l’histoire sur www.doublesens.fr 5 AVRIL 2006. Un petit panneau Double Sens se glisse dans le hall d’arrivée de l’aéroport de Cotonou où notre équipe locale attend impatiemment un précieux groupe de deux voyageurs! Antoine et Aurélien, potes… et associés. NEE0016_090_Journal d'un entrepreneur SR 03/09/15 15:58 Page90

Journal d'un créateur - Journal L'Express, Octobre 2015

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Journal d’un créateurAVRIL 2004, j’échangequelques shillings tanza-niens contre une heurede connexion Internet.Antoine – mon ami de tou-

jours – est branché en direct de Londres. Onpartage les dernières nouvelles de nos viesparallèles, lui en stage marketing chez IBMet moi en poste pour une petite ONG anglaisespécialisée dans l’éducation. On a 22 ans, çafait déjà quelques années qu’on a laissé nosguitares sur les bancs du lycée mais on sentqu’une autre aventure tout aussi rock’n’rollnous attend! Des centaines de lignes s’entre-croisent malgré les milliers de kilomètres…L’idée du jour devient l’idée du siècle !

Par Aurélien Seux, cofondateur de Double SensIllustrations Ségolène Gosset

octobre-novembre 2015/lentreprise.lexpress.fr

CINQ MOIS PLUS TARD, nous voilàréunis au bar d’un casino en Bretagne.Ce job de nuit nous laisse la journéepour poser les premières pierres dugrand chantier qui s’anime dans nostêtes. Il fait encore assez bon à cettesaison pour un brainstorming dans lejardin. Au beau milieu d’une herbe fraîche,Antoine plante le trépied de notre paper-board aussi fièrement que s’il plantaitle drapeau de l’OM sur la Lune. Leséchanges seront au cœur de nos voyages,pour une expérience unique, en petitgroupe, au plus proche de la culturelocale. Un tourisme responsable et par-ticipatif.Découverte et solidarité réson-

nent fort dans nos esprits,comme une évidence à“Double Sens”! C’estvoté, notre agence devoyages solidaires por-tera ce nom jusqu’au

bout du monde. Petit à petitnotre projet prend forme dans l’hiverqui s’installe. Trop froid pour le kitesurf,les parties de fléchettes au bar depêcheurs sont notre seule distraction.

DÉCEMBRE 2005. Le site doublesens.fr est en ligne. Il présenteun voyage, un seul : « Un séjour utile au cœur de l’Afriquenoire ». Nos compatriotes ont l’esprit légèrement plus étriquéque nos voisins anglo-saxons (précurseurs du voyage solidaire)et savent à peine placer le Bénin sur une carte… mais on y croit !

Etrangement (comme on le pense) ou évidemment(comme on devrait le penser), on guette notre télé-phone pendant toute une première journée, puistoute une semaine, sans autre surprise qu’unappel encourageant de ma grand-mère. Dans ledoute, on décroche notre téléphone qui ne sonnepas et on contacte la presse à qui on présentenotre initiative. Ça mord et la première colonnetombe en quatrième de couverture d’un grandquotidien français, dans la rubrique « Une idéepour agir ». C’est parti ! Antoine s’accroche aucombiné comme au micro de notre groupe derock, il bichonne le moindre appel pendant queje prépare mon sac pour accueillir nos deux pre-miers voyageurs : Jean-Charles (qui n’est pas unvieil oncle) et Marie-France (qui n’est pas une ex).

AVRIL 2005. On remplace la cible par une carte dumonde et on s’envole en repérage pour trois mois auBénin : coup de cœur, on a visé juste! Au retour, noussommes attendus à Rennes devant 10 chefs d’entreprisedu Réseau Entreprendre. Tout se joue là! 20 000 eurosà la clef pour amorcer le projet. Qui d’autre miseraitsur deux potes de 23 ans qui se lancent dans le tourisme,solidaire, en Afrique? Le comité doit valider le projetà l’unanimité pour débloquer les fonds, les questionsfusent et notre complicité se charge de faire rebondirl’un ou l’autre du tac au tac. On a tout donné et on se

dirige dans notre irish pub préférépour débriefer !Le temps de boire une première pinteet mon téléphone sonne, c’est Jaffrelot!Ce cher Gilbert sort de son rôle deprésident du comité et déroge à larègle en nous appelant directe-ment comme un bon père defamille : « Les gars, mis à partvotre angélisme déroutant, apriori vous pouvez compter surnous ! » On commande unedeuxième pinte pour fêter ça.

Retrouvez la suite de l’histoire sur www.doublesens.fr5AVRIL 2006. Un petit panneau Double Sens se glisse dans lehall d’arrivée de l’aéroport de Cotonou où notre équipe localeattend impatiemment un précieux groupe de deux voyageurs!

Antoine et Aurélien, potes…et associés.

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